jeudi 14 septembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (2)

On menait notre vie chacune de notre côté, tout en passant, malgré tout, beaucoup de temps ensemble. On s’attardait souvent, le soir, à discuter un peu à table. Et, le matin, on partageait la salle de bains.
– Vu le temps qu’on y reste, toi comme moi, si on doit attendre que l’autre ait fini, on n’est pas sorties de l’auberge.
On y bavardait sans relâche en se préparant.
Côté mecs, moi, il y avait eu très brièvement Loïc. Un feu de paille. Il ne savait pas ce qu’il voulait. Et il y avait Philibert. Avec qui j’adorais sortir et discuter, mais avec qui il ne se passait strictement rien. Il était homo jusqu’aux yeux.
Elle, elle ramenait de temps à autre quelqu’un. Jamais le même. Avec qui elle allait aussitôt s’enfermer dans sa chambre. Elle n’en parlait pas. Elle haussait les épaules.
– Ils n’en valent pas la peine. C’est juste des coups comme ça.

Et puis il y a eu cette nuit-là.
Une voix de femme, cassante, impérieuse. Qui m’a réveillée en sursaut. Ça venait de sa chambre, à côté.
– Je t’avais prévenue. Je t’avais pas prévenue ?
Et celle de Marie-Clémence. Suppliante.
– Mais si ! Seulement…
– Seulement quoi ? Qu’est-ce que tu vas encore inventer comme excuse bidon ?
– Rien. Mais me le fais pas ! S’il te plaît, me le fais pas !
– Oui, ben alors ça, c’est ce qu’on va voir !
– Elle va entendre à côté.
– Si tu savais ce que je m’en fous !
Le silence. Un long silence. Et puis des claques. Une multitude de claques. Sonores. Déterminées. À plein régime.
J’écoutais. J’écoutais de tout mon être. Interloquée. Sidérée. Marie-Clémence se prenait une fessée. Et ça faisait pas semblant. C’était quoi, cette histoire ? C’était qui, cette femme ? Et elle ne se défendait pas. Pas vraiment. Elle se laissait faire. Pourquoi ? Parce qu'elle avait barre sur elle ? Pourquoi ? Comment ?
À côté, ça a marqué un temps d’arrêt.
– Tu le feras plus ?
– Je te promets.
– Comme si j’allais te croire…
Et c’est reparti de plus belle. Marie-Clémence a gémi. Elle a crié. Elle a hurlé. Ça a été interminable. Et ça s’est arrêté. D’un coup.
– Là ! C’est tout pour aujourd’hui. Je te laisse. Je te laisse réfléchir.
La porte de la chambre. Puis celle du dehors.

Je suis restée longtemps sans dormir, les mains croisées sous la nuque. Trop de choses. Trop de questions sans réponses. Sur ce qui venait de se passer. Sur elle. Sur moi. Sur le trouble étrange que je ne pouvais m’empêcher de ressentir. À côté, elle reniflait. Des petits reniflements, par saccades, auxquels sont bientôt venus se mêler des gémissements ténus, des plaintes étouffées : elle se donnait du plaisir.

Le lendemain matin, elle ne s’est pas levée.
Je suis allée entrebâiller la porte de sa chambre. J’ai allumé. Elle dormait sur le ventre, nue. Ses fesses étaient rouge tuméfié. Sur toute leur surface.
– Marie-Clémence, tu vas être en retard
Elle a précipitamment ramené la couverture sur elle.
– J’y vais pas ce matin. Je reste là.
(à suivre)

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