samedi 9 décembre 2017

Amandine (4)

 Un quart d’heure, à peine, et elle était de retour.
– Toi ! Déjà ! Mais qu’est-ce qui se passe ?
– C’est Aurore qui me renvoie…
Elle l’a dit très vite. Sans me regarder.

– Parce que ce qu’elle voulait, quand je suis descendue tout-à-l’heure, c’est que je vous montre la fessée qu’elle m’a donnée. Et je l’ai pas fait…
– Rien t’empêchait de lui dire que si.
– Je peux pas lui mentir. Pas à elle. C’est au-dessus de mes forces.
– Et donc… t’es redescendue pour ça.
– Voilà, oui. Sauf que je sais quand même pas si je vais le faire. De plein de choses ça dépend. Et puis, surtout, c’est compliqué.
– Parce que ?
– Parce que, d’abord, je vous connais. Et qu’avec quelqu’un qu’on connaît, c’est pas du tout la même chose. Je le vois bien avec les filles du hand. Ce qu’elle voudrait, Aurore, c’est m’en mettre une juste avant un match pour qu’elles se rendent compte, comme ça, sous la douche, après. Mais je peux pas. Qu’elle écarte le rideau, quand j’essaie des fringues dans les magasins, et que les nanas, autour, elles voient que j’ai le derrière tout rouge, ça m’est égal. C’est même pas que ça m’est égal, c’est que j’aime bien. C’est que ça m’excite. Alors c’est quand elle veut. Mais des filles que je connais, que je suis amenée à voir souvent, tous les jours pour certaines, c’est même pas envisageable. Seulement ça, elle a du mal à le comprendre, Aurore. Et c’est sans arrêt qu’elle revient là-dessus. Qu’elle veut absolument me convaincre.
– Et vous vous disputez.
– Oh, non. Non. Quand même pas.
– Ensuite… T’as dis d’abord… Alors il y a forcément un ensuite.
– Ensuite, vous êtes un type. Et montrer ses fesses à un type, tout de suite ça en prend un autre de sens. Et j’ai pas envie. Parce que j’éprouve rien du tout de sensuel avec les types, moi. Je l’ai cru à une époque. À cause de mes copines qui faisaient tout un foin de ce qu’elles ressentaient avec eux. Je disais rien. Je faisais semblant de trouver ça bien, moi aussi. Comme je vous ai dit, j’ai eu des petits copains. Mais qu’est-ce que je pouvais m’emmerder avec ! Alors que les filles, souvent, elles me mettaient dans tous mes états. Si vous saviez le nombre de nanas de mon quotidien avec lesquelles j’ai passé la nuit ! Sans qu’elles en sachent jamais rien. Et puis un jour il y a eu Clotilde. Ça a été la révélation, Clotilde. Comment on s’est éclatées toutes les deux ! Tout ça pour dire qu’un mec qui va éprouver du désir pour moi en me voyant à poil, ça me fait ni chaud ni froid. Ça me rebuterait même plutôt.
– Il y a quand même eu monsieur Folier. Qui s’est joyeusement rincé l’œil. Ce qui, apparemment, ne t’a pas déplu.
– Ce qui m’a pas déplu, c’est que ce soit pas calculé. Pas prévu. C’est le côté hasard. Que personne s’y attende. Comme pour le coup de vent à la fac. C’est ça, quand t’y repenses, qu’est savoureux, mais le reste sinon…
– Bon… Et la conclusion de tout ça ?
– C’est qu’on est tombées d’accord, Aurore et moi, pour que ce soit vous qui décidiez, au final, si je vous montre ou pas. Pour elle, ça fait pas l’ombre d’un doute que vous voudrez. « Un mec qu’a l’occasion de voir le cul d’une nana, il se pose pas de questions, il fonce. »
– Et pour toi ?
– Je sais pas, mais ce que je sais, par contre, c’est que si vous voulez, surtout après tout ce que je viens de vous dire là, si voir mes fesses, c’est bien plus important pour vous que n’importe quoi d’autre, ça pourra jamais plus être comme avant nous deux. Je me sentirai plus vraiment en confiance. Alors vaudra mieux que ce soit chacun de son côté. Je passerai toujours vous voir, oui, bien sûr, et vous emprunter des livres, mais ce sera juste bonjour-bonsoir. Et on parlera de la pluie et du beau temps.
– Et dans le cas contraire ?
– Oh, alors là ! Vous saurez tout de moi. Je vous cacherai rien. Sur plein de trucs compliqués en moi, vous m’aiderez à y voir clair. Et puis si vous saviez tout ce que j’ai encore à vous raconter… Que j’ai jamais dit à personne.
– Et alors ? Je vais décider quoi à ton avis ?
– Je sais pas. Elle est tellement sûre de ce qui va se passer, Aurore. « Il va faire des pieds et des mains pour que tu changes d’avis. Faire des tas de raisonnements où tu vas perdre ton latin. Pour avoir le beurre et l’argent du beurre. Pour voir ton cul et que tout continue quand même exactement comme avant entre vous. »
– Oui, ben elle se trompe complètement, Aurore.
– C’est vrai ? Oh, merci. Merci.
Et elle s’est jetée à mon cou.
– Je t’adore.

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