jeudi 13 décembre 2018

Les fessées de Blanche (6)


Elle jette un coup d’œil à la pendule, quitte son fauteuil.
– Bonne nuit, mon ami !
Pierre lève la tête de son journal.
– Puis-je venir vous rejoindre ?
Elle s’immobilise. Lui sourit.
– Mais certainement !
Quatre mois, presque cinq, qu’il ne le lui avait pas demandé. Il fallait bien que cela finisse par arriver.
Elle referme la porte, soupire. Un mauvais moment à passer.

Un très mauvais moment.
Il y a cette insupportable odeur de tabac. Son souffle dans son cou. Il y a ses mains sur elle, adipeuses, suintantes. Son sexe qui la pénètre d’un coup. Qui entreprend son va-et-vient. Il ahane. Il se vide. Il retombe.
– C’était bien, chère amie ?
– C’était parfait.
Il arbore un sourire satisfait. Il se lève. Il regagne sa chambre.
Elle se précipite dans la salle de bains.

– Mademoiselle a pleuré.
– Mais non, Sylvain, non ! Une poussière.
Si, elle a pleuré. Bien sûr que si ! Toute la nuit.
Il se tait. Ils se taisent.
Un grondement de tonnerre se fait entendre au loin.
– Mademoiselle se sent coupable.
Comment il sait ? Mais comment il sait ?
Il ne la regarde pas. Il poursuit, imperturbable.
– Oui, elle se sent coupable. Parce que Monsieur Pierre lui assure une existence confortable. Parce qu’elle n’a rien d’autre à faire, de toute la journée, que de donner des ordres à sa cuisinière. Que de monter à cheval. Que d’aller errer, de magasin en magasin pour y acquérir tout ce qu’il lui semble bon d’acquérir. Et comment le remercie-t-elle du luxueux train de vie qu’il lui assure ? En se pâmant de plaisir dans les bras d’un autre.
– Je…
– Vous vous sentez néanmoins coupable. Et c’est tout à votre honneur. Vous vous sentez d’autant plus coupable que vous vous savez totalement incapable de mettre un terme à cette relation.
Il lit en elle. Il lit en elle à livre ouvert.
– Et que l’éducation que vous avez reçue ne vous prédispose guère à vous absoudre d’une faute dont vous savez qu’elle est, dans le cadre du mariage, l’une des plus graves qui soient.
Elle voudrait parler. Elle voudrait lui dire…
Il ne le lui en laisse pas le loisir.
– Cette culpabilité, vous allez, au fil du temps, la ressentir de plus en plus vivement. À tel point que, par moments, elle vous sera parfaitement insupportable. Une chose , et une seule, pourra mettre un peu de baume sur les souffrances qui seront alors les vôtres. Et qui le sont peut-être déjà…
Elle tourne la tête vers lui.
Il prend tout son temps. Pour descendre de cheval. Pour l’aider à descendre du sien.
Il la fixe droit dans les yeux.
– Toute faute mérite châtiment. C’est à ce prix seulement qu’on peut retrouver un peu de sérénité. Et de tranquillité d’esprit.
Il brandit sa cravache. Qu’il fait claquer plusieurs fois en l’air.
Elle se détourne. Sans un mot.

1 commentaire:

  1. Voilà qui commence à rapporter, ce noble et vieux métier de cocher-palefrenier..

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