jeudi 28 février 2013

Escobarines: Déménagement ( 3 )


– Non, mais tu te rends compte comment tu lui as parlé ?
– Qu’est-ce que j’ai dit ?
– C’est pas ce que tu as dit… C’est la façon dont tu l’as dit… Et à Madame Rignon… Une cliente de toujours… Qui nous en laisse, chaque mois, pour des centaines d’euros… Alors non… Non… Ça peut plus durer… Et c’est la dernière fois – la dernière fois, tu m’entends ? – que je suis obligée de te reprendre là-dessus… Le prochain coup, c’est la porte… Et j’aurai pas le moindre état d’âme…
– Mais je le fais pas exprès !
– Oui, oh, alors ça !

Elle est entrée… Ma propriétaire… En terrain conquis… Comme d’habitude… Je fumais, assise devant la petite table basse… Elle est venue droit sur moi… Sans un mot elle m’a pris la cigarette des mains, l’a écrasée dans le cendrier… Et elle est repartie… Je n’ai pas protesté… Je n’ai rien dit…

– J’ai eu ta propriétaire au téléphone… Tu m’avais pas raconté, dis donc ! Tu t’étais pas vantée… Une sacrée fessée elle t’a flanquée l’autre soir… Tu files doux du coup maintenant à ce qu’il paraît avec elle … T’en serais même devenue adorable… Comme quoi il suffit de pas grand-chose des fois…
– Mais non, mais…
– Mais quoi ? Traite-la de menteuse aussi tant que tu y es !

Elle a entrebaîllé, d’autorité, le rideau de la douche…
– Dépêche-toi de sortir de là-dedans… J’ai à te parler…
À me parler ? Qu’est-ce que ? J’arrivais… Oui… J’arrivais…
Elle était adossée à l’évier…
– Tu files un mauvais coton… Avec ta patronne… Un très mauvais coton… Parti comme c’est je donne pas un mois avant qu’elle t’ait foutue dehors…
– Je sais, oui… Elle m’a dit…
– Eh bien alors si tu sais… Qu’est-ce que tu attends ? Une place comme celle-là t’es pas près d’en retrouver une… Celle-là ou une autre d’ailleurs… Parce que quand on voudra des renseignements sur ton compte et qu’on saura que tu prends les clients de haut…
– Mais je les prends pas de haut… C’est un air que j’ai comme ça… J’ai beau faire ce que je veux… J’arrive pas à empêcher…
– Oh, si tu y arrives… Si ! Avec moi tu y arrives très bien… Tu l’as plus du tout… Et c’est tant mieux ! Parce que insupportable c’est… Et pourquoi tu l’as plus ? Parce qu’on a fait ce qu’il fallait pour… Non ? Bien sûr que si ! Et je suis convaincue que si Madame Lancier en usait de la même façon avec toi…  Je vais lui en toucher un mot d’ailleurs…
– Oh, non !
– Tu veux garder ta place, oui ou non ?
– Si ! Oui, mais…
– Eh ben alors !

– Tu fais des efforts… Si ! Ça se voit, tu sais… Mais c’est pas encore ça… C’en est loin… Elle a raison ta propriétaire… La seule solution avec toi… Oh, mais on y viendra… J’y viendrai… Dans ton propre intérêt…

– Ils viennent plus te voir tes amis ?
– Non… Pas pour le moment… Non…
– Ils peuvent, hein… Je les empêche pas… Du moment qu’ils se comportent en êtres civilisés…
– Je sais, oui…
– Seulement ils en sont parfaitement incapables… Alors tu as raison, va ! Il vaut mieux que tu les laisses où ils sont…

– Elle est perdue, la cliente… Elle reviendra pas… Et par ta faute ! Ah, si, si ! Par ta faute… Aie l’honnêteté de le reconnaître au moins…
– Je suis désolée… Je vous demande pardon…
– Il est bien temps… Oh, mais attends ce soir qu’on ait fermé ! Alors là, cette fois, tu vas pas y couper, ma petite ! C’est mérité… Amplement mérité, non ?
– Oui, mais…
– Amplement mérité, non ?
– Si !

– Bon, allez ! Tu me baisses tout ça… Et tu te mets en position… Mais oui, là… À la fenêtre… Tu seras très bien là…

– Vous attendez quoi ?
– Ta propriétaire j’attends… Tu crois tout de même pas que je vais la priver du spectacle ?!

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