jeudi 28 février 2013

Escobarines: Déménagement ( 3 )


– Non, mais tu te rends compte comment tu lui as parlé ?
– Qu’est-ce que j’ai dit ?
– C’est pas ce que tu as dit… C’est la façon dont tu l’as dit… Et à Madame Rignon… Une cliente de toujours… Qui nous en laisse, chaque mois, pour des centaines d’euros… Alors non… Non… Ça peut plus durer… Et c’est la dernière fois – la dernière fois, tu m’entends ? – que je suis obligée de te reprendre là-dessus… Le prochain coup, c’est la porte… Et j’aurai pas le moindre état d’âme…
– Mais je le fais pas exprès !
– Oui, oh, alors ça !

Elle est entrée… Ma propriétaire… En terrain conquis… Comme d’habitude… Je fumais, assise devant la petite table basse… Elle est venue droit sur moi… Sans un mot elle m’a pris la cigarette des mains, l’a écrasée dans le cendrier… Et elle est repartie… Je n’ai pas protesté… Je n’ai rien dit…

– J’ai eu ta propriétaire au téléphone… Tu m’avais pas raconté, dis donc ! Tu t’étais pas vantée… Une sacrée fessée elle t’a flanquée l’autre soir… Tu files doux du coup maintenant à ce qu’il paraît avec elle … T’en serais même devenue adorable… Comme quoi il suffit de pas grand-chose des fois…
– Mais non, mais…
– Mais quoi ? Traite-la de menteuse aussi tant que tu y es !

Elle a entrebaîllé, d’autorité, le rideau de la douche…
– Dépêche-toi de sortir de là-dedans… J’ai à te parler…
À me parler ? Qu’est-ce que ? J’arrivais… Oui… J’arrivais…
Elle était adossée à l’évier…
– Tu files un mauvais coton… Avec ta patronne… Un très mauvais coton… Parti comme c’est je donne pas un mois avant qu’elle t’ait foutue dehors…
– Je sais, oui… Elle m’a dit…
– Eh bien alors si tu sais… Qu’est-ce que tu attends ? Une place comme celle-là t’es pas près d’en retrouver une… Celle-là ou une autre d’ailleurs… Parce que quand on voudra des renseignements sur ton compte et qu’on saura que tu prends les clients de haut…
– Mais je les prends pas de haut… C’est un air que j’ai comme ça… J’ai beau faire ce que je veux… J’arrive pas à empêcher…
– Oh, si tu y arrives… Si ! Avec moi tu y arrives très bien… Tu l’as plus du tout… Et c’est tant mieux ! Parce que insupportable c’est… Et pourquoi tu l’as plus ? Parce qu’on a fait ce qu’il fallait pour… Non ? Bien sûr que si ! Et je suis convaincue que si Madame Lancier en usait de la même façon avec toi…  Je vais lui en toucher un mot d’ailleurs…
– Oh, non !
– Tu veux garder ta place, oui ou non ?
– Si ! Oui, mais…
– Eh ben alors !

– Tu fais des efforts… Si ! Ça se voit, tu sais… Mais c’est pas encore ça… C’en est loin… Elle a raison ta propriétaire… La seule solution avec toi… Oh, mais on y viendra… J’y viendrai… Dans ton propre intérêt…

– Ils viennent plus te voir tes amis ?
– Non… Pas pour le moment… Non…
– Ils peuvent, hein… Je les empêche pas… Du moment qu’ils se comportent en êtres civilisés…
– Je sais, oui…
– Seulement ils en sont parfaitement incapables… Alors tu as raison, va ! Il vaut mieux que tu les laisses où ils sont…

– Elle est perdue, la cliente… Elle reviendra pas… Et par ta faute ! Ah, si, si ! Par ta faute… Aie l’honnêteté de le reconnaître au moins…
– Je suis désolée… Je vous demande pardon…
– Il est bien temps… Oh, mais attends ce soir qu’on ait fermé ! Alors là, cette fois, tu vas pas y couper, ma petite ! C’est mérité… Amplement mérité, non ?
– Oui, mais…
– Amplement mérité, non ?
– Si !

– Bon, allez ! Tu me baisses tout ça… Et tu te mets en position… Mais oui, là… À la fenêtre… Tu seras très bien là…

– Vous attendez quoi ?
– Ta propriétaire j’attends… Tu crois tout de même pas que je vais la priver du spectacle ?!

lundi 25 février 2013

Le Centre ( 8 )


8 –

– Je vous laisse…
Devant un monceau de haricots verts à équeuter…
– J’ai à faire… Et tâchez que ce soit fini quand je reviens…
– On fera tout notre possible, M’sieur…
– Vous avez intérêt… Sinon…
Lucie l’a suivi du regard, rêveuse…
– Il a de la prestance cet homme… Non ? Tu trouves pas ?
– Mouais…
– Oh, si ! Si ! Dès qu’il parle… Dès qu’il élève un peu la voix tu peux pas savoir ce que ça me fait à moi… J’ai plus qu’une envie, c’est de lui obéir… Quoi qu’il veuille… Quoi qu’il me demande… Et même… N’importe quoi il pourrait vouloir… N’importe…
– Eh ben dis donc !
– Oui… J’y pensais encorecette nuit quand je dormais pas… Il me dirait : « Quitte Xavier… Quitte Xavier et viens avec moi… » j’hésiterais pas une seule seconde… Et pourtant Dieu sait qu’il compte pour moi Xavier…
– Qu’il compte… Ou qu’il a compté ?
– De toute façon il le fera pas… Pas la peine que j’aille me raconter des histoires…
– Ça vaut sûrement mieux, oui…
– N’empêche que je sais pas si c’est un aussi bon truc que ça d’être venue ici… Parce que je suis bien obligée de me rendre compte de tas de choses… Et d’abord que ça a rien à voir quand on le fait avec Xavier… J’arrive pas à le prendre au sérieux… Quand il me fait les gros yeux ou qu’il me gronde j’ai envie d’éclater de rire… Tandis que là, avec lui, t’es obligée d’y croire que c’est sérieux… Tu te sens vraiment prise en faute… Ça devient vrai… C’est comme la fessée… Xavier il tape pas très fort… Et pourtant très vite je veux qu’il arrête… Je trouve que ça fait mal… Alors qu’avec lui, là, non… Je trouve que ça fait mal, oui… Bien plus même… Forcément… Parce que comment il y va ! Mais tout au fond de moi je voudrais qu’il y aille encore bien plus fort et qu’il arrête pas… Ou le plus tard possible… C’est bizarre, hein ?
– Pas tant que ça finalement…
– Oui… Parce qu’avec Xavier ça reste un jeu… Tandis que lui, là, il te punit vraiment pour quelque chose… Il y a une raison… Tu sais que t’as mérité… Et bien plus encore que ce que tu croyais… Ça te fait pas ça, toi ?
– Un peu, si… Mais différemment… Parce que quand je suis arrivée ici c’était avec l’idée que ça allait m’apprendre à corriger des trucs qui allaient pas chez moi… La paresse… La négligence… Le manque de volonté… La gourmandise… Enfin plein de choses… Et au lieu de ça c’est de me caresser qu’ils ont décidé de m’empêcher… De moi-même jamais j’y aurais pensé… Jamais j’aurais voulu… Mais ça devient vrai… Il faut… Juste parce qu’ils veulent, eux, que ce soit comme ça… Et qu’il y a quelque chose en moi qui leur donne plus raison à eux qu’à moi… Tu comprends ?
– Oui, ben ça, moi, c’est un truc… On pourrait bien faire ce qu’on veut… On n’arriverait pas à m’empêcher… Alors là !
– C’est ce que je me disais aussi… Et puis finalement je me demande s’ils vont pas y arriver… Je veux dire… Même après… Quand on sera plus là… Quand il y aura personne pour me surveiller…
– Ah, oui ? Eh ben moi, ce que je me demande, c’est comment ça va se passer avec Xavier quand on va rentrer… Parce que après ce que j’ai connu là je vais plus avoir envie avec lui ça c’est sûr…
– Peut-être qu’il aura changé… Parce que ce qui se passe dans l’autre groupe là-bas on sait pas… On sait pas du tout…
– Peut-être… Oui…

– Vous n’avez pas fini ? Qu’est-ce que vous fabriquez ? Vous papotez au lieu de travailler, hein, c’est ça ?
– Mais non, mais ça fait à peine un quart d’heure que vous êtes parti… Un tas pareil ! Comment vous voulez ?
– Toi, ma petite, tu commences à m’échauffer les oreilles… Viens ici !

Il s’est assis… L’a courbée sur ses genoux… Lui a descendu sa culotte… Et… 
– Alors ? Tu disais ?
– Mais c’est vrai, hein ! On n’a pas eu le temps…
– Et là ? Vous l’avez eu ?
– Aïe ! Mais non, j’vous dis… Non… Aïe ! C’est impossible… Tout le monde vous dira…
La cravache s’est abattue plus fort… Plus rapide… Elle a gémi… Battu des jambes… Hurlé…
– Et là ? Vous l’avez eu le temps ?
– Oui… On l’a eu… Oui…
– Eh ben voilà ! Fallait le dire tout de suite… Ç’aurait été plus simple, non ? Ç’aurait pas été plus simple ?
– Si !

jeudi 21 février 2013

Escobarines: Déménagement ( 2 )


– Alors ? T’as failli te ramasser une fessée hier soir à ce qu’il paraît ?
Ça avait l’air de beaucoup l’amuser cette idée Madame Lancier…
– Mais non, mais…
– Ah, si ! Si ! Ça te pend au nez de toute façon… Si tu continues à te comporter comme tu te comportes avec elle ça c’est sûr que tu vas y attraper…
– Je me comporte pas…
– Ah, non ? Je sais pas ce qu’il te faut… Tu es d’une insolence à ce qu’elle m’a dit…
– Moi ? Non, mais attendez ! C’est elle ! Mais c’est elle ! Qui rentre comme ça chez moi n’importe quand… Sans prévenir… Sans frapper…
– Chez toi c’est aussi chez elle je te ferai remarquer… C’est SURTOUT chez elle…
– Mais elle m’a loué enfin !
– Oui, oh, parlons-en ! Je sais pas si tu as une idée des prix qui se pratiquent ici… Qui sont faramineux… Alors les 400 euros qu’elle te réclame… Excuse-moi de te dire ça, mais c’est purement symbolique… Une sacrée fleur elle te fait… Et à défaut de lui en être reconnaissante tu pourrais au moins avoir la politesse de te montrer correcte à son égard…
– Mais je le suis !
– Correcte, toi ? Non, mais alors là cette fois on aura tout vu… Tout entendu… Tu te rends pas compte, hein ?! Tu te rends vraiment pas compte… Même ici, au magasin… Avec les clientes… Avec moi… Tu es constamment à la limite de l’arrogance… Tout, dans ton attitude, proclame, haut et fort, que tu t’estimes très largement supérieure au reste de l’humanité… Et que tu vaux beaucoup mieux que le travail que tu fais…
– Mais c’est pas vrai !
– C’est peut-être pas vrai, mais c’est l’impression que tu donnes… Et ce qu’il y a de sûr c’est que si tu changes pas d’attitude – et rapidement – je ne pourrai pas te garder… Je tiens pas à ce que tu fasses fuir toute la clientèle…

– Allo… Delphine ? C’est moi, Marion…
– Ah, Marion ! Alors ça va ce boulot ? T’es contente ?
– Pas trop, non…
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Elle parle de me foutre dehors ma patronne… Paraît que je suis arrogante avec tout le monde…
– Ah…
– Dis-moi franchement… Tu trouves, toi, que je suis arrogante ?
– Franchement… des fois, oui… On en parlait encore l’autre jour avec les filles… Tu regardes tout le monde avec un de ces petits airs supérieurs… C’est souvent assez insupportable, oui…
– Je le fais pas exprès…
– Je me doute… Seulement ça les gens, eux, ils le savent pas…
– Comment je pourrais faire ?
– Alors ça, ma pauvre, qu’est-ce que tu veux que je te dise ?

– Ah, c’est vous…
– C’est moi, oui… Tu vas laisser traîner longtemps ta vaisselle dans l’évier comme ça ?
– C’est que… à midi j’ai pas eu le temps…
– À midi ? Tu plaisantes ? Elle y était déjà ce matin… Depuis hier soir elle s’y trouve… Et tu vas pas venir me dire que le soir t’as pas le temps…
– Si… Oui… Non… Je vais la faire…
– T’as plutôt intérêt…

– Salut ! C’est nous…
– Je vois bien…
– Ça a pas l’air de te faire plaisir…
– Mais si ! Si ! Seulement…
– Eh ben alors ! Tiens, regarde ce qu’on a amené… Tu vas voir ce que tu vas voir… Une fête à tout casser on va faire…
– Oui, mais… Ma propriétaire… Juste en-dessous elle est…
– Et alors ? Qu’est-ce tu t’en fous ? C’est sûrement pas ça qui va nous empêcher de nous éclater… Qu’elle y vienne, tiens ! Qu’elle y vienne ! On lui dira le reste…

Ils venaient tout juste de partir… Ça faisait pas un quart d’heure… La porte d’entrée… Ses pas… L'escalier de la mezzanine… Elle est montée… Elle... Je me suis redressée dans mon lit…
– Je t’avais prévenue… Je t’avais pas prévenue ? Je voulais plus rien entendre la nuit…
– C’est pas de ma faute… C’était pas prévu… Ils me sont tombés dessus comme ça…
– Et alors ? C’est pas une raison… T’es assez grande pour leur demander de pas faire de bruit, non ?
– On voit que vous les connaissez pas…
– Oui, ben tu vas commencer par baisser les yeux… Tes grands airs j’en ai plus qu’assez… Tu entends ce que je te dis ?
– Quels airs ? J’ai pas d’airs…
– Ah, ben je sais pas ce qu’il te faut… Non, mais tu te vois pas…
– J’en ai marre… Non, mais j’en ai marre que tout le monde me fasse chier avec ça…  Avec mes soi-disant grands airs d’arrogante… Ras le bol j’en ai… Plein le cul…
– Lève-toi ! Lève-toi, j’ai dit… Alors là cette fois tu vas pas y couper, petite insolente… Tu m’enlèves ça… Le bas, là, oui… Et tu te dépêches…

lundi 18 février 2013

Le Centre ( 7 )



Laëtitia s’est retournée une dernière fois avant de laisser retomber le rideau…
– J’ai pas de conseils à te donner, mais méfie-toi de Valentine comme de la peste… Elle est tordue cette fille… Complètement tordue…
– C’est aussi l’impression qu’elle me donne … Mais je ferai attention… Oui… Merci...

Valentine a presque aussitôt déboulé… Jeté ses affaires en vrac dans le placard…
– Tu fais voir ? Oh, allez ! Juste un peu… Qu’est-ce ça peut te foutre ? Je t’ai déjà vue  n’importe comment… Et puis ça change tellement vite après… Oh, oui dis donc ! Oui… Il y est allé gaiement… C’est marrant… On voit encore l’autre en-dessous… Et drôlement bien… Deux couches superposées ça fait… Pas mal c’est… Pas mal du tout…
– Bon, allez ! Ça y est ? T’as fini ?
– Pour le moment, oui… C’est Lambert qui t’a gaulée à ce qu’elles ont dit les autres… À fouiner du côté de la direction… C’est exprès que t’y es allée traîner là-bas ? Pour qu’il t’en colle une ?
– Hein ? Ah, mais non… Non… Pas du tout… Non… Je me suis paumée…
– Tu parles ! À d’autres…
– Mais si ! C’est vrai, hein !
– C’était souvent l’année dernière qu’il y avait des filles qui s’égaraient par là-bas… Parce qu’avec Lambert c’est toujours à la main que ça se passe… Jamais autrement… Et qu’il fait pas semblant…
– Ça… J’en sais quelque chose…
– Tu sais ce qu’on pourrait faire ? Ce serait que t’y retournes…
– Et puis quoi encore ?
– Oh, mais pas demain… Dans trois quatre jours… Quand ça se sera effacé… T’y retournes… Moi, je serai cachée quelque part… Je pourrai le voir te la donner comme ça… Tu cries beaucoup ? Tu gigotes ?
– Je sais pas… Je me rends pas compte…
– Ben je pourrai te dire comme ça… On ira, hein ?!
– Non… J’ai pas envie…
– Ben pourquoi ? C’est bien pour en prendre des fessées que t’es venue là…
– Oui, mais à condition qu’il y ait des raisons…
– Il y en aurait bien une, là…
– Mais pas une vraie… Pas une à moi…
– C’est quoi celles à toi ?
– C’est compliqué… Et puis c’est moi que ça regarde… Et personne d’autre…
– Oh, à moi tu peux bien…

Il y a eu la voix dans le couloir…
– Mesdames… Mesdemoiselles… On éteint maintenant… Et silence complet…

Réveillée… En sursaut… On me secouait… Elle me secouait…
– Qu’est-ce tu fais ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Rien… T’as vu ? Il commence à se lever le jour…
– Et alors ?! Qu’est-ce que tu veux que ça me foute ?
– On a encore le temps que tu me montres avant qu’on vienne nous faire lever… Je suis sûre que ça a déjà changé depuis hier soir…
– Oh, laisse-moi dormir, merde !
– Montre-moi ! Sinon… Sinon je leur dis que tu t’es tripotée toute la nuit et que ça m’a empêchée de dormir… Et alors là, ce coup-ci, je te dis pas ce que tu vas ramasser…
– Mais c’est dégueulasse… T’es dégueulasse…  
– Si tu veux… Et pire que ça encore… Je m’en fous du moment que tu montres… Allez, va t’accouder la fenêtre… Attends… Mets tes petites baskets bleues d’abord… J’adore… Et ta petite culotte… Juste pour que j’aie le plaisir de te voir la faire dégringoler…

– Te retourne pas… Surtout te retourne pas… T’es très bien comme ça… C’est génial… Oh, non… Il faut… Il faut qu’un jour je t’en voie prendre une… Il faut absolument… J’y arriverai… D’une façon ou d’une autre j’y arriverai… Je te jure que j’y arriverai…
Elle s’est approchée… A posé ses mains sur mes hanches…
– Te retourne pas… Je veux pas que tu te retournes…
Et puis sur mes fesses… Les deux…
– C’est chaud… C’est encore tout chaud…
Elle a appuyé… Du bout du doigt…
– Ça fait mal ?
– Pas vraiment… Non…
– Et là ?
– Non plus…
Ses lèvres… Du bout de la langue elle s’est insinué entre…
– Arrête ! Arrête, j’te dis… Cette fois ça suffit…
Des pas dans le couloir…
– Mesdames ! Mesdemoiselles ! Debout ! À la douche !
– Tu perds rien pour attendre…  

jeudi 14 février 2013

Escobarines: Déménagement ( 1 )


Comment j’étais heureuse d’avoir enfin trouvé du travail, vous pouvez pas savoir ! Dans une boutique de sapes en plus ! Et avec une patronne jeune et hyper cool… Seule ombre au tableau : une heure et demi de route le matin… Et une heure et demi de route le soir… Ma patronne, Madame Lancier, a compati…
– Tu tiendras jamais le coup à ce rythme, ma pauvre petite ! Et en plus quand il y aura de la neige ! Non… Non… Il faut trouver une autre solution… Je crois savoir que parmi mes clientes il y en a une qui dispose d’un petit quelque chose libre pour le moment… Je vais lui en toucher deux mots…

La cinquantaine… Un regard métallique… Dur… L’un de ces regards qui te fouillent sans vergogne… Et te mettent aussitôt mal à l’aise… Qui te font tout de suite te sentir coupable… Sans trop savoir au juste de quoi …
– Alors c’est elle ? C’est cette petite ? Elle s’appelle comment ?
– Aurélie…
– Et elle a quel âge ?
– 19 ans…
– Eh bien, Aurélie, tu passeras me voir ce soir… Je t’attends…

C’était juste au-dessus de chez elle… Un petit studio avec mezzanine, coin-cuisine aménagé, recoin-douche et vue sur un parc immense…
– Ça te convient ?
Si ça me convenait !
– 400 euros… Ça te coûterait plus cher en essence de rentrer tous les jours chez toi… Bon… Eh bien je te laisse… Installe-toi ! Et… Ah, oui ! Je garde un double des clefs… On sait jamais…

Elle m’est tombée dessus le dimanche suivant pendant que je déballais mes cartons avec un groupe de copains de là-bas… Sans frapper… Sans prévenir…
– Hou la la ! Quel bazar ! Tu vas réussir à faire tenir tout ça là-dedans ?
– Oh, oui… Normalement oui…
– Ben j’espère…
Et elle m’a tourné le dos…

Le lendemain aussi… Je m’étais allongée sur mon lit… Histoire de me détendre cinq minutes en rentrant du boulot…

– Vous m’avez fait peur…
– Eh ben dis donc ! Ça a guère avancé ici… On peut pas dire…
– Oui, mais non ! C’est parce que…
– C’est parce que t’es feignante comme une couleuvre, oui… On commence par mettre de l’ordre… Après seulement on se repose… Allez, fais-moi le plaisir de ranger tout ça…
Et elle est repartie comme elle était venue…

Quelle conne ! Non, mais quelle conne ! De quoi je m’occupe ! C’est pas ses oignons… Et puis d’abord, pour commencer, elle aurait pu frapper… On rentre pas chez les gens comme ça… La prochaine fois elle allait voir ce qu’elle allait voir… N’empêche que j’ai rangé… Que j’ai passé ma soirée à ranger…

– Ah, ben voilà ! Voilà ! Tu vois que quand tu veux…
J’étais sous la douche… Je l’avais pas entendue arriver…
– T’en as pour longtemps ? Parce que faut que je te parle…
Me parler ? Qu’est-ce qu’elle pouvait bien vouloir ?
– Non… J’ai presque fini… J’ai fini…
Et je suis sortie… Je me suis entortillée tant bien que mal dans ma grande serviette blanche que j’ai nouée sur les seins…
– Oui… Je voulais te dire… Ta petite pantomine de dimanche dernier avec tes copains jusqu’à des trois heures du matin je veux bien passer dessus parce que c’était la première fois… Mais c’est aussi  la dernière… J’ai droit à ma tranquillité…
– Et moi…
Elle m’a fusillée du regard…
– Oui ?
– Non… Rien… Rien…
– Je préfère…

Cette fois ça suffisait… Ça suffisait vraiment… Je me suis bravement lancée…
– Je ne veux pas… Je ne veux plus…
– Quoi donc ?
– Que vous entriez ici comme dans un moulin…
– Pardon ?! Non, mais alors cette fois on aura tout vu… Tout entendu… Tu es à la veille de me dicter ce que j’ai à faire ou à ne pas faire, ma petite… Jusqu’à preuve du contraire je suis ici chez moi …
– Mais je loue… Et quand on loue…
– Oui, eh bien tu vas commencer par le prendre sur un autre ton… Les petites morveuses de ton âge elles sont loin de m’impressionner… Et s’il faut te flanquer une fessée pour te remettre les idées en place eh bien je vais te flanquer une fessée… C’est pas un problème… De toute façon tu n’y couperas pas… Un jour ou l’autre tu n’y couperas pas… Parce que les petites prétentieuses dans ton genre il y a que ça qu’elles comprennent…

lundi 11 février 2013

Le Centre ( 6 )


– Ben oui… Oui… Le soir aussi on mange, figurez-vous ! Allez, au travail… Et, pour commencer, toi, Eugénie, tu vas aller me chercher un cageot de poireaux…
– Où ça ?
– Au potager, pardi ! Où veux-tu que ce soit ? Tu demanderas au jardinier… Et s’il est pas là tu te sers dans la petite remise derrière… File ! Déjà qu’on est en retard…
– Oui, mais il est où le potager ?
– Te fais pas plus idiote que tu n’es, veux-tu ! Allez ! Dépêche-toi !

– Eh, là-bas ! Tu vas où comme ça ?
– Je suis perdue, Monsieur… Je cherche le potager…
– Le potager ! Ben voyons ! Tu me prends pour un imbécile ? De l’autre côté il est le potager… Et tu le cherches ici ? Dis plutôt que tu fais ta petite curieuse, oui…
– Ah, mais non… Non… Pas du tout… Non… Je vous assure…
– Il est formellement interdit aux pensionnaires de s’approcher des bâtiments administratifs… Tu l’ignores, ça, peut-être ?
– Je le sais bien… Mais c’est pas de ma faute…
– Mais bien sûr ! C’est jamais de votre faute à vous, les filles… Jamais… Bon, mais assez discutaillé… Je vais te la faire passer l’envie de te mêler de ce qui te regarde pas, moi, tu vas voir ! Allez, hop ! Amène-toi ! Et tu vas t’en souvenir, ma petite ! Crois-moi que tu vas t’en souvenir…

Ça a pas duré longtemps… Il a même pas pris la peine de me baisser ma culotte, mais alors !
– File ! Et que je te revoie pas traîner par ici…
Je n’ai pas demandé mon reste…

Il y avait Laëtitia au potager…
– Ah, mais c’est vrai que tu travailles là, toi… J’y pensais plus… Des poireaux on m’envoie chercher… Et… Dis-moi un truc… Un type avec une casquette rouge ça te dit quelque chose ?
– C’est Lambert… Le gardien… Pourquoi ?
– Il m’en a mis une…
– Holà ! Ma pauvre… T’as dû le sentir passer… Parce que quand il tape, lui, il tape…
– Ah, ça, je confirme… Par-dessus celle d’hier en plus… Comment j’ai dégusté !
– Bon, mais tu connais le règlement… Quand on en a pris une on doit rester à poil… Alors fais gaffe… Parce qu’il va faire son rapport… Et si on s’aperçoit que t’as essayé de passer à travers… alors là je voudrais pas être à ta place…
Et je me suis dépêchée de tout enlever…

Lucie a écarquillé les yeux…
– Oh la la ! Comment t’es arrangée !
Notre chef cuisinier s’est approché… M’a fait pivoter sur moi-même…
– Du beau travail… Du très beau travail… Un vrai travail de pro… C’est Lambert, hein ? Oui… Je reconnais là sa patte… Et il t’a punie pour quoi ?
– C’est parce que…
– Oui, oh, on s’en fout ! On s’en fout complètement… Par contre ce qu’il y a de sûr c’est que pendant les heures de travail tu es sous ma responsabilité… Et si tu as mérité d’être punie, c’est à moi de le faire et à personne d’autre... En conséquence de quoi… eh bien on va remettre ça…
Lucie s’est récriée…
– Oh, non, M’sieur ! Vous avez vu dans quel état elle l’a déjà ?!
– Oui, ben ça… Elle avait qu’à y réfléchir avant...
– Donnez-moi-la à moi plutôt alors… À sa place…
– Mais tu sais que c’est pas une mauvaise idée du tout, ça ?! Allez, va me chercher la canne… Tu sais où elle est… C’est toi qui l’as rangée…

– Merci… Parce que sans toi…
– Oh, de rien… À charge de revanche… Et puis de toute façon…
– De toute façon ?
– Je sais pas… Des trucs vraiment bizarres je sens quand il me le fait…

Au réfectoire toutes les filles étaient agglutinées devant le tableau d’affichage près de la fenêtre…
– Qu’est-ce qui se passe ?
Ils ont décidé de pas nous laisser nous mettre comme on voulait dans les boxs… De faire eux-mêmes la répartition…
Valentine m’a fait signe, tout excitée…
– T’es avec moi ! On est ensemble… Ce que je suis contente !

Elle est venue s’asseoir à table à côté de moi…
– Oh, oui… Ce que je suis contente, oui… Pas toi ?
– Si… Bien sûr…
Du bout des lèvres…
– Surtout que toi, j’ai l’impression que tu vas en recevoir plus souvent qu’à ton tour… Tu me laisseras regarder, hein?!  

jeudi 7 février 2013

Escobarines: Mauvaise inspiration


– Alors ? Comment ça se passe avec Louis ? Toujours le grand amour ?
– Plus que jamais… Mais, oh, je me fais pas d’illusions…
– Ben pourquoi ? Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que… Chaque fois c’est pareil… Je rencontre un mec… Ça démarre génial… On peut pas se passer l’un de l’autre… Ça dure deux mois… Des fois un peu plus… Des fois un peu moins… Et puis ça part en vrille…
– Vous vous disputez ?
– Oh, non, non… Même pas, non… Mais il s’éloigne… Il devient distant… Il invente des tas de prétextes pour pas venir… On se voit presque plus… Et ça finit comme ça… Tout seul… De sa belle mort… Sans raison…
– Faut bien qu’il y en ait des raisons… Il y en a toujours…
– Oui, ben alors là je vois vraiment pas lesquelles…
– Un mec, tu sais, c’est toujours de la même façon que ça se retient… Par le cul…
– Ça a pourtant l’air de leur aller comment je fais de ce côté-là…
– Et comment tu fais ?
– Ben comme tout le monde, je suppose… Je mets des trucs sexy… Je lui tombe dessus au moment où il s’y attend pas… Je lui fais des petites gâteries de temps en temps…
– Ah, oui, c’est vraiment comme tout le monde alors… C’est peut-être justement ça qui va pas…
– Parce que ce qu’il fait avec toi avec des tas de nanas il peut le faire… Et si toi t’apportes pas un plus…
– Comment ça un plus ? Quel plus ?
– Tout dépend… De toi… Du mec… Du moment… De tas de choses…
– C’est pas pour nous vanter, mais regarde… Nous, par exemple… Irina plus de deux ans ça fait qu’elle est avec son Paul… Et moi, avec Aurélien, on fêtera nos cinq ans ensemble le 12 du mois prochain…
– Oui, je sais ça… Je sais… C’est quoi alors votre plus à vous ?
– Ça va peut-être te paraître bizarre…
– Dites… Dites toujours…
– Mais il y a plein de types ce qu’ils adorent c’est lui mettre la fessée à leur nana…
– Non, mais ils sont pas bien ! Oui, ben alors là faut pas compter sur moi pour ça… De toute façon Louis ça c’est pas son truc…
– Qu’est-ce t’en sais ? Tu lui as posé la question ?
– Non… Évidemment non… Mais enfin je le connais suffisamment maintenant pour être sûre que c’est pas son truc…
– Tu serais peut-être surprise…
– Non, mais attendez… Je peux quand même pas aller lui demander comme ça entre la poire et le fromage… « Dis-moi, mon chéri, t’aimerais me flanquer des fessées ? »
– Comme ça, non… Sûrement pas… Mais il y a aussi moyen d’amener le sujet tout doucement… Par petites touches successives… Mine de rien… Quitte à battre momentanément en retraite si besoin est…
– Petites touches ou pas je la connais la réponse…
– À ta place je parierais pas… Parce que si tu savais le nombre de types que ça fait grimper aux rideaux… Rien que l’idée…
– Grand bien leur fasse ! Et j’ai pas du tout l’intention de me laisser tambouriner le cul pour leurs beaux yeux…
– T’y trouverais peut-être ton compte ?
– C’est ça ! Et puis quoi encore ?
– Qu’est-ce t’en sais ? T’as jamais essayé…
– Et j’en ai pas l’intention…
– Peut-être que t’as tort… Que tu trouverais pas ça si désagréable que ça tout compte fait…
– Ça m’étonnerait ! Je vois vraiment pas quel plaisir on peut trouver à un truc pareil…
– Nous, on aime bien… Et de plus en plus même…
– Ah, oui ? Mais qu’est-ce ça vous fait ?
– Ça s’explique pas… Ça se sent…

– J’ai réfléchi… À ce qu’on disait hier… J’ai réfléchi… Et peut-être que je pourrais essayer quand même… Pour voir… Sauf que je sais pas avec qui…
– S’il y a que ça… On peut s’en occuper…
– Oui, mais alors… vous tapez pas trop fort, hein, les filles ! Vous me promettez…
– Mais oui… T’inquiète pas…
– Comment est-ce que… ?
– Laisse-toi faire ! Laisse-toi faire… On s’occupe de tout… Allez… Là… Le petit cul à l’air…

– Non, mais tout va bien !
– Louis ! Mais qu’est-ce tu fais là ? T’es pas au boulot ?
– Et apparemment t’en profites bien quand je suis au boulot…
– C'est pas ce que tu crois… Pas du tout…
– Mais bien sûr !
– Non, mais si, attends ! Je vais t’expliquer…
– Tu vas rien m’expliquer du tout… Je vous laisse vous amuser entre vous… Entre filles… Puisque ça a l’air d’être ton truc… Quant à mes affaires j’enverrai quelqu’un les chercher… Salut !