lundi 6 avril 2020

Les fessées d'Aurélie (9)




Origine de l’image : S.Hermann & F.Richter sur Pixabay


Il avait raison, Ugo : plus j’y pensais, et plus la perspective de recevoir la fessée devant des témoins attentifs et railleurs me troublait.
Ils envahissaient mes images. Des hommes. Des femmes. Des jeunes. Des vieux. Des connus. Des inconnus. Ugo me déculottait et me fessait devant eux. J’avais honte. Comment j’avais honte ! Honte d’être publiquement soumise à ce traitement mortifiant. Honte de mes cris. De mes pleurs. De mes mouvements désordonnés qui ne laissaient rien ignorer de mes replis les plus intimes. Et honte surtout de devoir admettre que cette punition était amplement méritée.

Par-dessus la table, Ugo a fixé ses yeux droit dans les miens.
‒ Méritée ? La Baule ?
‒ La Baule, oui, mais pas seulement.
‒ Quoi d’autre ?
‒ Je
‒ Quoi d’autre, Aurélie ?
Je me suis agitée sur ma chaise.
‒ Oh, ben, par exemple
‒ Par exemple ?
‒ C’était du côté d’Arcachon. L’année d’après. On passait notre temps à faire du bateau avec des copains.
‒ Regarde-moi, Aurélie !
‒ Oui. Pardon Seulement, ce jour-là, il y avait eu un avis de tempête. Dont j’étais bien décidée à ne tenir aucun compte. « C’est pas pour quelques vaguelettes, tu parles ! » Ils voulaient pas prendre de risques, les autres, mais j’avais tellement insisté, je les avais tellement traités de trouillards qu’ils avaient fini, de guerre lasse et à contrecœur, par accepter de prendre la mer. Et, évidemment, les sauveteurs ont dû venir à notre secours.
‒ Non, mais tu te rends compte des conséquences que ça aurait pu avoir !
‒ Je sais bien, oui ! Et ça a failli. Parce que, de trouille, il y a un des copains qui a fait un gros malaise. Et qui s’est retrouvé à l’hôpital. Où il a passé trois jours. Comment j’étais mal !
‒ N’empêche que tu n’as jamais été punie pour ça
‒ Jamais, non !
‒ Tu vas l’être
Mon cœur s’est emballé.
‒ Et devant un ami à moi. Ça portera plus.
‒ Devant…
‒ Oui. Tu n’as rien contre, j’espère ?
‒ Si ! Enfin non ! Non ! C’est comme tu veux. Je le connais ?
‒ Tu verras bien.
‒ Et ce sera quand ?
‒ Demain. Demain soir. Que t’aies le temps de bien y penser d’ici là…

Ah, ça, pour y penser, j’y ai pensé ! Toute la soirée. Et toute la nuit.
Avec horreur. Je n’irais pas. Pas question que j’y aille.
Et avec délices. J’irais. Bien sûr que j’irais. Et j’aurais honte. Tellement !

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