jeudi 14 décembre 2017

Mémoires d'une fesseuse (15)

– Tu étais à la bourre ce matin.
Elle n’a pas répondu. Elle a continué, imperturbable, à éplucher sa pomme.
– Marie-Clémence, je te parle !
– Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– À quelle heure tu t’es levée ?
– Je sais plus. Neuf heures. Quelque chose comme ça.
– Et t’as séché les cours, j’parie !
– Si c’est pour arriver juste quand ça finit…
– Bon, mais t’étais prévenue. Alors tu sais ce qui va se passer.
– Oui.
– Tiens ! Leurs numéros de téléphone. C’est toi qui vas les appeler.
Elle m’a jeté un bref regard affolé.
– Moi !
– Toi, oui !
– Mais je saurai jamais.
– Bien sûr que si ! Tu vas les appeler tous les trois, à tour de rôle, et les inviter à venir assister à la mémorable fessée dont tu vas te voir gratifiée vendredi soir. Et tout de suite tu t’en occupes. Pas dans dix ans.
Elle est allée s’enfermer, sans un mot, dans sa chambre.

Elle n’en est ressortie que deux heures plus tard, la mine ravie.
– Mais c’est qui, ces types ? Où tu les as trouvés ?
– Est-ce que ça a vraiment une importance ?
– En tout cas, comment j’ai discuté avec ! Qu’est-ce qu’ils sont sympas ! Surtout Brian. Plus d’une heure on est restés à parler tous les deux.
– Te fais quand même pas trop d’illusions.
– Oui, oh, ben alors là, il y a pas de risque. Non, la seule chose…
– La seule chose ?
– C’est que ça va être moins facile, maintenant, de recevoir la fessée devant eux. Parce que des types que tu connais pas, que tu reverras jamais, tu t’en fous un peu qu’ils soient là. Enfin non, c’est pas que tu t’en fous, parce que ça te fait quand même sacrément honte, mais ils comptent pas pour toi. Tandis que si t’as commencé à faire vraiment connaissance avec, si le courant est passé, c’est plus du tout pareil. Elle est multipliée par dix, par cent, ta honte. Et c’est…
– Délectable.
– Oh, non !
Elle s’est aussitôt reprise.
– Enfin, si ! Oui. Aussi.
– Bon, mais tu sais pas ce qu’on va faire ? On va annuler pour vendredi. On va la reporter à plus tard, cette fessée.
– Hein ? Mais pourquoi ?
– T’as l’air déçue.
– N’importe quoi ! Alors là, vraiment n’importe quoi ! Quoique… si ! Quand même un peu…
– Oui. On va différer. Que, d’ici là, tu les aies rappelés. Tu les aies éventuellent vus. Que tu aies longuement bavardé avec eux. Que vous ayez fait vraiment connaissance. En profondeur. Tu auras pleinement honte, comme ça, le moment venu.
– Tu es…
– Machiavélique ? Oui, mais ça, c’est ta faute. C’est toi qui me donnes envie de l’être.
– Ce sera quand alors ?
– Dans quinze jours. Dans trois semaines. Dans un mois. On verra…
– Tant que ça !
– Oh, mais t’inquiète ! Je te réserve encore de jolies petites surprises d’ici là.

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