samedi 26 janvier 2019

Les fantasmes de Lucie (36)



Je n’en reviens toujours pas. Je suis à la Cour. Enfin ! J’ai approché l’impératrice. Je lui ai été présentée. Je lui ai parlé. Oh, brièvement, mais je lui ai parlé. J’étais toute tremblante. Je me sentais toute petite. C’est, à l’évidence, une femme d’exception. Supérieure. On la dit autoritaire. Comment ne le serait-elle pas ? Elle a le destin de millions de sujets entre ses mains. C’est dans notre intérêt à tous qu’il faut qu’elle le soit.

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Je trouve peu à peu mes marques. La comtesse Potocka m’a prise en amitié. La duchesse Ivaguine me recherche. Tout se passe, pour le moment, le mieux du monde. Et je me suis trouvée, à plusieurs reprises, en présence de l’impératrice. Ce sont des moments précieux. Dont je m’efforce de profiter au maximum. Et dont je garde et cultive ensuite longtemps le souvenir.

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Il se murmure que Sa Majesté n’hésite pas à faire fustiger, voire à fustiger elle-même, les dames de la Cour, si haut placées soient-elles, qui lui ont donné quelque sujet de mécontentement. C’est, à n’en pas douter, quand elle l’applique ou qu’elle la fait appliquer, qu’elle estime cette sanction justifiée. Traitement infamant, m’a-t-on laissé entendre, d’un ton quelque peu réprobateur. Mais le seul assurément qui puisse guérir certaines dames d’une morgue et d’une arrogance dont j’ai été, à plusieurs reprises, personnellement témoin depuis mon arrivée ici.

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Voilà maintenant trois jours que la Princesse Ivanova Chelguine n’a pas fait sa réapparition à la Cour.
– C’est que…
Oustina Potocka, baisse la voix, se penche vers moi, dissimulée derrière son éventail.
– C’est que l’impératrice l’a convoquée. Et l’a fait fouetter par ses propres servantes.
– Par ses servantes !
– Oui. Elle a recours à elles quand elle estime que la fautive ne fait pas preuve de suffisamment de contrition. Ou s’efforce de se soustraire, d’une façon ou d’une autre, à la sanction qu’elle a décidé de lui infliger.
Elle se lève.
– La princesse a infiniment d’orgueil. Il lui faudra bien pourtant finir par se résoudre à faire sa réapparition à la Cour et à y affronter les regards, si elle ne veut pas indisposer un peu plus encore Sa Majesté à son égard.

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– La première femme de chambre de l’Impératrice attend Madame au salon.
– Que me veut-elle ?
Militcha, ma camériste, feint l’ignorance, mais elle est dans un état d’excitation qu’elle a toutes les peines du monde à dissimuler.

L’envoyée de l’Impératrice s’incline. Me délivre son message.
– Sa Majesté exige que Madame la Duchesse se présente chez elle, ce soir, à vingt heures précises, munie d’un faisceau de verges.
Et elle repart.
Un vertige me saisit. La tête me tourne.
Qu’ai-je fait ? Mais qu’ai-je fait ? Qu’a-t-elle donc à me reprocher ?Je n’en ai pas la moindre idée.
Militcha se précipite, m’avance un siège.
– Madame la Duchesse ne se sent pas bien ? Elle est toute pâle.
– Laisse-moi seule, Militcha ! Laisse-moi seule.
Je m’étends sur mon lit, ravagée. J’ai mécontenté l’Impératrice. J’ignore quand, comment et pourquoi, mais je l’ai mécontentée.

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La première femme de chambre me fait entrer. L’Impératrice lit. Elle ne lève pas la tête. Une servante avance un prie-dieu, m’invite à m’y agenouiller.
J’attends. Elles attendent. On attend.

Elle repose son livre, quitte son siège, s’avance vers moi.
– Les regards que vous jetez en permanence sur ma personne, lorsque vous vous trouvez publiquement en ma présence, m’indisposent, comtesse.
– J’en suis absolument désolée, Votre Majesté.
Elle me soulève le menton du bout du doigt.
– Vous méritez d’être punie.
– J’en conviens, Votre Majesté.
– Vingt coups de verges. Que je vais vous administrer moi-même.
Elle fait un signe. Deux servantes s’approchent. Me présentent le faisceau de verges à baiser.
J'obéis.
– Dévêtez-la !
Elles obéissent. Elles me dénudent. Complètement.
Et un premier coup tombe. Appliqué avec force. À pleines fesses. Je pousse un gémissement.
L’une des servantes compte.
– Deux ! Trois !
Sa Majesté cingle. À tout-va. Le dos. Les fesses. Les cuisses. Je crie. Je pleure. Je hurle. Je sanglote.
– Vingt !
Elle soulève une tenture devant moi, disparaît.
Les servantes m’aident à me rhabiller.

Et, les yeux fixés sur le tableau, sur son visage, je laisse exploser mon plaisir.

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