Dessin
de Flogger (Luc Lafnet)
Au
boulot, il nous est arrivé un jeune stagiaire. D’une vingtaine
d’années. Pas mal du tout. L’allure un peu poète maudit.
Pierrot lunaire. Mystérieux à souhait. Et c’est nous, Cordelia et
moi, qu’on a chargées de le mettre au courant. Ce qu’on a bien
évidemment accepté avec empressement. Elle, elle a tout de suite
pris une option dessus…
– J’en
ferais bien mon quatre heures…
Moi
aussi, oui, bien sûr, si je sentais qu’il y avait mèche, je me
ferais sûrement pas prier, mais j’ai une autre idée derrière la
tête. À cause de ses mains. Blanches. Fines. Aux doigts
démesurément longs. Je me trompe peut-être, mais, à mon avis,
quand il te crépite le fessier avec des mains comme ça, tu dois le
sentir passer. Et moi, j’adore ça, le sentir passer. Sauf
qu’encore faudrait-il qu’il soit branché là-dessus. Ce qu’est
pas gagné.
Bref,
toujours est-il qu’on s’est sérieusement investies, toutes les
deux, pour rendre son intégration, à ce Baptiste, la plus aisée
possible. Au point même de l’emmener déjeuner avec nous à midi.
Il s’est montré un convive charmant. Plein d’humour. Et doué
d’un esprit d’à-propos hors du commun. On a passé un excellent
moment. Jusqu’à ce que son portable sonne… « Excusez-moi ! ».
Et il est allé faire les cent pas avec sur le trottoir.
Cordelia
a soupiré…
– Bon,
ben voilà, il a une copine. Une fois de plus, c’est râpé. Non,
mais tu peux m’expliquer pourquoi, chaque fois qu’un mec me
plaît, il est déjà en mains ?
– Parce
qu’il a plu à une autre avant.
– Ah,
c’est malin ! Bon, mais faut peut-être pas partir battue non
plus. Si ça tombe, elle compte pas vraiment pour lui.
– Ça
t’arrangerait bien, hein !
– Oui,
oh, et puis en même temps, ça n’a pas vraiment d’importance. Au
contraire, même. Ça me stimule, moi, la concurrence.
Et,
quand il est revenu, elle l’a gratifié d’un sourire enjôleur.
Et, tout le reste du repas, elle lui a fait du rentre-dedans comme
c’est pas permis. L’après-midi aussi… Pendant que moi, je
focalisais sur ses mains. Elles me fascinent, ses mains.
Je
me tourne et me retourne dans mon lit sans parvenir à trouver le
sommeil. Je pense à lui, je pense à Cordelia. Est-ce qu’elle va
parvenir à ses fins ? J’ai envie que oui. Et, en même temps,
j’ai envie que non. Je somnole un peu. Mais il y a ses mains. Qui
s’agitent devant mes yeux. Mon imagination s’envole. On sonne. Je
vais ouvrir.
– Baptiste,
mais qu’est-ce que…
Il
me repousse. Il a l’air furieux.
– C’est
ignoble ce que vous faites toutes les deux… Vouloir briser mon
couple comme ça… C’est révoltant…
Je
me défile. Je me défausse.
– C’est
pas moi ! C’est elle…
Il
éclate de rire.
– C’est
pas vous, non ! Vous, vous jouez pas cartes sur table. Vous
fomentez vos petits coups en douce. Vous êtes pire qu’elle, vous !
Vous êtes fausse. Et sournoise.
Je
me débats comme je peux.
– Mais
non… Je ne suis pas… Je suis… C’est-à-dire…
Il
me coupe la parole.
– Vous
vous enfoncez. Bon, mais assez discutaillé. Je ne suis pas venu pour
ça. Je suis venu pour vous remettre de l’ordre dans les idées et
vous flanquer une bonne fessée et, faites-moi confiance que vous
allez vous en souvenir.
Je
proteste avec conviction.
– Non,
mais ça va pas ? Vous êtes vraiment pas bien, vous, hein !
Mais,
en réalité, tout au fond de moi, je suis aux anges. Une fessée !
Il va me donner la fessée !
– Déculottez-vous !
– Que
je… ! Non, mais alors là, sûrement pas !
Pourvu
qu’il insiste ! Pourvu qu’il insiste !
– Vous
feriez mieux de vous y résoudre – et rapidement –
parce que plus vous allez me faire attendre et plus je vais me
montrer intraitable.
Je
m’y résouds en rechignant. Avec ravissement. Avec jubilation.
Et
il y a ses mains. Qui prennent possession de mon derrière. Qui s’y
installent. Qui caressent et pinçotent. Et qui claquent. D’un
coup. Sans prévenir. En pluie. En grêle. En cataracte. Elles font
mal, ses mains. Terriblement mal. Mais c’est bon. Si bon.
Terriblement bon. Et ça ne s’arrête pas. Il est infatigable. Ça
cuit. Ça brûle. C’est insupportable. Mais qu’il continue !
Qu’il continue !
Il
continue. Longtemps. Et puis il passe une main entre ses cuisses. Et
il constate…
– Tu
es trempée.
Il
parcourt. Il s’introduit. Il fouille. Je gémis doucement.
J’ondule. Je m’ouvre. Je le veux.
Il
vient. Il pousse sa queue, lentement, très lentement, jusqu’au
fond de moi. Il la retire. Il revient. Il me rend folle.
Je
crie mon plaisir. Une première fois. Une deuxième. Et puis lui. Il
m’inonde. Il me quitte. Je me blottis contre lui. Il me caresse
doucement les cheveux.
– Ah,
oui, à propos, je voulais te dire… J’en ai pas de copine. J’ai
personne.
Hein ?
Non, mais quel salaud ! Ah, il s’est bien fichu de moi !
Et il en a bien profité…
– Toi,
par contre, c’est pas bien joli ce que tu viens de faire. Derrière
le dos de Cordelia. Et tu te prétends sa copine ! Ah, ben
bravo ! Bravo ! Mais tu vas être punie pour ça. Et au
fouet, cette fois.
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