lundi 14 janvier 2019

À l'hôtel


Dessin de Fredillo


C’est Georges qui choisit l’hôtel. Toujours. Jamais le même. Et loin. Le plus loin possible. Que personne ne nous connaisse. Un hôtel qui réponde à un certain nombre de critères. Et qui, d’abord et avant tout, soit très mal insonorisé. Qu’on entende absolument tout d’une chambre à l’autre.

On y arrive, généralement, sur le coup de six heures du soir. On s’installe et on écoute. À droite, à gauche, au-dessus, en-dessous, on se prépare pour descendre au restaurant. Il y a des bruits de pas, des voix, des ruissellements d’eau. Tout un fourmillement.
On se fait signe. Allez ! Et il attaque. D’une voix forte. Furieuse.
– Tu as recommencé…
– Non, je te jure.
– Et tu mens. En plus !
– Je le ferai plus. Je te promets.
– J’ai déjà entendu ça dix-huit mille fois.
– Oui, mais cette fois, c’est vrai. Je t’assure, Georges ! Si, je t’assure !
– Tu sais ce qu’on avait dit…
– Oh, non ! Je t’en prie… Pas ça ! Je t’en supplie…
– Allez ! En position…
J’ai beau chouiner, implorer, promettre encore et encore de ne pas recommencer, rien n’ y fait. Il se montre intraitable.
– Tu te dépêches, oui !
Et j’en passe par où il veut. En pleurnichant.
Je m’agenouille au bord du lit. Je relève ma robe jusqu’à la taille. Je me déculotte. Et j’attends. Jamais bien longtemps.
Il tape. Avec la main d’abord. De grandes claques retentissantes qui m’arrachent quelques gémissements, puis, quand la douleur se fait plus vive, de véritables plaintes.
Il marque une pause. Aux alentours le silence s’est fait. Un silence d’attente. Un silence d’écoute.
Et alors… À la ceinture cette fois. Une dizaine de cinglées âpres, brûlantes qui m’arrachent des cris déchirants.
– Là ! Et tiens-le toi pour dit…
Je me relève lentement. En reniflant. Il me sourit. Je lui souris. Je suis trempée.
Tout autour on se remet lentement en mouvement. Il y a des rires quelque part. Quelqu’un, au-dessus, se met à crier : « Ouille ! Hou là là ! Ouille ! Ouille ! Ouille ! ». Des portes s’ouvrent. Il y a des pas dans le couloir. Des voix. Les gens descendent dîner.
Nous, on attend qu’en bas la salle se soit remplie.

– Allez, on y va ?
Il me donne le bras. Et on fait notre entrée. Toutes les conversations s’arrêtent d’un coup. Tous les regards convergent vers nous. Notre table est à l’autre bout, là-bas. On traverse. Dans un silence absolu. Je baisse pudiquement les yeux. Je frissonne. Un serveur me tire ma chaise.
– Merci.
Autour de nous, les conversations reprennent, hésitent, trouvent leur vitesse de croisière. Je ne regarde rien. Ni personne.
Le maître d’hôtel vient prendre la commande, impassible. S’éloigne.
Georges se penche vers moi.
– On nous regarde. Tu es l’attraction de la soirée, ma chère.
Sous la table je croise les jambes, les décroise, les recroise encore. Je lève brièvement les yeux. Une femme se moque ouvertement de moi. Je les rebaisse aussitôt. Mais j’y retourne. C’est plus fort que moi. Elle rit de plus belle. D’autres aussi. Des quantités de regards convergent vers moi.
Georges pose une main sur mon bras. Me chuchote à l’oreille.
– Tu as honte. Et ça se voit. Mais tu aimes tellement ça !
Je serre les cuisses. J’aime, oui.
Il insiste.
– Qu’est-ce que ce sera tout-à-l’heure !
Tout-à-l’heure, quand il en aura remis une couche et que mes cris de jouissance retentiront dans tout l’hôtel.

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