jeudi 7 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (1)

J’ai fait la connaissance de Lisa sur un forum entièrement consacré à la fessée aujourd’hui disparu. On a sympathisé. Et on est entrés en confidences. Elle éprouvait l’impérieux besoin de se raconter. Messages en privé, par mails, nos échanges sont très vite devenus quotidiens, puis, au bout de quelques semaines, multi-quotidiens. Ça a duré. Plusieurs années. Nous ne nous lassions pas. Ni l’un ni l’autre. Tant et si bien que j’ai fini par lui proposer une rencontre. Elle m’a opposé une fin de non-recevoir catégorique. Sans me fournir d’explication vraiment convaincante. J’ai bien tenté, à plusieurs reprises, de revenir à la charge. Sans plus de succès. Et je n’ai pas insisté.

Plus je la lisais, plus je la relisais et plus je regrettais qu’elle ne mette pas ses confidences en forme, qu’elle n’en fasse pas un ouvrage structuré. Elle s’y refusait catégoriquement. À force d’insistance, elle m’a finalement avoué que, non seulement elle ne s’en sentait pas capable, mais, qu’en outre, ce serait, pour elle, une insupportable corvée. Je lui ai alors proposé de me substituer à elle pour écrire ses « Mémoires ». Ce qu’elle a fini par accepter, après bon nombre de rebuffades et de tergiversations. À trois conditions : que je lui garantisse un anonymat absolu. On ne devait pas pouvoir l’identifier. Ça coulait de source. Que je ne fasse aucun profit financier avec ce texte. Ça allait également de soi. Et enfin qu’elle conserve un droit de regard sur ce que j’écrirais. Tout – absolument tout – devait scrupuleusement correspondre à ce qu’elle avait réellement vécu, pensé ou éprouvé. Ce fut la partie du contrat la plus difficile à respecter. J’ai dû reprendre jusqu’à quinze fois certains passages, solliciter des précisions à n’en plus finir, m’efforcer de me mettre dans sa peau. J’avoue avoir été plusieurs tenté, découragé, de tout envoyer promener. Je suis, malgré tout, finalement arrivé à bon port. Et Lisa m’a donné son feu vert. Je peux donc commencer à mettre en ligne. Accrochez-vous ! Ça va être long.



Mémoires d’une fesseuse


Je venais d’avoir mon bac. Avec mention. Et je voulais faire Langues O. J’y tenais absolument. Depuis toute petite. Mes parents, eux, de leur côté, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour s’efforcer de m’en dissuader. Non pas qu’ils aient quelque préjugé que ce soit à l’encontre de ces études en particulier, mais elles impliquaient que je « monte à Paris ». Ce qui les terrorisait. Ils se représentaient la capitale comme une sorte de Chicago des années trente où je courrais, matin, midi et soir, une multitude de dangers de toute sorte. Où la mort me guetterait à chaque coin de rue.
– Tu te rends pas compte, Lisa, tu te rends vraiment pas compte.
Je campais sur mes positions. Et eux sur les leurs.

C’est la femme d’un notaire du coin, pour laquelle ils éprouvaient la plus grande considération, qui a finalement débloqué la situation. Sa nièce poursuivait, depuis un an déjà, ses études en fac de droit à Paris. Elle n’y avait été ni détroussée ni violée ni égorgée. Elle s’y plaisait même plutôt bien.
– Et d’ailleurs, à ce qu’elle m’a dit, sa colocataire vient de lui faire faux bond. Elle en cherche une autre. Alors peut-être que, dans ces conditions, Lisa…
J’ai sauté sur l’occasion. Oui, oui. Pas de problème. Ça m’irait très bien de faire la colocataire de cette Marie-Clémence.
On est montés la voir à Paris et elle leur a tout de suite plu.
– Elle a l’air très plombée.
– Et très bien élevée.
L’appartement aussi était à leur convenance.
– C’est propre. C’est clair.
– Et calme comme tout.
Quant au quartier…
– Il a pas l’air si mal fréquenté que ça !
– Oui. Et elle a les commerces tout près.

Et, en septembre, je me suis installée avec Marie-Clémence. Qui était, elle le reconnaissait elle-même, plutôt bordélique.
– J’espère que ça va pas te poser problème. Parce que Vanessa, elle, elle supportait pas.
J’étais plutôt du genre ordonné, mais bon, j’étais pas obsessionnelle non plus.
– Alors à nous deux, ça fera une moyenne.
Autre chose aussi dont elle voulait qu’on parle.
– Que, dès le début, les choses soient claires.
C’était les mecs.
– Non, parce que moi, quand j’ai débarqué ici de mon fin fond de province où tout le monde épie tout le monde, où tout le monde juge tout le monde, où on vit en permanence à l’étroit, je me suis senti pousser des ailes. Je savais plus où donner de la tête. Tous ces beaux mecs, partout, qui demandaient que ça. Ah, je peux te dire qu’il en a défilé dans mon lit. Ce qui exaspérait Vanessa. « Tu crois que c’est commode, toi, de dormir quand t’en as deux qui s’envoient en l’air, toute la nuit, juste de l’autre côté de la cloison ? » C’était sans arrêt des réflexions. Que si je croyais que c’était comme ça que j’aurais mes examens. Qu’il faudrait pas que je m’étonne, après, si je passais pour une moins que rien. Etc. Alors ce que je voulais te dire, c’est que tu n’as absolument rien de cet ordre-là à redouter avec moi. Tu vis ta vie comme tu l’entends.
– C’est gentil, mais ça va pas être ma priorité, les mecs.
– Oui, oh, alors ça ! C’est ce qu’on dit au début. Quand on arrive… Mais après, quand on y a mis le nez.
– Mais que ça t’empêche pas toi, hein !
– Oui, oh, moi, ça s’est calmé maintenant. Les mecs, au bout d’un moment, c’est bien toujours un peu pareil…

(à suivre)

5 commentaires:

  1. Félicitations pour cette brillante rentrée du site.
    J'attends impatient la suite du récit, donc le moment où la brave Lisa déculottera sa colocataire afin de lui appliquer une salutaire discipline xD

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  2. Merci. Oui. Cette longue interruption aura été, je crois, bénéfique. Il faut savoir parfois prendre du recul pour reconsidérer les choses d'un œil neuf et ne pas laisser la routine s'installer. Quant aux mémoires de Lisa, elles sont parties pour durer. À bientôt.

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  3. Pareil, je me lance dans ces mémoires. Vivement demain.

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  4. Pour info, il y aura 31 épisodes. Et une suite que j'ai commencé à rédiger et qui est déjà très avancée.

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