jeudi 30 mai 2019

Fessées punitives (5)


Elle en avait parlé à son Valentin, Océane ?
– Oh, ben oui ! Oui. Évidemment ! Il est quand même concerné au premier chef, non ?
Et il en pensait quoi ?
– Qu’il y a toutes les chances que ça s’avère effectivement très efficace. Que la perspective de me prendre une bonne fessée déculottée devant mes copines pourrait bien me guérir, une bonne fois pour toutes, de mes addictions. Si seulement ça pouvait être vrai ! Je demande pas mieux, moi ! Et vous ? Julien ?
– Il est convaincu qu’il est plus que probable que j’éviterai dorénavant soigneusement de nous mettre financièrement en danger. « À cinquante ans… Devant des filles qui ont la moitié de ton âge… Tu vas y réfléchir à deux fois… » Il a pas tort.
Son regard s’est perdu par la fenêtre. Est revenu à moi.
– On peut plus reculer du coup, maintenant qu’on leur en a parlé.
– Et c’est peut-être pas plus mal.
– C’est pas plus mal, non. Ça va nous obliger, un peu plus encore, à rester dans les clous.

* *
*

Elle n’y est pas restée. Elle m’a appelée, catastrophée, le mercredi de la semaine suivante.
– J’en ai fait une.
– Comment ça ?
– Ben, il était parti en stage, Valentin. Normalement pour toute la semaine. Sauf qu’il y a des intervenants qu’ont fait faux bond. Que ça a été annulé. Et qu’il est revenu cette nuit.
– Et que t’avais profité de son absence pour…
– Oui, mais attendez ! Ça faisait des années que je les avais pas vus, eux. On se retrouvait. On était contents.
– Et un verre poussant l’autre…
– Ben oui ! Je pouvais pas savoir qu’il allait rentrer…
– Et tu y es allée de bon cœur.
– Je me suis carrément mise sur le toit, oui. Ils ont été obligés de me ramener. De me coucher.
– Ah, ben bravo !
– Je sais, oui. Je suis complètement idiote il y a des moments.
– Et quand il est arrivé…
– Je comatais complètement. Et il y avait du dégueulis partout.
– Il a dû apprécier…
– Il a rien dit. Pas un mot. Pas un reproche. Rien. Il est allé se coucher sur le canapé du salon. Et c’était pire que tout. Parce qu’en temps ordinaire, je me serais ramassé une fessée, là, aussi sec. Et de pas la recevoir je me sentais mal, mais mal ! Comme s’il en avait plus rien à foutre de moi.
– Tu te doutais bien que ça allait venir. Que c’était reculer pour mieux sauter.
– Oui, mais quand même ! Quand même ! C’était insupportable, ce silence. Surtout que ça a duré. Tout le matin. Et encore tout l’après-midi. Il m’ignorait. Il m’ignorait complètement. J’ai fini par craquer. « Mais dis quelque chose enfin ! Dis quelque chose ! » « Tu es fière de toi ? » « J’ai honte, Valentin ! J’ai honte. Si tu savais… » « Oui, ah, ben ça, tu peux ! Et sournoisement t'as fait ça en plus en plus. Derrière mon dos. Ah, on voit ce qu’elles valent, tes promesses. » J’avais qu’une trouille, c’était qu’il me dise que cette fois ça suffisait. Que j’y avais été vraiment trop fort. Que j’avais dépassé les bornes. Qu’il pouvait plus me faire confiance. Et qu’il valait mieux qu’on en reste là tous les deux. Mais non. Non. À mon grand soulagement il a soupiré. « Enfin peut-être que devant tes copines… On sait jamais. On peut toujours essayer. » Tu parles que j’ai abondé dans son sens ! Et donc, ce sera dimanche…
– Si tard !
– Oui. Que j’aie le temps d’appréhender. De redouter. Ça fait partie de la punition. Comme d'avoir à vous l’annoncer. À vous, Lucile. À Bérengère. Et à Émilie.
– Émilie, que je ne connais pas encore.
– Elle est adorable, vous verrez !

lundi 27 mai 2019

La toilette de la comtesse


Frédéric Bazille. La toilette, 1870

On était en train de procéder, comme tous les matins, à la toilette de Madame la Comtesse, quand il y a eu tout un tumulte en bas. Des cris. Des cliquetis de ferraille.
On s’est interrompues.
– Poursuivez !
– Mais, Madame la comtesse, ce sont très certainement…
– Les troupes de Kadowski, oui. Et alors ? Est-ce une raison pour changer quoi que ce soit à nos habitudes ?
Natta s’est mise à trembler de tous ses membres.
– Qu’allons-nous devenir ? Nous sommes seules, sans défense. Tous les hommes sont partis combattre.
– Raison de plus pour montrer à l’ennemi qu’il ne nous effraie pas. C’est notre seule chance de salut.

Il y a eu des pas précipités dans l’escalier. Madame la comtesse a posément voilé sa nudité. La porte s’est violemment ouverte. Kadowski et quatre hommes en armes se sont avancés jusqu’au milieu de la pièce. Il a crié quelque chose, dans sa langue, et elle lui a répondu.
Les hommes ont fouillé partout. Ils ont ouvert les tiroirs, soulevé les tentures, vidé les coffres. Sans trouver ce qu’ils cherchaient. Ce qui a rendu Kadowski fou furieux. Il s’est mis à hurler. À vociférer. Madame la comtesse faisait non de la tête. Non. Non. Et encore non.
Il a hurlé un ordre et deux des soldats ont voulu s’emparer d’elle. Par le bras. Chacun d’un côté. Elle s’est dégagée, avec détermination. Elle s’est levée, a laissé tomber son voile et s’est avancé, nue, vers Kadowski qui a encore aboyé quelque chose.
Elle s’est agenouillée.
Les deux soldats ont détaché leurs ceinturons. Et ils ont frappé. Ensemble. À tour de bras. Ça s’inscrivait, chaque fois, en longues traînées pourpres, sur la peau de son dos et de ses fesses. Elle n’a pas crié. Elle n’a pas gémi.
Kadowski a fait signe d’arrêter. Lui a posé une question.
Encore non. Non. Et non.
Les coups ont repris de plus belle. Le sang a perlé.
Quand ils sont repartis, elle n’avait pas cédé.
Elle est retournée s’asseoir.
– Reprenons ma toilette. Ils ne reviendront pas.


samedi 25 mai 2019

Les fantasmes de Lucie (53)



Photographie de James Lovebirch

J’ai craqué. Je me suis remise à manger, le midi. C’est pas ce que je fais de mieux, je sais, mais bon, je me suis remise à manger. Dans un petit restaurant, à l’écart, derrière l’hôtel de ville. Où je ne connais personne. Parce que les collègues, elles, je les connais. Et ce serait des réflexions à n’en plus finir.
– Ça fait des mois et des mois que tu nous prends le chou avec la bouffe et tout ça pour qu’à l’arrivée…

Et c’est là, dans ce resto, que je l’ai rencontré. Le type improbable. Beau comme un dieu. Avec des yeux, mais des yeux ! Et quelque chose. Je savais pas quoi, mais quelque chose. Le genre de truc qui te bouscule complètement à l’intérieur.
Et… Et j’ai pas arrêté de le regarder pendant tout le repas. C’était plus fort que moi. J’avais beau essayer de me raisonner.
– Mais arrête, Lucie ! Arrête, enfin ! Il va croire que tu le dragues.
Je piquais du nez dans mon assiette, mais je pouvais pas m’empêcher. Dix secondes après je relevais la tête et j’avais à nouveau les yeux dessus. Non, mais qu’est-ce qu’il était beau ! Ça a duré tout le repas, ce petit manège. Jusqu’à ce qu’il se lève et qu’il s’arrête, un instant, à hauteur de ma table.
– Ce n’est pas très poli, Mademoiselle, de fixer les gens comme vous le faites !
J’ai piqué un fard monumental. Et voulu m’excuser. Je n’ai pu que bredouiller lamentablement.

J’y suis retournée le lendemain. En espérant qu’il ne serait pas là. Et en espérant tout autant qu’il serait là.
Il était là. À la même place.
– Bon, mais cette fois, Lucie, tu te le tiens pour dit. Tu ne lèves pas les yeux sur lui. C’est bien compris, hein ? Tu te le promets ?
J’ai tenu quoi ? Une minute ? Même pas. Et c’est reparti comme la veille. Exactement pareil. Lui, il me regardait faire. Avec un petit sourire en coin. À l’évidence, ça l’amusait follement de me voir faire tous ces efforts en vain.
Il n’a pas attendu la fin du repas. Il s’est levé. Il s’est approché.
– Vous ne tenez manifestement aucun compte de ce que l’on vous dit. Vous savez ce que vous mériteriez ? Une bonne fessée.
Et il est retourné se rasseoir.

J’étais stupéfaite. Il avait un aplomb ! Stupéfaite et déstabilisée. Il avait tapé en plein dans mon fantasme de prédilection. Mais comment il savait ? Comment il pouvait savoir ? J’étais perplexe, là, mais vraiment perplexe !
Je l’ai été bien plus encore quand, mon repas une fois terminé, je l’ai vu se lever en même temps que moi, me tenir la porte et, sur le trottoir, m’agripper fermement par le coude.
– Venez !
– Où ça ? Mais qu’est-ce que vous faites ? Lâchez-moi enfin !
– Ça commence à bien faire, votre petit jeu. Alors on va y mettre un terme. Une bonne fessée ! Ça vous fera le plus grand bien, vous verrez !
– Non, mais ça va pas ?
J’ai essayé de me dégager. Mollement. Très mollement.
Il n’a pas lâché prise.
Je me suis abandonnée.
Il y a eu des rues. Une place. Encore des rues. On a croisé des gens. Je ne voyais rien. Je n’entendais rien. J’étais comme dans un état second.
Un immeuble. Un escalier. Un couloir. Une porte. Une salle de séjour.
– Déshabille-toi ! Le bas…
J’étais sans volonté. À sa merci. Je me suis exécutée.
– Penchez-vous !
Et il a cinglé.
Ça m’a brûlée. Ça m’a mordue.
Il a tout couvert. Toute la surface. Jusque sur les reins. Jusque sur les cuisses.
J’ai crié. J’ai pleuré. Mais c’était si bon ! C’était tellement bon.
Il s’est arrêté. Le silence. Je me suis redressée.
– Non, non ! Ne bouge pas ! Reste comme ça ! Que je contemple mon œuvre !
Un long quart d’heure durant.
J’ai voulu résister. M’empêcher. Mais ça me battait partout. Ça réclamait. Trop envie. Je me suis effleurée. Je me suis tourbillonnée. Je me suis appropriée. Je me suis envahie. Et j’ai clamé mon plaisir. Sans la moindre retenue. Sans la moindre pudeur.

jeudi 23 mai 2019

Fessées punitives (4)


Océane m’appelait souvent. Presque tous les jours.
– On se voit ?
Et on se retrouvait quelque part quand elle avait fini sa journée.
– J’abuse, hein !
Je protestais.
– Mais pas du tout ! J’aime beaucoup discuter avec toi.
– Ah, pour ça, moi aussi ! Parce qu’on vit la même chose. On est punies. Du coup, on se comprend toutes les deux.
Elle s’animait.
– Et c’est pas souvent que ça arrive. Parce que des filles qu’en reçoivent des fessées, il y en a à la pelle, mais, le plus souvent, c’est juste un truc érotique. Histoire de s’exciter avant de s’envoyer en l’air. Ce qui n’a rien à voir.
– Rien du tout.
Elle s’inquiétait aussi.
– Il y trouve pas à redire, votre type, au moins, qu’on soit tout le temps fourrées comme ça ensemble ?
– Julien ? Oh, non, non ! Il trouve ça très bien au contraire. Pendant que je suis avec toi, je suis pas au casino. Ou ailleurs. En train de perdre des sommes fabuleuses.
– Il sait pour moi ?
– Que tu t’en prends aussi ? Oui. Je lui ai dit. Ça t’ennuie ?
– Oh, non, non ! Et il sait pourquoi ?
– Il sait.
– Moi, il avait un peu peur, Valentin, au début. Qu’on se voie dans les cafés, il était pas trop tranquille. Il avait peur que je sois tentée de picoler. Que je rentre dans des états pas possibles. Mais bon, maintenant il est rassuré. Il trouve même que vous avez une excellente influence sur moi. Et il aimerait bien vous connaître.
– Oui, oh, ben ça, c’est pas vraiment un problème. On peut s’organiser quelque chose, un de ces jours, tous les quatre. Julien aussi aimerait bien voir à quoi tu ressembles.

De temps à autre, Bérengère se joignait à nous. Rarement.
– C’est un peu compliqué, les filles, pour moi en ce moment. On a des tas de trucs à régler avec Clément.
Elle s’éclipsait vite.
– Bon, faut que j’y retourne. Qu’il aille pas encore s’imaginer je sais pas trop quoi.
Océane haussait les épaules.
– Ce qu’il y a surtout, c’est qu’elle a peur qu’on la tanne encore avec notre idée d’une fessée devant du monde. Elle veut pas en entendre parler. Et c’est dommage. Parce que je suis sûre que ça marcherait. Quand elle en aurait reçu deux ou trois en public, elle appréhenderait tellement que ça recommence que les autres mecs, elle aurait vraiment plus envie d’aller y remettre le nez. En tout cas, moi je sais qu’à sa place, ça me vaccinerait vite.
– Oui, ben justement ! Justement ! On est trop, nous, quand même, dans notre genre…
– Comment ça ?
– On l’envisage pour elle, mais absolument pas pour nous. Or, si ça doit être beaucoup plus efficace dans son cas à elle…
– Ça devrait l’être aussi dans le nôtre. Oui, vous avez raison. Vous avez sûrement raison.
– Et donc ?
– Ce que vous suggérez en somme, c’est que la prochaine fois que vous ou moi, on en mérite une…
– On se la fasse donner devant les trois autres. Voilà, oui.
– Et peut-être que Bérengère, du coup, verrait les choses d’un autre œil.
– Probable, en effet. En plus !

lundi 20 mai 2019

Défilé militaire (5)


Tableau de Bertalan Karlovski

Elle a longuement hésité devant la porte, levé la main vers la sonnette, renoncé. Recommencé. Deux fois. Trois fois. Penché à la fenêtre, je l’ai regardée s’éloigner, lentement, tête basse. Très lentement. Une vingtaine de mètres. Une trentaine. Elle s’est arrêtée, est revenue sur ses pas.

– Entrez !
– Je ne vais pas rester. C’est une folie.
Mais elle est entrée.
– Donnez !
Son sac. Sa veste. Que j’ai déposés sur la petite table, près de la fenêtre.
– Asseyez-vous, je vous en prie…
Du bout des fesses. Sur le bord du canapé.
– Juste un moment alors !
J’ai pris place à ses côtés.
– Alors ? Depuis hier ?
Ses doigts se sont crispés sur le rebord de sa robe.
– Vous avez repensé à notre petite conversation ? Vous ne dites rien ? Bien sûr que vous y avez pensé. Et vous n’avez pas fait qu’y penser.
J’ai pris sa main entre les miennes. Pressé ses doigts. Caressé l’extrémité de son majeur, du bout du pouce.
– Vous vous êtes rendu une petite visite, avouez !
Elle a rougi, m’a précipitamment retiré sa main.
– Avouez ! En compagnie de tous ces beaux militaires que vous avez secrètement contemplés, dissimulée derrière votre rideau, l’autre jour. Vous savez que c’est mal ? Très très mal ?
– Oui.
Dans un souffle, les yeux baissés.
– Et que vous méritez d’être punie pour ça.
– Oui.
– D’ailleurs, vous allez l’être.
J’ai repris sa main. Elle me l’a abandonnée.
– Vous allez l’être. Comme la petite gamine vicieuse que vous êtes.
Elle a frissonné.
Je l’ai doucement fait lever.
– Dévêtez-vous ! Allez !
Elle s’y est docilement résolue, sans un mot, lentement, en me tournant le dos.
La robe est tombée.
Elle s’est interrompue.
– Eh bien ?
– Je… Ça me coûte. Beaucoup.
– Je sais. Et c’est très bien ainsi.
Elle a soupiré.
– Est-ce vraiment nécessaire ?
– Si vous ne voulez pas aggraver votre cas, oui. C’est indispensable.
Elle a encore soupiré. Et elle s’est décidée. D’un coup. Elle a tout retiré. Et elle est restée là, toute nue, sculpturale, à attendre.
Je me suis approché. Tout près. Ma main a effleuré son épaule.
– C’est mérité. Je veux vous entendre dire que c’est mérité. Parce que vous avez été très vilaine.
– C’est mérité. J’ai été très vilaine.
– Vous ne le ferez plus ?
– Non.
– Vous mentez. Et vous le savez très bien. Vous le referez. Ce sera le martinet pour la peine.
Un tremblement l’a parcourue toute.

J’ai fait courir les lanières, en caresses, tout au long de son dos, puis de ses fesses. De la raie entre ses fesses. Elle s’est crispée, dans l’attente du premier coup. Que je lui ai longuement fait attendre. Que j’ai fini par lancer. À toute volée.
Elle a crié.
Un autre. Un peu plus fort. Elle a pris appui, des deux mains, contre le mur.
Une dizaine d’autres. À intervalles irréguliers. Imprévisibles. Elle gémissait, chaque fois, et projetait son bassin en avant.
Je me suis interrompu.
– On va s’en tenir là.
Elle n’a pas bougé. Elle est restée en position.
– À moins que…
Ses fesses se sont imperceptiblement tendues vers moi.
– Vous en crevez d’envie en fait.
Se sont tendues un peu plus encore.
J’ai repris.
Jusqu’à ce que son plaisir surgisse. Et qu’elle le clame. À pleine voix.

samedi 18 mai 2019

Les fantasmes de Lucie (52)


Tableau de Gaston Latouche

Tout s’arrête. Toute la file. On s’interpelle d’un équipage à l’autre.
– Qu’est-ce qu’il se passe ?
Personne n’en sait rien.
Et puis un remous. Un frémissement. Ça se répand comme une traînée de poudre.
– C’est le carrosse de la reine.
– Qui s’est immobilisé au milieu du gué.
– On a ordre d’aller aider à le sortir de là.
Nous, les duchesses, comtesses et marquises de sa suite.
– Nous ? Mais pourquoi nous ? Ce n’est pas le rôle des valets, ça ?
Ma plus proche voisine hausse les épaules.
– Vous êtes toute nouvelle à la Cour, non ?
– Assurément.
Elle sourit.
– Vous apprendrez, avec le temps, à connaître Sa Majesté.
Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle veut dire ? Qu’y a-t-il à connaître ?
Elle ne répond pas. Elle se détourne.
Un laquais va et vient, hilare, de l’une à l’autre. Des unes aux autres.
– Dépêchons, Mesdames ! Dépêchons ! Sa Majesté attend.

On approche. On arrive.
La première femme de chambre fait les cent pas sur la berge.
– Il vous va falloir pousser.
Elle nous ordonne de nous dévêtir.
– Hors de question que vous salissiez vos jolies parures.
Il y a, ici ou là, quelques protestations. Qu’elle fait taire.
– C’est un ordre de la reine.
À mes côtés, Madame de Saint-Elme murmure.
– J’en étais sûre.
Et se déshabille. Les autres aussi. Je les imite.
On est nues. Entièrement nues. On descend dans le ruisseau. On s’arc-boute contre les roues.
Le cocher hurle.
– Mais poussez, bon sang ! Poussez ! Qu’est-ce que vous fabriquez ?
Par la portière de son carrosse, Sa Majesté nous regarde nous échiner en vain. Elle semble beaucoup s’amuser.
On pousse. On tire. On soulève. Longtemps.
Rien ne bouge.
Exténuée, essoufflée, je m’accorde quelques instants de répit.
– La reine vous appelle.
– Moi ?
– Vous, oui.
Je m’approche. Elle m’enferme dans son regard.
– Comment vous appelez-vous ?
– Eugénie de Maubuisson, Votre Majesté.
– Eh bien, Eugénie de Maubuisson, vous n’êtes guère courageuse.
– Que Votre Majesté me pardonne, mais…
– Nous allons faire en sorte de vous redonner du cœur à l’ouvrage.
Elle fait un signe.
Quelqu’un m’empoigne. Solidement. C’est l’un des valets. Qui me soulève dans les airs. Qui m’immobilise. Et qui me claque les fesses. À tour de bras. Je me débats. Je gigote. Je hurle. Rien n’y fait. Autour, on s’est arrêté. On regarde. On sourit.
Sa Majesté, elle, rit. Franchement. De bon cœur.
C’est humide entre mes cuisses.

jeudi 16 mai 2019

Fessées punitives (3)


On avait échangé nos numéros.
Et elle n’a pas tardé à m’appeler.
– Je connais même pas votre prénom.
– Lucile. Et toi ?
– Océane. Oui, je voulais vous dire. J’ai parlé de vous à l’une de mes deux copines qui en reçoivent aussi, là. Et elle aimerait beaucoup faire votre connaissance.
– C’est quand elle veut. Tu me dis.
– Ce soir, ce serait possible ?
– Va pour ce soir.
– Ça lui fera le plus grand bien, je crois, de discuter avec vous. Parce qu’elle se pose des tas de questions. Elle se demande où ça va avec son mec. Si c’est pas en train de partir complètement en vrille.
– Comment ça ?
– Ben, elle a beau en être amoureuse comme une folle de son Clément, elle peut pas s’empêcher d’aller voir ailleurs. Dès qu’un mec lui plaît, faut qu’elle se le fasse, Bérengère, c’est plus fort qu’elle. Elle a toujours été comme ça. Depuis que je la connais. Et même avant, à ce qu’elle m’a dit. Sauf que lui, il apprécie pas vraiment. Ce qu’on peut comprendre. Ils ont eu des tas d’explications tous les deux, plus ou moins orageuses. Ils sont restés des jours et des jours sans se parler. Et, au bout du compte, ils ont décidé, d’un commun accord, d’avoir recours à la fessée. Chaque fois qu’elle irait voir ailleurs, elle s’en prendrait une. Carabinée. Ça a bien marché au début. Très bien même. Elle avait une telle horreur de se faire claquer le derrière que ça lui était quasiment passé. Et puis petit à petit, c’est revenu. Elle les appréhende toujours autant, les fessées, elle les déteste toujours autant, mais elles y font plus rien. Elle recouche autant qu’avant. Peut-être même pire qu’avant. Quitte à s’en ramasser des sacrées. Ça l’arrête plus.
– Je vois.
– Et son Clément, il vit tout ça très mal. Il est découragé. Il dit qu’ils y arriveront jamais. Que c’est pas la peine. Autant que chacun taille sa route. Ce qu’elle ne veut, elle, à aucun prix. Parce que d’un côté, elle tient à lui comme c’est pas possible, mais de l’autre…
– J’ai bien peur pour elle que…
– Oui, moi aussi…

Et j’ai donc fait, en compagnie d’Océane, la connaissance de cette Bérengère. Une petite brune qui ne payait pas de mine. À qui on aurait donné le bon Dieu sans confession.
Qui est presque tout de suite entrée, la mine défaite, dans le vif du sujet.
– Je crois que c’est mort.
– Si tu pars battue…
– C’est lui qui part battu. Et il a raison. Des dizaines et des dizaines, il m’en a donné des fessées. Ça a servi à rien. On en est toujours au même point. Dès qu’un type me fait les yeux doux, je peux pas m’empêcher de me demander comment il s’y prend. J’ai envie de l’essayer. Et j’y saute à pieds joints. Sur le moment, il y a plus rien d’autre qui compte. Même si, après, je dois m’en mordre les doigts. Je suis nulle.
– Mais non, t’es pas nulle…
– Ben si, la preuve ! Je gâche tout. Non, il a raison, Clément. On n’y arrivera jamais. Et c’est de ma faute. Complètement de ma faute.
J’ai suggéré.
– Et si vous essayiez autre chose ?
– Oui, mais quoi ?
– Ben si, par exemple, il vous la donnait devant quelqu’un la fessée ?
– Oh, non, non ! J’aurais bien trop honte.
– C’est peut-être justement ce qui la rendrait enfin efficace.
Océane a abondé dans mon sens.
– Mais oui, elle a raison. Ça te guérirait complètement si ça tombe. C’est une super idée, moi je trouve.
– Je sais pas, je…
– C’est peut-être votre dernière chance. Alors ça vaut le coup de la saisir, non ? Réfléchis-y au moins ! Discutez-en tous les deux…

lundi 13 mai 2019

Défilé militaire (4)


Elle était là, assise sur un banc, tout au fond de l’église.
Je me suis approché, installé tranquillement à ses côtés.
Elle m’a lancé un regard inquiet.
– Vous n’avez rien dit, hein ?
Je n’avais rien dit, non. Je n’avais ENCORE rien dit.
Il y a eu un long soupir de soulagement.
– Bon, mais si vous me racontiez ?
Qu’elle me raconte ?
– C’est votre tante qui vous corrige, n’est-ce pas ?
– Elle ? Oh, non, non !
– Qui, alors ? Un parent ? Un professeur ? Un petit ami ?
– Non plus, non !
– Qui ?
– C’est moi !
Dans un souffle.
– Vous !
Elle a croisé brièvement mon regard. Elle n’a pas répondu.
– Pour vous punir ?
– Oui.
– De quoi ?
– C’est parce que…
Elle s’est mordu la lèvre. S’est tue.
– Parce que vous ne pensez qu’à ça. Qu’aux hommes. Il ne peut pas en passer un à portée de regard sans qu’aussitôt vous vous imaginiez dans ses bras. Sans que vous vous redessiniez le corps de ses caresses. Sans que vous vous épuisiez de plaisir.


 – S’il vous plaît…
– Alors quand c’est tout un défilé militaire.
– Je vous en supplie…
– Seulement, une fois que tout est retombé, que vous avez recouvré vos esprits, la honte vous envahit. Vous vous maudissez. Vous vous traitez de vicieuse, de dévergondée, de moins que rien. Et il faut que vous vous punissiez. Vous en avez besoin. Pour tout remettre en ordre. Tout effacer. Cela vous soulage. Mais cela ne vous guérit pas. Vous recommencez.
– Je voudrais tant. Si vous saviez…
Sans me regarder. Les yeux fixés droit devant elle.
– Je peux vous y aider.
– Comment ?
– Se punir soi-même s’avère rarement efficace. On se ménage. On retient ses coups. Tandis que si quelqu’un d’autre officie…
– Je mourrais de honte.
– Ce n’en serait que plus bénéfique.
Elle a imperceptiblement frissonné.
– Vous tenez vraiment à vous débarrasser de ces mauvaises habitudes ?
– Oh, oui !
– Eh bien alors !
Je ne lui ai pas laissé le temps de reprendre ses esprits. J’ai griffonné une adresse à la hâte sur une feuille arrachée à un calepin.
– Rejoignez-moi là demain. À la même heure.
Et je m’en suis allé.


(tableau d'Istvan Szependi-Laendle)

samedi 11 mai 2019

Les fantasmes de Lucie (51)



Dessinateur allemand inconnu (années 30)

Au retour, Cordelia a voulu que je lui raconte. Tout. Bien en détail.
– Et, évidemment, tu vas y retourner.
– Je sais pas. Peut-être.
– Tu parles ! Alors là, je suis bien tranquille… Toi, dès qu’il s’agit de te ramasser une fessée. Et s’il y a un voyeur à côté en plus !
On a déliré tant et plus là-dessus.
– Et, le lendemain matin, tu prends la place de Pauline. C’est toi qui apportes aux clients les petits déjeuners au lit, les fesses à l’air. Et toutes rouges.
– Oh, les têtes !
On a imaginé. Les types, les yeux écarquillés de stupéfaction. Et puis leurs femmes, quand il y en avait.
– Furieuses.
– Et jalouses. Parce que c’est pas pour me vanter, mais…
C’est un peu parti dans tous les sens. Et ça a fini par dériver, comme souvent, sur les mecs du boulot. Leurs fesses. Qu’on reluquait en douce dès qu’on avait l’occasion.
Sur le petit Gaël.
– Il paye pas de mine comme ça, mais je suis sûre qu’il est monté comme un taureau.
– Faudrait aller vérifier.
Le nouveau DRH.
– J’en ferais bien un tour, moi, de celui-là !
– Et moi donc !

Ça nous a donné envie à force.
Et je suis allée chercher, dans ma chambre, le gode qu’elle m’avait offert.
– Oh, oui ! C’est vrai qu’il y a lui. Tu me le prêtes ?
– T’as qu’à y croire !
– Tu l’as tout le temps. Chaque fois que tu veux. Ça peut bien être un peu mon tour.
On s’est disputées. On a fait semblant.
Et on a fini par décider que, puisque c’était comme ça, on allait le laisser choisir, lui ! Après tout, c’était le premier concerné.
On l’a posé par terre devant nous. Et on a attendu.
– Bon, alors, il se décide ?
– Allez, un bon mouvement, quoi !
– Penses-tu ! Il fait la gueule.
– Non. Il a peur de te vexer s’il me choisit. Allez, vas-y ! T’occupe pas d’elle. Elle est vilaine.
– Il en a rien à foutre de nous.
– Faudrait peut-être lui mettre le GPS ? Qu’il sache où aller.
– Bon, allez, il se bouge ?
– Oh, mais lui donne pas de coups de pied !
– Je lui donne pas de coups de pied. Je le sollicite. Du bout de l’orteil. Allez, saute ! Tu vas sauter, oui ?
– Il te regarde même pas. C’est comme si tu pissais dans un violon.
– J’ai jamais vu ça ! Une queue qui veut pas me sauter, alors là, c’est une grande première.
– Bon, mais on va pas le supplier à genoux. Il veut pas, il veut pas.
– On peut très bien se passer de lui n’importe comment.
– Oui. Ce sera lui le plus puni.
On s’est enlacées.
Elle s’est penchée à mon oreille.
– Mais quand même ! Je suis l’invitée. T’aurais dû me le laisser. C’est pas poli, ça ! Tu mérites une fessée. Carabinée. Que je vais te donner.

jeudi 9 mai 2019

Fessées punitives (2)


– On sera tranquilles, là…
Près d’une fenêtre. Un peu à l’écart.
Le garçon est venu prendre la commande. Charcuterie en entrée. Pour toutes les deux. Selle d’agneau pour elle. Et sole meunière pour moi.
– Et comme boisson ?
– Vous voulez du vin ?
Je n’y tenais pas spécialement, non.
– Alors de l’eau, s’il vous plaît.
Elle l’a laissé s’éloigner.
– Non, parce que je me connais. Si j’y mets le nez, j’aurai plus de limites. Après, ce sera un whisky. Un deuxième. Et une fois que je serai lancée… il y a plein de bars entre ici et chez moi. Je vais rentrer complètement torchée. Et ça, ce serait la fessée assurée. Là-dessus il est intransigeant, Valentin. Et il a bien raison. Parce que fallait voir comment je me mettais minable avant. Et pas seulement avec l’alcool. Avec plein d’autres trucs. Plus ou moins légaux. On me ramassait dans de ces états des fois… Je me détruisais. C’est pour ça : il m’a vite mis les points sur les i. Ça pouvait pas durer. Il le supporterait pas. Il me plaquerait si je continuais. Il l’a fait d’ailleurs. Un mois. Plus d’un mois. Je l’ai supplié de me reprendre. Je pouvais pas vivre sans lui. Et c’est là qu’on a trouvé cette solution. Ensemble. La fessée. Et ça marche. Enfin, pas complètement. Pas toujours. Il y a encore des rechutes des fois, il y a le petit démon qui se réveille, plus souvent qu’à son tour. La preuve : ce matin ! Mais par rapport à ce que c’était avant ! Et c’est de mieux en mieux. Alors peut-être bien qu’un jour, à force, j’arriverai à complètement m’en sortir.
– C’est tout le mal que je vous souhaite…
– Et vous savez pourquoi je pense que j’y arriverai, au bout du compte, à m’en débarrasser de cette sale habitude qui me pourrit la vie ? Parce que j’ai horreur de ça, la fessée. Mais vraiment horreur. Ça fait un mal de chien, je trouve. Alors la perspective d’en recevoir une, ça me calme. C’est radical. Surtout que Valentin, il y va pas de main morte. Quand il tape, il tape. Et vous pouvez toujours essayer de l’amadouer. Il y a rien à faire. D’ailleurs, à ce propos, un jour… Mais je parle, je parle. Je vous en laisse pas placer une.
– Mon tour viendra.
– En attendant, il y a tout un tas de filles qu’adorent ça, à ce qu’il paraît, la fessée. Je vois pas trop l’intérêt. Enfin, si ! Pour se faire plaisir. Mais côté efficacité, c’est sûrement pas le top. Moi, je sais que, si j’aimais ça, je picolerais trois fois plus pour en recevoir. Forcément. Résultat des courses : je continuerais à me bousiller la santé. Et il y a belle lurette que Valentin m’aurait larguée. Je serais perdante sur toute la ligne. Alors !
Son regard s’est longuement perdu par la fenêtre. Est revenu à moi.
– Vous aimez ça, vous, qu’on vous la donne ?
– Oh, que non ! J’ai horreur d’avoir mal. Tout comme toi. Et plus encore que d’avoir mal, j’ai horreur d’avoir honte. Et, de ce côté-là, comment il s’y entend pour trouver les mots, Julien. Elle me brûle pendant des jours et des jours, la honte, avec lui. Honte de ce que j’ai fait. Honte d’avoir trahi sa confiance. Honte de m’être mise dans la situation de recevoir la fessée, ou le martinet, ça dépend, comme une gamine de huit ans. Et je me jure bien de ne jamais recommencer. Jamais. C’était la dernière fois. Jusqu’au jour, qui arrive forcément, où je remets ça. C’est plus fort que moi.
– Je connais ça. Mais c’est quoi, si c’est pas indiscret, ce que vous recommencez ?
– Je joue. Au casino. Aux courses. En ligne. À tout et à n’importe quoi. Quand ça m’attrape, il y a plus rien d’autre qui compte. Je deviens folle. Et je nous mets financièrement en danger. Parce que je gagne, oui. Mais je perds bien plus souvent encore. Et beaucoup plus. Il y a six mois, j’ai emprunté vingt mille euros à une société de crédit. Pour assouvir ma passion. On en a pour des années à rembourser. Alors vous pensez bien qu’il y a eu explication. Et qu’il m’a mis le marché en mains. Ou j’arrêtais ou on en restait là tous les deux. Arrêter ? Complètement ? Définitivement ? Je m’en savais totalement incapable. Et c’est moi qui lui ai suggéré que peut-être la fessée… Je la redoutais tellement qu’elle pourrait bien, au bout du compte, s’avérer efficace. Elle l’est. Oh, pas complètement. Je joue encore. Ça m’attrape. Mais moins souvent. Beaucoup moins souvent. Et, surtout, des sommes beaucoup moins importantes.

lundi 6 mai 2019

Défilé militaire (3)




Tableau de Victor-Gabriel Gilbert

Il s’est écoulé une quinzaine de jours. Et puis, un matin, dans ma boîte aux lettres, une enveloppe sans adresse, sans cachet de la poste, sans le moindre signe distinctif. Juste mon nom. En gros caractères bleus.

Monsieur,

Pardonnez la liberté que je prends de vous écrire sans que vous m’y ayez autorisée, mais, depuis ce bal de l’autre soir, je ne vis plus, je ne dors plus, je ne mange plus. J’erre comme une âme en peine dans un état de permanente anxiété.
Vous m’avez en effet assuré, ce jour-là, que vous ne trahiriez pas mon secret, à la condition, toutefois, qu’en contrepartie j’accepte que vous me punissiez. Je m’attendais donc à ce que vous vous manifestiez, d’une façon ou d’une autre, à un moment ou un autre, pour exiger de moi que je remplisse ma part du contrat. Or, rien. Le silence. Un insupportable silence. Sur la nature duquel je ne cesse de m’interroger. Auriez-vous finalement changé d’avis ? Renoncé ? Dois-je désormais redouter qu’on sache ? D’être la risée de mes voisins, de tout l’immeuble ? D’être traînée dans la boue par ma tante… Je ne le supporterais pas. Alors je vous en conjure : faites-moi part de vos intentions. L’incertitude dans laquelle vous me maintenez est par trop insupportable. Faites-m’en part et sachez que, quoi qu’il doive m’en coûter, je suis prête à me laisser châtier, si tel doit être le prix de votre silence.
Ne répondez pas à cette lettre, ne venez en aucun cas me trouver chez moi, mais soyez, mardi après-midi, à quinze heures, à l’église Saint-Paul.
Pour ma part, j'y serai.
Merci.

Claire.

samedi 4 mai 2019

Les fantasmes de Lucie (50)



Tableau d'Henri Gervex

J’ai fait des rêves sensuels à foison. Qui m’ont amenée, à deux reprises, à laisser ma main s’égarer entre mes cuisses. À s’y installer. À y séjourner. À laisser mon plaisir m’envahir. Se déployer.

C’est l’idée qu’il était là, de l’autre côté, qui m’a définitivement réveillée. Est-ce qu’il avait passé la nuit à l’affût pour ne rien perdre de moi ? Est-ce qu’il avait vu les draps moutonner ? Est-ce qu’il m’avait entendue gémir ? Ou bien est-ce qu’après s’être furieusement donné du plaisir en me contemplant, il s’était endormi, épuisé ?
J’ai allumé. Je me suis levée. Je suis allée me doucher et puis je suis revenue m’installer devant la glace avec mon nécessaire à maquillage. Nue. N’étais-je pas censée être seule ?

On a frappé. Trois petits coups. Et on est entré. Sans attendre que j’y invite. C’était Pauline. Avec le petit déjeuner.
– Vous fatiguez pas ! Il est plus là. Il part toujours tôt le matin.
Elle est allée déposer le plateau sur la petite table, près de la fenêtre. Est revenue vers moi.
– Alors ? Ça s’est passé comment ? En tout cas lui, bien foutue comme vous êtes, il a dû apprécier, ça ! Oh, mais on saura parce que, chaque fois, il revient, le lendemain, faire un rapport circonstancié à Madame Fontanges. Qui me raconte après… Bon, mais et vous ? Vous avez aimé ?
– Je dois bien reconnaître…
– Que vous avez pris votre pied. Ben oui, forcément ! N’importe quelle nana, dans ce genre de situation… Quand on se sent admirée en secret. Et désirée. Vous reviendrez alors ? Oui, vous reviendrez. Rien qu’à votre tête, ça se voit que vous reviendrez. Je pourrai vous raconter ce qu’il a dit de vous comme ça. Mais c’est pas pour autant que vous serez obligée de le reprendre, lui, hein ! Il y en a d’autres.
Elle a étouffé un petit cri.
– Oh, mais j’avais pas vu ! Vous permettez ?
Elle m’a prise par le coude, fait doucement lever.
– Wouah ! Cette fessée ! Dans quel état il est, votre derrière ! Ça a pas fait semblant, dites donc ! Il a vu, monsieur Albert ? Oui, évidemment qu’il a vu ! Non, mais alors là !
Elle s’est assise à mes côtés, flanc contre flanc, m’a posé une main sur la cuisse.
– Vous savez quoi ? Moi aussi, j’en reçois ! Comme vous. Même pire des fois. C’est madame Fontanges qui me les donne. Elle trouve toujours tout un tas de raisons. Des vraies ou bien des inventées. J’adore ça en fait qu’elle m’en colle. Pas vraiment la fessée elle-même. Ça fait trop mal. Mais après, quand ça lance et que ça brûle, tout chaud, pendant des heures et des heures. Pas vous ? Et ce que j’aime surtout, c’est quand il y en a qui s’en aperçoivent. Ou qui savent. Comment j’ai honte ! Et comment c’est bon, la honte ! Non ? Vous trouvez pas ?
J’étais bien un peu de son avis, oui. Et même beaucoup.
– Et c’est qui qui vous la donne, la fessée, à vous ?
Ça dépendait. J’avais personne de vraiment attitré. C’était au coup pour coup.
Ce qui l’a fait rire.
– Au coup pour coup, oui, c’est le cas de le dire.
Elle est redevenue sérieuse brusquement.
– Vous savez quoi ? Quand elle me la donne, Madame Fontanges, il y a des toujours des clients dans les chambres autour. À droite. À gauche. Au-dessus. En dessous. Ils entendent. Forcément. Surtout que moi, quand on me le claque, le derrière, je fais pas dans la dentelle. Je m’époumone comme une perdue. Et le lendemain, quand j’apporte les petits déjeuners dans les chambres, vous verriez tous ces regards appuyés, ces petits sourires entendus. Il y a même des réflexions des fois. Ce pied que je prends ! Même que des fois, je suis obligée de m’interrompre au beau milieu de mon service, tellement ça m’a donné envie.
Elle a soupiré.
– Bon, mais c’est pas tout ça ! Faut que j’y retourne.
S’est levée.
– Ça vous dirait pas à vous ?
– Quoi donc ?
– Qu’elle vous en flanque une, Madame Fontanges ?
– Je sais pas. Je…
– Ici, ça pourrait se faire en plus ! Dans cette pièce. Avec quelqu’un à côté qui regarde. Je suis sûre que vous apprécieriez. Je me trompe ?
Elle ne se trompait pas, non, mais…
– Je lui en toucherai un mot. Dès ce soir.
Elle a eu un petit rire.
– Ça m’étonnerait qu’elle soit contre.
Et elle s’est éclipsée.

jeudi 2 mai 2019

Fessées punitives (1)


J’en ai essayé un deuxième de pantalon. Un troisième. Un autre encore. Sans parvenir à me décider.
– Je peux vous aider ?
Elle n’a pas attendu la réponse, la petite vendeuse. Elle a résolument soulevé le rideau, l’a laissé retomber derrière elle.
– Hou là ! Mais c’est que vous en avez pris une, on dirait…
J’ai piqué un fard monumental.
Ça se voyait encore ? C’est pas vrai que ça se voyait encore ! De trois jours ça datait pourtant. D’habitude, elles disparaissaient beaucoup plus vite les marques.
– Oui, hein, dites donc ! On vous a pas loupée.
Elle me fixait tranquillement le derrière dans la grande glace en pied de la cabine.
– Oh, mais vous êtes pas la seule, vous savez ! Tenez, regardez !
Et elle a soulevé sa robe. Le string laissait les fesses à nu. Des fesses d’un rouge flamboyant.
– Vous voyez, c’est tout frais. À ce matin ça remonte.
Elle m’a laissé tout le temps de contempler l’étendue des dégâts.
Et puis sa robe est retombée.
– Qui c’est qui vous le fait à vous ? Moi, c’est mon copain. Pour m’empêcher de déconner. On a passé un accord tous les deux. Ça donne des résultats. Enfin, pas tout le temps. La preuve ! Mais quand même, ça en donne. Oh, mais c’est pas l’endroit idéal pour parler de ça. On pourrait peut-être aller boire un coup, ce soir, plutôt, non ? On en discuterait. J’aimerais. Beaucoup.
– Je sais pas. Je…
– C’est comme vous voudrez. À sept heures, je finis. Je serai au café, celui qu’est juste en face. Alors si le cœur vous en dit…

Elle était attablée devant un verre de bière. Et m’a gratifiée d’un large sourire.
– Vous êtes venue. C’est sympa. Je pensais pas. Je me disais qu’à votre âge ça doit déjà pas être facile de recevoir encore des fessées. Alors en causer ! Surtout à une gamine de vingt ans comme moi. Or, justement, c’est ça, l’intérêt. Parce que, bon, je connais deux autres filles à qui ça arrive aussi. Mais c’est des jeunes. Moins que moi, mais c’est des jeunes quand même. Tandis que vous, qu’avez deux fois mon âge, et même peut-être un peu plus…
– J’ai cinquante ans.
– Justement… Vous avez forcément une façon complètement différente de voir les choses. Du recul. De l’expérience. Et sûrement plein de trucs à nous apprendre.
– Oui, oh !
– Ah, ben si, si ! Vous savez, pour être tout-à-fait franche avec vous, ça m’affole un peu qu’on vous en donne encore à votre âge. C’est qui, d’ailleurs ?
– Mon compagnon.
– Et il y a longtemps ?
– Quatre ans. Peut-être un peu plus.
– Ah, quand même ! Et que vous êtes avec ?
– Ça va faire huit ans.
– Oui. Ça me rassure un peu. Non, parce que je me disais : s’il y a trente ans qu’elle s’en ramasse, ça veut dire que ça n’a donné aucun résultat. Que ça sert à rien, quoi, en gros. Or, moi, si j’accepte qu’il m’en donne, Valentin, si je lui demande même, c’est pour qu’au bout du compte, j’arrête complètement mes bêtises. Qu’il soit plus obligé de me punir. Ça n’a pas d’intérêt sinon.
– Et c’est quoi, ces bêtises ?
– Vous êtes pressée ?
– Pas spécialement, non.
– Alors on pourrait peut-être aller dîner quelque part. Je vous invite.