lundi 29 avril 2013

Le Centre ( 17 )


Laëtitia a passé la tête…
– Ben alors ! Partout je te cherche… Qu’est-ce tu fabriques ?
– Je bosse… Pourquoi ?
– Ici ? Mais c’est aux cuisines que t’es normalement…
– On m’a changée…
– Mais ils t’attendent là-bas…
– Hein ? C’est quoi cette histoire ?
– Et je peux te dire qu’il apprécie pas, mais alors là pas du tout, le chef-cuisinier… Tu peux préparer tes fesses…
– J’y comprends plus rien…
– À ta place je me poserais pas tant de questions… Et je me dépêcherais de retourner là-bas…
– Elle y est Lucie ?
– Évidemment qu’elle y est… Où veux-tu qu’elle soit ?

– Ah… Te voilà enfin, toi ! Où t’étais passée ?
– On m’avait dit… Au secrétariat là-haut… Fallait que j’aille…
– C’est ça ! Mais bien sûr ! L’autre, c’était le potager et toi le secrétariat… Dites plutôt que vous savez pas quoi inventer pour tirer au flanc… Bon, mais je vais vous en faire passer l’envie, moi, vous allez voir ! Venez ! Venez toutes les deux…

Un dédale de couloirs… D’escaliers… De portes ouvertes… Refermées…
Une chambre…
Il nous y a poussées, l’une après l’autre, d’une brusque bourrade dans le dos…
– Bon… Par qui on commence ? Répondez pas toutes les deux à la fois, hein, surtout !
Lucie s’est avancée…
– Moi…
– J’en étais sûr… Eh bien désape-toi alors ! Qu’est-ce que t’attends ?
Elle a obéi…
 – Allez !
À plat ventre sur le lit…


Il a cinglé… Longtemps… Fort… De plus en plus fort…
Elle a gémi… Elle s’est cabrée… Elle a hurlé… Pleuré…
– Là… C’est bon… Tu peux te relever…
Elle l’a fait… À regret… Manifestement à regret…
Il a ri…
– Mais c’est qu’elle y prend de plus en plus goût cette petite, on dirait… Oh, mais il y en aura d’autres des occasions… Plein d’autres… Allez, Eugénie ! À ton tour… La place est toute chaude…

– Qu’est-ce que je suis contente ! Qu’on soit revenues là, aux cuisines… Qu’est-ce que je suis contente, tu peux pas savoir… Parce qu’il m’a pas jetée finalement… Ça veut dire que j’ai peut-être mes chances du coup… Tu crois que je les ai ?
– Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?
– Moi, je crois que oui… Parce que comment il a aimé ça me le faire ! Je l’ai senti… J’en suis sûre… Beaucoup plus qu’à toi… Et beaucoup plus que les autres fois… Si ça pouvait ! Non, mais si ça pouvait !

Aurore a surgi, hors d’haleine…
– C’est pas vrai que t’es là !
– Ben si… Oui…
– Viens ! Grouille ! Mais grouille, j’te dis ! Grouille !
– Mais qu’est-ce qui se passe enfin ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Il y a que Vannier il est dans une fureur après toi… « Abandon de poste » qu’il arrête pas de hurler… « Abandon de poste… Elle va voir ce que ça va lui coûter… » Alors là je peux te dire… Je voudrais pas être à ta place…
– Non, mais attends ! Faudrait peut-être qu’ils se mettent d’accord aussi… Une bonne fois pour toutes… Parce que quand je suis là-bas faudrait que je sois ici… Et quand je suis ici faudrait que je sois là-bas… Vont me faire tourner en bourrique, oui…
– C’est peut-être ce qu’ils veulent…

Valentine nous attendait devant la porte du bureau… Hilare…
– Je t’avais dit que tu me paierais ça… Je te l’avais pas dit ?
Et elle s’est faufilée derrière nous…

Monsieur Vannier a soupiré…
– Tu cherches, toi aujourd’hui, hein ?! Il y a pas à dire…
– Mais non… Mais c’est parce que…
– Ah, commence pas à discutailler… J’ai horreur de ça…
– Oui, mais si on m’avait pas…
– Vous êtes toutes les mêmes… Faut absolument que vous ayez raison… Envers et contre tout… Allons, Mademoiselle ergoteuse, mettez votre petit derrière en position plutôt… Oui… Voilà… Comme ça… Très bien…
Et c’est tombé…
Valentine ne m’a pas quittée un seul instant des yeux…

jeudi 25 avril 2013

Escobarines: La maison aux volets bleus ( 1 )


12 Mai

Fallait bien que ça finisse par arriver. J’ai de nouveaux voisins. La maison juste à côté, celle aux volets bleus. Un couple. Des jeunes. C’en est fini de ma tranquillité. Oh, mais un conseil : qu’ils s’avisent pas de venir piétiner mes plates-bandes. Parce qu’alors là ils auront affaire à moi…


15 Mai

J’en sais un peu plus sur eux. Lui, il est représentant. Une marque de chocolat. Souvent en déplacement. Et elle, elle fait rien. Absolument rien. Elle se pavane à longueur de journée. Je l’ai observée tout-à-l’heure, par la fenêtre du grenier, pendant qu’elle étendait son linge. Une pimbêche. Une vraie pimbêche. Le genre tête à claques. Ah, je suis bien tombée, on peut pas dire…


18 Mai

On s’est trouvées toutes les deux nez à nez sur le trottoir. Je sortais de chez moi. Donc… donc elle ne pouvait pas ignorer qui j’étais. Elle a dit bonjour, oui, mais faut voir comment. À croire que ça lui arrachait les lèvres. Et elle a filé. Sans un mot. Rien. Toi, ma petite, fais attention. Fais bien attention. Parce que si tu veux jouer à ce petit jeu-là avec moi…


22 Mai

Ils sont venus. Tous les deux. Se présenter. On peut dire ça comme ça. Ils sont restés quoi ? Une demi-heure à tout casser. Lui – Yoan – c’est quelqu’un d’intéressant. Avec de la conversation. Mais alors elle – Gwendoline elle s’appelle – elle a pas desserré une seule fois les dents. Et elle s’emmerdait ostensiblement. Je la sens pas celle-là. Non, je la sens pas. Quelque chose me dit qu’elle est tordue. Tordue, fausse et sournoise. J’ai tout intérêt à me méfier. Et pas qu’un peu…


25 Mai

Je le savais bien – j’en étais sûre – qu’avec elle il y avait anguille sous roche. Un type, un jeune, qui s’est faufilé, ce matin, dans la maison par derrière… En prenant mille précautions… Et qui n’en est ressorti que sur le coup de six heures du soir… Faut croire que quand le chat n’est pas là les souris dansent…


27 Mai

Il est revenu ce matin. Toujours par derrière. Et toujours en se dissimulant. J’ai voulu en avoir le cœur net. Un petit tour dans leur jardin. Sous la fenêtre de la chambre à coucher. Si elle m’avait surprise j’aurais bien trouvé quelque chose. Mon chat. Ou, venant de chez eux, une inquiétante odeur de brûlé. N’importe quoi. J’aurais trouvé. Mais, de toute façon, ils étaient beaucoup trop occupés pour s’apercevoir de quoi que ce soit. Ah, c’était édifiant ce que j’ai entendu, on peut pas dire… Cocu jusqu’aux yeux il est ce pauvre Yoan…


29 Mai

Il gare sa voiture sur le parking du Super Marché. Ni vu ni connu. Sauf que… pas folle la guêpe. Et c’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace. J’ai relevé le numéro. Ça peut servir. On sait jamais…


1er Juin

Qu’est-ce qu’elle fabriquait, là, au fond du jardin, à faire des mines, un bouquet de fleurs à la main ? Oh, j’ai vite compris… L’autre, il était là-haut, à la fenêtre, en train de la photographier sous toutes les coutures… Dissimulé dans les rideaux… Même pas le courage de… Ils me prennent vraiment pour une imbécile, hein !


2 Juin

Je suis tombée sur elle. À la boulangerie. Alors ? Elle s’habituait ? « Oh, oui… Oui… » Oui, hein ? Oh, pour ça on pouvait pas dire, le quartier était tranquille… « Mais passez ! Passez prendre le café! Vous êtes très occupée, je sais, mais un petit moment à discuter entre voisines ça peut pas faire de mal… » Je suis contente de moi : mon  « Vous êtes très occupée » a eu son petit effet. Elle a imperceptiblement marqué le coup… Ah, elle a pas fini de s’interroger : qu’est-ce que j’ai bien pu vouloir dire ? Et de se demander ce que je sais au juste… Une chose est sûre en tout cas… Elle viendra… Elle viendra pour en avoir le cœur net…    

lundi 22 avril 2013

Le Centre ( 16 )


– Comment elle piaule !
– Et il l’a même pas touchée…
– Ou si peu…
– Mais ça m’étonne pas d’elle, ça…
– Moi non plus… C’est la première à vouloir que les autres en prennent, mais dès qu’il s’agit de son petit cul à elle…
– Ah, ça s’emballe, on dirait…
– Au moins elle braillera pour quelque chose…
– C’est ça ! Gigote ! Gigote !
– Un vrai cochon qu’on égorge…
– Si elle croit que c’est ça qui va l’arrêter Vannier… Au contraire…
– Oh, là, il y va… Comment il y va !
– C’est sûrement pas moi qui vais la plaindre…
– Ah, ça, moi non plus ! Moi non plus… Depuis le temps que…

– Bon, ben allez ! À ton tour, Aurore…
Monsieur Vannier lui a tendu le martinet…
– Non, attends ! Attends !
Et Valentine en a saisi les lanières à pleines mains…
– Attendre ? Mais attendre quoi ?
– Qu’on ait parlé…
– Parlé ? J’ai rien à te dire…
– Non, mais attends ! On s’est toujours bien entendues toutes les deux, hein ?
– Me faire des coups de pute par derrière, c’est ça que t’appelles bien s’entendre ?
– Oh, mais faut pas le prendre comme ça…
– Ah oui ?! Comment faut le prendre alors ? Allez, lâche ça ! Lâche ça, j’te dis !
– T’as pas intérêt… Je te préviens, t’as pas intérêt…
– Parce que… ?
– Parce que tu pourrais le payer cher… Très cher…
– Tu sais où tu peux te les mettre tes menaces ? Tu le sais ?
Et elle a levé le martinet…
– Non, Aurore, non ! Je t’en supplie, non…
Elle l’a abattu… Elle a cinglé…

On a éclaté de rire…
– Comment elle a détalé !
– Sans demander son reste…
– Faut reconnaître que tu y es pas allé de main morte…
– Ça m’a soulagée… Tu peux pas savoir comme ça m’a soulagée… Parce que ça me restait là, en travers de la gorge, ce truc…
– Ça… Je te comprends…
– La seule chose maintenant, c’est qu’elle va vouloir se venger… C’est obligé… Et va savoir ce qu’elle est capable d’inventer…
– Tout… Alors là tout… De sa part à elle on peut s’attendre à tout… Les coups les plus tordus…

À l’entrée du box elle contemplait, robe relevée, l’étendue des dégâts…
– La garce ! Elle me le paiera… Elles me le paieront…

Elle s’est brusquement retournée… M’a aperçue…
– Tu m’espionnes ?
– Hein ? Ah, mais non… Non… Pas du tout…
– En attendant tu es contente ? Tu es fière de toi ?
– Moi ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
– C’est ça ! Joue bien les innocentes !
– Non, mais alors là c’est la meilleure ! Ben voilà ! Manquait plus que ça… C’est moi qui trinque…
– Qui vas trinquer en tout cas… Ça, tu peux t’y attendre…
– Pourquoi ? Dis-moi pourquoi au moins …
– Pourquoi ? Et elle demande pourquoi ! Tu crois pas qu’avec tout ce qu’il y a entre nous maintenant toutes les deux tu aurais au moins pu prendre un minimum ma défense ? Mais non ! Pas ça… Rien… À croire que ça te faisait plaisir de me voir traitée comme ça…
– Non, mais dis donc ! Et toi ? Et toi, ça te fait pas plaisir peut-être quand c’est les autres qui ramassent ?
– Très bien… Tu as choisi ton camp… Très bien… Je sais ce qu’il me reste à faire…

jeudi 18 avril 2013

Escobarines: Aglaé et Valentine ( 5 )


– Je t’attendais…
– Je me doute, oui… Alors ?
– Ben alors j’ai pas pu…
– Comment ça ?
– Toute la soirée je me le suis dit que j’allais le faire… Que j’allais me débrouiller, d’une façon ou d’une autre, pour qu’elle s’en aperçoive, mais, à chaque fois, au dernier moment, il y avait quelque chose qui me retenait… J’y arrivais pas…
– Elle te fait peur… C’est ça, hein ?
– Non… Oh, non… Alors là, non… Mais quand même… T’es son mec…
– Oui… Oh, ça ! Et donc il s’est rien passé… T’es gentiment allée te coucher sans qu’elle se soit rendu compte de rien…
– Non… Parce que c’est elle à la fin… C’est elle… Elle a attendu jusqu’au dernier moment et puis : « T’as rien à me dire ? » Non… Non… Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il aurait fallu que j’aie à lui dire ? « Joue bien les idiotes ! » « Mais non ! Je t’assure… » « Fais voir ton cul ! » « Non, mais ça va pas ! T’es vraiment pas bien, hein, par moments… » « Montre ton cul, j’te dis ! Allez ! » Furieuse elle était, mais furieuse d’une force ! « Tu vas le montrer… Je te jure que tu vas le montrer… » Et d’un seul coup – je m’y attendais pas – elle m’a poussée sur le lit, elle m’est montée à califourchon dessus et elle me l’a baissée ma culotte… « J’en étais sûre ! Espèce de petite saloperie… J’en étais sûre… Et t’as aussi couché avec, hein ? Mais oui ! Évidemment que t’as couché avec… » « Ah, non ! Non… Ça, je te jure que non… » « Mais bien sûr ! Je vais te croire… Oh, mais tu vas me payer ça, ma petite… Je peux te dire que tu vas me payer ça… » Elle m’a maintenue de tout son poids et c’est tombé… Non, mais comment c’est tombé ! Ah, je peux te dire qu’elle a pas fait semblant… Et interminable… J’ai eu beau crier… Supplier… Tempêter… Elle arrêtait pas… Au contraire t’aurais dit que plus je hurlais, plus je gigotais et plus ça l’excitait…
– Ce qui est probable… Et alors ?
– Alors… Ben il a quand même bien fallu qu’elle finisse par arrêter à la longue…
– Tu dois avoir le derrière dans un état !
– Ah, ben ça !
– Tu fais voir ?
– Ce que je me demande quand même, c’est comment elle a su… Comment elle a pu se douter…
– Je peux t’assurer que j’y suis absolument pour rien…
– Oh, mais je t’accuse pas, hein !
– Je sais bien… Bon… Tu fais voir ?
– C’est pas la peine… À quoi ça va te servir ?
– À ce que je me rende compte…
– Tu sais bien ce que c’est qu’une bonne fessée quand même !
– Oh, pour ça, oui…
– Eh ben alors ! Qu’est-ce ça te donnera de plus ?
– J’ai ma petite idée…
– C’est quoi ?
– Montre d’abord… Je te dirai…
– T’es chiant…
– Je le sais pourquoi tu veux pas montrer…
– Ah oui ?! Et pourquoi ?
– Parce que t’as tout inventé… Qu’elle te l’a pas donnée Aglaé la fessée… Qu’elle s’est aperçue de rien…
– N’importe quoi… Et pourquoi j’aurais fait ça ?
– Parce que raconter quelque chose qui n’est pas eu lieu c’est le faire, d’une certaine façon, exister… C’est un peu comme si ça s’était vraiment passé… Et comme tu crèves d’envie de la recevoir de la main d’Aglaé la fessée… Pour plein de raisons…
– Tu te l’imagines…
– Bien sûr que non… Et tu le sais très bien… Tu veux que je te les énumère les raisons ?
– C’est pas la peine, non…
– Ben d’abord ça te déculpabiliserait de ce que…
– S’il te plaît, non, va…
– Bon, mais en attendant reconnais que, de mon côté, je serais parfaitement en droit de t’en flanquer une autre… Et retentissante… Avec toutes les salades que tu m’as racontées… ce serait parfaitement justifié, non, tu crois pas ?
– Si… Oui…
– Eh bien allez alors ! Allez…

– Si t’as pas ameuté les voisins on aura de la chance…
– Oui, mais comment t’as tapé aussi !
– Tu le regrettes ?
– Non… Non, mais…
– En attendant va faire un petit tour au coin, tiens… Réfléchir à ce qu’il en coûte de mentir d’une façon aussi éhontée…  


– Quelle heure il est ?
– T’occupe… Reste comme ça… Bouge pas !
– Si Aglaé arrive…
– Elle saura à quoi s’en tenir… Mais non… Non… Tu as raison… Laissons les choses venir… À leur rythme… Il arrivera bien un moment où, forcément, elle s’apercevra de quelque chose… Quitte à ce qu’on donne, le moment venu, le petit coup de pouce… Et alors là…

lundi 15 avril 2013

Le Centre ( 15 )


– Ouche !
– Ah, oui, ça calme, hein ! Comme ça, la prochaine fois, on évitera de faire sa petite raisonneuse… Non ?
– Oh, si !
Il a ri…
– Le cri du cœur… Bon… Mais en attendant c’est pas tout ça… Faudrait peut-être que vous alliez travailler… Alors toi, Eugénie, tu es désormais affectée aux bureaux… Et toi, Lucie, au potager…
– Mais alors aux cuisines…
– D’autres vous remplaceront…
– Hein ?! Mais…
– Oui ?
– Non… Rien…
– J’aime mieux ça… Allez, filez ! Et je veux plus vous voir traîner dans le coin…

– Il s’est débarrassé de moi Leo, quoi ! Je suis pas idiote… J’ai compris… Non, mais tu te rends compte ? Après tout ce que j’ai… Oh, mais il me le paiera… Je sais pas encore comment, mais il me le paiera… Ça, je peux t’assurer qu’il perd rien pour attendre… Je suis pas du genre à laisser passer un truc pareil sans réagir… Alors là… Sûrement pas…

– Il y a pas d’ordi ?
Aurore a haussé les épaules…
– Il y en a pas, non… C’est fait exprès… Pour nous rendre le boulot plus difficile… Oh, mais on s’en sort quand même, hein ! Faut pas croire… Sauf quand on vient vous mettre la pagaille dans les dossiers… Comme sait si bien le faire ta copine Valentine…
– C’est pas ma copine…
– C’est pourtant ce qu’elle chante sur les toits…
– Elle dit bien ce qu’elle veut…
– En tout cas tu tombes pile poil, toi, aujourd’hui… Parce qu’il va y avoir du spectacle…
– Comment ça ?
– Je te dis rien… Que t’aies la surprise…

Valentine a passé la tête…
– Tiens, qu’est-ce tu fous là, toi ?
– C’est ici que je bosse maintenant…
– Ah, oui ? Avec elle ? Eh ben je te la souhaite bonne… Parce que plus bordélique il y a pas… Elle t’a encore foutu une de ces pagailles dans les dossiers hier… Il en était fou Monsieur Vannier ce matin… Fou… Non, mais franchement comment tu t’y prends, Aurore ? Tu le fais exprès, c’est pas possible…
– Je sais pas… Je comprends pas… Il y a vraiment quelque chose que je comprends pas…

– Eh bien je vais t’expliquer, moi ! Je vais t’expliquer…
Monsieur Vannier… Qu’on n’avait pas entendu arriver…
– Ou plutôt… C’est Valentine qui va t’expliquer…
– Moi ?
– Toi, oui…
– Mais j’en sais rien… C’est qu’elle est pas organisée… Sûrement…
– Tu vois vraiment pas d’autre explication ?
– Non…
– Eh bien moi, si ! Qui c’est qui fait le ménage ici le matin ?
– C’est nous… Tina et moi…
– Et alors ?
– Mais rien enfin !
– Et alors tu en profites… Tu en profites allègrement pour mettre le plus de pagaille possible dans les dossiers… Non ?
– Jamais de la vie ! Non, mais ça va pas ? Pourquoi j’irais faire une chose pareille ?
– Pour les faire punir, tiens, pardi !
– Faudrait une raison pour ça… Et il y en a pas… Aucune… On s’entend très bien… Dis-lui, toi, Aurore… Hein qu’on s’entend bien ?
– La question n’est pas là…
– Elle est où alors ?
– Elle est que tu es prête à tout – absolument tout – pour voir rougir, à tout propos et hors propos, le derrière de tes petites camarades… Tout le monde le sait…
– De là à…
– C’est pourtant ce que tu as fait…
– Ah, non ! Non… Je vous jure que non…
– J’ai des preuves… Et des témoins…
– Quoi ? Qui ? Alors là je voudrais bien savoir…
– Peu importe… Il y en a… Et je te conseille, si tu ne veux pas aggraver ton cas…
– Bon, c’est vrai… C’est moi… Oui… Mais il y a quand même pas de quoi…
– Oh, alors ça… C’est à moi d’en décider… Et à Aurore… Qui est la première concernée… Et qui va te punir elle-même…
– Oh, non… Non… Vous pouvez pas me demander ça…
– Je vais m’en priver ! Allez, mets-nous vite cette petite croupe à l’air… Tu entends ce que je te dis ? À moins que tu préfères… Tu te rappelles ce qui est arrivé à Virginie l’année dernière…
– Oui… Mais non… Non…
– Eh bien alors ! Ah, ben voilà ! Voilà… À toi de jouer, Aurore…
– Après… Je préfère que ce soit vous qui commenciez…    

jeudi 11 avril 2013

Escobarines: Aglaé et Valentine ( 4 )


– Qu’est-ce que… ? Ah, c’est toi, Ugo… Tu m’as fait peur… T’as oublié quelque chose ?
– Oh, non… Non… Je voulais juste savoir ce que t’en avais pensé de tout ça… Parce que j’ai été généreux, avoue ! À deux fessées elle a eu droit devant toi …
– J’ai vu, oui…
– Et la deuxième… Reconnais que la deuxième…
– Ça !
– Tu as aimé ?
– Oui… Non… Enfin, je…
– Tu as adoré, oui… Je te surveillais, mine de rien, tu sais… Ça t’a mise dans un état ! Parce que c’était à cause de toi qu’elle la recevait ? C’est ça, hein ?!
– Je pensais pas… J’aurais pas cru…
– Mais tu sais que c’est pas bien du tout de se réjouir comme ça du malheur de ses petites camarades ?
– Ben oui, mais…
– Et que tu mériterais d’être punie pour ça…
– Oh, non, hein, non…
– Et pourtant…
– Oui, mais non… Non…
– Et pourquoi ?
– Parce que… Non…
– Oui, mais imagine… Ce soir elle rentre Aglaé… « Salut… » « Salut… » Toi, là-dessous, tu es encore toute chaude d’une fessée toute neuve… Et c’est moi qui te l’ai donnée… Elle, elle est à cent mille lieues de se douter… Elle va… Elle vient… Elle vaque à ses occupations… Elle te raconte sa journée… Elle ne sait pas… Et toi, tu jubiles… À l’intérieur tu jubiles littéralement…
– Tais-toi !
– Ça te tente, avoue ! Terriblement…
– Mais jamais de la vie, enfin ! Qu’est-ce que tu vas chercher ?
– Ben voyons ! Tu peux, bien entendu, t’en tenir là, te contenter de savoir, toi, mais ce que tu peux aussi faire…
– S’il te plaît… S’il te plaît…
– C’est te débrouiller, d’une façon ou d’une autre, pour qu’elle se rende compte… Pour qu’elle se pose des questions… Pour qu’elle t’en pose… Tu nieras… Évidemment… Farouchement… Tu t’es fait ça toute seule… Ou bien tu as rencontré quelqu’un, toi aussi… Il y a pas de raison… Elle ne te croira pas… Cousu de fil blanc… Trop belle la coïncidence… Elle me demandera à moi… Qui nierai aussi… Non, mais qu’est-ce que c’est que ces histoires ! Elle est vraiment pas bien, hein, d’aller se mettre des idées comme ça dans la tête…
– Tu es…
– Démoniaque, c’est ça ? C’est ce que tu penses ?
– Non, mais…
– Perspicace alors plutôt ? Oui, hein ? Perspicace…
– Laisse-moi, Ugo, va ! Je t’en prie… Laisse-moi ! Va-t-en…
– Comme tu voudras… Pas de problème… À bientôt…

– Allo, Ugo ? C’est moi, Valentine…
– Oui… Qu’est-ce qui t’arrive ?
– C’est compliqué… C’est difficile à dire…
– Tu as changé d’avis…
– Non… Enfin si… Oui…
– Et tu voudrais que je vienne…
– Oui… Oui, mais pas tout de suite… À six heures elle rentre… Alors si juste avant ça pouvait être… Juste avant qu’elle arrive…
– Oh, mais tu as, toi aussi, d’excellentes idées, dis donc…

– Qu’est-ce que tu dois penser de moi…
– Beaucoup de mal…
– J’ai honte… Non, mais comment j’ai honte…
– Ça n’en sera que meilleur…
– Toute l’après-midi j’y ai pensé… Toute l’après-midi j’ai essayé de m’empêcher… Mais bon… J’ai pas pu…
– Et tu m’en vois ravi…
– Bon… Mais faudrait peut-être… Parce que si on tarde trop…
– Je suis à ton entière disposition…
– Eh bien allez alors ! Mais… tu m’en donnes vraiment une vraie, hein ! Que ça fasse mal…
– C’est bien ce que je comptais faire…


– Ça rend bien… Très très bien… Je suis pas mécontent de moi du tout…
– Bon… Mais vas-y maintenant… Pars ! Elle va arriver… Pars ! Je te raconterai…