jeudi 29 novembre 2012

Escobarines: Colocataires ( 3 )


– C’est assez chaud ? Oui ? C’est vrai ? Tu me dis, hein ! Parce que moi les douches faut pas que ce soit brûlant sinon…
– Non, mais ça va… Ça va…
– En douce que qu’est-ce qu’elle s’est ramassé Aline hier soir… T’as vu ça ?
– On est vaches quand même…
– Oui, oh, c’est pour toutes les fois où elle y a farfouillé dans la chambre de Madame Cavier sans se faire pincer… Et puis tu vas quand même pas faire la fine bouche ! T’en as bien profité, non ? Encore plus qu’avec Clotilde… C’est pas vrai peut-être ?
– Ben si, oui, dans un sens, mais…
– Tu dirais le contraire ! Parce que comment ils brillaient tes yeux ! Tu te serais vue…
– Je me rendais pas compte… Que ça se voyait… Je savais pas…
– Et pas qu’un peu !
– Elles s’en sont aperçues les autres, tu crois ?
– Je sais pas… Je m’occupais pas d’elles, moi… Peut-être… Sûrement… Mais qu’est-ce t’en as à foutre ? Ça n’a pas d’importance… Laisse-les penser ce qu’elles veulent… Attends ! Attends… Je vais te le frotter, moi, le dos… Parce que à voir comment tu te contorsionnes pour y arriver… Là… C’est pas mieux comme ça ? Ce que t’as la peau douce ! C’est de la folie… Je peux te dire un truc ? Un truc perso…
– Si tu veux…
– C’est que… tu sais à quoi je pensais hier soir dans le lit en même temps que je me le faisais ? À toi… À la tête que t’avais quand tu regardais… Comment j’ai adoré ça que tu aimes autant la voir recevoir la fessée Aline… Tu peux pas savoir… Mais il y en aura d’autres, tu verras… Plein d’autres… À des tas de filles j’en ferai avoir pour toi… Pour qu’il y ait encore ce qu’il y avait dans tes yeux… Ce qui y est encore, je suis sûre… Rien que d’en parler… Fais-voir ! Retourne-toi ! Regarde-moi ! J’en étais sûre… Sûre… Tout ce que tu veux tu auras… Tout… Tu es trop belle… Tu es vraiment trop belle quand t’es comme ça…

– C’était la première fois, hein ?! Que tu le faisais avec une fille… C’était la première fois ?
– Oui…
– Je suis contente… Que ça ait été moi… Et que tu te sois abandonnée comme ça… Tu peux pas savoir comme je suis contente…
– Comment t’avais envie ! De moi… Jamais on avait eu envie de moi comme ça…
– Même les mecs ?
– Oh, c’est pas de moi qu’ils ont envie les mecs… C’est juste d’avoir leur plaisir… Que ce soit moi ou une autre… Alors que pour toi j’étais tellement importante tout à l’heure… Tellement précieuse… Tu peux pas savoir ce que ça me faisait… Comment ça me retournait à l’intérieur…
– Oh, que si je peux ! Si !

– Ça tient toujours ?
– Quoi donc ?
– Ce que t’as dit… Qu’il y a d’autres filles à qui tu leur ferais avoir la fessée devant moi…
– T’as envie, hein ?
– Oui…
– Laquelle tu aimerais ? Bénédicte ?
– Si tu veux…
– Ça a pas l’air de t’emballer vraiment…   
– Non… Pas trop elle…
– Qui alors ? Aurore ?
– Mouais…
– Aline alors ? Tu veux que ce soit encore Aline ? C’est ça, hein ? On peut… C’est facile… Non, mais dis ! Qui tu voudrais ? Qui tu aimerais ? Dis !
– Je peux ? Tu vas pas te fâcher ?
– Me fâcher ? Bien sûr que non ! Pourquoi je me fâcherais ? Allez, dis ! À qui tu veux la voir donner la fessée ?
– À toi !
– À moi, c’est vrai ? Je t’adore… Je suis heureuse… Que tu aies envie que ce soit moi… Et personne d’autre… Oh, oui, je la recevrai pour toi, oui… Même si… Mais c’est pour toi… Ça change tout… Tout… Pour toi j’aimerai l’avoir… C’est facile… Tu vas aller la voir Madame Cavier… Et lui dire que c’était pas Aline hier qu’a fouillé dans sa chambre… Que c’était moi… Elle me fera venir… Allez, vas-y ! Elle est rentrée… Je l’entends… Elle est là… Mais… Attends ! Tu me laisseras tes yeux, hein ? Tout du long… Que je m’y voie la recevoir…

– Là ! Et j’espère que ça te servira de leçon… Que tu éviteras désormais de laisser punir tes petites camarades à ta place… Quant à toi… À ton tour… Déshabille-toi ! Et prends pas cet air étonné… S’il y a quelque chose dont j’ai horreur, c’est bien des petites rapporteuses…

lundi 26 novembre 2012

Les confidences de Camille ( 14 )


Dix fois par jour, ma chère Camille, Clara me posait la question… « C’est qui cette fille ? À ton avis ? » Qu’est-ce que je pouvais lui répondre ? Qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Je ne la connaissais pas, moi… Je ne l’avais seulement jamais vue… « Non, parce qu’elle est là chaque fois maintenant… Systématiquement… Entre nous… À se moquer ouvertement de moi… À faire des tas de commentaires… Sur moi… Sur mon physique… La façon dont je gigote quand il tape… Dont je crie… Ça l’amuse… Énormément… Tu verrais ces airs qu’elle prend… Comment elle me regarde… Alors tu sais ce que je crois ?  C’est que ça l’excite cette fille… Que ça les excite tous les deux qu’il me flanque la fessée… Et qu’à peine j’ai tourné les talons ils s’envoient en l’air… Et que ça fait pas semblant… »

« C’est ça… Oui, c’est ça… Ils ne s’en cachent même pas… Même plus… C’est elle qu’est derrière tout ça… Depuis le début… J’en suis sûre… C’est elle qu’a eu l’idée… Qu’a voulu… C’est elle qui m’a choisie, si ça tombe, sur Internet… Évidemment que c’est elle… Elle lui a laissé le temps de me mettre en confiance… Et puis elle a fait son apparition… Et ils en ont profité… Ils en profitent… Tous les deux… Tant et plus… Et je suis quoi, moi, là-dedans ? Rien… Un moyen… Un instrument… Et j’accepte ça… C’est moche, Flavian… Qu’est-ce que c’est moche ! »

Et puis, un dimanche, elle s’est laissée tomber sur la banquette du café… En larmes… Défaite… Décomposée… « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui vous arrive ? » « Il veut plus… Ils veulent plus… J’ai eu beau supplier… Implorer… Comment je me suis humiliée… Pour rien… Clair et net il a été… Il veut plus entendre parler de moi…  » « Comme ça ? Du jour au lendemain… Mais pourquoi ? » « J’en sais rien pourquoi… Il a plus envie… Ça les amuse plus… Peut-être qu’ils en ont trouvé une autre… Ou qu’ils sont passés à autre chose… De complètement différent… J’en sais rien… J’en sais rien et j’m’en fous… La seule chose que je sache, c’est que je pourrai pas me passer de lui… Je pourrai pas… » Et elle a éclaté en sanglots…

Elle lui envoyait dix mails par jour… Il n’y répondait pas… Dix SMS… Qu’il ignorait… Elle appelait… Il ne décrochait pas… Jamais… « Mais qu’est-ce que je peux faire ? Qu’est-ce que tu ferais, toi, à ma place ? » « Je laisserais tomber… Vous n’arriverez à rien, c’est clair… Et il y en a des dizaines d’autres des types qui demanderaient pas mieux que de vous la donner la fessée… » « Oui, bien sûr, oui… Mais ce serait pas lui ! »

« Essayez ! Essayez quand même ! La seule solution, si vous ne voulez pas rester éternellement prisonnière de cette histoire, c’est quelqu’un d’autre… Avec qui vous le vivrez différemment tout ça… » « Je sais bien, mais… Mais… » Elle s’y est malgré tout efforcée… Elle a pris des contacts… Dressé des listes… Sollicité mon avis… Sans néanmoins jamais se résoudre à sauter le pas… « Celui-là… Oui… Peut-être… Oui… Oh, mais il y a rien qui presse… Je verrai… Je vais voir… » 

Elle continuait toutefois à bombarder toujours aussi obstinément Damien de mails et de SMS… Et un matin… « Flavian ! Flavian ! Réveille-toi ! Ça y est ! Il m’a répondu… Je suis heureuse… Oh, que je suis heureuse ! Il veut me voir… Aujourd’hui… Tout à l’heure… Il a pris sa journée sûrement… Pour moi… Pour être avec moi… Je savais bien… Je savais bien qu’un jour… Bon, mais j’y vais… J’y vais… Ce que je suis heureuse ! Non, mais ce que je suis heureuse, tu peux pas savoir…

Sauf que… c’est pas lui qu’elle a trouvé là-bas… C’est la fille… « Eh ben dis donc, toi, quand t’as quelque chose dans la tête tu l’as pas ailleurs, ça, on peut pas dire… Ces tartines que tu lui envoies à Damien… Qu’en a strictement rien à foutre d’ailleurs soit dit en passant… Il les lit même pas… Moi, si ! Et je suis pas du tout d’accord avec lui… On doit pouvoir encore tirer quelque chose de toi si on veut… Oh, mais je le convaincrai… De ce côté-là il y a pas de souci… J’en fais ce que je veux de Damien… Et de plus en plus… Alors tiens-toi prête… D’un moment à l’autre je peux te faire signe… Et… Ah, oui… J’oubliais… T’as un locataire chez toi à ce qu’il paraît… À ce que t’as dit à Damien en tout cas… Un jeune… Un étudiant… Amène-le ! Ça devrait l’amuser de voir sa propriétaire se ramasser une fessée… Ah, si, si ! Tu l’amènes… C’est même pas la peine que tu te déplaces sinon… »

« Heureusement que t’étais au courant, hein, finalement ! Mais ça ils le savent pas… Heureusement… Parce que comment j’aurais pu aller te parler comme ça, de but en blanc, d’un truc pareil ? Et heureusement que c’est toi… C’est quand même moindre mal… Même si… ça va pas être facile… Vraiment pas facile… Mais j’ai pas le choix… Non… J’ai pas le choix… »

Je vous embrasse, Camille…

Flavian             

jeudi 22 novembre 2012

Escobarines: Colocataires ( 2 )


– Tu viens, Amélie ?
– Où ça ?
– Ben à la douche, tiens ! Elle t’a pas expliqué Marjo ? C’est deux par deux qu’on y va ici… Et même quelquefois trois par trois… Parce que autrement à neuf – dix avec Madame Cavier – on aurait vite fait de manquer d’eau chaude… Déjà qu’il y a des jours où, même comme ça, c’est vraiment limite-limite… Mais on a toute une technique pour économiser, tu vas voir… Allez… T’es prête ? Alors j’y vais… On se mouille… Là… Et on coupe… Pas besoin de laisser couler pendant qu’on se savonne… Tu peux prendre ton temps maintenant, hein, il y a plus rien qui presse…
– Je peux te demander un truc ?
– Dis toujours…
– Ce qui s’est passé… hier soir… avec Clotilde… Ce qu’elle lui a fait Madame Cavier… C’est souvent que ça arrive ?
– Elle t’a pas dit Marjo ?
– Si, mais bon… D’après toi…
– Ça dépend… Il y a des périodes plus… Et puis des périodes moins…
– Et… tout le monde y a droit ? Ou bien il y a des filles qu’arrivent à passer complètement à travers ?
– Il y en a qui l’ont jamais eue… Et qui l’auront sûrement jamais… J’ai pas compté au juste… Mais trois ou quatre ça doit faire… Dont je suis… En deux ans j’en ai pas pris une… Parce que faut pas croire… Madame Cavier c’est pas une inconditionnelle de la fessée non plus… Si t’exagères pas, si tu respectes un tant soit peu les règles, si tu flanques pas la pagaille, si t’es correcte avec elle il y a aucune espèce de raison que tu t’en ramasses… Tu te contentes d’être hébergée gratos… Et, en prime, tu regardes les autres s’en prendre… Ce qu’est pas si désagréable que ça finalement…
– C’est vrai ? Toi aussi tu trouves ? Tu peux pas savoir ce que ça me rassure ce que tu me dis là… Parce que comment je culpabilisais hier soir… Je me trouvais pas trop normale… Parce qu’hier soir…
– Hier soir ça t’a bien plu Clotilde… Je sais…
– Comment ça « tu sais » ?
– T’as eu beau chercher à être aussi discrète que possible après dans le lit… On peut jamais l’être tout à fait quand on se fait ça…
– T’as entendu ? Oh, la honte ! La honte… Et il y en a d’autres qui se sont aperçues, tu crois ?
– Oh, ben oui… Oui… Ça pour ça, oui… Et tu te serais pas expédiée aussi vite et endormie encore plus vite tu te serais rendu compte que t’étais la première, oui, mais que t’étais loin d’être la seule… Les soirs de fessée en général ça donne… Un vrai festival… Forcément… Bon, mais allez… T’as fini ? De te savonner ? T’as fini ? Qu’on se rince, qu’on laisse la place aux autres et qu’on aille déjeuner…

– Tu sais qui c’est qu’en a eu le plus, de nous toutes, des fessées ? C’est Aline…
– Laquelle c’est Aline ?
– Celle qui travaille chez un notaire…
– Ah, oui ! Qui fait un peu pimbêche…
– Un peu ? T’es gentille… Plus d’une dizaine, je suis sûre, elle en a reçu, elle…
– Elle le fait exprès d’en recevoir ?
– Je crois pas, non… Pas elle… Ce serait Melissa encore, je dis pas… Mais Aline, non… Non… Ce qu’il y a avec Aline, c’est que c’est une vraie fouine… Elle peut pas s’empêcher de fourrer son nez partout… Et jusque dans la chambre de Madame Cavier…
– Ah, oui ? Mais pour y chercher quoi ?
– Rien… Je sais pas… C’est plus fort qu’elle, je pense… Le besoin de fouiller… De se faufiler dans la vie des autres… De s’emparer de leurs secrets s’ils en ont… Plusieurs fois elle l’a prise sur le fait Madame Cavier… Et alors je te dis pas ce qu’elle s’est ramassé… T’aurais vu ça ! C’était quelque chose… Peut-être tu le verras un jour d’ailleurs… Sûrement… Et même… On pourrait lui en faire avoir une ce soir si on voulait… Suffirait qu’on y aille dans la chambre de Madame Cavier… Et qu’on déplace deux ou trois trucs… Un peu… Pas trop… Juste qu’elle s’en aperçoive… Et alors sûre et certaine elle serait que c’est Aline… Hein ? Qu’est-ce t’en dis ? On y va ? Allez…

– Aline ?! Viens voir là… T’as encore fouillé dans ma chambre…
– Ah, non ! Non ! Je vous jure…
– J’en ai assez ! Plus qu’assez… Alors cette fois tu rassembles tes affaires… Et tu files… Je veux plus de toi ici…
– Oh, non ! Non ! S’il vous plaît… Je veux pas partir… Je suis trop bien ici… S’il vous plaît…
– Bon… Je veux bien te laisser une dernière chance… Une toute dernière… Mais alors tu vas commencer par reconnaître que tu m’as désobéi… Que tu es encore allée dans ma chambre…
– Mais non, mais… Je vous jure que… Si… Oui… J’y suis allée…
– Eh ben voilà… À la bonne heure… Bon… Et maintenant tu sais ce qu’il te reste à faire… À me demander…
– Donnez-la-moi… La fessée… Je l’ai méritée…


lundi 19 novembre 2012

Les confidences de Camille ( 13 )


Ce que j’aurais dû faire, mon cher Flavian ? Appeler, toutes affaires cessantes, mon beau-père à l’aide… Lui exposer en toute honnêteté la situation, lui avouer l’attirance que j’éprouvais pour Charlie et m’en remettre totalement à lui… C’était la seule solution – j’en avais parfaitement conscience – si je ne voulais pas que tôt ou tard… C’était la seule solution, oui, mais je différais… Je différais tant et plus… Je m’inventais toutes sortes de prétextes… Après tout il ne s’était encore rien passé… Que dans mes rêveries…  Il ne se passerait peut-être – sans doute – jamais rien… D’autant que – c’était peut-être qu’une impression – mais il me paraissait plus froid ces derniers temps Charlie… Plus distant… Non... J’allais provoquer tout un remue-ménage qui n’avait finalement, pour le moment, pas la moindre raison d’être… Je verrais plus tard… Le cas échéant… Il serait toujours temps…

 

Et puis ce soir-là… Le patron était venu me le demander personnellement… Un peu comme une faveur… « Vous pourriez rester tout à l’heure, Camille ? Il faudrait absolument boucler ce dossier… Qu’il parte sans faute, à la première heure, demain matin… » Je pouvais, oui… « Merci… Je vous revaudrai ça… Tenez, les clefs… Vous fermerez… »

 

Des pas dans le couloir… Qui ça pouvait être ? Tout le monde était censé être parti… Depuis un bon moment déjà… Je me suis levée, vaguement inquiète… Dirigée vers la porte… Au moment où j’allais en saisir la poignée elle s’est abaissée… Charlie… « Ah, c’est toi ! Tu m’as fait peur… » « Toi aussi ! T’étais pas descendue… Je me demandais si t’avais pas un problème… » «  Oh, non… Non… C’est juste qu’il y avait ça à terminer… Impérativement… Mais j’ai presque fini… J’en ai pour une seconde… » Il ne m’a pas laissée me rasseoir… Ses mains, derrière moi, se sont posées, légères, sur mes épaules… Du bout du pouce, il m’a doucement caressé le cou… Des deux côtés… « Il ne faut pas, Charlie… Arrête… Il ne faut pas… » Son souffle, tout près, dans ma nuque… « S’il te plaît, Charlie, s’il te plaît… » Son désir, dressé contre mes reins… Et puis ses mains… Ses mains sur mon ventre… Ses mains sous mon pull… Ses mains sur mes seins… Qu’elles ont mis à nu… Dont elles ont épousé la forme… Fait dresser les pointes… Ses mains qui m’ont déshabillée… Complètement… Qui m’ont interminablement parcourue et reparcourue, offerte, abandonnée…

 

Il m’a doucement fait pencher, à l’équerre, sur le bureau… S’il voulait… Tout ce qu’il voulait… Tout… J’étais à lui… Et je l’ai clamé tant et plus mon plaisir… Chanté… Hurlé… Vaincue…

 

« On n’aurait pas dû, Charlie… On n’aurait jamais dû… » On était en bas… À côté de ma voiture… « Me dis pas que tu regrettes ! » « Non… Si ! Oui… On recommencera pas, hein, tu me promets ? » « Non, mais t’es vraiment trop, toi, dans ton genre ! Il est où le problème ? » « Il est que je suis mariée, Charlie, et toi aussi ! » « Et alors ? C’est une raison pour se priver de tout ? C’est pas lui qui va t’en donner du plaisir… Ou alors tous les six mois… C’est pas elle qui va m’en donner… Ou alors tous les tournants de lune… Alors je vois vraiment pas ce qu’on pourrait avoir à se reprocher… » « Oui, mais si jamais… » « Si jamais quoi ? Ils l’apprennent ? Il y a aucune espèce de raison… Ça ne regarde que nous… Nous deux… Tous les deux… » « Je sais pas, Charlie, je sais pas… » « Mais si ! » Il m’a attirée contre lui… Ses lèvres… Et je suis restée dans ses bras…

 

Et on est allés chez lui… Et on a recommencé… Et ça a duré toute la nuit… Au réveil j’étais blottie contre lui… Comblée…

 

Il fallait… Mon beau-père… Maintenant il fallait… Il fallait absolument… Oui, mais comment ? Comment lui avouer ça – maintenant que c’était fait – sans mourir de honte ? Est-ce que j’avais le choix pourtant ? Non… Je savais bien que non… J’avais trompé Patrice… Et d’une façon ! Rien que d’y repenser… Coupable… J’étais coupable… Il n’y avait pas, là-dessus, l’ombre d’un doute… Mais, en même temps, il y avait, en arrière-fond, une petite voix… Une petite voix qui me disait que, tout compte fait, Charlie n’avait peut-être pas forcément complètement tort… Une petite voix qui se faisait de plus en plus insistante… Cajoleuse… Une petite voix que j’écoutais de plus en plus complaisamment… Que je faisais sèchement taire… Non… Ça ne pouvait pas durer… Il fallait que ça s’arrête… Il fallait qu’on m’arrête… Oui… J’allais lui parler à mon beau-père… Dès que possible… Dès qu’allait se présenter une occasion favorable…

 

Elle ne l’était jamais, à mes yeux, tout-à-fait… Et, en attendant, Charlie et moi…

 

Je vous embrasse, Flavian

 

CAMILLE      

jeudi 15 novembre 2012

Escobarines: Colocataires ( 1 )


– Alors c’est là que tu vis…
– Ben oui, tu vois…
– Il y a des affaires partout… Et de ces grands lits ! Vous êtes combien ?
– Neuf… Pour le moment neuf…
– Que des filles ?
– Ah, oui… Oui… Elle y tient Madame Cavier… Et elle a pas tort… T’imagines s’il y avait des mecs le bazar que ça serait ?
– Vous devez quand même être drôlement les unes sur les autres…
– On s’y fait… Non… Et puis on s’entend drôlement bien toutes… Tu verrais ces parties de rigolade des fois…
– Vaut mieux comme ça…
– Sans compter que financièrement…
– Tu payes combien sans indiscrétion ?
– De loyer ? Rien… Absolument rien…
– C’est pas vrai !
– Si je te le dis… On s’occupe des courses… Du ménage… On fait tous les petits trucs qu’il y a à faire… Et, en contrepartie, elle nous héberge… Gratuitement…
– Eh ben dis donc ! Pourquoi elle fait ça ?
– Elle a de la place… Et elle aime bien avoir du monde autour d’elle… Que ça bouge… Que ça vive… Par contre il y a des trucs qu’elle veut qu’on respecte… Pas question que ce soit le souk la nuit… Ni qu’il y ait des problèmes avec les voisins… Ou qu’on laisse traîner des tas d’affaires partout… Mais bon… C’est un peu normal aussi…
– T’as un sacré pot ! Comment ça m’arrangerait, moi, un plan pareil… Que je suis obligée de jongler, à chaque fin de mois, pour retomber sur mes pattes… Que j’arrête pas de me demander comment je vais arriver à me chauffer cet hiver…
– Ben viens avec nous…
– Elle voudrait, tu crois ?
– Je vais lui poser la question… Mais il y a pas de raison… Il y a aucune espèce de raison…

– Tout le monde m’a super bien acceptée…
– Ben bien sûr…
– Et même Madame Cavier…
– Oh, elle, du moment qu’on la prend pas à rebrousse-poil… Il y en a une par contre que je voudrais pas être à sa place ce soir c’est Clotilde…
– Laquelle c’est Clotilde déjà ?
– Celle qui travaille à la parfumerie… Qui nous ramène toujours tout un tas d’échantillons…
– Ah, oui… Qu’est-ce qu’elle a fait ?
– Elle a fait que c’est la seule à fumer… Et que pour ça elle descend dans la cour… Et que ses mégots elle les balance n’importe où… Sauf que là il l’a vue le père Moussanges… Il lui a fait des réflexions qui lui ont pas plu… Et ça a dégénéré…
– Elle va la foutre dehors ?
– Oh, non… Non…
– Quoi alors ?
– Tu verras bien…

– Clotilde ?
– Oui…
– Tu lui as dit quoi à Monsieur Moussanges ?
– Il m’a traitée de petite peste…
– Je te demande pas ce qu’il t’a dit, mais ce que tu lui as dit…
– « Vieux con… » Non, mais c’est vrai… Comment il m’avait énervée aussi…
– Je veux pas le savoir… Tu sais ce que je vous ai demandé à toutes…
– Ben oui, mais…
– Il y a pas de mais qui tienne… Alors tu choisis : ou une bonne fessée déculottée ou la porte…

– Tu m’avais pas parlé de ça…
– J’y ai pas pensé…
– Quand même ! Une fessée à son âge !  
– Oui, mais elle l’a pas volée, avoue ! Parce qu’elle le savait… « Pas d’histoires avec les voisins »… On nous l’a assez dit… Et redit…
– C’est souvent qu’il y en a ?
– Oh, non, non !
– C’est-à-dire ?
– Je sais pas… Deux ou trois fois il y en a eu… Mais c’est pas obligé, hein ! Elles aussi elles avaient cherché…


( à suivre ) 

lundi 12 novembre 2012

Les confidences de Camille ( 12 )


Clara n’avait pas, je crois, ma chère Camille, votre lucidité… Elle ne jurait que par Damien, ne parlait que de lui, mais niait farouchement éprouver à son égard quelque attirance ou quelque sentiment que ce soit… «  Il me flanque la fessée… Point… Pas question d’autre chose entre nous… » Ses yeux se perdaient dans le vague… « N’empêche… Que de temps perdu ! Toutes ces années ! Toutes ces années à me la donner toute seule en secret … Ce qui me convenait dans un sens, quand même, quelque part… Faut être honnête… J’y prenais du plaisir… Pas mal de plaisir même… Mais c’est parce que je connaissais que ça aussi… Si j’avais été moins encombrée de tout un tas d’inquiétudes et d’appréhensions, si j’avais fait preuve d’un minimum d’audace j’aurais sauté le pas et il y a belle lurette que… Oui… Oui et puis si ça se trouve je serais tombée sur un tordu quelconque qui m’aurait dégoûtée à tout jamais de tout ça… Non… Alors que ce soit avec Damien que tout commence – commence vraiment – c’est probablement ce qui pouvait m’arriver de mieux… »

Elle courait le retrouver Damien… Dès que possible… Chaque fois que possible… Sous prétexte d’exposition, de musée ou de galerie de peinture… Moi, le paravent, je l’attendais dans un café, toujours le même, où elle venait me rejoindre, les yeux brillants, le feu aux joues, quand ils en avaient terminé… « Attends… Attends… On rentre pas tout de suite… » « Ça vaut mieux, oui… Dans l’état où vous êtes… » Elle se commandait un café et j’avais droit au récit circonstancié, avec force détails, de la « séance » qui venait de s’achever… S’ensuivaient de multiples considérations sur la façon dont il procédait… « Ce que j’aime avec lui, tu vois, c’est que tu sais jamais… Tu sais pas pourquoi il va te la donner… À chaque fois c’est une raison différente… Qui tombe terriblement juste… Comme s’il devinait ce qui en toi, à ce moment-là, a besoin d’être puni… Tu sais pas non plus comment ça va se passer… S’il va te déculotter lui-même – il y a des fois il te l’arrache carrément ta culotte… d’autres, au contraire, il te la descend tout doucement… En prenant tout son temps… – ou s’il va exiger que ce soit toi qui le fasses… S’il va taper fort ou pas… S’ils vont être très rapprochés les coups ou au contraire très espacés… Si ça va durer longtemps ou être très court… S’il va te mettre au coin après… Ou à genoux les mains sur la tête… S’il va t’obliger à demander pardon… Tu sais rien… Jamais… Toujours, d’une façon ou d’une autre, c’est la surprise… Et ça… Ça… » Elle se secouait… « Il serait peut-être temps de rentrer… Faudrait pas qu’Ivan finisse par se poser des questions… »

Il ne s’en posait pas… Apparemment aucune… Et il n’en posait pas… Ce qui ne manquait pas de me surprendre… Il me semblait qu’à sa place une multitude d’indices, auxquels il ne semblait pas prêter la moindre attention, auraient éveillé mes soupçons… Et puis… Et puis ce qui me paraissait complètement incompréhensible, c’était que… « Mais… Et les marques ? Il ne vous voit jamais toute nue ? » « Je me débrouille pour que ça n’arrive pas… » « Mais alors quand vous… Dans le noir vous le faites ? » « Disons que je choisis mes moments… Ce que j’ai toujours fait d’ailleurs… »

Le dimanche suivant, quand elle est venue me rejoindre, au café, elle ne s’est pas assise… « Je peux pas… Avec la meilleure volonté du monde je pourrais pas… Parce que aujourd’hui… Hou la la… » Et on a marché un peu à pied, avant de rentrer, le long du canal… « Quand je te disais qu’avec lui on n’était jamais au bout de ses surprises ! Quand je te disais ! Parce que… Une autre fille il y avait là-haut tout à l’heure quand je suis arrivée… Une jeune… De ton âge… À peu près… Assise, les bras croisés… Une fille qui m’a examinée, des pieds à la tête, comme une bête curieuse… Et lui… – Bon, allez, tu te déculottes… Et tu te dépêches… Comme ça… Aussitôt… Sans attendre... Comme s’il y avait personne… Qu’on n’était que tous les deux… – Écoute, Damien… – J’écoute rien du tout… Tu te déculottes… T’es venue pour ça, non ? – Oui, bien sûr, mais… – Eh bien alors ! Et alors non… Non… Je pouvais pas… Devant cette fille, là, qui se fichait ouvertement de moi je pouvais pas… C’était au-dessus de mes forces… – Essaie de comprendre… Il a ouvert tout grand la porte… – Très bien… Alors tu dégages… Je veux plus entendre parler de toi… Tu te trouveras quelqu’un d’autre pour t’en flanquer des fessées… Si tu peux… Hein ? Ah, mais non ! Ah, comment je l’ai baissée ma culotte ! Enlevée… Retirée… Elle pouvait bien rigoler tout ce qu’elle savait la fille, moqueuse, offensante, en me regardant faire… Je m’en fichais… Complètement… Plus aucune importance ça avait… Tout… Tout ce qu’il voulait… Mais que je puisse revenir… Que ça s’arrête pas tous les deux… Que ça continue… Toujours… J’avais bien trop besoin de lui… » « Et ? » « Et il m’a fait payer… Cher… Très cher… Mais… » « Mais ? » « J’aurais jamais cru… » « Vous auriez jamais cru quoi ? » « Je te dirai… »

Je vous dirai, Camille… Quand elle m’aura dit…

Je vous embrasse…

Flavian      

jeudi 8 novembre 2012

Escobarines: La fête



– Toi ? Ici ? Alors là ! Si je m’attendais…
– Je fais que passer… En coup de vent… Pour la fête… Elle me manquait trop depuis le temps notre fête…
– Tu restes pas ? Même un peu ? On aurait pu se voir un peu… Bavarder… Évoquer nos vieux souvenirs…
– Et Dieu sait si on en a…
– À qui le dis-tu !
– J’y pense quelquefois…
– Et moi donc !
– Tu l’as refait ?
– Jamais… Non… Avec personne…
– Tu te rappelles ? C’était notre grand truc de sortir dans la rue, juste après, avec les fesses brûlantes…
– Et de s’arrêter à discuter…
– À un endroit où il passait plein de monde…
– Comme ici… Maintenant…
– En même temps qu’on parlait on les regardait les gens…
– Quel pied on prenait à se dire qu’ils savaient pas… Qu’ils se doutaient pas… Personne…
– On se flanquait de sacrées fessées n’empêche !
– Je te le fais pas dire…
– Qui laissaient de ces traces…
– Des jours et des jours ça mettait à s’en aller…
– Surtout les derniers mois… Avec la méthode qu’on avait trouvée de se la donner toutes les deux en même temps… Tête bêche…
– Qui c’est qui l’avait eue l’idée ?
– Je sais plus…
– Redoutablement efficace c’était en tout cas…
– Évidemment… En faisant comme ça il y avait de l’émulation…À celle qui taperait le plus fort… Alors une fois qu’on était lancées…
– Surtout que, souvent, on se mettait en condition avant…
– Oui… On se reprochait un truc…
– Et pas n’importe quoi… C’était toujours très ciblé…
– Des histoires de mecs en général…
– Ah, ben ça !
– Je sais pas comment on se débrouillait, mais fallait toujours qu’on tombe amoureuses du même…
– C’était toi ! Suffisait qu’il y ait un mec qui m’intéresse pour qu’aussitôt t’essaies de me le souffler…
– Non, mais alors là c’est la meilleure ! Retourne pas la situation, veux-tu ?!
– Parce que c’est moi qui retourne la situation ? Cette fois on aura tout vu… Ambrosio t’as pas tout fait pour le mettre dans ton lit ?
– Oui, oh, tu parles ! Il en avait rien à foutre de toi Ambrosio… Strictement rien…
– Tu crois ça, ma petite ! Tu crois ça ? Tu veux que je te dise ? Eh ben près d’un an j’ai vécu avec lui, Ambrosio, après, à Grenade…
– Je comprends mieux… Il y a des tas de choses que je comprends mieux d’un seul coup… Et tu as le front de venir me dire que c’est moi qui te l’ai soufflé !
– Je l’ai repris… Je me suis contentée de le reprendre…
– Quelles petites saloperies vous faites tous les deux… Si je me retenais pas…
– Te retiens pas ! Te retiens surtout pas… Qu’est-ce tu veux ? Qu’on aille chez toi ? Eh ben on y va si tu veux…
– À ta place je jouerais pas… Parce que si on monte tu vas t’en prendre une que t’es pas prête de pouvoir t’asseoir…
– Et toi de lui prêter tes fesses à Juan…

– Attends ! Un peu plus loin on va… Qu’on les voie ceux qui discutent à la buvette…
– Et qu’ils nous voient…
– Alors ? Qu’est-ce t’en dis ?
– Que t’as braillé comme jamais…
– Oui, ben toi, tu te serais vue gigoter…
– Ça brûle en tout cas ! Qu’est-ce que ça brûle !
– Mais qu’est-ce ça fait du bien ! J’avais oublié…
– Plus souvent faudrait qu’on puisse se voir…
– Je vais essayer de trouver une solution… De m’arranger…
– Oui… Parce qu’on en a encore des comptes à régler… Diego, par exemple…
– Ah, parle pas de Diego ! Parce que si on parle de Diego…
– La prochaine fois alors…
– La prochaine fois, oui… Je vais revenir… Bientôt…  

lundi 5 novembre 2012

Les confidences de Camille ( 11 )


Mon cher Flavian,

C’était un restaurant à atmosphère feutrée, à serveurs silencieux, à plats subtils et délicats… Il a voulu que je parle de moi… De ce que je faisais… De ce que j’aimais… « On travaille toute la sainte journée ensemble et on ne sait pratiquement rien l’un de l’autre… Rien de ce qui est important… Rien de ce qui compte… » Parler de moi ? Je voulais bien, oui… Mais pour en dire quoi ? Il n’y avait rien, dans ma vie, qui soit digne d’éveiller l’intérêt… Mes occupations ? Elles étaient d’une banalité à pleurer… Mes passions ? De vraies passions ? Je n’en avais aucune… Je m’en suis tirée par une pirouette… « Je suis quelqu’un de très ordinaire, tu sais ! » Il a souri… « Non… Quelqu’un qui a une fâcheuse tendance à se dévaloriser… »

Il n’a pas insisté… Et parlé d’autre chose… De Serge Lama… D’un livre de Pierre Bergounioux dont il venait d’achever la lecture… « Je te le prêterai… C’est envoûtant, tu verras… Proprement envoûtant… » De Prague qu’il rêvait de découvrir un jour… De sa femme partie travailler à Oslo… Une promotion inespérée pour elle… « Je l’ai vivement encouragée… Il était hors de question de laisser passer une chance pareille… Au prix, forcément, d’un certain nombre de sacrifices… Des mois et des mois on passe souvent chacun de notre côté… Sans se voir… Mais c’est pas à toi, avec ton mari en mer, que je vais devoir faire un dessin… Tu te débrouilles comment si c’est pas indiscret ? » Comment ça « je me débrouillais comment… » ? Qu’est-ce qu’il voulait dire ? « Tu as très bien compris… On est, toi comme moi, en pleine force de l’âge… On a des besoins… Inutile de se voiler la face… Des besoins qu’il faut bien qu’on assouvisse… D’une façon ou d’une autre… On s’entend bien tous les deux… On est très complices… Alors je suis certain que… » « Tais-toi, Charlie… S’il te plaît, tais-toi… » « Je me tais, oui… Mais réfléchis-y ! À tête reposée… » « C’est tout réfléchi… »

Je suis rentrée chez moi furieuse contre lui… Comment avait-il pu oser me proposer une chose pareille ? Comment avait-il pu envisager une seule seconde que je puisse accepter ? Et furieuse contre moi-même : je n’avais pas manifesté avec suffisamment de force mon refus et ma réprobation. Pire, j’avais laissé se poursuivre la soirée comme si de rien n’était… J’avais même, à la sortie du restaurant, consenti – comble du comble – à une petite promenade digestive par les rues piétonnes…

D’un autre côté… D’un autre côté il y avait quelque chose en moi qui ne pouvait pas lui donner complètement tort… Bien sûr que j’avais des besoins… Que je refoulais… Ou que j’assouvissais seule, avec une once de culpabilité, quand je n’y parvenais pas… Mais après tout… Patrice restait des six à huit mois en mer… Aurait-ce été un si grand crime que… Je chassais ces pensées avec horreur… Elles revenaient… De plus en plus souvent… Se faisaient de plus en plus insistantes… Il y avait, dans mon entourage, des femmes qui ne s’embarrassaient pas de tant de scrupules et qui n’étaient pourtant pas condamnées, comme moi, à de longues périodes d’abstinence… Oui, mais enfin ça ! C’était leur problème… Elles faisaient ce qu’elles voulaient… Moi… Moi, il n’aurait su en être question… Ah, non, alors !

Charlie n’avait rien changé à ses habitudes : il m’apportait le café le matin, un petit pain au chocolat à dix heures, me rendait visite dans mon bureau plusieurs fois par jour… Sans jamais hasarder la moindre allusion, sous quelque forme que ce soit, à la proposition qu’il m’avait faite ce soir-là… À tel point que je finissais par me demander si je n’avais pas rêvé… Si je ne lui avais pas prêté des propos qu’il n’avait jamais tenus… Ou que j’avais mal interprétés…

Je n’avais rien – strictement rien – à lui reprocher… Le problème ne venait pas – ou plus – de lui… Il venait maintenant de moi… Ça avait commencé un matin qu’une fesse posée sur le rebord de mon bureau il tentait de me convaincre de préférer Mozilla à Internet Explorer… Je m’étais brusquement imaginée dans ses bras… Je m’y trouvais bien… Incroyablement bien… J’avais aussitôt chassé cette image… Elle était revenue… Le lendemain… Le surlendemain… S’était faite plus précise… Plus insistante… C’en était très vite arrivé au point qu’il ne pouvait plus apparaître à la porte de mon bureau sans que je me représente blottie contre lui… Ça prenait un tour de plus en plus tendre… De plus en plus sensuel… Il esquissait des caresses… Je m’y abandonnais… Avec volupté… J’étais en danger… À l’évidence j’étais en danger…

Je vous embrasse, Flavian…

À bientôt…

CAMILLE

jeudi 1 novembre 2012

Escobarines: La lectrice


– Encore toi ! Mais c’est pas vrai ! C’est pas vrai ! Quand est-ce que tu me ficheras enfin la paix ?
– Jamais ! Enfin, si ! Si ! Vous savez bien… Quand vous m’aurez mis une fessée exactement comme dans le livre que vous avez écrit…
– C’est juste une histoire… Faut pas tout mélanger…
– Oui, mais c’est trop bien… Ça donne envie…
– T’as la tête dure, hein ?! Je t’ai dit non…
– Mais pourquoi ? Je suis majeure… Et on a le droit d’en recevoir quand on est majeur…
– La question n’est pas là…
– Elle est où alors ? Pourquoi vous voulez pas ? Qu’est-ce que je vous ai fait ?
– Tu m’as rien fait du tout… Je veux pas… Un point c’est tout…
– Pourquoi pas à moi ? Vous lui en avez bien flanqué une à Lucile…
– Mais jamais de la vie !
– C’est pas ce qu’elle dit…
– Ah, oui ? Eh bien elle ment…
– Je crois pas, moi… Elle me l’a juré… Que c’était vrai… Elle me l’a juré… Alors pourquoi vous voulez pas ? Vous avez peur que je le répète ? Que tout le pays le sache ? C’est ça ?
– J’ai peur de rien du tout… Bon, mais allez ! Sois gentille ! Tu me laisses maintenant… J’ai du travail…
– Oui, mais vous me la donnerez… Un jour vous me la donnerez… Je suis sûre que vous me la donnerez…

– Qu’est-ce que tu veux encore ?
– Vous montrer… Regardez !
– Ah, ben ça y est ! Tu l’as eue ! T’es contente…
– Oui, bof ! C’était pas vous…
– Ah, non, c’était pas moi… Non… Ça, c’est sûr…
– Vous me demandez pas qui c’était ?
– Ça m’est un peu égal, tu sais…
– C’était Lucile… Mais ça pourrait quand même être vous…
– C’est-à-dire ?
– Suffirait que je le raconte que c’est vous…
– T’es vraiment tordue, hein !
– Comme la femme dans votre livre… Quand elle veut quelque chose elle l’obtient… Eh ben moi, c’est pareil… Alors que je vous dise ce que je vais faire… En fait j’ai deux solutions… La première, c’est que je vais chez les flics et que je dis que vous m’en avez flanqué une de force… Elle confirmera Lucile… Elle dira qu’elle aussi… Et vous en avez pas fini avec les emmerdements… Mais bon, ça, je suis quand même pas trop chaude… Parce que les flics moins on a affaire à eux et mieux on se porte… Non… Ce que je préfèrerais quand même, c’est le raconter à droite et à gauche que vous m’avez mis une fessée, en choisissant bien à qui… Des filles dont je suis sûre qu’elles n’auront rien de plus pressé que d’aller le répéter… En brodant… En rajoutant des tas de détails… Et même… il y en a deux ou trois… de celles que je connais très bien à qui je pourrais carrément montrer dans quel état il est mon derrière… En leur faisant promettre de rien dire… Pour être sûre qu’elles le fassent…
– C’est pas tordue que tu es ! C’est machiavélique…
– Oui, hein ?! On me l’a déjà dit… Du coup on va plus parler que de vous par le pays… Et vous savez ce qu’ils vont penser les gens ? C’est que ça a rien d’étonnant venant de votre part… Parce qu’une femme qu’écrit des trucs pareils on peut s’attendre à tout avec elle… Et vous avez pas fini d’en entendre… Surtout que vous savez pas ce que c’est ici quand ils ont quelqu’un dans le nez… Ils sont capables de vous mener la vie tellement impossible que vous aurez pas d’autre choix que de foutre le camp… Ce serait quand même idiot, avouez, d’en arriver là alors que vous avez un moyen tout simple… Vous m’en mettez une et on n’en parle plus…
– Tu la veux ?! Tu la veux vraiment ? Eh bien tu vas l’avoir ! Et je te promets que tu vas t’en souvenir…
– Ah, enfin !

– Là !
– Ouche ! Hou là là !
– Tu la voulais… Tu l’as eue…
– Oh, pour ça, oui… Eh ben dites donc ! Vous faites pas semblant, vous !
– Tu vas pas venir t’en plaindre ? Manquerait plus que ça !
– Non… Bien sûr que non… Et j’en parlerai pas… À personne… Moi, j’en parlerai pas… Mais peut-être que Lucile, elle…
– Elle est pas obligée de savoir…
– Ben si ! Si ! Parce qu’elle a tout vu cachée dans les fourrés là-bas en face… Jamais elle aurait voulu le croire que vous me l’aviez vraiment donnée sinon… Oui… Peut-être qu’elle va vouloir le raconter… Sûrement… Je sais pas… À moins que…