Je
n’en reviens toujours pas. Je suis à la Cour. Enfin ! J’ai
approché l’impératrice. Je lui ai été présentée. Je lui ai
parlé. Oh, brièvement, mais je lui ai parlé. J’étais toute
tremblante. Je me sentais toute petite. C’est, à l’évidence,
une femme d’exception. Supérieure. On la dit autoritaire. Comment
ne le serait-elle pas ? Elle a le destin de millions de sujets
entre ses mains. C’est dans notre intérêt à tous qu’il faut
qu’elle le soit.
* *
*
Je
trouve peu à peu mes marques. La comtesse Potocka m’a prise en
amitié. La duchesse Ivaguine me recherche. Tout se passe, pour le
moment, le mieux du monde. Et je me suis trouvée, à plusieurs
reprises, en présence de l’impératrice. Ce sont des moments
précieux. Dont je m’efforce de profiter au maximum. Et dont je
garde et cultive ensuite longtemps le souvenir.
* *
*
Il
se murmure que Sa Majesté n’hésite pas à faire fustiger, voire à
fustiger elle-même, les dames de la Cour, si haut placées
soient-elles, qui lui ont donné quelque sujet de mécontentement.
C’est, à n’en pas douter, quand elle l’applique ou qu’elle
la fait appliquer, qu’elle estime cette sanction justifiée.
Traitement infamant, m’a-t-on laissé entendre, d’un ton quelque
peu réprobateur. Mais le seul assurément qui puisse guérir
certaines dames d’une morgue et d’une arrogance dont j’ai été,
à plusieurs reprises, personnellement témoin depuis mon arrivée
ici.
* *
*
Voilà
maintenant trois jours que la Princesse Ivanova Chelguine n’a pas
fait sa réapparition à la Cour.
– C’est
que…
Oustina
Potocka, baisse la voix, se penche vers moi, dissimulée derrière
son éventail.
– C’est
que l’impératrice l’a convoquée. Et l’a fait fouetter par ses
propres servantes.
– Par
ses servantes !
– Oui.
Elle a recours à elles quand elle estime que la fautive ne fait pas
preuve de suffisamment de contrition. Ou s’efforce de se
soustraire, d’une façon ou d’une autre, à la sanction qu’elle
a décidé de lui infliger.
Elle
se lève.
– La
princesse a infiniment d’orgueil. Il lui faudra bien pourtant finir
par se résoudre à faire sa réapparition à la Cour et à y
affronter les regards, si elle ne veut pas indisposer un peu plus
encore Sa Majesté à son égard.
* *
*
– La
première femme de chambre de l’Impératrice attend Madame au
salon.
– Que
me veut-elle ?
Militcha,
ma camériste, feint l’ignorance, mais elle est dans un état
d’excitation qu’elle a toutes les peines du monde à dissimuler.
L’envoyée
de l’Impératrice s’incline. Me délivre son message.
– Sa
Majesté exige que Madame la Duchesse se présente chez elle, ce
soir, à vingt heures précises, munie d’un faisceau de verges.
Et
elle repart.
Un
vertige me saisit. La tête me tourne.
Qu’ai-je
fait ? Mais qu’ai-je fait ? Qu’a-t-elle donc à me
reprocher ?Je n’en ai pas la moindre idée.
Militcha
se précipite, m’avance un siège.
– Madame
la Duchesse ne se sent pas bien ? Elle est toute pâle.
– Laisse-moi
seule, Militcha ! Laisse-moi seule.
Je
m’étends sur mon lit, ravagée. J’ai mécontenté l’Impératrice.
J’ignore quand, comment et pourquoi, mais je l’ai mécontentée.
* *
*
La
première femme de chambre me fait entrer. L’Impératrice lit. Elle
ne lève pas la tête. Une servante avance un prie-dieu, m’invite à
m’y agenouiller.
J’attends.
Elles attendent. On attend.
Elle
repose son livre, quitte son siège, s’avance vers moi.
– Les
regards que vous jetez en permanence sur ma personne, lorsque vous
vous trouvez publiquement en ma présence, m’indisposent, comtesse.
– J’en
suis absolument désolée, Votre Majesté.
Elle
me soulève le menton du bout du doigt.
– Vous
méritez d’être punie.
– J’en
conviens, Votre Majesté.
– Vingt
coups de verges. Que je vais vous administrer moi-même.
Elle
fait un signe. Deux servantes s’approchent. Me présentent le faisceau de verges à baiser.
J'obéis.
J'obéis.
– Dévêtez-la !
Elles
obéissent. Elles me dénudent. Complètement.
Et
un premier coup tombe. Appliqué avec force. À pleines fesses. Je
pousse un gémissement.
L’une
des servantes compte.
– Deux !
Trois !
Sa
Majesté cingle. À tout-va. Le dos. Les fesses. Les cuisses. Je
crie. Je pleure. Je hurle. Je sanglote.
– Vingt !
Elle
soulève une tenture devant moi, disparaît.
Les
servantes m’aident à me rhabiller.
Et, les yeux fixés sur le tableau, sur son visage, je laisse exploser mon plaisir.
Et, les yeux fixés sur le tableau, sur son visage, je laisse exploser mon plaisir.
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