samedi 30 janvier 2016

Escobarines: Petite annonce (1)

« Femme mûre, naturellement autoritaire, hébergerait gracieusement jeune femme d’un naturel docile. »

Je l’ai lue et relue cette annonce… Dix fois… Vingt fois… J’ai fermé les yeux… Et tout s’est mis une nouvelle fois en route… Une voix d’abord… Dure… Métallique… Elle exigeait… J’obéissais… Il lui suffisait de vouloir… Tout ce que bon lui semblait… Elle obtenait… Et puis je lui ai donné un visage… Hautain… Méprisant… Indéchiffrable…

J’ai recommencé… Le lendemain… Le surlendemain… Les jours d’après… Elle prenait de plus en plus d’assurance… Elle imposait… Elle s’imposait… J’aimais… Tellement…

Et si ? L’annonce ? Si ? En vrai ?
– Non, mais ça va pas ! T’es complètement folle, ma pauvre fille… Faut te faire soigner…
– Ben pourquoi ?
– Parce que…
– La réalité t’a toujours fait peur… T’es incapable de l’affronter en face…
– Mais non, mais…
– Bien sûr que si ! Mais continue ! Continue à t’amuser avec tes petits fantasmes à deux balles… T’es bonne qu’à ça n’importe comment !

Je me disputais comme ça, des heures durant, avec moi-même… Je finissais par m’en remettre au hasard…
– Pile, j’y vais pas… Face, j’y vais…
Pile, j’y allais pas… Face, je remettais à plus tard… Et je la faisais revenir en imagination… De plus en plus intransigeante… De plus en plus dédaigneuse… J’étais comblée…

Ce qui a fini par me décider, c’est l’idée que, de toute façon, maintenant, au bout de quinze jours, elle avait dû trouver… Elle avait forcément trouvé… Je pouvais donc me montrer courageuse à bon compte… Et je me suis fendue d’un mail… « Je suis à votre disposition… » La réponse ne s’est pas fait attendre… « Photo ! » Je la lui ai adressée, les mains tremblantes, en me répététant, sur tous les tons, queje faisais une énorme connerie… J’ai reçu son adresse, par retour, avec un péremptoire : « Viens ! Je t’attends… » J’ai tenté de gagner du temps… Comme ça ? Là ? Maintenant ? Je pouvais pas… Je… « J’ai dit tout de suite ! » J’ai obéi… Avec infiniment d’appréhension… Avec infiniment de jubilation…

J’ai sonné à la grille, le cœur battant… Rien… Deux fois… Trois fois… Quatre… Toujours rien… Et puis, enfin, une voix…
– Entre !
Elle m’a regardée traverser l’esplanade de gravier… Approcher… Monter les marches qui menaient jusqu’à elle…
– Baisse les yeux ! Baisse immédiatement les yeux…
Ce que j’ai fait en rougissant…
– Pardon… Excusez-moi !
– Tu t’appelles ?
– Amandine…
– Ton âge ?
– 23…
– Alors comme ça, Amandine, tu es docile…
– Oh, oui !
– Vraiment très très docile ?
– Je crois…
– C’est ce qu’on va voir… Et sur-le-champ… Viens !
Elle m’a saisie par un coude… Entraînée à l’intérieur… S’est confortablement installée… A allumé une cigarette…
– Bon… Et maintenant tu te déshabilles… Tout t’enlèves… Absolument tout…
J’ai obéi… Elle ne m’a pas quittée un seul instant des yeux… J’ai tout retiré… Nue… Toute nue… 

Elle a fait la moue…
– Oui… Prestation correcte sans plus… Tu peux faire mieux… Beaucoup mieux… Par contre t’es pas trop mal fichue… Ça joue en ta faveur… Tourne-toi ! Oui… Décidément… Pas mal du tout… Bon… Eh bien tu sais pas ? Maintenant tu vas essayer de me convaincre de te donner une bonne fessée… Et tâche d’être efficace… Dans ton intérêt… Allez, je t’écoute…

(à suivre)

mardi 26 janvier 2016

Mystérieuse fessée (2)

2




Il a quand même bien fallu que je lui dise à Patrice… Parce qu’il s’est rendu compte… Il restait pas grand chose pourtant… Presque rien… Fallait vraiment savoir… N’empêche qu’il s’est aperçu…
– Mais qu’est-ce c’est que ça ?
– Quoi donc ?
– Ben là… Sur ton derrière… Et puis là… Et encore là… Non, mais c’est que tu t’es pris une fessée, ma parole ! Ah, si ! Si ! C’est une fessée… Aucun doute là-dessus… C’est qui ? Ton mari ? À cause de nous ?
– Non, Patrice, non ! Il y est pour rien… Je voulais pas t’en parler… Pour pas t’inquiéter, mais…
Et je lui ai raconté… La peur au ventre… Peur qu’il me croie pas… Qu’il aille s’imaginer des tas de choses… Que j’inventais… Que j’avais quelqu’un d’autre… Que je lui cachais des trucs… Que sais-je encore ? Ça paraissait tellement invraisemblable tout ça…
Il m’a écoutée, sans m’interrompre, jusqu’au bout… Et puis il a éclaté…
– Bouge pas que je vais les retrouver ces petits salopards… Alors là fais-moi confiance que je vais les retrouver… Et qu’ils vont passer un sale quart d’heure…
– Les retrouver ? Mais où ça, Patrice ? On les connait pas… On sait rien d’eux… Autant chercher une aiguille dans une botte de foin…
– J’y arriverai… Je mettrai le temps qu’il faudra, mais j’y arriverai…
– Tu sais ce qu’elle croit Daphné ? Que c’est ta femme qu’a manigancé tout ça…
– Estelle ?
– Oui… Elle aurait découvert pour nous… Et se vengerait de moi comme ça…
– Non, mais alors là elle est complètement à côté de la plaque ta copine… Parce que les petits coups en douce par en-dessous, c’est pas du tout son style à Estelle… Si elle avait eu le moindre soupçon, c’est d’abord sur moi que ce serait tombé… Il y aurait eu explication… Aussi sec… Menaces… Mises en demeure… Et tutti quanti… Non… Alors là je suis sûr de moi… Elle se doute de rien… Ça peut pas être elle…
– Mais qui alors ?
– Ton mari ?
– Paul ?
– Pourquoi pas ?
– Je le vois vraiment pas dans le rôle non plus… Non… S’il avait éventé quoi que ce soit, il se serait trimballé un air de chien battu toute la sainte journée… Jusqu’à ce que je lui demande ce qu’il avait… Il se serait fait extirper les mots au forceps… Un par un… J’aurais nié… Et retourné la situation… Non, mais il était vraiment pas bien, hein ! Pour qui il me prenait ? C’est comme ça qu’il avait confiance en moi ? Ah, ben bravo ! Bravo ! Etc. Je sais faire quand je veux… Et, pour finir, il se serait excusé, tout penaud…
– Si c’est pas Estelle… Si c’est pas Paul non plus…
– Qui ça peut être ? Ben oui… Oui… Ça fait trois jours que je retourne la question dans tous les sens… Faut pourtant bien qu’il y ait une raison… Quelqu’un qui m’en veuille quelque part… Sauf que je vois pas… Je vois vraiment pas…
– Ça peut pas être à l’agence ?
– J’y ai bien pensé, mais qui ? Et pourquoi ? J’ai de bons rapports avec tout le monde là-bas… À part peut-être…
– Oui ?
– Valérie… C’est vrai que ça passe pas trop avec elle… Pour pas dire pas du tout… Mais qu’est-ce que j’y peux, moi, si les clients ils me réclament ? Si, pour la plupart, ils ne veulent avoir affaire qu’à moi ? Elle me jalouse, ça, c’est sûr… D’autant que Dubois a tendance à m’attribuer systématiquement les dossiers sensibles… Qu’il lui en a même retirés sept ou huit pour me les confier…
– Et tu t’étonnes qu’elle te porte pas dans son cœur ?
– Non… Bien sûr que non… Mais de là à ce qu’elle aille manigancer un truc pareil…
– Alors ça ! T’as des gens… De tout ils sont capables… Absolument tout… Elle vit seule cette nana ?
– Pour autant que je sache, oui…
– Et elle occupe ses soirées à quoi à ton avis ? À ressasser encore et encore ce qui s’est passé au boulot dans la journée…
– Ce serait bien le genre à ça, oui…
– Tout prend pour elle des proportions gigantesques… Elle interprète… Elle brode… Elle fabule… Tout ce que tu dis, tout ce que tu fais est forcément dirigé contre elle… Tu veux la perdre aux yeux du patron… Elle n’a pas le moindre doute là-dessus… Et voilà des mois et des mois qu’elle rumine… Qu’elle imagine mille et mille façons de se venger de toi…
– Et elle aurait fini par passer à l’acte ? Peut-être… Ça se tient après tout… Non… La seule chose : où diable est-elle allée recruter ses hommes de main ? Elle n’a pas d’amis… Elle ne connaît personne…
– On obtient tout ce qu’on veut avec de l’argent…
– La garce ! Non, mais quelle garce !
– Si c’est elle… C’est vraisemblable… Mais quand même… On n’a pas de preuves…

mardi 19 janvier 2016

Mystérieuse fessée (1)

MYSTÉRIEUSE FESSÉE


Elle hallucinait complètement Daphné…
– Comme ça ! En plein après-midi… Trois types que tu sais même pas qui c’est…
– Deux types et une nana… Il y avait une nana dans le tas…
– Qui rentrent chez toi… Qui te foutent le cul à l’air… Qui te flanquent une fessée… Et qui se cassent… Excuse-moi, mais si je te connaissais pas comme je te connais, je dirais que t’es une grosse mytho…
– Oui, ben pourtant je peux t’assurer…
– Oh, mais je te crois… Je te crois… N’empêche que c’est un truc de dingues… Parce que d’où ils sortent ces lapins ? Et pourquoi ils sont venus s’en prendre spécialement à toi ? T’as pas une idée ? Je sais pas, moi ! Quelque chose…Un indice…
– Peut-être, si !
– Ah, et alors ?
– Ce serait Estelle, sa femme à Patrice, que ça m’étonnerait même pas…
– Elle est au courant pour vous deux ?
– Oh, non, non ! Normalement, non… Mais bon… Va savoir ! Peut-être qu’elle a découvert le pot-aux-roses… Et qu’elle me fait payer…
– En t’envoyant un commando-fessée ? Mouais… Ça fait bien un peu tiré par les cheveux…
– Je vois pas d’autre explication…
– Il en pense quoi Patrice, lui ?
– Je lui en ai pas parlé…
– Ah, bon ! Ben, pourquoi ?
– Tant que c’est pas du sûr à cent pour cent… Non, parce que je sais ce qui va se passer… Il va se mettre à flipper comme un malade… Vouloir en avoir le cœur net… Culpabiliser à mort…
– Et, si c’est pas déjà le cas, si ton hypothèse est pas la bonne, c’est pour le coup qu’elle va vraiment avoir des soupçons sa bonne femme…
– Voilà, oui…
– Qu’est-ce tu vas faire ?
– Comment ça qu’est-ce je vais faire ?
– Ben, je sais pas, moi… Tu vas aller aux flics ?
– Non, mais ça va pas ? Oui, ben alors là, il y a pas de risque ! Parce que t’imagines ? Je les connais les flics… Ils vont s’amener là-dedans avec leurs gros sabots… Interroger à droite… Interroger à gauche… Farfouiller partout… Tout mettre sens dessus dessous… Je tiens pas à ce que tout le pays soit au courant que je me suis fait tambouriner le derrière, moi !
– Sans compter que tu vas être bonne pour aller le montrer à tout un tas de monde ton derrière… Le faire « expertiser »… Ils voudront établir la matérialité des faits… Comme ils disent…
– En plus ! Non… Et puis attends ! Je vois ça d’ici à l’agence… Ils vont en faire des gorges chaudes les Duparc, Berthier et compagnie… Ah, j’ai pas fini d’en entendre… Et les clients qui manqueront pas d’en rajouter une couche…
– Et tout ça pour rien… Un coup d’épée dans l’eau… Elle jurera ses grands dieux qu’elle a rien à voir là-dedans… Et comme il y a aucune preuve… Au final, en prime, ça risque de te retomber dessus… On te soupçonnera d’avoir tout manigancé pour lui causer du tort… Vu que c’est la femme de ton amant…
– J’y ai pensé, oui…
– Non… La seule chose, faudrait pas que ça recommence…
– Ça peut, tu crois ?
– Ben, si c’est elle, oui… Elle risque de pas te lâcher tant que t’auras pas mis fin avec Patrice…
– C’est gai !
– Mais c’est pas forcément elle…
– Tu parles !
– Ils t’ont dit quelque chose quand ils te l’ont fait ? Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?
– Tout a été tellement vite… J’étais complètement tétanisée… Je comprenais rien à ce qui m’arrivait… Je réalisais pas… Je savais que répéter : « Mais arrêtez ! Mais ça va pas ! Non, mais vous êtes pas bien… »
– Oui… Toi… Non, mais eux ?
– Eux ? Rien… Pas un mot…
– Ce qu’est pas très logique si elle est derrière tout ça… Si elle veut que tu laisses tomber Patrice… Parce que, dans ce cas-là, faut quand même bien que tu comprennes un minimum de quoi il retourne… Ils t’auraient sorti un truc du style… « Bon, maintenant ça suffit… Tu lâches l’affaire… » Que ce soit suffisamment explicite, mais que ça ne la compromette pas vraiment…
– Mais alors si c’est pas elle, c’est qui ?
– C’est bien là toute la question… Il y a peut-être quelqu’un, quelque part, qui t’en veut…
– Je vois pas…
– Parce que peut-être que ça remonte à loin… Que tu te souviens pas… Mais peut-être que ça va te revenir à force de chercher… Il y a que toi qui peux trouver n’importe comment…

mercredi 13 janvier 2016

Fessées croisées2 (19)

15 août


– Ben, d’où tu sors, Gilles ?
– J’étais descendu faire un tour… En attendant que tu te réveilles… J’ai pas eu le temps d’aller bien loin d’ailleurs : je suis tombé sur la patronne en sortant de l’ascenseur… On a fait un petit brin de causette tous les deux du coup… Et j’en ai profité pour m’excuser… Non… C’est vrai… Parce que comment t’en étais de la comédie cette nuit… T’as braillé d’une force…
– Oh, quand même !
– Tu t’es pas entendue ! Oh, mais comme je lui ai dit, hein ! Une femme qui retrouve son mari après une longue absence, c’est forcément débridé…
– T’as pas fait ça ?
– Bien sûr que si !
– Elle doit avoir une de ces opinions de moi !
– On s’en fiche… Et même… Si on en rajoutait une couche ?
– Comment ça ?
– Dans la foulée, tu pourrais en ramener un autre cet après-midi… Ce serait jamais que le quatrième…
– Oui, ben alors là ! C’est pour le coup qu’elle nous en fait une attaque…
– Avoue que la situation te déplairait pas vraiment…
– Peut-être… Je sais pas…
– Tu parles que tu sais pas… Bon… Mais, en attendant, on a un petit compte à régler tous les deux…
– Un petit compte ?
– Fais bien l’innocente…
– Non… Je vois pas… Je t’assure…
– Je sais encore reconnaître les fessées que je donne… Et celle qui te décore actuellement le derrière, ce n’est pas moi qui te l’ai infligée…
– Ah, oui… Oui… Oh, ben tu te doutes… C’est l’autre, là, hier…
– Et tu ne m’en as rien dit…
– J’y ai pas pensé… J’ai oublié…
– À qui tu veux faire croire ça ?
– Non, mais si, c’est vrai, hein, je t’assure…
– Si c’est vrai, alors c’est très inquiétant : tu commences à avoir de gros problèmes de mémoire… Il faut soigner ça… Le plus vite possible… Avant que ça s’aggrave… Heureusement qu’il existe un remède… Très efficace… Tu vois de quoi je veux parler ? Oui ? Eh bien allez alors ! En position !

– Comment ça me brûle !
– Ah, ben ça ! Forcément… Une hier après-midi… Une maintenant… Par-dessus… Sans compter les précédentes… Qui n’avaient pas eu le temps de s’estomper vraiment… C’est obligé que tu le sentes passer…
– Non… Et puis t’as tapé fort… Beaucoup plus fort que d’habitude…
– Ce que t’avais pas l’air de trouver si désagréable que ça…
– Oh, ben non… Non… T’as bien vu… Et puis ce qu’il y avait surtout, c’était que la raison pourquoi tu me l’as fait, je m’y attendais vraiment pas du tout… Et ça j’adore…

On est descendus… De derrière son comptoir, la patronne a souri à Gilles qui s’est lancé dans de grands discours…
Qu’elles touchaient à la fin nos vacances…
– Eh, oui… On est sur le départ… Va falloir reprendre le collier…
Qu’il avait pourtant pas à se plaindre…
– Non… Parce que je fais un boulot qui me plaît… Et ça, au jour d’aujourd’hui, ça n’a pas de prix…
Et qu’en plus c’était l’entente parfaite tous les deux…
– Sept ans de mariage, sept ans de bonheur… Ah, pour ça, on risquait pas d’aller voir ailleurs… Ni l’un ni l’autre… Ah, non alors !

– T’es trop, toi, dans ton genre ! Aller lui servir un petit couplet sur la fidélité… Alors qu’hier dans la chambre, là-haut, je me suis tapé deux amants coup sur coup… Non, mais tu te rends compte ? Je savais plus où me mettre, moi !
– T’adores ça !
– Elle a réagi comment ? J’osais pas trop la regarder…
– Elle a pas réagi… Impassible… Imperturbable… Rien…
– Ah, oui ?
– Ce qui te donne envie de la pousser dans ses derniers retranchements, hein ?
– Oui… Enfin, non… C’est-à-dire… Faudrait qu’on ait du temps devant nous pour ça… Et puis pour Enzo… Pour que tu puisses nous surprendre tous les deux… Et comme va falloir rentrer, le mieux…
– C’est de remettre tout ça à l’année prochaine…
– Voilà, oui…
– Et de prendre dès à présent la route du retour… Bon, ben allez ! Action !

FIN