jeudi 31 janvier 2013

Escobarines: Malversations ( 2 )


– Mesdemoiselles ? Vous désirez ?
– Nous ? Rien… Ah, si… Oui… Des timbres… Et puis surtout on voulait vous demander… Ça vous cuit pas trop ?
– Pas trop fort, s’il vous plaît… Pas trop fort…
– Non… Parce que… Faut reconnaître ce qui y est… On n’y est pas allées avec le dos de la cuiller…
– Pas si fort… Si ma collègue…
– Elle est loin… Elle peut pas entendre… Et puis de toute façon elle est occupée… Elle fait pas attention…
– Oui, mais on sait jamais…
– En attendant vous nous avez toujours pas dit… Ça vous cuit pas trop ?
– Si ! Quand même… Si ! Tenez… Vos timbres…
– Oh, mais on s’en fout des timbres… Complètement… Ça doit être encore drôlement rouge, non ?
– Ça l’est, oui… Mais…
– Mais on vous emmerde à rester piailler là comme ça au guichet… Ça vous emmerde… Et vous avez raison… On serait beaucoup mieux ailleurs pour discuter… Chez moi, ce soir, par exemple… Vous pourrez nous montrer comme ça plutôt… Et ça vaudra mieux que tous les discours du monde…

– Bon, allez… Perdons pas de temps… Faites voir… Ah, oui… Quand même ! Du beau boulot on a fait, hein, Sandrine ?

– C’est le moins qu’on puisse dire… Elle va les garder un moment les marques…
– Ça lui apprendra à arnaquer les petits vieux…
– Je les arnaque pas…
– Ah, non ? Vous appelez ça comment alors ? Non… Non… Vous reculottez pas… Restez comme ça… Vous êtes très bien comme ça…
– Ben oui… Qu’on en profite un peu quand même…
– Bon… Mais alors il va se passer quoi maintenant ? À votre avis ?
– Je sais pas…
– Il y a pas trente-six solutions… Il y en a deux… Ou bien on s’en tient là… Dès que vous m’avez remboursé l’argent de mon grand-père on considère que les comptes sont soldés… Point final… Ou bien alors on estime, au contraire, que vous êtes loin de l’avoir payée votre dette… Que ce que vous avez fait mérite amplement qu’on continue… Que, dans l’intérêt des usagers qui vont font aveuglément confiance, il faut qu’il vous cuise en permanence le derrière… Histoire que ça vous rafraîchisse la mémoire… Et on vous place sous haute surveillance… Dès que les marques s’estompent clac ! On en remet une couche… Hein ? Qu’est-ce vous en pensez ?
– Que vous vous en fichez de ce que je pense… Parce que, de toute façon, vous ferez ce que vous voudrez…
– Faut reconnaître que vous êtes pas vraiment en état d’imposer vos conditions… Et que nous on pencherait plutôt pour la deuxième solution… Beaucoup plus efficace… Hein, Bénédicte ?
– Oh, oui ! Et beaucoup plus amusante…
– Donc… Eh bien donc vous passerez ici tous les soirs… Qu’on fasse un petit état des lieux… Et qu’on intervienne dès que nécessaire… Vu ?
– Oui… C’est injuste n’empêche…
– Injuste ? Non, mais alors là on aura tout vu… C’est la meilleure…
– Oui, c’est injuste… Parce que c’est pas moi qui l’ai volé votre grand-père…
– Ben voyons !
– Si, c’est vrai, hein ! J’étais pas de service quand ça s’est passé… Jamais… Vous l’avez cru… Vous m’avez accusée… Mais c’est pas moi… Vous pouvez vérifier… C’est pas moi…
– Ah, oui ? Et c’est qui alors ?
– Ben… Ma collègue…
– Celle du guichet d’à côté ce matin ?
– Émilie Vannier, oui…
– Il y a un truc que je comprends pas… Pourquoi vous avez rien dit si c’est pas vous ?
– C’est parce que…
– Oui ?
– Je suis amie avec Rose… Et que Rose elle vous a entendu dire un jour que vous aimeriez trop ça flanquer une fessée à quelqu’un… « Elles sont folles, ces deux-là… Elles sont complètement folles… »
– Et vous vous êtes dit qu’il y avait toutes les chances qu’on saute sur l’occasion… Pas mal raisonné du tout… Bon, mais alors finalement… Ce que ça signifie, au bout du compte, c’est que…
– Si vous saviez ! Des années et des années que je rêvais d’en recevoir une…
– Une ? Des tas vous allez en recevoir, oui ! Des tas… Parce que c’est très vilain de dénoncer ses collègues…
– Vous allez faire quoi pour elle ?
– Devinez… Et pas plus tard que tout de suite… Allo... Madame Vannier ? Oui... Ici Coralie Magnier... Je suis en train de débroussailler les comptes de mon grand père, là... Et il se trouve que j'y ai découvert quelques anomalies...

lundi 28 janvier 2013

Le Centre ( 4 )


C’est le cliquetis d’un trousseau de clefs qui m’a réveillée… En sursaut… J’étais couchée à même le sol, pelotonnée sur un gros édredon orange… Et les fesses me brûlaient… Comment elles me brûlaient !
– Bonjour ! Bien dormi ?

C’était celui de… Celui qui… Martial…
– Je t’ai posé une question il me semble…
– Si j’ai ? Oui… Non… Mal… Très mal…
– Et pourquoi ça ?
– Parce que… Parce que dès que je me tournais… Que ça appuyait dessus…
– J’ai pourtant pas tapé bien fort…
– Pas bien fort !?
– Oh, non… Non… C’était rien à côté de ce que ce sera si jamais tu m’obliges à recommencer… Mais tu feras pas ça… Hein que tu feras pas ça ?
– Je… Non…
– Lève-toi !
Il m’a prise par le coude, entraînée… Il s’est assis… M’a attirée sur ses genoux…
– Promets ! Que tu le referas pas… Promets !
– Je promets, oui… Je le referai pas…
– Tu sais très bien que si… Que tu pourras pas t’en empêcher… Mais on va te débarrasser de cette très vilaine habitude, tu vas voir… On y mettra le temps qu’il faudra, mais on y arrivera…
Il m’a pris la figure dans sa main…
– Pourquoi t’es venue ici ?
– Oh, pour plein de raisons…
– À partir de maintenant il y en a plus qu’une… Allez !
Il m’a fait relever…
– Viens…
– Comme ça ?
– Comme ça, oui… Et même… Tu vas retirer tout le reste…  Ta veste… Tes chaussures…
Je l’ai fait… Toute nue… Et il m’a emmenée… Il a ouvert une porte… Celle du réfectoire des hommes du groupe bleu… Qui déjeunaient… Tous les regards se sont tournés vers nous… D’instinct je me suis rejetée en arrière…
– Allons… Allons…
Il m’a fermement ramenée sur le seuil…
– Là… Et maintenant tu sais ce qu’on va faire ? Tu vas aller là-bas et tu vas leur dire, à l’oreille, l’un après l’autre, ce que tu as fait cette nuit… Et te trompe pas de mot…

– Je me suis branlée…
Et le premier, au bout de la table, m’a fait répéter…
– J’ai pas entendu…
Quatre fois… Cinq fois… Le deuxième aussi…
– J’ai pas compris…
Celui d’à côté m’a envoyé une grande claque sur les fesses… Qui m’a surprise… Arraché un cri…
– Ça t’apprendra…
Et tous les autres après lui…

Martial m’a raccompagnée jusqu’à la porte…
– Va vite retrouver tes petites camarades…

Laëtitia revenait de la douche…
– Alors ça y est ? Ils t’ont lâchée ?
– Ça y est, oui…
– J’aurais dû te dire… J’y ai pas pensé… Mais ça c’est vraiment le truc sur quoi ils passent pas ici…
– Si j’avais réfléchi un minimum aussi…
– Ce qu’il y a maintenant, c’est que tu peux t’attendre à ce qu’ils t’aient dans le collimateur là-dessus…
– Ça, j’me doute…

Valentine est entrée, s’est installée, d’autorité, sur le bord de mon lit…
– Alors… Raconte ! T’en as pris une, hein ?
– Pourquoi tu demandes puisque tu sais ?
– C’était fort ?
– Pas mal, oui…
– Tu fais voir ?
– Montre-lui, Eugénie… Montre-lui ! Elle va pas te lâcher sinon…

– Oui, oh, bof… Ils ont été gentils… Mais tu sais ce qu’est dommage ? C’est que t’aies pas été dans le groupe vert…
– Et pourquoi ça ?
– Parce que dans quinze jours, quand on va inverser, c’est nous, les femmes du groupe rouge qui allons prendre en mains celles du groupe vert… Et alors là, ma petite, là… si t’en avais été du groupe vert là t’aurais vu ce que t’aurais vu… 

jeudi 24 janvier 2013

Escobarines: Malversations


– Il y a vraiment un truc bizarre... Mon grand-père...
– Eh  bien quoi ton grand-père ?
– Il est un peu paumé maintenant... Complètement même... Du coup j'ai mis le nez dans ses comptes... Qu'il finisse pas par avoir des problèmes... Je t'y ai trouvé une de ces zones, j'te dis même pas... Mais ça, bon... Non, ce qui me perturbe surtout, c'est que le 15 il a fait un retrait de 500 euros, ici, à La Poste... Et que le 15, il était à Forbach avec mes parents... À 400 kilomètres...
– Un cas classique de dédoublement de la personnalité...
– Non... Sans déconner...
– C'est déjà arrivé avant ?
– J'ai pas regardé... J'y ai même pas pensé... Ça m'a tellement interloquée...
– Oui, ben c'est la première chose à faire...

– Ça y est!
– Et alors ?
– Ben plein il y en a... Et au moins un autre qu'il a pas pu faire lui-même... C'est pas possible... Il était en vacances  à l'ïle d'Oléron avec nous...
– Ah...
– Il y a quand même un sacré mystère, là...
– Oh, pas tant que ça...
– Tu trouves, toi ?
– Ben quelqu'un se sert, c'est obligé...
– Comment tu veux ? C’est vérifié... Il faut la carte d'identité... Tout ça...
– Sauf si c'est une guichetière qui se sert...
– Une... Ah, ben oui... Oui... Évidemment... Une guichetière... La garce... Non, mais quelle garce... Mais c'est prendre de sacrés risques quand même...
– Elle sait à qui elle le fait... Des gens comme ton grand père qui suivent pas leurs comptes...
– Mais c'est dégueulasse...
– Je te le fais pas dire...
– Laquelle c'est, tu crois, des trois ?
– Je te parie tout ce que tu veux que c'est la Florence Duvert...
– Pourquoi elle ?
– Parce que... Mais on va vérifier... Tout de suite... C'est facile, tu vas voir... Suffit juste que tu fasses ce que je te dis...

– Allo... Mademoiselle Duvert ? Oui... Ici Coralie Magnier... Je suis en train de débroussailler les comptes de mon grand père, là... Et il se trouve que j'y ai découvert quelques anomalies... Il aurait notamment effectué, à plusieurs reprises, des retraits, au guichet, alors qu'il était en voyage... Et comme à chaque fois c'est vous qui étiez de service ces jours-là je me demandais s'il fallait que je prenne rendez-vous avec votre directeur ou s'il était préférable que je voie ça directement avec vous... Ah bon ? D'ici une demi-heure ? Chez moi ? Non, non... Je serai là... Je bouge pas... Je vous attends...

– Elle arrive ? Bon, ben voilà... Tu l'as la réponse...
– Elle va le rembourser mon grand père... Alors là je peux te dire qu'elle va le rembourser...
– Et pas seulement attends! On va pas quand même pas la laisser s'en tirer comme ça...
– Qu'est-ce tu voudrais ? La faire foutre dehors ?
– Tu pourrais... Et porter plainte en plus... Mais bon... Ça t'avancerait à quoi ? À pas grand-chose en fait... Sans compter que toi aussi tu serais emmerdée... Faudrait que t'ailles témoigner… Tout ça... T'en sortirais plus... Les gens jaseraient... Et t'en prendrais plein la tête presque autant qu'elle... Non... Ça vaut pas le coup... Faut trouver autre chose...
– Oui, mais quoi ?
– Ce que tu veux...  De toute façon, quoi que tu exiges, elle trouvera toujours ça préférable au scandale que ça va être si tu soulèves ce lièvre… D’autant que ton grand-père est sûrement pas le seul sur le compte duquel elle se soit servie…
– Il y a toutes les chances, oui… Mais ça…
– Tu te rappelles de quoi on parlait l’autre soir ? Que ce qu’on aimerait ce serait flanquer une bonne fessée déculottée à quelqu’un jour… Mais qu’il y avait peu de chances pour que ça arrive… Eh ben la voilà l’occasion…

– Écoutez, Mademoiselle Duvert… Inutile de se perdre dans des discours et des considérations à n’en plus finir… On sait parfaitement, l’une comme l’autre, ce qu’il en est… À quelles malversations vous vous êtes livrée… Donc, pour commencer, j’exige que vous remboursiez mon grand-père dans les plus brefs délais…
– Ce sera fait… Avant la fin de la semaine ce sera fait…
– J’y compte bien… Quant à savoir quelles suites je compte donner à l’affaire cela dépend de vous… Et uniquement de vous… Ou bien vous acceptez que je vous administre une bonne fessée avec l’instrument que voici… Ou bien je vais, dès demain matin, trouver votre directeur et l’affaire suit son cours…
– Est-ce que j’ai vraiment le choix ?
– Si vous voulez mon avis… pas vraiment… Et même… pas du tout…
– Il faut que je fasse quoi alors ?
– Ça coule de source, non ? Vous vous déshabillez… Vous enlevez le bas… La culotte… Oh, pas tant de simagrées… On est entre filles… Là… Et maintenant penchez-vous… Sur ce tabouret… Allez !   

lundi 21 janvier 2013

Le Centre ( 3 )


3 –

Et… j’ai eu envie de moi… Comme tous les soirs… Beaucoup plus encore que les autres soirs… À cause de la journée… Des filles autour qui dormaient paisibles… De Laëtitia tout près… Des images sont venues… Se sont éloignées… Sont revenues… M’ont envahie… Mes mains sur moi… Mes doigts sur moi… C’est monté… Ça s’est approché… Je me suis tournée sur le ventre… J’ai enfoui ma tête dans l’oreiller…

On m’a touché l’épaule… Quelqu’un…
– Qu’est-ce que tu fais ?
Un homme… Une voix d’homme…
– Hein ? Qu’est-ce que t’es en train de faire ?
– Mais rien… Je…
Dans la pénombre il a tiré drap et couverture jusqu’au pied du lit…
– Donne-moi ta main…
Il l’a portée à ses narines…
– L’autre…
Aussi…
– Et maintenant tu réponds à ma question… Qu’est-ce que t’étais en train de faire ?
– Je me…
– Oui ?
– Je me caressais…
– Disons ça comme ça… Pour le moment…
Il a allumé une torche dont il a dirigé le faisceau vers le sol…
– Bien… Alors tu te lèves… Et tu viens avec moi… Non, non… T’habille pas, c’est inutile…
Et il m’a prise par le bras… Emmenée…

L’escalier… Un long couloir… Un autre… Il a ouvert une porte, m’a fermement poussée à l’intérieur… S’est éclipsé…
– Tiens, tiens… de la visite…
Un rire… Celui d’un jeune homme d’une trentaine d’années, au regard amusé, assis sur une petite table ronde dont il a prestement sauté à terre…
– À qui ai-je l’honneur ?
– Moi ? Euh… C’est Eugénie…
– Enchanté… Moi, c’est Martial… Je suis chargé, ce soir, de punir les grandes filles qui ont été vilaines…
Et il m’a tranquillement détaillée… De la tête aux pieds… Des pieds à la tête…
– Tourne ! Tourne sur toi-même… Et marche ! Va jusqu’à la fenêtre… Reviens… J’ai de la chance… Beaucoup de chance… Pour ma toute première patiente J’aurais pu plus mal tomber… Bon, mais c’est pas tout ça… Passons aux choses sérieuses… J’ai hâte… Allez, penche-toi en avant sur la petite table, là… Oui… Comme ça… Et baisse-moi cette petite culotte… Plus bas… Encore… Encore… Voilà… Tu es très obéissante… C’est bien… C’est très bien…

Il s’est éloigné… A ouvert un tiroir… Toussoté… Fait claquer quelque chose en l’air… Est revenu…
– On va procéder comment ? À la main ? Au martinet ? À la cravache ? À la canne ? Hein ? D’après toi ?
– Je sais pas…
– Moi non plus… Tout va dépendre… Des raisons pour lesquelles tu as mérité d’être punie… Alors raconte-moi… Quelle bêtise as-tu faite ?
– Je l’ai déjà dit à l’autre, là, qui m’a amenée tout-à-l’heure…
Une grande claque sur les fesses… Qui m’a surprise… Fait sursauter…
– Aïe !
– L’autre, il s’appelle Eric… Excuse-toi !
– Je m’excuse…
Une autre… À toute volée…
– Mais aïe !
– On ne dit pas : « Je m’excuse… » On dit : « Je vous prie de m’excuser… »
– Je vous prie de m’excuser…
– Bon… Alors ? Qu’est-ce tu as fait ? Tu as bouquiné sous les draps ? Bavardé avec ta voisine de box ?
– Pas ça, non…
– Alors quoi ?
– Je me suis… Avec mes doigts…
– Je ne comprends pas…
– Mais si ! Toute seule…
– Toute seule ? Oui… Et alors ? Tu as fait quoi toute seule ?
– M’obligez pas à le dire…
– Si ! Bien sûr que si que tu vas le dire…
– Je me suis… Hou là là… Je me suis… masturbée…
– Ah, tu t’es branlée tu veux dire ?! Eh bien dis-le !
– Vous m’épargnerez rien, hein ?
– Non…
– Je me suis branlée…
– Mais tu sais que c’est pas bien du tout, ça ! Et que ça mérite une bonne bonne fessée ?   

jeudi 17 janvier 2013

Escobarines: En scène



Je voulais plus chanter... Je voulais plus... Devant tous ces gens j'avais bien trop le trac...
– Non, mais t'as vu ça ? Au moins quatre cents ils sont... Rien que pour nous... Et si ça leur plaît pas ? Ça va pas leur plaire d'ailleurs... On va se faire siffler... Huer... J'en suis sûre... C'est obligé... Ah, non, non ! Moi, j'y vais pas...
Et, dans la loge, elle a eu beau argumenter Sally... Menacer... Supplier... Tempêter... Pas moyen de me faire changer d'avis...
– Des mois et des mois qu’on bosse ! On va pas avoir fait tout ça pour rien, merde à la fin !
Et l'autre, là, le type, l’organisateur, qu'arrêtait pas de passer la tête à la porte...
– Bon, alors vous y êtes ? Qu'est-ce que vous fabriquez ? Il s'impatiente le public...
– Oui... Oui... On arrive...
– Mais non, j't'ai dit... Non... J'irai pas...
Et j'ai retiré ma robe... Ma belle robe de scène...
– Saleté !
Elle s'est jetée sur moi comme une furie... M'a poussée contre la table...
– Non, mais… Non, mais ça va pas ?
Elle était en train de me baisser ma culotte...
– Qu'est-ce que tu fais ? T'es pas bien ? Arrête ! Mais arrête, j’te dis !
– Tiens, celle-là tu l'auras pas volée...
Et elle m’a flanqué une fessée... Une vraie fessée... Que je l'ai laissée me donner sans réagir, sans même chercher à me défendre, tellement j'étais sidérée... 
– Là... Et maintenant tu me remets cette robe et on y va...
J'ai obéi... Comme une automate... Sans plus trop savoir ni où j'étais ni ce que je faisais...
Deux minutes plus tard on était sur scène... Un triomphe... Un véritable triomphe... On nous acclamait debout...

On est tombées dans les  bras l'une de l'autre...
– T'as vu ça ? J'y crois pas... Non, mais j'y crois pas...
– On va avoir de ces articles dans la presse en plus...
– Excuse-moi pour tout à l'heure, hein... Mais j'avais pas d'autre solution...
– Oh, ça fait rien... C'est pas grave... C'est pas ça l'essentiel... L'essentiel, c'est... On a réussi, Sally... On a réussi...

On avait réussi, oui... Au-delà de nos espérances... Et un mois plus tard, à Bourg en Bresse, c’est une salle de 1200 places qui nous accueillait...
– Et à guichets fermés... Tu te rends compte ? Jamais, même dans nos rêves les plus fous, on serait allées imaginer un truc pareil...
– J'ai le trac, Sally... Non, mais comment j'ai le trac..
– Ah, tu vas pas recommencer… Parce que si tu recommences... je t’en remets une...
– Oui, ben n’empêche… comment ça m'avait destressée !
– Dans ces conditions...
Et elle y est allée de bon cœur…


Et c'est devenu notre incontournable rituel... Mais aussi notre porte-bonheur... Pour rien au monde nous ne serions entrées en scène tant que Sally n’avait pas « officié »… Exactement comme elle l’avait fait la première fois… Avec le même mot… Les même gestes… Nous savions, l’une comme l’autre, qu’il ne fallait rien changer… Surtout pas… Tout au plus y mettait-elle désormais davantage de conviction… Ce qui n’était pas, je l’avoue, pour me déplaire… J’aimais sentir cette chaleur sur mes fesses quand je chantais… Ça irradiait… Ça m’inondait… Ça me pénètrait… J’aimais… Oui, j’aimais… Et j’aimais m’imaginer qu’ils savaient les gens… le public… Que tout le monde savait que je venais de me ramasser une monumentale fessée… Et que là-dessous… Sous ma robe… Ils y pensaient… Ils ne pouvaient penser qu’à ça… Et moi j’avais honte… J’avais tellement honte… Mais en même temps…

Je l’ai fait… C’était une pure folie, mais j’ai fini par le faire… En toute connaissance de cause… J’ai pas pu m’empêcher… Je venais de regagner ma loge après le spectacle… Je n’avais pas verrouillé… Sciemment… Délibérément… Dans le couloir on s’agglutinait… On attendait… Que je sorte… Pour me voir… Me toucher…  Réclamer un autographe… Je me suis longuement attardée sous la douche… On s’est impatienté… Quelqu’un a actionné la poignée… Entrebaîllé la porte… L’a précipitamment refermée… J’étais de dos… Je pouvais parfaitement n’avoir rien remarqué… Des chuchotements… Des rires étouffés… « Mais si, j’te dis ! Si ! Elle était à poil… Je l’ai vu… Une fessée… Et une vraie, hein ! C’était rouge, mais rouge ! »

Une dizaine de minutes et puis je suis sortie… On s’est précipité… On m’a entourée… Cernée… « Un autographe ! S’il vous plaît, un autographe ! » « Moi aussi ! Moi aussi ! » « Et moi ! » J’ai croisé des regards… Une multitude de regards… Des regards qui savaient…

lundi 14 janvier 2013

Le Centre ( 2 )


2 –

Leurs pas se sont éloignés dans l’escalier… Le silence…
On a regagné notre box…
– Hou… La vache ! Il a pas fait dans la dentelle…
Une fille a écarté le rideau…
– Valentine… Évidemment… Forcément… Tu sais ce que c’est son truc à Valentine, Eugénie ? C’est de voir les autres s’en ramasser… C’est pour ça qu’elle est là… Elle adore… Elle te prend un de ces pieds… Le revers de la médaille, c’est que, de temps à autre, il faut bien qu’elle y passe elle aussi… Et que ça elle a horreur… Mais bon faut savoir ce qu’on veut, hein ! On n’a rien sans rien…

Encore la sonnerie… À petits coups rapides…
– Le dîner… Faut qu’on descende…
– T’y vas comme ça ? Tu t’habilles pas ?
C’est Valentine qui a répondu à sa place… Qui s’est empressée de répondre…
– Elle a pas le droit… Faut qu’elle reste à poil… Jusqu’à ce soir quand elle ira se coucher… On est obligée quand on en a pris une… C’est le règlement…
Ses yeux brillaient…
On s’est engagées toutes les trois dans le couloir… Laëtitia devant… Valentine et moi sur ses talons…
– Elle a le derrière dans un état ! T’as vu ça ? Tout strié dans tous les sens… Et puis demain… Après-demain… Il y aura du jaune… Du violet… Du noir…
Elle s’est tournée vers moi… Ses yeux brillaient intensément…

Au réfectoire la fille en face de moi s’appelait Lucie… Elle était venue avec son petit ami…
– On s’est mis au défi tous les deux… De tenir jusqu’au bout… Moi, j’y arriverai… Enfin, je crois… Mais lui, ça m’étonnerait… Surtout qu’il est dans le groupe jaune… Et se laisser commander par une femme ! Je le vois vraiment pas dans le rôle…
– Elle sera peut-être surprise…
C’était Aurore, ma voisine de droite…
– Oui, elle sera peut-être surprise… Parce que… il y a tant de choses dont je me croyais incapable et puis finalement…
À nouveau la sonnerie… On est toutes précipitamment remontées…

 On a regagné notre box et Laëtitia s’est aussitôt campée devant la glace…
 

– Le salaud ! Je vais les avoir un moment les marques…
– Ah, ça !
– Avec lui n’importe comment c’était couru… Il allait forcément m’avoir dans le collimateur… Parce que l’année dernière c’était l’inverse… J’avais barre sur lui… Et je l’ai pas ménagé… J’ai fait fort… Très fort… Non… Et puis ce qu’il y a aussi, c’est qu’on se connaît par cœur maintenant tous les deux depuis le temps… Ça a des avantages, oui, mais ça peut aussi avoir des inconvénients…
– Ils tapent tous aussi fort ?
– Ça dépend… Pourquoi ? Ça te fait peur ?
– Ben… Un peu quand même, oui…
– On s’y fait vite, tu verras… Très vite… Et après… Mais ça… tu le découvriras par toi-même… Bon, mais allez ! Dodo… Parce que demain la journée sera rude…

– Encore toi !
Valentine…
– Qu’est-ce tu veux ?
– T’es déjà couchée ?
– Ben oui… Oui… Tu vois bien…
– Tu voudrais pas ?
– Ce que tu peux être chiante quand tu t’y mets…
– Tu me laissais bien faire l’année dernière…
– Bon, mais alors juste deux minutes…
Elle a repoussé les draps… S’est mise sur le ventre…
– Oh, merci… Merci…
Et Valentine s’est absorbée dans sa contemplation…
– Ça a changé déjà depuis tout-à-l’heure… Si, c’est vrai, hein ! J’aime trop ces teintes que ça prend comme ça juste après…
Elle a appuyé…
– Aïe ! Mais t’es pas bien ?
– Ça fait mal ?
– À ton avis ?
– Oh, sûrement pas tant que ça !
Et elle a recommencé… Plus bas… Plus fort… Laëtitia l’a repoussée… Du bout du pied… S’est retournée…
– Bon, allez, ça suffit… Tu dégages maintenant…

Quelqu’un – un homme – est passé dans le couloir…
– Bien… Mesdames, Mesdemoiselles, on éteint maintenant… Et je veux plus rien entendre… Sinon on aura affaire à moi…