Origine de l’illustration :
Akent879 sur Pixabay
Le
même café. Celui où Clément…
Ugo
avait ri.
‒ On
va pas changer nos bonnes vieilles habitudes.
Le
même café, oui. Mais, cette fois, j’étais bien décidée à ne
pas me faire avoir. Et je me suis attachée à examiner, un à un,
tous les hommes qui m’entouraient. Au comptoir et en salle. Il y en
avait six. L’un d’entre eux ? Plus je les observais et moins
ça me paraissait vraisemblable. Non. Sans doute le « danger »
allait-il surgir, d’un moment à l’autre, de l’extérieur. Et
je n’ai plus quitté la porte des yeux.
C’est
venu de derrière.
‒ Bonjour…
Une
voix de femme. Je me suis brusquement retournée.
‒ Tu
me reconnais pas ?
Non.
Enfin, si ! Si ! Mais qui ? J’avais beau
désespérément chercher. Je n’arrivais pas à remettre un nom sur
ce visage. Qui ?
‒ Stéphanie…
Stéphanie !
Mais oui ! Mais bien sûr ! Stéphanie !
‒ Comment
tu vas ? Ça fait si
longtemps…
Elle
s’est assise.
‒ Vingt
ans. Plus de vingt ans. Vingt-trois très précisément. On s’est
pas revues depuis l’accident.
L’accident.
Hou là là ! On s’avançait en terrain miné, là.
‒ Tu
te rappelles ?
Je
me rappelais, oui. Mais pourquoi diable étais-je allée parler
d’elle à Ugo ? Et de cet accident. J’avais de ces idées
parfois !
‒ Il
y tenait comme à la prunelle de ces yeux à cette voiture, mon
père ! Et toi, t’avais insisté tant et plus pour qu’on la
lui emprunte en cachette. En son absence. Je ne voulais pas. C’était
non, non et non. Mais tu m’as mise devant le fait accompli. Tu t’es
pointée avec Fabrice. Et ses deux copains. C’est toi qui es allée
la chercher, la clef. J’ai encore protesté. Voulu te l’arracher.
Tu l’as lancée à Fabrice en riant. Il s’est mis au volant. Vous
êtes tous montés. Moi aussi. À
contrecœur. Pour garder
un œil sur ce qui se
passait. Et ce qui s’est passé, c’est ?
J’ai
gardé le silence.
‒ C’est ?
‒ Oh,
mais c’est du passé, tout ça !
‒ Pour
toi, peut-être, Aurélie ! Pour toi !
‒ Personne
n’a rien eu.
‒ Ah,
oui ? Et la fessée que je me suis ramassée, au retour, devant
la porte du garage, c’était rien, ça, peut-être ?
‒ Je
sais bien, mais…
‒ Mais
une fessée, déculottée, à dix-neuf ans, devant trois types de ton
âge, tu crois que ça peut s’oublier, ça ? Eh bien non, ça
s’oublie pas, non ! Ça s’oublie d’autant moins que
c’était parfaitement immérité. Et que la vraie responsable…
‒ Je
suis désolée.
‒ Ah,
tu peux ! Ce qui n’y
change rien. Strictement rien. Non,
s’il y en a une qui l’avait méritée, cette fessée…
Ugo
a fait son apparition dans l’encadrement de la porte. S’est
approchée, tout sourire.
‒ Alors ?
Vous vous êtes retrouvées ?
Il
m’a posé la main sur le bras.
‒ T’es
en dette avec elle, reconnais ! Non ?
J’ai
baissé la tête.
‒ Si !
‒ Et
il n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard.
Il
m’a fait lever. Je l’ai suivi. Elle aussi.
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