lundi 13 avril 2020

Les fessées d'Aurélie (10)


Origine de l'illustration Jerzy Gorecki sur Pixabay


Il était en retard. Un quart d’heure. Plus d’un quart d’heure. Exprès. Il le faisait exprès. Évidemment qu’il le faisait exprès. Pour me mettre la pression. Et ça marchait. Ça courait, même ! J’étais sur des charbons ardents.
C’était qui cet ami qu’il avait décidé d’amener ? Devant qui il allait me mettre une… Non, mais c’était pas possible. C’était juste pas possible. Dix fois j’ai été tentée de me lever et de m’enfuir. Dix fois je suis restée.
Une demi-heure. Mais qu’est-ce qu’il fabriquait ?
Un type, accoudé au comptoir, s’en est lentement détaché, s’est approché de ma table. En me fixant droit dans les yeux. Un grand brun. La trentaine. Beau gosse. Oui, ben même ! C’était pas le moment ! J’étais pas d’humeur. Et j’allais l’envoyer sur les roses. Il allait voir ce qu’il allait voir.
Plus près. Encore plus près. Il s’est penché à mon oreille.
« Alors ? Prête pour cette fessée ?
Je suis devenue écarlate.
Il a tiré une chaise.
‒ Je peux ?
Il n’a pas attendu la réponse. Il s’est assis. A souri.
‒ Je viens de passer un délicieux moment à vous regarder, là, incognito, et à me dire que d’ici une heure, deux tout au plus, j’allais voir votre derrière rougir sous les claquées.
J’ai gardé les yeux obstinément baissés.
‒ Et que je n’allais pas voir que votre derrière d’ailleurs. Parce qu’Ugo m’a dit que vous gigotiez beaucoup. Énormément. C’est vrai ?
Je me suis agitée sur ma chaise.
‒ Je sais pas. Je…
‒ En sorte qu’on peut voir tout ce qu’on a envie de voir. Absolument tout.
Il a ri.
‒ Je vais me régaler.
Est redevenu brusquement sérieux.
‒ Mais quand il faut, il faut, hein ! Quand on a mérité… Et vous, vous faites fort, à ce qu’il paraît.
J’ai voulu me défendre.
‒ C’est-à-dire c’est des trucs d’avant. D’il y a longtemps.
‒ Ben, voyons !
‒ Si, c’est vrai, hein !
‒ Oui. L’histoire du cocufiage. Et celle du bateau, je sais. Mais il y a pas que ça ! Parce que Regardez-moi ! Regardez-moi, allez !
Je l’ai regardé.
‒ Parce que vous faites, aujourd’hui encore, des choses dont vous savez pertinemment qu’elles sont répréhensibles. Et vous en pensez d’autres. Non. Je me trompe ?
Je ne l’ai pas contredit.
‒ Et c’est ça, l’essentiel. Ce qui se passe aujourd’hui. Ce dont vous vous rendez coupable aujourd’hui. Et pour quoi vous méritez amplement d’être punie.
Par-dessus la table, il m’a soulevé le menton du bout du doigt.
Vous avez quel âge ?
‒ Quarante-deux.
‒ Et, à quarante-deux ans, vous vous comportez encore comme une gamine de quinze ans. Vous devriez avoir honte. Honte !
Mais j’avais honte ! Terriblement honte. Sa voix. Son ton. Son regard. Il m’a grondée. Comme une petite fille. Sévère. Intraitable. Ses mots. Que je n’écoutais pas vraiment, mais ses mots Une rivière de reproches. Interminablement. J’avais honte, oui. Comme j’avais honte ! Et honte, surtout, de ce que, entre mes cuisses, ce soit en train de devenir humide. De plus en plus humide.

Ugo nous a rejoints.
‒ Ça y est ? Vous avez fait connaissance ? Oui ? Eh bien, on y va alors !

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