Tableau de Anton Heinsl
J’ai
dormi. Une heure. Peut-être deux. Les fesses brûlantes. Repue du
plaisir que je venais de me donner. Qu’il m’avait regardée me
donner.
Au
réveil, il était là. Tout près. Il me souriait.
Il
s’est approché. Il m’a caressé la joue, du bout des doigts. Il
m’a prise dans ses yeux.
– Et
maintenant ?
– Maintenant ?
Tout
ce qu’il voulait maintenant. Tout. Absolument tout. Qu’il me
fouette ! Qu’il recommence ! S’il voulait… S’il
avait envie… Ou qu’il me prenne ! Que je sois dans ses
bras ! Que j’aie sa queue ! Que je sente son plaisir se
répandre en moi !
Il
s’est penché. Il m’a effleuré les lèvres. J’ai frissonné.
– Lève-toi !
Je
l’ai fait.
– Habille-toi !
Là.
Voilà.
– Viens !
– Où
ça ?
– Te
promener, les fesses ardentes, au milieu des gens. Te dire qu’ils
ne savent pas. Qu’ils sont à cent mille lieues de se douter… Ça
ne te tente pas ?
Si !
Bien sûr que si ! Souvent j’y avais pensé. Mais comment il
savait ?
Il a
souri. Il s’est contenté de sourire.
Et
on est sortis.
Il y
avait du monde. Beaucoup de monde. Des couples. Des jeunes en bandes.
Des femmes seules. Des hommes seuls.
Il
se penchait à mon oreille.
– Regarde-le,
celui-là ! Regarde-le !
Un
petit vieux à la mine austère, revêche.
– T’imagines
si on lui disait ? Il s’en remettrait pas, le pauvre ! On
pourrait, hein !
J’ai
gardé le silence.
– Tu
aurais honte ?
– Je
serais morte de honte.
– Il
faut qu’on le fasse alors ! Il faut absolument qu’on le
fasse. On va le faire.
Mais
comment il savait ? Comment il pouvait savoir ?
– Celui-là,
là-bas ? Oui, celui-là !
Mon
cœur s’accélérait. Mon souffle se faisait court. Mes paumes
devenaient moites.
Il
venait à notre rencontre. Il approchait. Il arrivait. Il était à
notre hauteur.
– Non,
finalement…
On
le laissait passer.
Et
il recommençait un peu plus loin.
Deux
fois. Cinq fois. Dix fois. Jusqu’à ce que…
– Monsieur !
Eh, monsieur !
C’était
un petit bonhomme rougeaud, court sur pattes, qui marchait à grands
pas, tête baissée. Il a levé sur nous un regard éberlué.
– On
voudrait votre avis. Ma copine, là, elle est très mal élevée.
C’est souvent que je suis obligé de lui donner la fessée. J’ai
raison, vous croyez ?
Il
s’est enfui à toutes jambes.
On a
ri. De bon cœur.
– Allez,
à ton tour !
– Je
pourrai jamais.
– Bien
sûr que si !
Il
proposait.
– Lui,
allez, lui ! Non ? Elle, alors ! Non plus ?
Mais
impossible de me décider. Je n’y arrivais pas. Je différais
toujours.
– Bon,
je vais t’aider.
Il a
arrêté deux jeunes, d’une vingtaine d’années, qui venaient à
notre rencontre.
– Elle
a quelque chose à vous dire, ma copine.
Leurs
regards sur moi. Leur attente.
J’ai
balbutié. Bredouillé.
– Je…
Il… C’est-à-dire que je…
J’ai
pris ma respiration, un grand coup, et je me suis bravement lancée.
– Il
m’a donné une fessée.
Ils
se sont esclaffés.
– Il
a bien fait.
– S’il
a besoin d’un coup de main, la prochaine fois, qu’il nous fasse
signe. Ce sera avec plaisir.
Et
ils se sont éloignés.
– Ben,
tu vois, c’était pas si difficile. Tu as aimé ?
– Un
peu.
– Seulement
un peu ?
Il
s’est arrêté. Je me suis arrêtée. Il m’a prise contre lui.
Nos
lèvres se sont jointes.
On
est rentrés.
On
n’a pas eu le temps d’arriver au lit. Ça a été là, dans
l’entrée, sur le tapis.
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