Dessin
de Léon Roze
Elle
a repoussé les feuillets, découragée.
– Je
n’y arriverai jamais.
– Il
va bien falloir pourtant. Vous savez ce qu’il m’a dit qu’il
exigeait de vous. Une lettre en termes explicites. Et convaincants.
Faute de quoi, vous aurez affaire à la justice.
– Y
aura-t-il vraiment recours ?
– N’en
doutez pas ! Et les malversations auxquelles vous vous êtes
livrée vous vaudraient, si tel était le cas, assurément la prison.
– Je
suis prise au piège.
– En
effet. D’autant que votre mari serait alors nécessairement mis au
courant. Est-ce ce que vous voulez ?
– Que
puis-je faire, mon Dieu, que puis-je faire ?
– La
rédiger, cette lettre.
– Aidez-moi,
mon ami, je vous en conjure, aidez-moi !
– Soit !
Écrivez… Monsieur le Directeur, Je me suis rendue coupable, à
votre égard, d’une faute d’une extrême gravité. Et le vol que
j’ai commis à vos dépens…
– Je
ne suis pas…
– Une
voleuse ? Il souhaite, ne l’oubliez pas, que vous appeliez les
choses par leur nom. Allons, poursuivons ! Le vol que j’ai
commis à vos dépens m’expose, j’en ai parfaitement conscience,
à des sanctions pénales dont ni ma réputation ni celle de mon mari
ne parviendraient à se relever.
– Il
me faudrait vraiment aller en prison ? Vous êtes sûr ?
– Cela
ne fait pas l’ombre d’un doute. Pour plusieurs années. Et vos
conditions de détention, dans une promiscuité…
– Taisez-vous !
Je vous en supplie, taisez-vous !
– Alors
poursuivons ! Aussi vous saurais-je gré, même si je ne la
mérite pas, de bien vouloir faire preuve d’indulgence à mon égard
et de ne pas m’imposer l’humiliation d’un procès infamant. En
lieu et place duquel j’accepterais, avec reconnaissance, le
châtiment que vous voudriez bien m’infliger de vos propres mains.
– Reconnaissance.
Est-ce vraiment nécessaire, reconnaissance ?
– Absolument.
Continuons ! Il ne tiendra alors qu’à vous d’appliquer sur
mon postérieur que j’aurai au préalable intégralement dénudé…
Eh bien ? Vous n’écrivez plus ?
– Non.
Oui. Si ! Mon Dieu…
– Vingt
coups de fouet.
– Vingt !
Il me faudra donc boire le calice jusqu’à la lie ?
– Je
le crains. D’autant – et c’est un point sur lequel il a
beaucoup insisté– qu’il vous faudra accepter que d’autres
séries de vingt coups de fouet vous soient administrées, réparties
dans le temps, autant de fois qu’il le jugera nécessaire.
– Je
ne pourrai, Armand. Ce sera au-dessus de mes forces.
– Il
le faudra pourtant. Les conséquences, si vous vous y refusez…
– Je
le sais, mon ami, je le sais. Mais la honte qu’il va m’être
donné d’éprouver…
– Sera
infiniment moindre que celle dont vous seriez irrémédiablement et
définitivement couverte si les faits dont vous vous êtes rendue
coupable viennent à être publiquement dévoilés.
– Quand
il me…
– Fouettera…
– Vous
pouvez m’assurer que ce sera sans témoins ?
– Absolument.
Il n’y aura que vous, lui et moi.
– Vous
aussi !
– Il
y tient absolument.
– Mais…
– Nous
sommes amants, chère amie, et ce ne sera certes pas la première
fois que…
– Sans
doute ! Mais la situation dans laquelle je vais être contrainte
de me trouver devant vous…
– Devrait,
selon lui, vous amener à nourrir des réflexions dont vous tirerez,
pour l’avenir, le plus grand profit.
– Que
je regrette ! Oh, que je regrette !
– Ce
qui, malheureusement, ne peut plus désormais vous être d’aucun
secours. Bon, mais n’abusons pas de sa patience. Remerciez-le par
avance des bontés dont vous le suppliez de faire preuve à votre
égard et finissons-en.
– Que
je le remercie !
– C’est
la moindre des choses, non, vous ne croyez pas ?
– Je
ne sais pas. Si ! Oui. Peut-être. Oui. Que je regrette !
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