samedi 30 décembre 2017

La proprio


La méchante, de Doz.

que vous pouvez retrouver sur: http://fesseeo.net

Rester chez les parents de Clotilde, c’était plus possible.
– On n’est pas à notre main, attends !
– Et puis ces réflexions, sans arrêt, à propos de tout. On n’a plus douze ans.
Et on s’est mis à chercher un appart. Pas trop loin de la fac, mais pas trop loin de son boulot non plus. Ni du mien. Ni des commerces.
– Ça va être compliqué.
Ça l’était. C’était minuscule. Ou insalubre. Ou hors de prix. Mais dans tous les cas…
On était sur le point de renoncer quand… le truc de ouf. Spacieux. Clair. Hyper bien situé. Au premier étage. Avec vue sur un parc immense. Le rêve. Sauf que, forcément, ça allait pas être pour notre bourse.
On a tout de même demandé le prix. Sans grand espoir.
La propriétaire, qui nous faisait elle-même visiter, nous a longuement considérés. A paru réfléchir. S’est enfin décidée.
– Je vous le laisse à titre gracieux.
On s’est regardés, Clotilde et moi, stupéfaits.
– Hein ? Mais…
– Mais j’y mets des conditions. Vous tiendrez cet appartement rangé et en ordre. Je viendrai de temps à autre vérifier. Vous vous y comporterez de façon irréprochable. Pas de raffût après dix heures du soir. J’habite juste en-dessous. Je veux pouvoir dormir. À la moindre incartade, de quelque nature qu’elle soit, je sévirai. C’est à prendre ou à laisser.
Elle nous a tendu un contrat.
– Lisez ça à tête reposée et donnez-moi votre réponse avant, disons, demain midi.

J’étais partagé. Parce que, bien sûr, cet appartement était on ne peut plus tentant. Mais, d’un autre côté, être fouetté, le cas échéant, comme un gamin, ne m’enthousiasmait guère. Et on savait à quoi on était exposés. C’était spécifié dans l’exemplaire du contrat qu’elle nous avait laissé. Noir sur blanc. « Au cas où les locataires manqueraient à leurs obligations, telles que définies aux paragraphes 1 à 8, la propriétaire leur administrerait le martinet sans qu’ils aient la possibilité de s’y soustraire. »
Clotilde, elle, ne partageait pas mes appréhensions.
– C’est inespéré, attends ! Jamais on retrouvera une occasion pareille. Jamais…
– Oui, mais si…
– Il y a pas de raison. Maintenir la maison propre, j’en fais mon affaire. Elle trouvera rien à nous reprocher. Quant à faire du barouf, c’est pas vraiment notre style. Non, tout se passera bien, j’te dis ! Il y aura pas de problème.
Et on a signé.

Les trois premières semaines ont été idylliques. On profitait de nous. De l’espace. De la vue par les grandes baies vitrées. On regrettait pas. Ah, non alors !
– Qu’est-ce qu’on est bien !
– Tu vois, je t’avais dit.

Et puis, il y a eu ce samedi soir-là. Le soir des vingt-quatre ans de Clotilde. Où quatre copines et copains nous sont tombés dessus.
– Bon anniversaire !
– C’est gentil, mais…
– Allez, on fête ça !
Ils avaient apporté du champagne, duwhisky, de la bière, une forêt noire.
Le moyen de les foutre dehors dans ces conditions ?
Pas moyen non plus de leur expliquer qu’on risquait de se prendre une fessée. Pour quoi on aurait passé. On aurait été la risée de tout un tas de gens pendant des mois. Et on a fait contre mauvaise fortune bon cœur.
La soirée a été bruyante. De plus en plus bruyante au fur et à mesure que verres et bouteilles se vidaient. Ça a ri. Ça a crié. Ça a chanté. On a bien essayé, à plusieurs reprises, d’obtenir qu’ils la mettent en sourdine, mais sans succès.
– Oh, les voisins ! Tu parles, les voisins. C’est samedi. Et puis vous avez le droit de faire du bruit une fois par mois n’importe comment.
On a baissé les bras.
Quand ils sont partis, il était trois heures du matin. Et l’appartement était dans un désordre indescriptible.
– Oui, ben on verra ça plus tard. Je suis crevée.

Le lendemain, sur le coup de huit heures, on a sonné. Insisté.
– Qui ça peut être ?
– Elle, tiens ! Qui tu veux d’autre ?
– Il y a qu’à pas ouvrir.
– C’est reculer pour mieux sauter.
Et j’y suis allé.
Elle avait le martinet à la main. Elle m’a à peine salué, a filé, d’un pas décidé, vers la chambre.
– Tu te lèves, toi ! Et tu te dépêches !
Clotilde a obtempéré.
– Là ! Et maintenant vous vous mettez le cul à l’air. Tous les deux. Allez !
On s’est exécutés, la mort dans l’âme.
Elle nous a fait agenouiller, côte à côte, au pied du lit. Et elle a cinglé. Fort. Une fois Clotilde, une fois moi. En alternance. De plus en plus fort. On s’est pris la main. On s’est entrecroisé les doigts. On se les est serrés. Elle ne disait rien. Pas un mot. Elle tapait. Elle se contentait de taper. Ça cuisait. Ça mordait. Ça brûlait. C’est moi qui, le premier, ai commencé à gémir. Et puis presque aussitôt Clotilde. Ensemble. Ça a duré. Longtemps. Et puis ça s’est arrêté d’un coup. Et elle est repartie comme elle était venue. La porte a claqué.

On s’est vigoureusement frotté les fesses.
– Hou, la vache !
On s’est relevés. On est tombés dans les bras l’un de l’autre. Et elle a doucement pleuré contre mon épaule.
– Là… Là… C’est tout. Ça va passer. Viens !
Dans le lit où on s’est blottis l’un contre l’autre. Elle m’a posé une main sur les fesses.
– Elles sont brûlantes.
– Et les tiennes, donc !
On s’est serrés plus fort.
– Tu bandes !
– Et toi, tu mouilles…
Son plaisir est venu vite. Très vite. Revenu. Un plaisir intense qu’elle a proclamé à grandes trilles éperdues.
– Eh, ben, dis donc !
Elle m’a posé un doigt sur les lèvres.
– Chut ! Dis rien ! Mais par contre, ce qu’on pourrait peut-être, c’est réinviter des copains le week-end prochain, non ?

jeudi 28 décembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (17)

– Hélène ? Viens ! Je t’attends.
– J’arrive.
Un petit quart d’heure plus tard, elle sonnait à ma porte.
– T’étais au boulot, non ?
– Oui, mais ça fait rien. Ça n’a pas d’importance. Je me débrouillerai.
– Déshabille-toi ! Déshabille-toi et, en même temps, raconte-moi ! Qu’est-ce t’as fait depuis la dernière fois qu’on s’est vues ? Je veux tout savoir. Qui t’as rencontré. À quoi t’as pensé. Tout.
Rencontré ? Non. Elle n’avait rencontré personne. Absolument personne. Ce n’était pourtant pas les occasions qui lui avaient manqué.
– Parce que c’est comme si j’irradiais quelque chose maintenant. Depuis… depuis que je te connais. On n’arrête pas de me solliciter. Sur le site, oui, mais pas seulement.
– Et tu ne donnes pas suite ?
– J’aime trop ça quand c’est toi. J’ai pas envie avec d’autres.
– Tu y as pensé ?
– À quoi ? À ce que tu me fouettais ? Bien sûr. Tous les jours, j’y pense.
– Et tu te l’es fait ?
– Non.
– Parce que ?
– Tu ne m’y avais pas autorisée.
– Je ne te l’avais pas interdit non plus.
Je l’ai laissée finir de se déshabiller. Nue. Entièrement nue. Je l’ai prise par le bras, fait pivoter sur elle-même.
C’était vrai. Pas la moindre marque. Pas la moindre trace de quoi que ce soit.
– Et du plaisir ? Tu t’en es donné ?
– Non plus, non. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Jamais.
– Tu vas me raconter ça. Ça m’intéresse.
– Oh, c’est assez banal, tu sais, mon histoire, finalement. À plein de filles ça arrive d’être déçues la première fois. Tu te dis que t’es mal tombée. Ce que les copines te confirment à qui mieux mieux. « Attends ! Tu verras ça, ce feu d’artifice, quand t’auras trouvé le bon. » T’en essaies un deuxième. Un troisième. D’autres encore. Toujours rien. Alors tu te dis que sûrement ça vient de toi. Que t’as quelque chose qui tourne pas rond. Et les mecs, tu finis par laisser tomber. Tu te demandes si ton truc à toi, après tout, ce serait pas les filles. Tu vas voir de ce côté-là. Sans plus de succès. Alors t’en prends ton parti. T’organises ta vie à côté de ça. En-dehors de ça. Des années et des années ça a duré. Jusqu’à ce que me tombe dessus une petite Aude de vingt ans à peine – j’en avais trente-deux –, sûre d’elle, déterminée, qui n’y est pas allée par quatre chemins. Elle avait envie de moi. Elle l’a dit. Elle l’a montré. Elle m’a emportée dans sa chambre quasiment comme un trophée. Sa chambre où ce fut comme d’habitude. Exactement comme d’habitude. Ce qu’elle a très mal pris. « Dis tout de suite que je sais pas y faire… » « Mais non, mais… » « Mais quoi ? Tu vas me payer ça, ma petite ! Je peux te dire que tu vas me payer ça ! » Et elle s’est mise aussi sec à me flanquer une vigoureuse et retentissante fessée. J’étais tellement estomaquée que je l’ai laissée faire. Sans rien dire. Sans me défendre. Curieusement, ce n’était pas désagréable du tout. C’était même assez agréable. De plus en plus agréable. Elle s’est brusquement interrompue et saisie d’une ceinture dont elle m’a énergiquement cinglée. Et là ! Alors là ! Pour la première fois, un orgasme. D’une intensité ! D’une puissance ! Quand ça a été fini, je me suis réfugiée, émerveillée, dans ses bras. Des bras qu’elle a refermés sur moi. Six mois on est restées ensemble. Six mois de folie. De jouissance éblouie. Et puis elle s’est évanouie dans la nature, un beau matin. Sans crier gare. Sa grande hantise, c’était de s’attacher. Jamais j’ai retrouvé ça. Jamais. Avec personne. Jusqu’à… Jusqu’à toi.
Je l’ai doucement prise par le bras, conduite jusqu’à la table de la cuisine où elle s’est, d’elle-même, inclinée. À l’équerre.
J’ai avancé la main. La lui ai glissée entre les cuisses.
– Tu es trempée. C’est de m’avoir raconté tout ça, hein !
Elle a fait signe que oui. Oui.
J’ai débouclé ma ceinture, l’ai fait claquer en l’air.
Elle a frissonné.
Je me suis penchée à son oreille.
– Mais on va d’abord attendre le retour de Marie-Clémence, ma colocataire. Qu’elle en profite, elle aussi.
Et je lui ai déposé la ceinture entre les omoplates.

lundi 25 décembre 2017

Douce soirée

Delphin Enjolras. Elegant ladies taking tea.


– À la voir, comme ça, jamais on n’irait imaginer une chose pareille.
– Et pourtant…
– Est-ce si sûr ? Il se dit tant de choses.
– Les femmes de chambre, entre elles, en font des gorges chaudes.
– Oui, oh, mais les femmes de chambre…
– Sont les mieux placées pour être au fait des petits – ou des grands – secrets de leurs maîtresses. Et là, elle a le fessier dans un état, paraît-il. Et c’est loin d’être la première fois.
– Ce qui ne l’empêche pas d’arborer ses grands airs.
– Ah, ça ! On ne se refait pas.
– Faut-il qu’elle l’ait poussé à bout son pauvre comte de mari pour qu’il en arrive à des extrémités pareilles ! Un homme si calme… Si doux…
– Qui vous dit que ce soit lui ?
– Comment cela ?
– Ça s’entend une fessée. Quand bien même on s’efforce d’être discret. Or, personne jamais…
– Mais alors…
– Comme vous dites, oui. Mais alors…
– Son confesseur ?
– Le père Chatel ! Vous plaisantez ! Vous imaginez vraiment le père Chatel infligeant à ses pénitentes des peines de cette nature ?
– Pas vraiment, non ! Mais qui alors ?
– C’est bien là toute la question.
– Elle n’aurait quand même pas…
– Quoi donc ? Un amant ? J’y ai pensé aussi. D’autant qu’avec son mari il y a belle lurette qu’ils font chambre à part.
– Je ne voudrais pas l’enfoncer, la pauvre, mais je me demande quand même si ce ne serait pas le genre à ça.
– Pourquoi diable un amant irait-il administrer des fessées à sa maîtresse ?
– À moins que…
– Ça lui plaise ? Oh, quand même !
– Avec elle, malheureusement, je crois qu’on peut s’attendre à tout. Vous vous souvenez de ce qui s’est raconté, à son sujet, il y a deux ans ?
– Si je m’en souviens ! S’il ne tenait qu’à moi, c’est quelqu’un que je tiendrais soigneusement à distance. Mais bon ! On est parfois contraint de fréquenter des gens que l’on ne voudrait pas.
– À qui le dites-vous ! Non, faut bien reconnaître… Si de bonnes fées ne s’étaient pas penchées sur son mariage…
– Ah, ça, c’est sûr ! Et vous pensez bien que l’existence qu’elle a menée auparavant…
– Ne devait pas être des plus rangées, là-dessus nous sommes bien d’accord.
– Alors sans doute que ces fessées prennent racine, d’une façon ou d’une autre, dans un passé peu avouable.
– Sur lequel il vaut sans doute mieux éviter de se pencher.
– En effet… Nous serions à coup sûr amenées à patauger dans des eaux nauséabondes.
– Ce qui ne nous convient ni à l’une ni à l’autre.
– Assurément…
– Là voilà qui revient…
– Oh, mais quel magnifique bouquet vous avez cueilli là, ma chère ! Il est à votre image. D’une angélique beauté.

samedi 23 décembre 2017

Féerie d'automne

Un autre dessin de Doz que vous pouvez retrouver sur:

http://fesseeo.net

qui m'a inspiré, là encore, un petit texte.

Doz Féerie d'automne

– Lequel, de banc ? Montre-moi !
– Je sais plus au juste.
– Menteuse ! Tu sais parfaitement. J’ai pas de conseils à te donner, Jessica, mais, à ta place, j’éviterais d’aggraver mon cas.
– C’est celui-là, là-bas, près des arbres.
– Tu es sûre ?
– Certaine, oui.
Je l’ai emmenée s’y asseoir.
– Là ! Et maintenant tu vas bien gentiment me raconter ce qui s’est passé.
– Oh, rien ! Pas grand-chose.
– Mais encore ?
– J’y suis venue discuter avec un type, samedi soir, en sortant de boîte.
– Un certain Jérémie.
– Comment tu sais ?
Elle a dessiné un rond, du bout du pied, dans la poussière.
– Peu importe comment je sais. Et alors ? Ce Jérémie ?
Un rond qu’elle a aussitôt effacé. Et remplacé par un autre.
– Oh, mais rien… On a fait la causette. Et puis voilà.
– Prends-moi bien pour un imbécile.
– Mais si, je t’assure !
– C’est pas ce qu’on m’a dit.
– Qui ? C’est Pauline, je parie. Elle peut pas me voir.
– Ne détourne pas la conversation, veux-tu !
– J’avais un peu bu…
– C’est pas une excuse. Et ?
– Il m’a embrassée.
– Nous y voilà ! Et il ne s’est pas contenté de ça…
– S’il te plaît, Vic, ne m’oblige pas à…
– À quoi ? À dire qu’il s’est montré très entreprenant ? Et que tu as aimé ça.
– Vic !
– De plus en plus entreprenant…
– Je te demande pardon.
– Et que, pour finir, il t’a sautée, là, ici même, sur ce banc où on est assis. C’était bon au moins ? T’as pris ton pied ?
– Je te demande vraiment pardon.
Elle a tendu vers moi une main que je n’ai pas prise.
– Bon, mais tu sais ce qu’on avait dit après l’épisode Benjamin ? Tu te rappelles ?
– Oui.
– Quoi ?
– Que si je recommençais, que si je te trompais encore une fois, ou tu me quittais ou tu me flanquais une mémorable correction à la badine. Au choix.
– Et tu choisis ?
– Me quitte pas, Vic ! Je t’en supplie, me quitte pas !
– Eh bien, allez, alors !
– Ici ? Maintenant ?
– C’est bien ici que t’as commis ton forfait, non ?
– Il pourrait venir du monde, on sait jamais.
– L’autre soir aussi, il pouvait en venir. Et ça t’a pas vraiment dérangée. Alors, allez ! Tu te mets en position.
– Il y aurait pas moyen, Vic ?
– Moyen de quoi ?
– Que tu me la donnes pas.
– Tu préfères que je te quitte ?
– NON !
Elle l’a hurlé. Et s’est docilement laissée allonger en travers de mes genoux.
– On va t’en faire passer à tout jamais l’envie, tu vas voir !
J’ai relevé la jupette haut sur les reins, j’ai baissé la petite culotte et j’ai lancé un premier coup de badine.

jeudi 21 décembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (16)

Elle me posait la question tous les jours. Plusieurs fois par jour.
– Ce sera quand ?
– Quand je jugerai le moment venu.
Elle soupirait.
– C’est d’un long !
Et passait le plus clair de ses soirées au téléphone. Quand ce n’était pas une bonne partie de la nuit.
Le lendemain, j’avais droit à un rapport circonstancié. Qui elle avait eu. Ce qu’il avait dit. Ce qu’elle avait répondu.
– Il est adorable, Brian. J’aimerais vraiment m’en faire un ami.
– Rien ne t’en empêche.
– Non. Bien sûr que non. Mais ça risque quand même d’être compliqué.
Gauvain, lui, arrêtait pas de la tanner pour qu’elle lui envoie les photos qu’on leur avait montrées de son derrière tout rouge.
– Il flashe grave dessus.
– Eh ben, balance-les lui ! Qu’est-ce t’attends ?
– Je sais pas, je…
– Il les a déjà vues. Alors un peu plus un peu moins.
– C’est pas vraiment la même chose.
– Ah, ça, c’est sûr ! Parce qu’il les aura à son entière disposition. Quand il voudra. Comme il voudra. Et ça te déplairait pas, au fond, avoue, de l’imaginer passant le plus clair de son temps penché sur tes petites fesses endolories. S’offrant du plaisir en les regardant. Non ? Sois honnête ! Ah, tu vois ! Bon, ben tu sais ce qui te reste à faire, du coup. Et tiens, envoie-les aux trois tant que tu y es. Pas question de faire des jaloux. Allez, attrape ton portable ! Qu’on batte le fer tant qu’il est chaud.
Et elle l’a fait. Elle les leur a expédiées. À tous les trois. D’abord Gauvain. Puis Brian. Et enfin Valentin.
– Lui, par contre, je me demande comment il va réagir. Parce qu’il a une de ces façons de me faire honte quand il s’y met.
– C’est-à-dire ?
– Je sais pas. Les questions qu’il pose. Il veut tout savoir. La façon dont ça se passe quand tu me la donnes. Dont ça se passait avec Vanessa. Il fouille. Il fouille. Il te lâche pas. Il t’oblige à les dire les choses. Même que tu voudrais pas. Et puis alors il y a le ton qu’il prend. Un ton que t’as qu’une envie, c’est de courir te cacher quelque part. De lui échapper. D’envoyer ton portable s’écraser contre le mur. Mais tu restes quand même. Tu peux pas t’empêcher de rester. Lui, je vais mourir si tu me donnes la fessée devant lui. Alors là, ça, c’est sûr…
– C’est pourtant ce qui va se passer.

Philibert confirmait.
– Connaissant Valentin, il doit systématiquement la pousser dans ses derniers retranchements. Il peut être redoutable quand il veut.
– Ce dont, au final, je suis persuadée qu’elle se trouvera très bien.
– En tout cas, que ce soit lui ou les deux autres, je peux te dire qu’ils attendent le jour J avec une impatience ! Tu comptes les tenir en haleine encore longtemps comme ça ?
– Ce que je voudrais avant, c’est qu’elle prenne le temps de les rencontrer. Tous les trois. Un par un. Seule à seul. Elle en crève d’envie en plus. Seulement, en même temps, ça lui fout une trouille monstre. Et si je pousse pas un peu à la roue…
– C’est toi qui vois. Tu es seule juge.
– Ce que je voudrais aussi, c’est impliquer Hélène là-dedans. D’une façon ou d’une autre. Mais je sais pas encore comment. Faut que j’y réfléchisse…

lundi 18 décembre 2017

Fâcheuse fessée





Jose Jimenez Aranda Bajo los naranjos


Récit d’Amanda

– Tu sais quoi, Anne ? Je l’ai vu.
– Qui ça ?
– Ben, José, tiens ! Le type de l’autre soir au bal. Même qu’on a passé l’après-midi ensemble.
– C’est pas vrai ! Et alors ?
– Quand je pense que, pendant des semaines et des semaines, j’ai pris des tas d’itinéraires compliqués pour essayer de lui tomber dessus sans jamais y arriver, et que là, sans le faire exprès, paf, on se trouve nez à nez.
– Il t’a reconnue ?
– Tu parles s’il m’a reconnue ! Il m’ a foncé droit dessus, oui ! Avec un grand sourire. « Ben alors ! Vous avez filé comme une voleuse, l’autre soir ! Et moi qui me faisais une telle fête de vous inviter à danser !»
– Ah, ben d’accord ! Et qu’est-ce que tu lui as répondu ?
– Rien. J’étais plantée là, à le regarder comme une imbécile, sans pouvoir sortir le moindre mot. Il m’a prise doucement par le bras. « On marche un peu ? Vous voulez bien ? » Tu parles si je voulais bien ! On a pris un sentier sous les arbres et il m’a dit des tas de choses. Qu’il m’avait remarquée tout de suite, l’autre soir, dès que j’étais entrée dans la salle. Que je lui avais fait un effet, mais un effet ! Que j’avais un visage bouleversant. C’est le mot qu’il a employé. Bouleversant. Non, mais tu te rends compte ? « Laisse-moi le regarder ! S’il te plaît ! » On s’est arrêtés. On s’est fait face. Et alors ses yeux ! Oh, là là, ses yeux ! Ils étaient tellement tout pleins de moi, ses yeux. De son envie de moi. Et ses mains ! Il les a approchées. Il me les a délicatement posées sur les tempes. Qu’il a caressées, du bout du pouce. Et puis, après, les paupières, les joues, les lèvres. Ça me rendait folle. Il me rendait folle.
– Déjà que tu flashais complètement dessus avant.
– Il s’est penché. Plus près. Encore plus près.
– Et il t’a embrassée.
– Voilà, oui. Et alors là, si tu savais !
– Non, mais j’imagine… Bon, et je suppose que, vu que vous en creviez d’envie autant l’un que l’autre, vous vous êtes trouvé un petit coin tranquille et que vous vous êtes envoyés en l’air.
– Oui. Enfin, non. Ça s’est pas vraiment passé comme ça.
– Ah…
– Non, parce que… Bon, c’est vrai qu’au bout d’un moment, à force de s’embrasser sans arrêt, tous les trois mètres, on a fini par aller s’asseoir à l’ombre. Et là, forcément, il a commencé à vouloir aller plus loin.
– Ce qui n’était pas pour te déplaire, avoue !
– Surtout que comment il sait y faire !
– Et vous êtes pas allés jusqu’au bout ? Je comprends pas tout, là…
– C’est que… Je t’ai bien raconté…
– Quoi donc ?
– Les fessées.
– Ah ! Et t’en avais reçu une.
– Hier soir.
– Oh, zut !
– Je serais morte de honte s’il s’était rendu compte. Et, vu comment ça se passait, il s’en serait forcément rendu compte. Surtout que j’ai le derrière dans un état ! Ç’aurait été des tas de questions du coup. En plus !
– Comment tu t’es tirée d’affaire ?
– En lui disant que c’était pas prudent. Que quelqu’un pouvait passer et nous surprendre.
– Il a pas insisté ?
– Oh, si ! Et pas qu’un peu ! Mais j’ai tenu bon. Et fini par avoir gain de cause. À condition de lui jurer qu’on se reverrait bientôt. Très bientôt. Quelque part où on serait tranquilles.
– Tu l’as fait ?
– Évidemment ! D’autant qu’il est amoureux de moi.
– Oh, tu crois ?
– Je crois pas. Je suis sûre. Il y a des signes qui ne trompent pas. Je suis heureuse. Si tu savais !


Récit de José

– Tu sais que je l’ai revue, la petite caille du bal ?
– Ah, oui ? Et alors ? C’était quoi la raison pour qu'elle disparaisse, comme ça, au bout d’à peine une heure ?
– Je lui ai pas demandé.
– Je vois… Vous aviez mieux à faire.
– Oui. Enfin, disons que j’ai posé des jalons. Parce que ça tombait plutôt mal.
– Mal ?
– J’avais passé la nuit avec Inès. Et tu la connais. Faut pas lui en promettre à elle.
– Ah, ça ! Elle te met carrément sur les rotules, oui. Je suis bien placé pour le savoir.
– Sauf que des petits lots comme Amanda, c’est pas tous les jours que t’as l’occasion. Faudrait être idiot pour la laisser passer.
– Et t’as trop présumé de tes forces.
– Je me suis pas posé la question en fait. J’ai foncé.
– Pour te prendre le mur en pleine tronche.
– C’est la première fois que ça m’arrive. En tout cas à ce point-là. Au début je m’affolais pas trop. Bien roulée comme elle était. Et une fille que j’avais encore jamais eue en plus. Ça allait forcément finir par venir. Oui, ben t’as qu’à y croire ! Il y avait strictement rien à faire. J’ai eu beau farfouiller tant et plus dans son corsage, lui mettre les nénés à l’air. Des nénés bandants que le diable en plus. Tout juste comme je les aime. Pas trop gros. En pente douce. Avec de larges aréoles brunes. Le rêve, quoi ! Eh, bien rien ! Pas le plus petit début de commencement de bandaison. Mais c’était pas possible, ça, merde !
– Et plus tu te concentrais dessus, plus tu voulais que ça vienne et moins ça le faisait. Classique.
– Peut-être que si elle me l’avait prise en main… mais la première fois, c’est rare qu’une fille, elle ose. Et puis même… T’imagines que je lui sois resté tout flasque entre les doigts ? Oh, la honte !
– Faut reconnaître que c’est le genre de situation…
– Ça m’obligeait à des tas de contorsions en plus. Pour qu’elle se colle pas à moi. Qu’elle sente pas qu’il y avait peau de zob, c’est le cas de le dire.
– Et tu t’en es sorti comment ?
– C’était bien là tout le problème. Comment m’en sortir ? Sans la froisser. Et sans passer pour une bille. Je voyais pas vraiment de solution. Alors je continuais. La fuite en avant. Je me suis faufilé sous sa robe. J’ai entrepris une lente ascension de sa cuisse. En me disant, sans y croire vraiment, qu’avec un peu de chance, quand j’arriverais là-haut, je retrouverais peut-être enfin tous mes moyens. Elle m’a pas laissé terminer l’escalade. Elle m’a arrêté. Repoussé. Soi-disant qu’elle avait peur qu’on nous surprenne. Tu parles ! Il passe jamais personne là-bas.
– Et c’était quoi la vraie raison alors ?
– Je suppose qu’elle voulait pas que je la prenne pour une fille facile. Qui couche au bout d’une demi-heure. Ça m’arrangeait, moi ! Pour une fois, ce que ça pouvait m’arranger ! Ce qui m’a pas empêché de jouer les désolés. De me montrer insistant. Un peu. Pas trop. J’avais vraiment pas l’intention d’obtenir gain de cause. C’était pas le jour.
– Va falloir que t’assumes maintenant.
– Que j’assume ? Que j’assume quoi ?
– Quand une nana demande à un mec de pas coucher, ou du moins pas tout de suite, et qu’il accepte, il y a neuf chances sur dix qu’elle en tombe amoureuse. Alors, après…

samedi 16 décembre 2017

Voleuse!

Doz dessine et met ses dessins en ligne sur un site tout spécialement consacré à la fessée:

http://fesseeo.net

Comme ses réalisations me parlent, j'ai eu envie d'écrire des histoires qui s'inspirent d'eux et les illustrent.

Voici donc le premier d'entre eux:





VOLEUSE


Elle vociférait tout ce qu’elle savait. Elle, une voleuse, elle ! Non, mais alors là, c’était la meilleure. Elle ! Oh, mais ça allait pas se passer comme ça. Ah, non, alors ! Elle avait le bras long. Très.
– Et puis d’abord, pour commencer, je vous faire fermer boutique, moi, ma petite ! Ensuite il va vous tomber dessus un de ces contrôles fiscaux dont vous me direz des nouvelles. Sur la paille, je vous mettrai. Sur la paille. Il vous restera que les yeux pour pleurer. Et encore !
– Bon, ça y est ? Vous avez fini ?
Brièvement déstabilisée, elle a marqué un court temps d’arrêt avant de s’époumoner de plus belle. Non, elle avait pas fini, non. Parce que c’était inadmissible d’accuser les gens, comme ça, sans preuves.
J’ai éclaté de rire.
– Sans preuves ? Le magasin, chère madame, est équipé de caméras dernière génération parfaitement indétectables.
Elle a accusé le coup, balbutié quelque chose d’incompréhensible.
J’ai enfoncé le clou.
– Ah, ils vont apprécier, les gendarmes !
Elle m’a lancé un regard inquiet.
– Vous allez pas les appeler ?
– Bien sûr que si ! Parce que moi, j’ai pas le droit de vous fouiller, mais eux, si. Et j’en ai plus qu’assez, figurez-vous, de me faire piller, comme au coin d’un bois.
– Les gendarmes ! Non, mais vous vous rendez pas compte. Mon mari occupe un poste de la plus haute importance et quand on va savoir… La presse locale va nous tomber dessus. L’horreur absolue. Sans compter que…
– Il fallait y réfléchir avant.
– On peut peut-être s’arranger.
– Comment cela ?
– Je vais vous payer. Le double de ce que ça vaut.
J’ai fait la moue.
– Le triple.
– Ce serait un peu facile, non, vous trouvez pas ? On paie, on écrase de son fric et on remet ça ailleurs.
Elle a repris son air hautain.
– Mais vous voulez quoi alors finalement ?
– Vous donner une bonne leçon. Pour vous faire passer à tout jamais l’envie de recommencer.
– Une leçon ?
– Oui. Une fessée. Déculottée. Je suis sûre que ça vous remettrait définitivement les idées en place.
– Et puis quoi encore ? Non, mais ça va pas ! Vous êtes complètement barrée dans votre tête, vous, hein !
– Dans ces conditions… Vous nous appelez, les gendarmes, Nathalie ?
– Tout de suite, Madame !
Ma vendeuse est passée derrière la caisse, s’est emparée du téléphone.
– Non, attendez !
– Oui ?
– On peut discuter… Trouver une autre solution.
– Il n’y a pas d’autre solution. Vous avez une minute pour vous décider. Pas une de plus.
Et, l’œil rivé à ma montre, j’ai commencé à égrener les secondes.
– Une… Deux… Trois…
À cinquante, elle m’a jeté un regard furibond
– Puisque vous ne voulez rien entendre…
– Vous acceptez donc la sanction ?
Elle a marmonné
– J’ai pas vraiment le choix.
– Très bien. Alors Gilbert va aller baisser le rideau – qu’on soit tranquilles ! – et revenir s’occuper de vous. Il est orfèvre en la matière, vous verrez…


Il s’est assis. S’est tapoté les genoux.
– Viens ! C’est ici que ça se passe.
Elle a blêmi sous le tutoiement. Voulu dire quelque chose. S’est finalement tue. Approchée.
– Plus près !
Elle a obéi.
– Encore plus près !
Il l’a résolument fait basculer en travers de ses cuisses. A tout aussitôt, dans le même mouvement, relevé la jupe haut. Très haut. Au-dessus des reins. Elle a esquissé un geste pour la retenir, y a finalement renoncé.
La première claque, vigoureusement assénée, à même la culotte, lui a arraché un cri. D’autres ont aussitôt suivi. En cascade. Elle les a accompagnées d’une petite mélopée sourde de fond de gorge, les yeux clos.
– Serre les dents ! C’est un mauvais moment à passer.
Et il a tapé de plus belle. S’est brusquement interrompu. A levé sur moi des yeux interrogateurs.
– On lui baisse sa petite culotte ?
Nathalie a poussé un retentissant et enthousiaste « Oh, oui ! » On a tous les trois éclaté de rire. Pas elle, qui a essayé de la retenir, les doigts crispés sur l’élastique.
– Allons, sage !
Il la lui a descendue, d’autorité, jusqu’à mi-cuisses. Sa main s’est à nouveau abattue. À pleines fesses cette fois. Beaucoup plus fort encore. Beaucoup plus rapide.
– Arrêtez, s’il vous plaît, arrêtez ! Je le ferai plus. Je vous promets.
– Oui, oh, alors ça !
Elle a désespérément battu des jambes. Supplié. Crié.
Je me suis approchée.
– Vous savez que vous avez une très belle voix ?
Elle m’a lancé un regard assassin.
– Et que le rouge vous va à ravir.
J’ai fait signe à Gilbert que… bon… ça pouvait peut-être suffire.
Au grand désappointement de Nathalie qui a suggéré
– On lui fait pas aussi à la ceinture ? Avec toutes celles qu’il y a là, sur le tourniquet.
– Une autre fois, Nathalie, une autre fois ! Peut-être que Madame y aura pris goût. Et nous reviendra. Qui sait ?

jeudi 14 décembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (15)

– Tu étais à la bourre ce matin.
Elle n’a pas répondu. Elle a continué, imperturbable, à éplucher sa pomme.
– Marie-Clémence, je te parle !
– Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– À quelle heure tu t’es levée ?
– Je sais plus. Neuf heures. Quelque chose comme ça.
– Et t’as séché les cours, j’parie !
– Si c’est pour arriver juste quand ça finit…
– Bon, mais t’étais prévenue. Alors tu sais ce qui va se passer.
– Oui.
– Tiens ! Leurs numéros de téléphone. C’est toi qui vas les appeler.
Elle m’a jeté un bref regard affolé.
– Moi !
– Toi, oui !
– Mais je saurai jamais.
– Bien sûr que si ! Tu vas les appeler tous les trois, à tour de rôle, et les inviter à venir assister à la mémorable fessée dont tu vas te voir gratifiée vendredi soir. Et tout de suite tu t’en occupes. Pas dans dix ans.
Elle est allée s’enfermer, sans un mot, dans sa chambre.

Elle n’en est ressortie que deux heures plus tard, la mine ravie.
– Mais c’est qui, ces types ? Où tu les as trouvés ?
– Est-ce que ça a vraiment une importance ?
– En tout cas, comment j’ai discuté avec ! Qu’est-ce qu’ils sont sympas ! Surtout Brian. Plus d’une heure on est restés à parler tous les deux.
– Te fais quand même pas trop d’illusions.
– Oui, oh, ben alors là, il y a pas de risque. Non, la seule chose…
– La seule chose ?
– C’est que ça va être moins facile, maintenant, de recevoir la fessée devant eux. Parce que des types que tu connais pas, que tu reverras jamais, tu t’en fous un peu qu’ils soient là. Enfin non, c’est pas que tu t’en fous, parce que ça te fait quand même sacrément honte, mais ils comptent pas pour toi. Tandis que si t’as commencé à faire vraiment connaissance avec, si le courant est passé, c’est plus du tout pareil. Elle est multipliée par dix, par cent, ta honte. Et c’est…
– Délectable.
– Oh, non !
Elle s’est aussitôt reprise.
– Enfin, si ! Oui. Aussi.
– Bon, mais tu sais pas ce qu’on va faire ? On va annuler pour vendredi. On va la reporter à plus tard, cette fessée.
– Hein ? Mais pourquoi ?
– T’as l’air déçue.
– N’importe quoi ! Alors là, vraiment n’importe quoi ! Quoique… si ! Quand même un peu…
– Oui. On va différer. Que, d’ici là, tu les aies rappelés. Tu les aies éventuellent vus. Que tu aies longuement bavardé avec eux. Que vous ayez fait vraiment connaissance. En profondeur. Tu auras pleinement honte, comme ça, le moment venu.
– Tu es…
– Machiavélique ? Oui, mais ça, c’est ta faute. C’est toi qui me donnes envie de l’être.
– Ce sera quand alors ?
– Dans quinze jours. Dans trois semaines. Dans un mois. On verra…
– Tant que ça !
– Oh, mais t’inquiète ! Je te réserve encore de jolies petites surprises d’ici là.

lundi 11 décembre 2017

La peste

John William Waterhouse Consulting the Oracle. Tate Britain.

Caïus fait la moue.
– Ça marchera jamais…
– Bien sûr que si !
– Tu crois ?
– Je crois pas. Je suis sûre. Allez, file ! Qu’elles te trouvent pas là en arrivant. Je t’appellerai, le moment venu.

– Bon, allez, tout le monde est là ?
– Il manque Julia. Elle viendra pas. Ça lui fait bien trop peur ce qu’ils vont dire les dieux.
– Et Octavie. Mais elle voudrait quand même savoir pour son bébé.
– Alors, on commence. S’il y en a qui ont des questions…
Elles en ont. Toutes.
– Est-ce que je vais enfin tomber enceinte ?
– Est-ce que mon père va guérir ?
– Mon mari, avec cette autre femme ?
– Mon voyage ? Ça se passera bien ?
– Et les élections pour Clodius ?
– Et mon fils ? Il sera décurion ?
– Holà ! Pas toutes en même temps. Sinon…
Elle s’assied sur ses talons, se concentre, les yeux clos, les mains bien à plat sur les genoux.
Elles se taisent. Les fumées de l’encens planent au-dessus de leurs têtes, en volutes entêtantes. Le silence se fait lourd. Compact. Une ombre passe sur son visage.. Elles échangent des regards inquiets. Une autre. De plus en plus inquiets. Elle fronce les sourcils, esquisse une grimace, semble contempler quelque chose, très loin, avec épouvante.
Antonia n’y tient plus.
– Il y a quelque chose qui va pas ?
D’un geste impérieux, elle lui intime l’ordre de se taire.
Elle se lève, s’approche du rideau sacré, tend l’oreille. Un long moment. Et puis se tourne vers elles.
– Les dieux ne veulent pas répondre à vos questions.
– Hein ? Mais pourquoi ?
– Parce que…
Elle hésite.
– Mais vas-y ! Dis-le !
– Parce qu’ils estiment qu’au regard des grands malheurs qui nous attendent, vos petites préoccupations sont dérisoires.
– Qui nous attendent ! Mais qui attendent qui au juste ?
– Nous tous…
– Et c’est quoi ?
Elle baisse les yeux. Et la voix.
– La peste.
– Comme sous Titus ?
– En pire. En bien pire. C’est par dizaines de milliers que se compteront les morts.
Elles crient, horrifiées. Elles se frappent la poitrine. Elles s’arrachent les cheveux.
– Mais pourquoi ? Pourquoi ?
– Les dieux sont profondément irrités contre les humains. Qui ont mérité, selon eux, un châtiment exemplaire. Attendez ! Chut ! Écoutez…
Elle hoche la tête, plusieurs fois, en signe d’assentiment.
– Ils disent…
Elle les fait attendre. Un long moment.
– Quoi ? Mais parle à la fin !
– Ils disent que la peste épargnera celles qui accepteront, de leur plein gré, un châtiment d’un autre ordre.
– Quel châtiment ?
– Le fouet. Vigoureusement administré par une main masculine. Celle de Caïus en l’occurrence.
Un long silence. Presque aussitôt suivi d’un immense brouhaha. Qui dure. Qui s’éternise. Qu’elle finit par interrompre.
– Les dieux attendent une réponse.
– Est-ce qu’on a vraiment le choix ?
– Si vous voulez rester en vie, non.
Elles ne veulent pas mourir. Ah, non ! Non… Elles vont en passer par là. Même si… Elles en passeront par là. Bien obligées. Elles le lui confirment. Toutes. Les unes après les autres.
– Ce sera quand ?
– Maintenant.
Leurs regards s’affolent.
– Maintenant !
– C’est à prendre ou à laisser.
Elles soupirent, se lamentent, supplient les dieux de leur accorder des délais.
– Ils s’impatientent. Ne les laissez pas changer d’avis…

C’est Livia qui commence. Elle laisse tomber sa toge. Lentement. Avec un profond soupir. Les autres suivent son exemple. Elles ôtent leurs vêtements. Tous leurs vêtements. Toutes. Toutes ensemble.

Elle passe la tête.
– Tu peux venir, Caïus. C’est mûr. Elles sont nues. À toi de jouer. Et ne les ménage pas !

Il surgit. Le fouet claque et s’abat en sifflant, avec force, sur la première croupe qui se présente. Celle d’Antonia.


samedi 9 décembre 2017

Amandine (4)

 Un quart d’heure, à peine, et elle était de retour.
– Toi ! Déjà ! Mais qu’est-ce qui se passe ?
– C’est Aurore qui me renvoie…
Elle l’a dit très vite. Sans me regarder.

– Parce que ce qu’elle voulait, quand je suis descendue tout-à-l’heure, c’est que je vous montre la fessée qu’elle m’a donnée. Et je l’ai pas fait…
– Rien t’empêchait de lui dire que si.
– Je peux pas lui mentir. Pas à elle. C’est au-dessus de mes forces.
– Et donc… t’es redescendue pour ça.
– Voilà, oui. Sauf que je sais quand même pas si je vais le faire. De plein de choses ça dépend. Et puis, surtout, c’est compliqué.
– Parce que ?
– Parce que, d’abord, je vous connais. Et qu’avec quelqu’un qu’on connaît, c’est pas du tout la même chose. Je le vois bien avec les filles du hand. Ce qu’elle voudrait, Aurore, c’est m’en mettre une juste avant un match pour qu’elles se rendent compte, comme ça, sous la douche, après. Mais je peux pas. Qu’elle écarte le rideau, quand j’essaie des fringues dans les magasins, et que les nanas, autour, elles voient que j’ai le derrière tout rouge, ça m’est égal. C’est même pas que ça m’est égal, c’est que j’aime bien. C’est que ça m’excite. Alors c’est quand elle veut. Mais des filles que je connais, que je suis amenée à voir souvent, tous les jours pour certaines, c’est même pas envisageable. Seulement ça, elle a du mal à le comprendre, Aurore. Et c’est sans arrêt qu’elle revient là-dessus. Qu’elle veut absolument me convaincre.
– Et vous vous disputez.
– Oh, non. Non. Quand même pas.
– Ensuite… T’as dis d’abord… Alors il y a forcément un ensuite.
– Ensuite, vous êtes un type. Et montrer ses fesses à un type, tout de suite ça en prend un autre de sens. Et j’ai pas envie. Parce que j’éprouve rien du tout de sensuel avec les types, moi. Je l’ai cru à une époque. À cause de mes copines qui faisaient tout un foin de ce qu’elles ressentaient avec eux. Je disais rien. Je faisais semblant de trouver ça bien, moi aussi. Comme je vous ai dit, j’ai eu des petits copains. Mais qu’est-ce que je pouvais m’emmerder avec ! Alors que les filles, souvent, elles me mettaient dans tous mes états. Si vous saviez le nombre de nanas de mon quotidien avec lesquelles j’ai passé la nuit ! Sans qu’elles en sachent jamais rien. Et puis un jour il y a eu Clotilde. Ça a été la révélation, Clotilde. Comment on s’est éclatées toutes les deux ! Tout ça pour dire qu’un mec qui va éprouver du désir pour moi en me voyant à poil, ça me fait ni chaud ni froid. Ça me rebuterait même plutôt.
– Il y a quand même eu monsieur Folier. Qui s’est joyeusement rincé l’œil. Ce qui, apparemment, ne t’a pas déplu.
– Ce qui m’a pas déplu, c’est que ce soit pas calculé. Pas prévu. C’est le côté hasard. Que personne s’y attende. Comme pour le coup de vent à la fac. C’est ça, quand t’y repenses, qu’est savoureux, mais le reste sinon…
– Bon… Et la conclusion de tout ça ?
– C’est qu’on est tombées d’accord, Aurore et moi, pour que ce soit vous qui décidiez, au final, si je vous montre ou pas. Pour elle, ça fait pas l’ombre d’un doute que vous voudrez. « Un mec qu’a l’occasion de voir le cul d’une nana, il se pose pas de questions, il fonce. »
– Et pour toi ?
– Je sais pas, mais ce que je sais, par contre, c’est que si vous voulez, surtout après tout ce que je viens de vous dire là, si voir mes fesses, c’est bien plus important pour vous que n’importe quoi d’autre, ça pourra jamais plus être comme avant nous deux. Je me sentirai plus vraiment en confiance. Alors vaudra mieux que ce soit chacun de son côté. Je passerai toujours vous voir, oui, bien sûr, et vous emprunter des livres, mais ce sera juste bonjour-bonsoir. Et on parlera de la pluie et du beau temps.
– Et dans le cas contraire ?
– Oh, alors là ! Vous saurez tout de moi. Je vous cacherai rien. Sur plein de trucs compliqués en moi, vous m’aiderez à y voir clair. Et puis si vous saviez tout ce que j’ai encore à vous raconter… Que j’ai jamais dit à personne.
– Et alors ? Je vais décider quoi à ton avis ?
– Je sais pas. Elle est tellement sûre de ce qui va se passer, Aurore. « Il va faire des pieds et des mains pour que tu changes d’avis. Faire des tas de raisonnements où tu vas perdre ton latin. Pour avoir le beurre et l’argent du beurre. Pour voir ton cul et que tout continue quand même exactement comme avant entre vous. »
– Oui, ben elle se trompe complètement, Aurore.
– C’est vrai ? Oh, merci. Merci.
Et elle s’est jetée à mon cou.
– Je t’adore.

jeudi 7 décembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (14)

Philibert n’avait pas perdu de temps.
– J’ai ce qu’il te faut… Ou du moins une première fournée.
– Ça y est ? Déjà ! Chouette ! C’est qui ?
– Trois charmants jeunes gens. Dix-neuf, vingt-deux et vingt-quatre ans. Discrets. Joueurs. Bien de leur personne. Et que la perspective de te voir tambouriner allègrement le fessier de ta colocataire enchante positivement.
Il m’a tendu un numéro de téléphone.
– Tu peux appeler quand tu veux. Ils attendent que ça.
Je l’ai fait le soir même.

– Où on va ?
– Tu verras bien.
– Pourquoi tu veux pas le dire ?
– Pour que t’aies la surprise.
– C’est encore une cabine comme l’autre fois ? Oui, je suis sûre que c’est ça. C’est forcément ça.
– À moins que ce soit encore mieux que ça.
– Encore mieux ?
Elle a fermé les yeux. Un sourire radieux a illuminé son visage.

Ils étaient installés à l’écart, tout au fond du café.
Je l’ai poussée devant moi.
– Je vous présente Marie-Clémence.
– Enchantés.
On s’est assises.
– Marie-Clémence dont, malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à venir à bout.
– Peut-être que vous n’êtes pas assez sévère ?
– Oh, si ! Si ! Je vous assure… Eh bien ? Montre-leur, toi !
Elle m’a regardée sans comprendre.
– Les photos de l’autre soir ! Tu les as bien. Je te les ai envoyées.
– Les… Ah, oui. Oui.
Elle a sorti son portable, l’a allumé, m’a regardée.
– Eh bien, vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ?
Elle a un peu hésité et puis le leur a bravement tendu.
– Ah, oui, quand même !
– Pour une déculottée, ça, c’est une déculottée.
– Avec une fessée comme ça, elle a pas dû pouvoir s’asseoir d’un moment.
Ils se sont passé son portable. Ont fait défiler. Redéfiler.
Il y en a un qui, par-dessus la table, lui a soulevé le menton du bout du doigt.
– Pourquoi tu fais ta vilaine comme ça ?
Elle a baissé les yeux.
– Regarde-moi ! Et réponds ! Pourquoi ?
– Je sais pas.
– Si, tu sais ! Tu sais très bien. C’est que tout au fond de toi, tu es une forte tête. Une rebelle. Mais les fortes têtes, ça se mate. Même s’il y faut du temps. Beaucoup de temps. On te rendra docile, tu verras. Très très docile. Bien plus docile encore que tu ne l’imagines.
Ils se sont levés.
Au passage, il lui a ébouriffé les cheveux.
– On est appelés à se revoir. Bientôt. Très bientôt.

– C’était trop ! Non, mais comment c’était trop ! C’était pas vraiment moqueurs qu’ils étaient. Non. Sévères plutôt. Avec un air de reproche. Une espèce de dédain. C’était pire. C’était mieux. Mille fois mieux. Et puis être obligée de leur montrer. Moi-même. Je savais plus où me mettre. Comment j’ai eu honte. Jamais de ma vie j’ai eu honte comme ça.
– Et c’est pas fini ! Parce que la prochaine fois que tu m’obliges à être sévère avec toi, je les fais venir. C’est devant eux que tu la recevras ta fessée.

lundi 4 décembre 2017

Rendez-vous

Louis-Abel Truchet Le chalet du château de Madrid. Bois de Boulogne (vers 1900)

– J’avoue que vous m’avez surpris, chère amie. Vouloir que nous nous retrouvions ici, au Bois, alors que nous disposons d’un lieu bien à nous où je peux, en toute discrétion, vous administrer les retentissantes fessées auxquelles vous aspirez.
– Peut-être ai-je mes raisons ?
– Sans doute… Sans doute…
– Que vous connaîtrez, soyez-en sûr, en temps opportun.
– Serait-ce parce que votre ravissante croupe d’albâtre conserve des preuves manifestes de la dernière correction qui lui a été infligée ?
– Elle en conserve, assurément. Et d’éclatantes.
– En sorte que vous ne souhaitez pas que je la martyrise davantage.
– Vous savez bien, d’expérience, que cela n’a jamais été pour me déplaire. Bien au contraire.
– En effet. Serait-ce alors que la présence de tous ces gens, autour de nous, qui ne savent pas, qui ne se doutent pas, fait naître en vous de délicieuses sensations ?
– Ce n’est pas vraiment désagréable, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit non plus.
– Vous mettez ma curiosité au supplice.
– Mon pauvre ami, que je vous plains !
– Moquez-vous, cruelle !
– Cruelle, moi ! Comment vous y allez ! Cruelle ? Alors que je m’abandonne, sans retenue et sans la moindre protestation, aux châtiments que vous jugez bon de m’imposer chaque fois que vous estimez que je les ai mérités.
– Il est vrai.
– Et c’est souvent.
– Je n’en disconviens pas. À ce propos, d’ailleurs, comment diable vous y prenez-vous pour que votre époux ne s’avise jamais de rien ?
– Une femme sait user de toutes sortes de subterfuges.
– Puis-je les connaître ?
– Certes, non. Contentez-vous de savoir qu’il est hautement improbable qu’il découvre jamais à quels traitements vous m’exposez.
– Comme vous voudrez.
– Eugène…
– Oui ?
– J’étais ici avec lui dimanche dernier.
– C’était donc cela !
– À cette même table où je me trouve présentement avec vous. Ce n’est pas bien, n’est-ce pas ?
– C’est même très mal.
– Vous allez me punir ?
– D’une monumentale fessée que vous viendrez ici même asseoir, demain dimanche, en sa compagnie.
– C’est bien ainsi que je l’entendais.
– Alors allons, Madame, allons !





samedi 2 décembre 2017

Amandine (3)




On est restés un long moment, face à face, sans rien dire.
C’est moi qui ai fini par rompre le silence.
– T’avais raison, hein ! D’ici on entend vraiment tout ce qui se passe là-haut.
– Oui, oh, ben n’importe comment, pour pas entendre il aurait vraiment fallu être sourd. Vu comment elle a tapé !
– Et vu comment tu criais…
– J’aurais voulu vous y voir, vous ! Ça fait mal, une fessée.
– Je sais, oui, merci. En tout cas, avec la vie que vous avez menée, il y a pas que moi qu’ai dû entendre.
– C’est ce qu’elle pense aussi, Aurore. Oh, mais ils peuvent aussi croire que c’est la télé, les gens…
– Peut-être, oui.
– On s’en fiche, n’importe comment, de ce qu’ils pensent. Faudra bien qu’ils s’y fassent, de toute façon, si elle vient s’installer ici avec moi.
– Elle va venir ? C’est vrai ? Tu dois être aux anges, non ?
– Oui. Même si j’y crois qu’à moitié. Bon, c’est vrai que ça lui a plu chez moi « C’est drôlement mignon, dis donc ! » Mais, en même temps, elle m’a déjà promis tellement de fois d’y venir. Quand elle m’en a mis une, que je suis sur ses genoux, qu’elle me caresse, elle est complètement décidée. Ça va se faire. C’est pour bientôt. Mais dès le lendemain, elle en parle plus. Ou bien alors, si je remets le sujet là-dessus, elle dit qu’on verra, qu’on en reparlera. En fait, je sais bien ce qu’elle voudrait, c’est que j’aille habiter chez elle. Seulement ça, moi, c’est niet. Parce qu’il y a ses parents chez elle et que, si j’ai quitté les miens, c’est pas pour aller me coltiner les siens. Qui sont vingt fois pires. Même que ce soit une grande maison avec un jardin et tout le confort. Et une chambre avec un lit immense que t’as toute la place que tu veux pour t’y ébattre. Oh, mais vous savez ce qui nous y est arrivé, un jour, là-bas ? Faut que je vous raconte ça.
– Je suis tout ouïe.
– C’était un mois ou deux après l’histoire du vent sur le campus. Ils étaient partis en week-end ses parents. On avait la maison pour nous toutes seules du coup. Et on était bien décidées à en profiter. Alors, cet après-midi-là, on avait mis la musique à fond et elle m’avait flanqué, je sais plus pour quelle raison, une gigantesque fessée qui m’avait fait crier comme une perdue. Moi, après, j’adore voir l’état de mon derrière. J’ai toujours adoré ça. Comme il y avait, dans leur séjour, une grande glace en pied, je m’y suis précipitée. Et que je te prends tout mon temps. Et que je te me contorsionne pour me regarder les fesses sous toutes les coutures. Ah, ça avait marqué. Pour avoir marqué, ça avait marqué. D’un seul coup, machinalement, je relève la tête. La porte de la cuisine, juste en face, était ouverte. Et qu’est-ce que je vois ? Un type, accroupi devant le lave-vaisselle, qui, tourné vers moi, profitait allègrement du spectacle. Comment j’ai détalé ! Et couru me réfugier, affolée, auprès d’Aurore qui n’a jamais voulu me croire. « Un type dans la cuisine ! Ben voyons ! Et puis quoi encore ? » Mais elle est quand même allée voir. Au retour, elle riait tout ce qu’elle savait. « C’est monsieur Folier. Un voisin. Mon père lui a laissé les clefs. Qu’il vienne regarder le lave-vaisselle qu’a un problème. Sauf qu’il a oublié de me prévenir. Et qu’avec la musique on l’a pas entendu arriver. » Oh, la honte ! Qu’est-ce qu’il allait penser de moi, maintenant, ce monsieur Folier ? « Que tu te prends des fessées et, accessoirement, que t’es sacrément bien foutue comme fille. » Ça craignait quand même ! « Qu’est-ce t’en as à fiche, tu parles ! Tu le connais pas. Et tu le reverras jamais »

Sauf que je l’ai quand même revu. Un dimanche midi. Quelque temps après. J’avais bien remarqué qu’on avait mis deux assiettes en plus et qu’Aurore avait son petit air de quand elle m’en calcule une, mais j’étais à cent mille lieues de me douter que c’était lui qu’était invité. Avec sa femme.
– C’est effectivement le genre de situation…
– Qui te met pas vraiment à l’aise. Je pouvais penser qu’à ça. Et il savait que je pouvais penser qu’à ça. Pareil dans l’autre sens. En plus, t’avais Aurore qui s’en donnait à cœur-joie. Elle arrêtait pas de faire des tas d’allusions et de balancer des phrases à double sens. Qu’il y avait que nous trois qu’on pouvait comprendre, mais quand même !
– Il devait te tarder d’arriver au dessert.
– Tu parles ! Sur le moment, c’est sûr que t’as qu’une envie, c’est que ça finisse. Le plus vite possible. C’est après que tu commences à voir les choses autrement. Quand t’y repenses. Avec le recul, c’est plus si désagréable que ça finalement. Chaque fois, ça me fait pareil. C’est comme là.
– Comme là ?
Elle a froncé les sourcils.
– Non. Rien. Rien. Je vais y aller.
Mais elle est restée un bon moment plantée sur place. A semblé vouloir me demander quelque chose.
– Non. Rien.

Et elle est partie.