Couchée
sur le ventre dans l’obscurité, elle laisse le bien-être
l’envahir. Ses fesses la lancinent, mais elle est bien. Si bien.
Il est revenu. Il est à elle. Si passionné. Si ardent. Et elle est
encore toute pleine de lui. Ouverte. Abandonnée. Gontran. Son
Gontran. Elle sourit. Elle lui sourit.
Sylvain !
Elle
réalise d’un coup.
Sylvain !
Il était là, Sylvain. Il ne s’est pas retiré après l’avoir
fouettée. Elle n’y a pas, sur le moment, prêté attention, tout
occupée qu’elle était de Gontran, de son bonheur d’être avec
lui. Mais il est resté, maintenant elle en est sûre. Il l’a
regardée se pâmer dans les bras de Gontran. Il l’a regardée se
ruer éperdument contre lui, à la conquête de son plaisir.
La
honte la submerge.
Quel
méprisable petit personnage il fait !
Oui,
mais enfin, si tu n’avais pas…
Si
je n’avais pas quoi ?
Non.
Rien.
Il
devait me fouetter. Et partir. S’en aller. Oh, mais il va avoir de
mes nouvelles, alors là il peut s’y attendre…
Tu
vas faire quoi ?
Lui
dire ma façon de penser.
Tu
peux aussi ne t’être aperçue de rien, persuadée qu’il était
parti.
Tu
crois ?
D’autant
que ce n’est pas si désagréable que ça au fond pour toi, avoue,
que…
Tais-toi !
Tais-toi ! Tu vas te taire ?
Sylvain
ne desserre pas les dents. Ils ont contourné le bois de La Clanche,
longé les prés de Mironnet, pris à droite à la fontaine de
Saint-Urbain et il n’a toujours rien dit.
Il
est absent, lointain, préoccupé.
– Eh
bien, Sylvain, il y a quelque chose qui ne va pas ?
– Si,
Mademoiselle, si ! Tout va bien.
Mais
il soupire.
Ils
chevauchent. La plaine de La Longerie. Le moulin de La Coinette.
– Mademoiselle…
Il
se tourne vers elle, l’air grave.
– Oui,
Sylvain…
– Il
court des bruits. Au sujet de ce jeune homme. Il court des bruits.
Elle
pâlit.
– On
soupçonne quelque chose ?
– Oh,
non, Mademoiselle, non ! Pas ça… Non. Il se dit qu’il
serait parti.
– Parti ?
Comment ça parti ? Où ça parti ?
– Il
se serait enfui.
– Mais
pourquoi ? C’est absurde.
– Sa
classe est appelée sous les drapeaux. Il aurait fui à l’étranger
pour échapper à l’incorporation. Et à la guerre.
– Sans
m’en parler ? Sans me faire ses adieux ? C’est
impossible. Complètement impossible.
Elle
l’attend. Dans la grange. Ce sont des racontars. On cherche à lui
nuire. Il va venir. Elle en est sûre.
Il
se passe du temps. Deux heures. Trois heures. Elle ne sait pas. Elle
ne sait plus. Mais elle l’attend.
Le
jour tombe. Elle pleure. Mais pourquoi ? Pourquoi il lui a fait
ça ? Pourquoi ?
On
entre. Elle sursaute. C’est Sylvain.
– Il
faut rentrer, Madame. Votre mari va s’inquiéter.
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