jeudi 14 février 2019

Les fessées de Blanche (15)


Couchée sur le ventre dans l’obscurité, elle laisse le bien-être l’envahir. Ses fesses la lancinent, mais elle est bien. Si bien. Il est revenu. Il est à elle. Si passionné. Si ardent. Et elle est encore toute pleine de lui. Ouverte. Abandonnée. Gontran. Son Gontran. Elle sourit. Elle lui sourit.
Sylvain !
Elle réalise d’un coup.
Sylvain ! Il était là, Sylvain. Il ne s’est pas retiré après l’avoir fouettée. Elle n’y a pas, sur le moment, prêté attention, tout occupée qu’elle était de Gontran, de son bonheur d’être avec lui. Mais il est resté, maintenant elle en est sûre. Il l’a regardée se pâmer dans les bras de Gontran. Il l’a regardée se ruer éperdument contre lui, à la conquête de son plaisir.
La honte la submerge.
Quel méprisable petit personnage il fait !
Oui, mais enfin, si tu n’avais pas…
Si je n’avais pas quoi ?
Non. Rien.
Il devait me fouetter. Et partir. S’en aller. Oh, mais il va avoir de mes nouvelles, alors là il peut s’y attendre…
Tu vas faire quoi ?
Lui dire ma façon de penser.
Tu peux aussi ne t’être aperçue de rien, persuadée qu’il était parti.
Tu crois ?
D’autant que ce n’est pas si désagréable que ça au fond pour toi, avoue, que…
Tais-toi ! Tais-toi ! Tu vas te taire ?

Sylvain ne desserre pas les dents. Ils ont contourné le bois de La Clanche, longé les prés de Mironnet, pris à droite à la fontaine de Saint-Urbain et il n’a toujours rien dit.
Il est absent, lointain, préoccupé.
– Eh bien, Sylvain, il y a quelque chose qui ne va pas ?
– Si, Mademoiselle, si ! Tout va bien.
Mais il soupire.
Ils chevauchent. La plaine de La Longerie. Le moulin de La Coinette.
– Mademoiselle…
Il se tourne vers elle, l’air grave.
– Oui, Sylvain…
– Il court des bruits. Au sujet de ce jeune homme. Il court des bruits.
Elle pâlit.
– On soupçonne quelque chose ?
– Oh, non, Mademoiselle, non ! Pas ça… Non. Il se dit qu’il serait parti.
– Parti ? Comment ça parti ? Où ça parti ?
– Il se serait enfui.
– Mais pourquoi ? C’est absurde.
– Sa classe est appelée sous les drapeaux. Il aurait fui à l’étranger pour échapper à l’incorporation. Et à la guerre.
– Sans m’en parler ? Sans me faire ses adieux ? C’est impossible. Complètement impossible.


Elle l’attend. Dans la grange. Ce sont des racontars. On cherche à lui nuire. Il va venir. Elle en est sûre.

Il se passe du temps. Deux heures. Trois heures. Elle ne sait pas. Elle ne sait plus. Mais elle l’attend.

Le jour tombe. Elle pleure. Mais pourquoi ? Pourquoi il lui a fait ça ? Pourquoi ?

On entre. Elle sursaute. C’est Sylvain.
– Il faut rentrer, Madame. Votre mari va s’inquiéter.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire