lundi 18 février 2019

Vingt ans après

Dessin de Luc Lafnet


– Tiens donc, Mademoiselle Lise !
– Madame… Je suis mariée maintenant, Basile. Madame.
– Mes compliments. Vous voilà donc revenue au pays ?
– Pour quelques jours. Seulement pour quelques jours. Le temps d’une petite plongée au milieu de mes souvenirs.
– Oh, vous trouverez pas bien de changement, vous savez. Tout est resté à peu près en l’état. Comme avant.
– Ah, je t’en ai fait voir à l’époque, mon pauvre Basile, hein !
– C’est du passé, Mademoiselle Lise.
– Il n’empêche. Qu’est-ce que je pouvais être infecte avec toi ! Quand j’y repense…
– Il faut bien reconnaître que vous n’étiez pas facile. Et que plus vous avanciez en âge…
– Pire c’était. J’en ai bien conscience. Je te poussais délibérément à bout. Je te provoquais. Tant et si bien qu’excédé tu as fini, un jour, par me flanquer une magistrale fessée.
– Dame, c’est vrai que ce jour-là…
– Je l’avais amplement mérité. Comment j’avais saccagé le jardin !
– Ah, ça, vous y étiez pas allée de main morte.
– Et toi non plus ! Près de trois jours ça m’a brûlé. Ce qui m’a pas empêchée de recommencer.
– Au pire moment. Quand tout sortait à nouveau de terre.
– Ce qui m’en a valu une deuxième. Beaucoup plus sévère encore que la première.
– Tout ce travail accompli en vain…
– J’avais beau avoir… Quel âge déjà au juste ? Vingt-et-un ? Vingt-deux ? J’étais complètement immature. Faut dire aussi que mes parents se souciaient de mon éducation comme d’une guigne. Peu leur importait ce que je faisais du moment que leur petite tranquillité n’en était pas affectée. Tu es le seul à m’avoir posé des limites. À m’avoir ramenée, par la suite, chaque fois qu’il le fallait, dans le droit chemin.
– Vous voir partir à la dérive me désespérait.
– Ah, tu m’en auras donné, au bout du compte, des fessées !
– C’était pour votre bien.
– Je l’ai, avec le recul, parfaitement réalisé. Et je t’en suis infiniment reconnaissante. D’ailleurs…
– Oui, Mademoiselle ?
– Non, rien. Enfin, si !
– Mademoiselle ne serait-elle donc pas venue ici aujourd’hui par hasard ?
– J’ai honte, Basile.
– Les mauvais penchants de Mademoiselle auraient-ils repris le dessus ?
– Ce que j’ai fait, Basile…
– Mérite, une fois de plus, une correction exemplaire.
– Oui.
– Eh bien, allons, Madame, allons ! Par ici… Ce bon vieux tabouret va reprendre du service.

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