Militcha
se veut compatissante.
– Madame
la Duchesse ne souffre pas trop ? (*)
Je
reste impassible.
– Non,
Militcha, non ! C’est supportable.
En
réalité la brûlure est intense. Lancinante. Partout. Du haut du
dos jusqu’au bas des cuisses.
Elle
m’aide à m’habiller. Je serre les dents. Qu’elle ne se rende
pas compte… Qu’elle ne s’aperçoive pas…
– En
tout cas, si je puis me permettre, Madame la duchesse a raison.
– Et
de quoi donc, Militcha ?
– De
faire sa réapparition dès ce soir à la Cour. D’oser aller y
affronter les regards. Parce que plus elle laisserait le temps passer
et plus ce lui serait difficile.
Elle
rectifie ma coiffure.
– De
toute façon, Madame la Duchesse n’est pas des plus à plaindre…
Je
ne relève pas, mais…
– Parce
que c’est Sa Majesté elle-même qui a exécuté la sentence. Or,
il est très fréquent qu’elle fasse appel aux servantes de la
condamnée et leur demande de se substituer à elle pour lui
administrer le fouet.
Il y
a comme une pointe d’envie dans sa voix.
Je
ne sourcille pas. Je reste impénétrable.
– Ce
qui fut le lot, tout récemment, de la Princesse Chelguine. Il faut
dire qu’à ce qu’on m’a rapporté, elle a renâclé et s’est
efforcée d’échapper à son châtiment. C’est une attitude qui
indispose toujours considérablement Sa Majesté.
Elle
reste un long moment silencieuse.
– Oh,
mais à l’avenir, elle se montrera assurément beaucoup plus
accommodante. Ses servantes ne l’ont pas ménagée. Et pour cause !
La façon dont elle se comporte au quotidien avec elles…
Elle
se tient debout, derrière moi, avec ma robe.
– En
tout cas, Madame la Duchesse, a fait preuve, elle, m’a-t-on dit,
d’infiniment de fermeté et de résignation.
Elles
parlent entre elles, les servantes. Elles parlent énormément. C’est
pourquoi je précise…
– Je
suis aux ordres de Sa Majesté. Il ne m’appartient pas de m’élever,
de quelque façon que ce soit, contre ses décisions.
Elle
m’aide à l’enfiler.
– Sa
Majesté vous en a su manifestement gré.
La
boutonne.
– D’autant
que…
Elle
hésite.
– D’autant
que le traitement qu’elle a fait subir à Madame la Duchesse l’a
à l’évidence enfiévrée, qu’elle est, aussitôt après, allée
retrouver son compagnon du moment et que…
Elle
n’achève pas. Ce n’est pas nécessaire.
Un
sentiment de bien-être et de plénitude m’envahit : Sa
Majesté m’a dû, au moins en partie, son plaisir. Je suis aux
anges.
Elle
réajuste ici… Réajuste là…
– Aussi
Madame la Duchesse doit-elle s’attendre à ce que, dans les jours
qui viennent, Sa Majesté ait à nouveau quelque reproche à lui
faire.
Je
croise son regard. Il y danse une petite lueur sur la nature de
laquelle il n’est pas possible d’avoir le moindre doute. Je sais
très exactement ce qu’elle pense. Et ce qu’elle espère.
Elle
vérifie une dernière fois.
– Là !
C’est parfait. Je vais faire avancer le carrosse de Madame.
* *
*
J’entre
dans la salle de bal. Tous les visages convergent vers moi.
Et
je jouis.
(*)
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