Dessin
de Fredillo
C’est
Georges qui choisit l’hôtel. Toujours. Jamais le même. Et loin.
Le plus loin possible. Que personne ne nous connaisse. Un hôtel qui
réponde à un certain nombre de critères. Et qui, d’abord et
avant tout, soit très mal insonorisé. Qu’on entende absolument
tout d’une chambre à l’autre.
On y
arrive, généralement, sur le coup de six heures du soir. On
s’installe et on écoute. À droite, à gauche, au-dessus,
en-dessous, on se prépare pour descendre au restaurant. Il y a des
bruits de pas, des voix, des ruissellements d’eau. Tout un
fourmillement.
On
se fait signe. Allez ! Et il attaque. D’une voix forte.
Furieuse.
– Tu
as recommencé…
– Non,
je te jure.
– Et
tu mens. En plus !
– Je
le ferai plus. Je te promets.
– J’ai
déjà entendu ça dix-huit mille fois.
– Oui,
mais cette fois, c’est vrai. Je t’assure, Georges ! Si, je
t’assure !
– Tu
sais ce qu’on avait dit…
– Oh,
non ! Je t’en prie… Pas ça ! Je t’en supplie…
– Allez !
En position…
J’ai
beau chouiner, implorer, promettre encore et encore de ne pas
recommencer, rien n’ y fait. Il se montre intraitable.
– Tu
te dépêches, oui !
Et
j’en passe par où il veut. En pleurnichant.
Je
m’agenouille au bord du lit. Je relève ma robe jusqu’à la
taille. Je me déculotte. Et j’attends. Jamais bien longtemps.
Il
tape. Avec la main d’abord. De grandes claques retentissantes qui
m’arrachent quelques gémissements, puis, quand la douleur se fait
plus vive, de véritables plaintes.
Il
marque une pause. Aux alentours le silence s’est fait. Un
silence d’attente. Un silence d’écoute.
Et
alors… À la ceinture cette fois. Une dizaine de cinglées âpres,
brûlantes qui m’arrachent des cris déchirants.
– Là !
Et tiens-le toi pour dit…
Je
me relève lentement. En reniflant. Il me sourit. Je lui souris. Je
suis trempée.
Tout
autour on se remet lentement en mouvement. Il y a des rires quelque
part. Quelqu’un, au-dessus, se met à crier : « Ouille !
Hou là là ! Ouille ! Ouille ! Ouille ! ».
Des portes s’ouvrent. Il y a des pas dans le couloir. Des voix. Les
gens descendent dîner.
Nous,
on attend qu’en bas la salle se soit remplie.
– Allez,
on y va ?
Il
me donne le bras. Et on fait notre entrée. Toutes les conversations
s’arrêtent d’un coup. Tous les regards convergent vers nous.
Notre table est à l’autre bout, là-bas. On traverse. Dans un
silence absolu. Je baisse pudiquement les yeux. Je frissonne. Un
serveur me tire ma chaise.
– Merci.
Autour
de nous, les conversations reprennent, hésitent, trouvent leur
vitesse de croisière. Je ne regarde rien. Ni personne.
Le
maître d’hôtel vient prendre la commande, impassible. S’éloigne.
Georges
se penche vers moi.
– On
nous regarde. Tu es l’attraction de la soirée, ma chère.
Sous
la table je croise les jambes, les décroise, les recroise encore. Je
lève brièvement les yeux. Une femme se moque ouvertement de moi. Je
les rebaisse aussitôt. Mais j’y retourne. C’est plus fort que
moi. Elle rit de plus belle. D’autres aussi. Des quantités de
regards convergent vers moi.
Georges
pose une main sur mon bras. Me chuchote à l’oreille.
– Tu
as honte. Et ça se voit. Mais tu aimes tellement ça !
Je
serre les cuisses. J’aime, oui.
Il
insiste.
– Qu’est-ce
que ce sera tout-à-l’heure !
Tout-à-l’heure,
quand il en aura remis une couche et que mes cris de jouissance
retentiront dans tout l’hôtel.
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