Anonyme
1890
– J’ai
fait couler le bain de Madame.
– Merci,
Jeanne. J’arrive.
Je
m’y plonge voluptueusement. Je ferme les yeux.
Et
il y a les mains de Jeanne. Presque aussitôt. Douces. Caressantes.
Expertes. Sur mon visage. Sur mon dos. Qui savonnent. Qui s’emparent.
Qui s’éloignent. Qui reviennent. Qui s’attardent sur mes seins.
Qui en font savamment dresser les pointes.
– Jeanne…
– Si
Madame veut que je remplisse correctement mon office, il faudrait que
Madame se redresse.
Que
je me… Oui… Voilà… Voilà…
Les
fesses. Qu’elle me masse délicatement. Longuement. Entre
lesquelles elle se faufile. Elle remonte de l’autre côté. Elle
presse. Elle sollicite.
– Oh,
Jeanne…
Elle
capture mon bourgeon. Elle se l’approprie.
– Si
Madame veut bien écarter…
J’écarte.
Je m’abandonne. Je m’offre. Elle se fait intrusive. De plus en
plus.
– Jeanne…
Oh, Jeanne…
Je
chavire. Et je clame mon plaisir. Sans aucune retenue.
Mais
il y a ces autres matins. Ces matins où Jeanne a sa tête des
mauvais jours. Où elle est froide. Distante. Où ces gestes sont
secs. Saccadés. Où, en me lavant, elle me fait presque mal. Finit
par me faire vraiment mal. Où tout en elle est reproche. Où elle
explose.
– Madame
a passé une bonne nuit ?
– Oh,
mais vous savez bien, Jeanne…
– Que
Madame s’est fait grimper par Monsieur, oui.
– C’est
mon mari. Je ne peux tout de même pas…
Elle
pince les lèvres.
– On
peut toujours quand on veut.
– Je
n’ai jamais de plaisir avec lui.
Ce
qui est vrai. Les ressorts du sommier sont les seuls à crier. Ce
sont eux qu’elle entend.
– Ce
n’est pas une raison.
Cela
dure en général quelques jours. Trois ou quatre. Rarement plus. Et
puis tout redevient comme avant. Mais cette fois-ci… Quinze jours.
Plus de quinze jours. Et elle ne semble toujours pas décidée à
revenir à de meilleurs sentiments.
– Jeanne…
– Madame ?
– Si
nous faisions la paix ?
Elle
fait non de la tête. Non. Elle ne veut pas.
– Mais
pourquoi ?
– Parce
que… Madame m’a menti. Elle a eu du plaisir avec Monsieur.
Ce
qui, pour une fois, est vrai. C’est la première fois depuis des
années. Oh, pas un plaisir tonitruant, non. Disons, un semblant de
plaisir. Parce qu’il a mis plus de temps que d’habitude pour
arriver à ses fins. Alors oui, j’ai éprouvé un petit quelque
chose. Un tout petit quelque chose qui n’a strictement rien à voir
avec ce que je ressens quand elle s’occupe, elle, de moi. Mais
comment est-ce qu’elle sait ? Je n’ai pourtant pas crié. Ni
gémi. Je ne crois pas, du moins.
– Mais
jamais de la vie, Jeanne ! Jamais de la vie. Vous savez bien
qu’avec lui…
– Madame
me ment encore.
Il
se passe une autre semaine. Dix jours. Elle se montre inflexible.
Intraitable. Et ses caresses me manquent. Ses doigts me manquent. Je
la supplie.
– S’il
vous plaît, Jeanne…
– Non.
– Mais
pourquoi ?
– Parce
que Madame m’a menti. Et tant que Madame n’aura pas reconnu
qu’elle m’a menti.
Je
renâcle un peu. Je tergiverse. Mais je finis par en passer par où
elle veut.
– Je
reconnais, Jeanne.
– Que
vous avez eu du plaisir avec lui ?
– Oui.
– Et
que vous m’avez menti ?
– Oui.
– Alors
Madame doit être punie.
– Hein ?
Mais vous n’y pensez pas.
– Comme
Madame voudra.
Et
tout, dans son ton, dans son allure, signifie que, dans ces
conditions, les choses resteront en l’état. Que c’en est
définitivement terminé. Que ses mains ne me parcourront plus, le
matin, pour m’offrir ces délicieux plaisirs que je n’avais
jamais connus auparavant. Que je veux retrouver. Dont je ne peux plus
me passer. Alors oui, oui, qu’elle me punisse. Si elle veut. Comme
elle veut.
Elle
esquisse un imperceptible petit sourire de triomphe.
– Que
Masame reconnaisse qu’elle a mérité d’être punie.
– Je
le reconnais, Jeanne.
Tout
ce qu’elle veut. Tout ce qu’elle voudra.
Je
suis nue. À plat ventre sur son lit. Et elle me cingle. À la
badine. Ça mord. Ça brûle. D’instinct, je ramène l’une de mes
mains sur mes fesses pour me protéger.
– Que
Madame se montre raisonnable…
Elle
la saisit, ma main, elle la maintient et elle continue à taper. De
plus en plus fort.
Ça
fait mal. Que ça fait mal ! Je gémis. Je crie. Elle n’en
tient aucun compte. Elle continue. Aussi longtemps que bon lui
semble.
Ça
s’arrête enfin.
– Madame
ne me mentira plus ?
– Non,
Jeanne, non. Je vous promets.
Elle
s’assied au bord du lit. Sa main se pose, toute douce, sur mes
fesses. Je m’abandonne.
Une histoire qui à nourrit d'envies les pensées d'un petit chat vagabond... (sourire)
RépondreSupprimerj'en suis ravi. Le bonheur d'écrire, c'est aussi se faire rencontrer des imaginaires.
Supprimer