jeudi 28 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (4)

J’ai dû me rendre rapidement à l’évidence : la fessée de Marie-Clémence avait déclenché quelque chose en moi. D’étrange, d’inhabituel et d’inquiétant. J’étais en effet désormais régulièrement assaillie par des images de fessiers meurtris, de croupes se tortillant, impuissantes, sous les claquées. Je me suis d’abord rageusement débattue contre elles. Ça ne me ressemblait pas. Ce n’était pas moi, tout ça. Mais j’avais beau les repousser avec horreur, les chasser avec la dernière énergie, elles ne désarmaient pas. Elles ne s’en montraient, au contraire, que plus déterminées à m’habiter.

Je m’en suis ouverte à Philibert. Je me sentais d’autant plus en confiance avec lui que, sexuellement, il n’était pas le moins du monde attiré par les femmes. Je n’avais donc pas à redouter que ses réactions ne soient pétries d’arrière-pensées intéressées.
– Tu te rends compte, Phil ? De plus en plus souvent ça m’attrape. D’où ça peut venir ?
– Ben, de ce qu’il y a eu avec ta coloc, là. Ça te fait remonter plein de trucs d’avant.
– Mais quels trucs ?
– T’en as jamais reçu des fessées quand t’étais petite ?
– Jamais, non.
– T’en as jamais vu non plus ?
– Mais non ! Je me rappellerais, quand même !
– De films peut-être alors. Ou de livres. Qui t’ont marquée sans que tu t’en rendes compte.
– Je vois pas.
– Qu’est-ce ça peut faire n’importe comment d’où ça vient ? Ça n’a pas d’importance. Va pas te prendre le chou. D’autant que les fantasmes, ça n’a jamais fait de mal à personne. C’est une affaire entre toi et toi.

Il avait raison. Évidemment qu’il avait raison. Et j’ai cessé de résister. Avec un peu d’hésitation au début. Pas mal de réticences. Avant de m’abandonner. Complètement. Avec délectation. De me livrer à de véritables orgies de fessées, toutes plus voluptueuses les unes que les autres. Que je faisais moi-même tomber sur des derrières exclusivement féminins. Ce pouvait être partout. N’importe où. N’importe quand. Mais c’était surtout pendant les cours. Je me choisissais secrètement une patiente, une fille plutôt jolie, à l’apparence plutôt effacée, et je ne la quittais plus des yeux. Je la mettais en situation. Je me l’appropriais. Je lui inventais une histoire, une famille, un copain. Et un lourd secret que je découvrais par hasard. Qu’elle serait morte plutôt que de voir divulgué. Je jouais sur du velours : son petit cul, c’est d’elle-même qu’elle venait gentiment me l’offrir pour échapper à pire. Je ne la ménageais pas. Je lui tambourinais allègrement le derrière. Ah, il en coulerait de l’eau sous les ponts avant qu’elle puisse s’asseoir. Il m’en sourdait aussi, délicieusement chaude, entre les cuisses.
Je m’attardais aussi aux terrasses des cafés où je jetais mon dévolu sur un couple. Il me le fallait jeune. Elle, un peu tête à claques. Lui, beau gosse. C’était mon mec. Il devenait mon mec. Qu’elle essayait de me souffler, l’autre espèce de petite saloperie. En toute connaissance de cause. Je lui tombais dessus comme une furie. Mais c’est qu’elle me tenait tête, le pire ! Qu’elle avait deux airs. Alors là ! Non, mais alors là ! Elle s’en prenait une carabinée de fessée, le cul à l’air, devant tout le monde. Qu’est-ce qu’ils pouvaient rigoler les gens autour ! Ah, elle faisait moins la fière d’un seul coup ! Sûr qu’elle allait pas avoir envie d’y remettre le nez.

Dans mon univers fantasmatique, Marie-Clémence occupait une place à part. Privilégiée. À cause de ce qui s’était passé. De ce que j’avais entendu. À quoi je faisais, de temps à autre, indirectement allusion, d’un air faussement innocent.
– Elle vient plus ta copine ?
Elle rougissait, se troublait,baissait les yeux.
– Je sais pas. J’ai pas de nouvelles.
J’enfonçais le clou.
– Faudra bien que je fasse sa connaissance, un jour, quand même ! Et, ce jour-là, peut-être que…
Elle comprenait à demi-mot.
– Oh, non ! J’aurais bien trop honte.
– Ben, justement ! Raison de plus.
C’était une perspective qui me ravissait. J’y pensais. J’en rêvais. Le soir, dans mon lit, je réentendais ses cris, le bruit des claques qui s’abattaient sur son derrière. Je le revoyais tout rougi, le surlendemain, dans la salle de bains. Et je m’épuisais de plaisir.

lundi 25 septembre 2017

Le mariage de Léa (2)

Albert Ritzberger, 1898 Junge Frau am Sofa liegend


Elle est revenue le lendemain matin.
– Oui, il faut qu’on parle. Parce que tu peux pas me demander une chose pareille.
– La preuve que si !
– Non, mais tu te rends compte ?
– Parfaitement. Ah, c’est sûr que pour une fille comme toi qui trimballe partout ses grands airs supérieurs, qui proclame en permanence, haut et fort, qu’il n’y a que sa petite personne qui compte, que le reste de l’humanité est quantité méprisable, pas facile de devoir ravaler son orgueil pour venir gentiment offrir son petit postérieur dénudé à une bonne claquée. Mais c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de la chose. Pour l’exécutant d’abord. Moi, en l’occurrence. Et, accessoirement, pour l’exécutée. Ça lui remet quelque peu les neurones en place.
– C’est ignoble. Tu es ignoble.
– Tu penses ce que tu veux, mais tu te décides. On va pas tourner comme ça pendant des heures autour du pot.
– Tu le feras pas n’importe comment. Je suis sûre que tu lui diras rien à Paul.
– Tu verras bien.
– Il y aurait pas moyen ?
– De quoi donc ?
– Autre chose. À la place.
– C’est-à-dire ?
– Je sais pas, moi ! Une petite pipe, par exemple. je me défends pas mal là-dessus, à ce qui se dit.
– La fessée.
– Ou même… Je suis à toi, si tu veux. Hein ? Ça te dit pas ?
– Non. La fessée.
– Ce que tu peux être chiant quand tu t’y mets !
– Qu’est-ce tu fais ? Tu t’en vas ?
– Oui.
– Je peux mettre la machine en marche alors ?
– Non. Attends !
– Jusqu’à demain, mais pas plus.

Il était huit heures du soir, le lendemain. Bien sonnées.
– Ça y est ? T’es décidée ?
– S’il y a pas moyen de faire autrement.
– Il y a pas moyen, non.
– Bon, mais alors tu te dépêches. Qu’on en finisse.
– Ça, c’est à moi de voir. Et moi, j’aurais plutôt envie de faire durer au contraire. Bon, mais allez ! Tu te désapes. Et tout. T’enlèves tout.
Le pull. Rageusement.
– Oh, oui, mais doucement… Doucement… Qu’on en profite. On va être obligés de tout reprendre à zéro sinon.
Elle s’est contenue. Elle s’est contrainte. Le pantalon. Qu’elle a soigneusement plié et déposé sur la chaise.
– C’est déjà mieux.
Le sous-tif parme. En me tournant le dos. Elle l’a jeté sur la chaise derrière elle.
– Doucement… Doucement… On n’est pas pressés, j’t’ai dit. On a tout notre temps.
La petite culotte assortie. Toujours en me tournant le dos.
– T’as un très beau cul ! Ça va être un vrai régal que de le faire rougir. Allez, viens là maintenant !
Ce qu’elle a fait de mauvaise grâce, la lippe boudeuse.
– Oh, mais souris un peu !
Je l’ai gardée un long moment immobile devant moi. Le temps de me repaître tout à loisir de son adorable petite chatte rasée dont les replis rosés s’aventuraient audacieusement à l’extérieur.
– C’est pour moi que tu l’as mise complètement à nu comme ça ? C’est gentil.
Elle a haussé furieusement les épaules.
– Sûrement pas, non.
– Pour Paul alors ? Il aime ? Il apprécie ? Ça lui donne envie d’aller y mettre le nez ? Quoique… c’est pas le genre de type que t’imagines vraiment dans le rôle. Il trouve ça sale, je suis sûr. Ou inconvenant. Non ?
– Ça va durer longtemps ?
– Quand je pense que tu m’as carrément proposé la botte hier. S’il savait ça ! Non, tu la mérites, avoue, ta fessée ! Et pour plein de raisons. Dis-le que tu la mérites.
– Je la mérite.
– Ah, non, mieux que ça !
– Je la mérite. Là. Voilà. Tu es content ?
– On va dire que oui. Même si c’est pas vraiment ça qu’est ça.
Et je l’ai fait basculer sur mes genoux. Lui ai délicatement effleuré les fesses, du bout des doigts.
– Décidément, je les adore. Elles valent vraiment le coup d’œil. Si, c’est vrai, hein ! Normal qu’elles les fassent craquer, les mecs. Un cul pareil, c’est souvent qu’ils doivent vouloir y venir dedans, non ? Non ? Tu veux pas le dire ? Oh, mais t’as le droit d’avoir tes petits secrets, hein ! J’ai bien les miens, moi aussi. Tiens, par exemple, si tu savais le nombre de fois où, dans mes rêveries, je t’ai eue, comme ça, le cul à l’air, en travers de mes genoux. Ah, qu’est-ce que j’ai pu t’en mettre des fessées en imagination ! Et des sacrément corsées ! Tu étais tellement imbuvable aussi, tellement prétentieuse que c’était impossible de pas en avoir envie. Et maintenant, c’est pour de bon. Non, mais tu te rends compte ? Pour de bon ! Ce pied que je vais prendre !
J’ai lancé une première claque. À toute volée.
Elle a sursauté, poussé un petit cri de surprise.
J’ai aussitôt enchaîné. À rythme lent, régulier. À coups bien appuyés, mais pas trop. Juste ce qu’il fallait. Une fesse après l’autre. Patiemment. Méthodiquement.
Elle ne réagissait pas, la tête enfouie dans les coussins, comme absente de ce qui était en train de lui arriver.
J’ai poursuivi. Imperturbablement. Mes doigts s’inscrivaient sur sa peau en longues traînées rosées qui ont progressivement viré au rouge, puis à l’écarlate.
J’ai accéléré le rythme et l’intensité des coups. Son derrière s’est imperceptiblement soulevé. Plus haut. De plus en plus haut. En soubresauts désordonnés qui l’ont fait s’entrouvrir, offrant à mes regards, par intermittences, ses douces crénelures intimes.
Elle s’est mise à gémir. En plaintes rauques. Profondes Qui ont pris de l’ampleur. Se sont muées en cris.
– Tu sais que tu as une voix magnifique ? Il serait dommage de ne pas lui offrir l’occasion de s’envoler dans les aigus.
Et j’ai donné ma pleine mesure. Elle aussi.

Je l’ai aidée à se redresser.
– Les meilleures choses ont une fin. Malheureusement…
Elle est allée se rhabiller. Sans un mot.Le visage dur, fermé.
Quand elle a eu fini, elle est venue droit sur moi, la main tendue, paume en l’air.
– Mes lettres !
Je les lui ai données.
– Mais… Faut que tu saches. J’ai fait des photocopies. Au cas où l’envie de te tanner le cul me reprendrait. Ce qui a toutes les chances d’arriver d’ailleurs.
Elle m’a lancé un regard furibard.
– T’es vraiment une crevure. Une saloperie de petite crevure.
– À bientôt, Léa.
Elle a claqué la porte à toute volée.

jeudi 21 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (3)

Le soir, à table, on est restées un long moment silencieuses. Sans oser se regarder en face. Tout aussi embarrassées l’une que l’autre. Je me suis jetée à l’eau.
– Si on crevait l’abcès ? Ce serait mieux, non ?
Elle a poussé un immense soupir de soulagement.
– Oh, oui !
– Bon, ben vas-y alors ! Explique ! C’était qui cette femme ?
– Vanessa.
– Vanessa ? Ton ancienne coloc ? Celle qu’était là avant moi ?
– C’est ça, oui.
– Ah, ben d’accord ! Et c’était pas la première fois, j’imagine…
– Oh, ben non, non !
– Et c’était quoi, les raisons ?
– Quand elle était ici ? Parce que j’avais mis un souk pas possible dans l’appart. Ou parce que je l’avais empêchée de dormir en m’envoyant en l’air toute la nuit avec un mec. D’autres trucs aussi…
– Et toi, tu te laissais faire ! Mais t’avais pas à te laisser faire enfin !
– On voit que tu la connais pas ! On peut pas lui tenir tête à Vanessa. C’est pas possible. Personne.
– Tu parles !
– Si, c’est vrai, hein ! Elle sait tellement ce qu’elle veut que tu finis par être obligée de le vouloir avec elle. Par lui donner raison. Par te dire que finalement, tu l’as bien méritée cette fessée.
– Mouais ! Dis que ça te plaisait bien de la recevoir, oui, plutôt  !
– Ah, non ! Non ! Si tu savais comment j’ai horreur de ça. Ça fait un mal de chien. Et après, ça te brûle pendant des heures.
– On aurait pas dit, cette nuit, pourtant. Vu comment tu t’es comportée quand elle a été partie.
– C’est à cause… C’est pas la recevoir que j’aime. C’est l’idée que je la reçois. C’est avoir honte. De l’avoir méritée. De l’avoir reçue. De m’être laissée faire. De voir comment ça la fait jubiler. Tout.

Quand elle est sortie de la douche, le lendemain matin, elle a bien pris soin de ne pas me tourner le dos. Et elle s’est aussitôt, contrairement à son habitude, enroulée dans sa serviette de bains.
– Elles y sont encore ?
Elle a fait celle qui n’entendait pas.
– Hein ? Elles y sont encore ?
– Quoi donc ?
– Ben, les marques, tiens ! Qu’est-ce tu veux d’autre ?
– Un peu.
– Tu fais voir ?
Je n’ai pas attendu la réponse. J’ai tiré sur la serviette de bains. Qu’elle n’a pas vraiment retenue. Juste un peu. Pour la forme. Qui est tombée à ses pieds. Je l’ai prise par le coude, fait pivoter sur elle-même.
– Ah, oui, dis donc ! Elle t’a pas loupé.
Le rouge s’était violacé. Avec, par endroits, des zones jaunies. Noircies. Bleuies.
J’ai avancé la main, effleuré une fesse, tout du long, d’un doigt léger.
– Ça fait mal ?
– Pas trop.
J’ai un peu appuyé. Plus fort. Encore plus fort.
Elle a tressailli. S’est crispée. A réprimé un gémissement, mais n’a pas cherché à m’échapper.
Je l’ai gratifiée d’une petite tape amicale sur le derrière.
– Habille-toi vite ! Tu vas être en retard.

lundi 18 septembre 2017

Le mariage de Léa (1)

Albert Edelfert 1887/ phot. Bodil Karlsson Nationalmuseum (Stockolm)

Ma sœur avait un service à me demander. Elle m’avait même appelé tout exprès.
– Tu sais que Léa doit se marier ?
– C’est ce qui se dit, oui.
– Le mois prochain. Et elle voudrait récupérer, d’ici là, les lettres qu’elle m’a adressées. Comme je vais quand même pas revenir tout exprès de Nouméa pour les lui rendre, j’ai pensé à toi.
– Pas de problème. Mais c’est si urgent que ça ? Ça peut pas attendre ton retour ?
– Elle y tient absolument. Faut dire que ce qu’il y a là-dedans… Enfin bref, je compte sur toi. Elles sont dans mon secrétaire. Deuxième tiroir gauche.
– Ce qu’il faudra que tu m’expliques un jour, c’est pourquoi, à l’époque d’Internet, des boîtes mail et tout et tout, vous éprouvez encore le besoin de…
– Tu connais Léa. Elle a jamais rien pu faire comme tout le monde.
– Ah, ça !
Je la connaissais, oui, enfin, c’était vite dit. À l’époque où elles étaient cul et chemise toutes les deux, qu’elle passait quasiment tous les jours à la maison, je m’employais plutôt à l’éviter. C’était une fille insupportable de prétention et d’arrogance. Elle avait excellente opinion d’elle-même, prenait tout le monde de haut et tranchait de tout. Elle m’était résolument antipathique. Je ne rêvais que d’une chose : lui rabattre son caquet. Sans en avoir, malheureusement, jamais eu l’occasion.

Les lettres étaient bien là. Je suis aussitôt allé vérifier. Un gros paquet. Des centaines de feuillets couverts d’une grande écriture énergique bleue qui s’étalait de tout son long sur le papier. J’en ai parcouru un, au hasard, sans en avoir vraiment, au départ, l’intention. Par pur réflexe. Des mots qui ont pris sens. Qui en ont appelé d’autres. Je suis arrivé au bas de la page. J’en ai entamé une autre. Une troisième. Et… j’ai tout repris au début. Le lendemain matin, aux aurores, je mettais un point final à ma lecture.

Elle est passée le mardi, en tout début d’après-midi.
– Je viens chercher mes lettres.
– Oui, ben ça, j’me doute. T’es pas là pour mes beaux yeux. Mais assieds-toi ! T’as bien cinq minutes.
Elle a hésité.
– Vite fait ! J’ai plein de trucs à faire.
– Alors comme ça, tu te maries.
– Je me marie, oui.
– Et t’es sûr de pas être en train de faire une grosse connerie ?
– Écoute, le jour où j’aurai besoin de ton avis…
– Oh, moi, tu sais, ce que j’en dis ! Parce que j’en ai strictement rien à foutre. Mais enfin apparemment ce type, c’est pas le top du top.
– Si tu te mêlais de ce qui te regarde ?
– Il est pas franchement intéressant, à ce qu’il paraît. Superficiel, inconsistant, intellectuellement très limité, il a vraiment rien pour lui, le pauvre.
– Tu le connais pas. Et puis ce qui se raconte…
– Même quand c’est toi qui le dis ? Qui l’écris plutôt ?
– Ah, ben d’accord ! T’as lu mes lettres ! Non, mais c’est pas vrai que t’as lu mes lettres !
– Qui sont passionnantes.
– Mais c’est dégueulasse ! T’avais pas le droit.
– Tout de suite les grands mots. C’est fait pour être lu, des lettres, non ?
– C’est pas à toi qu’elles étaient adressées. Et t’es vraiment la dernière personne à qui il me serait venu à l’idée de…
– Cela étant, je comprends que tu veuilles les récupérer. Parce que si elles tombaient entre les mains de ce pauvre garçon – on ne sait jamais – et qu’il apprenne ce que tu penses vraiment de lui, peut-être bien qu’il aurait plus vraiment envie de se marier. Plus du tout même.
– Bon, écoute ! Je suis pressée, là. Alors tu me rends mes lettres et je file.
– Tu l’épouses pour son fric, hein ? Ben, oui ! Forcément. Il y a que ça qui plaide en sa faveur. C’est déjà pas si mal, tu me diras. Surtout pour une fille comme toi. Qui n’aime rien tant que de se vautrer voluptueusement dans le luxe. Seulement il faut bien payer ça de quelques sacrifices. Il baise vraiment si mal que ça ?
– Ça te regarde pas. Bon, mais allez, faut vraiment que j’y aille.
– J’invente rien, hein ! C’est écrit. Noir sur blanc. De ta propre main. Oh, mais comme tu dis : c’est juste un mauvais moment à passer. Suffit de fermer les yeux et de penser à autre chose. Ou à quelqu’un d’autre. De ce côté-là, t’es rodée maintenant. Ça fait deux ans que tu supportes ses lamentables étreintes .Et que tu vas t’éclater allègrement ailleurs. Sans rechigner à la besogne, dis donc ! Parce que quatre liaisons, depuis que t’es avec lui, ça commence à faire. Sans compter les petits à-côté. Les coups d’un soir sans lendemain. Faut dire que ça, tant que t’étais convaincue qu’il y avait aucune chance qu’il te demande en mariage, tant que tu te contentais de profiter d’un pognon qu’il te lâchait à foison, ça portait pas vraiment à conséquence. Au pire, s’il avait découvert le pot-aux-roses, il t’aurait larguée. Et comme t’étais de toute façon persuadée que c’était ce qui finirait par arriver… Sauf que, maintenant, on n’est plus du tout dans le même cas de figure. Tu vas devenir la Madame d’un monsieur bardé de fric, héritier de l’affaire de papa et vraisemblablement promis à un bel avenir politique. Tu vas faire quoi du coup ? Te déguiser petite épouse modèle ? Et fidèle. Te contenter d’écarter docilement les cuisses, chaque fois que ton seigneur et maître éprouvera le besoin de venir se vider les couilles ? En t’emmerdant à cent sous de l’heure. Ou bien est-ce que tu vas continuer à jouer avec le feu ? Avec tous les risques que ça va désormais comporter. Tu la connais la réponse. On la connaît tous les deux. Même si, dans un premier temps, tu réussis à faire profil bas, ça va vite te redémanger. Et tu repartiras à la chasse au mâle. En prenant mille et mille précautions pour qu’il ne se doute de rien. C’est malhonnête, reconnais ! Profondément malhonnête. Parce qu’il est ce qu’il est, ce monsieur, mais il est quand même en droit de savoir qui il épouse au juste. Qui tu es vraiment. À quoi il s’expose. Ça lui permettra de prendre sa décision en toute connaissance de cause.
– Ce qui signifie ? Qu’est-ce que t’es en train d’essayer de me dire, là ?
– Que ça me pose un problème de conscience. Maintenant que je suis au courant…
– Tu vas quand même pas…
– Lui donner tes lettres à lire ? Je me pose la question. Et je crois bien que si.
– T’es vraiment le roi des salauds.
– Tu penses ce que tu veux, mais, au moins, je serai en paix avec ma conscience.
– Ta conscience ! Non, mais alors là, cette fois, on aura vraiment tout entendu. Ta conscience !
– Il faut qu’il sache. C’est indispensable. Pas seulement qu’il a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent d’être cocu à tour de bras, mais aussi – et surtout – dans quelle piètre estime tu le tiens. Ta lettre du 3 juillet et celle du 9 septembre sont tout à fait significatives à cet égard. De vrais morceaux d’anthologie. Ah, il va apprécier.
– Tu le feras pas. Tu me fais marcher.
– J’hésite. Pas sur le principe, non, mais sur les modalités. Est-ce que je lui envoie une photocopie de l’ensemble ? Ou bien uniquement des morceaux choisis ? Est-ce que je le fais tout de suite ou est-ce que j’attends la veille du mariage ? Je pourrais aussi les adresser à tous les invités dont j’aurais, d’ici là, réussi à me procurer l’adresse. C’est une bonne idée, non ? Ambiance garantie le jour J.
– Oui, bon. Si on jouait cartes sur table plutôt ? C’est quoi le but de toute cette pantomine ? Qu’est-ce que tu veux ? De l’argent ?
– Non, mais ça va pas ! Tu me prends pour qui ?
– Quoi, alors ? Tu veux me tirer, c’est ça ?
– Non, plus, non. Par contre, je te flanquerais bien une bonne grosse fessée déculottée. Depuis le temps que ça me démange.
– Une fessée ? Non, mais ça va pas ? T’es complètement barré, toi, par moments, dans ta tête.
Et elle s’est enfuie en claquant la porte. Furieuse.

( à suivre)

jeudi 14 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (2)

On menait notre vie chacune de notre côté, tout en passant, malgré tout, beaucoup de temps ensemble. On s’attardait souvent, le soir, à discuter un peu à table. Et, le matin, on partageait la salle de bains.
– Vu le temps qu’on y reste, toi comme moi, si on doit attendre que l’autre ait fini, on n’est pas sorties de l’auberge.
On y bavardait sans relâche en se préparant.
Côté mecs, moi, il y avait eu très brièvement Loïc. Un feu de paille. Il ne savait pas ce qu’il voulait. Et il y avait Philibert. Avec qui j’adorais sortir et discuter, mais avec qui il ne se passait strictement rien. Il était homo jusqu’aux yeux.
Elle, elle ramenait de temps à autre quelqu’un. Jamais le même. Avec qui elle allait aussitôt s’enfermer dans sa chambre. Elle n’en parlait pas. Elle haussait les épaules.
– Ils n’en valent pas la peine. C’est juste des coups comme ça.

Et puis il y a eu cette nuit-là.
Une voix de femme, cassante, impérieuse. Qui m’a réveillée en sursaut. Ça venait de sa chambre, à côté.
– Je t’avais prévenue. Je t’avais pas prévenue ?
Et celle de Marie-Clémence. Suppliante.
– Mais si ! Seulement…
– Seulement quoi ? Qu’est-ce que tu vas encore inventer comme excuse bidon ?
– Rien. Mais me le fais pas ! S’il te plaît, me le fais pas !
– Oui, ben alors ça, c’est ce qu’on va voir !
– Elle va entendre à côté.
– Si tu savais ce que je m’en fous !
Le silence. Un long silence. Et puis des claques. Une multitude de claques. Sonores. Déterminées. À plein régime.
J’écoutais. J’écoutais de tout mon être. Interloquée. Sidérée. Marie-Clémence se prenait une fessée. Et ça faisait pas semblant. C’était quoi, cette histoire ? C’était qui, cette femme ? Et elle ne se défendait pas. Pas vraiment. Elle se laissait faire. Pourquoi ? Parce qu'elle avait barre sur elle ? Pourquoi ? Comment ?
À côté, ça a marqué un temps d’arrêt.
– Tu le feras plus ?
– Je te promets.
– Comme si j’allais te croire…
Et c’est reparti de plus belle. Marie-Clémence a gémi. Elle a crié. Elle a hurlé. Ça a été interminable. Et ça s’est arrêté. D’un coup.
– Là ! C’est tout pour aujourd’hui. Je te laisse. Je te laisse réfléchir.
La porte de la chambre. Puis celle du dehors.

Je suis restée longtemps sans dormir, les mains croisées sous la nuque. Trop de choses. Trop de questions sans réponses. Sur ce qui venait de se passer. Sur elle. Sur moi. Sur le trouble étrange que je ne pouvais m’empêcher de ressentir. À côté, elle reniflait. Des petits reniflements, par saccades, auxquels sont bientôt venus se mêler des gémissements ténus, des plaintes étouffées : elle se donnait du plaisir.

Le lendemain matin, elle ne s’est pas levée.
Je suis allée entrebâiller la porte de sa chambre. J’ai allumé. Elle dormait sur le ventre, nue. Ses fesses étaient rouge tuméfié. Sur toute leur surface.
– Marie-Clémence, tu vas être en retard
Elle a précipitamment ramené la couverture sur elle.
– J’y vais pas ce matin. Je reste là.
(à suivre)

jeudi 7 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (1)

J’ai fait la connaissance de Lisa sur un forum entièrement consacré à la fessée aujourd’hui disparu. On a sympathisé. Et on est entrés en confidences. Elle éprouvait l’impérieux besoin de se raconter. Messages en privé, par mails, nos échanges sont très vite devenus quotidiens, puis, au bout de quelques semaines, multi-quotidiens. Ça a duré. Plusieurs années. Nous ne nous lassions pas. Ni l’un ni l’autre. Tant et si bien que j’ai fini par lui proposer une rencontre. Elle m’a opposé une fin de non-recevoir catégorique. Sans me fournir d’explication vraiment convaincante. J’ai bien tenté, à plusieurs reprises, de revenir à la charge. Sans plus de succès. Et je n’ai pas insisté.

Plus je la lisais, plus je la relisais et plus je regrettais qu’elle ne mette pas ses confidences en forme, qu’elle n’en fasse pas un ouvrage structuré. Elle s’y refusait catégoriquement. À force d’insistance, elle m’a finalement avoué que, non seulement elle ne s’en sentait pas capable, mais, qu’en outre, ce serait, pour elle, une insupportable corvée. Je lui ai alors proposé de me substituer à elle pour écrire ses « Mémoires ». Ce qu’elle a fini par accepter, après bon nombre de rebuffades et de tergiversations. À trois conditions : que je lui garantisse un anonymat absolu. On ne devait pas pouvoir l’identifier. Ça coulait de source. Que je ne fasse aucun profit financier avec ce texte. Ça allait également de soi. Et enfin qu’elle conserve un droit de regard sur ce que j’écrirais. Tout – absolument tout – devait scrupuleusement correspondre à ce qu’elle avait réellement vécu, pensé ou éprouvé. Ce fut la partie du contrat la plus difficile à respecter. J’ai dû reprendre jusqu’à quinze fois certains passages, solliciter des précisions à n’en plus finir, m’efforcer de me mettre dans sa peau. J’avoue avoir été plusieurs tenté, découragé, de tout envoyer promener. Je suis, malgré tout, finalement arrivé à bon port. Et Lisa m’a donné son feu vert. Je peux donc commencer à mettre en ligne. Accrochez-vous ! Ça va être long.



Mémoires d’une fesseuse


Je venais d’avoir mon bac. Avec mention. Et je voulais faire Langues O. J’y tenais absolument. Depuis toute petite. Mes parents, eux, de leur côté, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour s’efforcer de m’en dissuader. Non pas qu’ils aient quelque préjugé que ce soit à l’encontre de ces études en particulier, mais elles impliquaient que je « monte à Paris ». Ce qui les terrorisait. Ils se représentaient la capitale comme une sorte de Chicago des années trente où je courrais, matin, midi et soir, une multitude de dangers de toute sorte. Où la mort me guetterait à chaque coin de rue.
– Tu te rends pas compte, Lisa, tu te rends vraiment pas compte.
Je campais sur mes positions. Et eux sur les leurs.

C’est la femme d’un notaire du coin, pour laquelle ils éprouvaient la plus grande considération, qui a finalement débloqué la situation. Sa nièce poursuivait, depuis un an déjà, ses études en fac de droit à Paris. Elle n’y avait été ni détroussée ni violée ni égorgée. Elle s’y plaisait même plutôt bien.
– Et d’ailleurs, à ce qu’elle m’a dit, sa colocataire vient de lui faire faux bond. Elle en cherche une autre. Alors peut-être que, dans ces conditions, Lisa…
J’ai sauté sur l’occasion. Oui, oui. Pas de problème. Ça m’irait très bien de faire la colocataire de cette Marie-Clémence.
On est montés la voir à Paris et elle leur a tout de suite plu.
– Elle a l’air très plombée.
– Et très bien élevée.
L’appartement aussi était à leur convenance.
– C’est propre. C’est clair.
– Et calme comme tout.
Quant au quartier…
– Il a pas l’air si mal fréquenté que ça !
– Oui. Et elle a les commerces tout près.

Et, en septembre, je me suis installée avec Marie-Clémence. Qui était, elle le reconnaissait elle-même, plutôt bordélique.
– J’espère que ça va pas te poser problème. Parce que Vanessa, elle, elle supportait pas.
J’étais plutôt du genre ordonné, mais bon, j’étais pas obsessionnelle non plus.
– Alors à nous deux, ça fera une moyenne.
Autre chose aussi dont elle voulait qu’on parle.
– Que, dès le début, les choses soient claires.
C’était les mecs.
– Non, parce que moi, quand j’ai débarqué ici de mon fin fond de province où tout le monde épie tout le monde, où tout le monde juge tout le monde, où on vit en permanence à l’étroit, je me suis senti pousser des ailes. Je savais plus où donner de la tête. Tous ces beaux mecs, partout, qui demandaient que ça. Ah, je peux te dire qu’il en a défilé dans mon lit. Ce qui exaspérait Vanessa. « Tu crois que c’est commode, toi, de dormir quand t’en as deux qui s’envoient en l’air, toute la nuit, juste de l’autre côté de la cloison ? » C’était sans arrêt des réflexions. Que si je croyais que c’était comme ça que j’aurais mes examens. Qu’il faudrait pas que je m’étonne, après, si je passais pour une moins que rien. Etc. Alors ce que je voulais te dire, c’est que tu n’as absolument rien de cet ordre-là à redouter avec moi. Tu vis ta vie comme tu l’entends.
– C’est gentil, mais ça va pas être ma priorité, les mecs.
– Oui, oh, alors ça ! C’est ce qu’on dit au début. Quand on arrive… Mais après, quand on y a mis le nez.
– Mais que ça t’empêche pas toi, hein !
– Oui, oh, moi, ça s’est calmé maintenant. Les mecs, au bout d’un moment, c’est bien toujours un peu pareil…

(à suivre)