jeudi 30 avril 2009

Aux délices d'Adeline ( L'embauche )

- Raphaëlle ?… C’est Adeline… Tu te rappelles ?

- Adeline !… Evidemment que je me rappelle… Quelle question !… Qu’est-ce tu deviens ?

- Oh, plein de choses !… Tu devinerais jamais !… Tu sais où je suis, là ?… Au pensionnat… Au pensionnat, oui !… C’est Félicien qui l’avait racheté finalement cet été… Sans rien dire à personne… On y a fait des tas de travaux et on l’a complètement transformé… En hôtel-restaurant… « Aux délices d’Adeline » je l’ai appelé… On ouvre le 1er Mai… Alors je te dis pas dans quel état je suis…

- Ce qui veut dire que Félicien et toi…

- Oui… enfin si on veut… Ca t’étonne ?

- Oh non, non !

- Et tu sais pas l’idée que j’ai eue ?… C’est de pas en faire un truc classique, mais un établissement où le personnel, quand il le mériterait, recevrait la fessée devant les clients… Des clients qui sauraient à quoi s’en tenir évidemment !… On les prendrait pas en traître… On a un peu testé la formule sur Internet et j’te dis pas le succès que ça a… Il nous tombe des réservations de partout… On est pleins jusque fin juin… De ce côté-là on n’a pas trop de souci à se faire… Non… Le point noir, c’est plutôt le personnel… Parce que si en cuisine on a à peu près ce qu’il nous faut question service en salle ça coince vraiment… Pour l’entretien et le ménage aussi… C’est pas qu’on trouve personne, non… Avec les salaires qu’on propose il y a des candidates à foison, mais des candidates qui manquent singulièrement de motivation… Qui n’acceptent qu’avec mille réticences les termes du contrat… Bref, le genre de filles dont tu peux être à peu près sûre qu’au bout d’un mois – trois au grand maximum – elles t’auront plantée là sous un prétexte quelconque… Si bien que, pour le moment, on n’a pu procéder qu’à deux embauches… Et sans le personnel adapté à notre projet on court à la catastrophe…

- Ca… ça fait pas l’ombre d’un doute…

- Tu bosses, toi, en ce moment ?

- Oui… Toujours à la caisse de ma grande surface…

- Et ça te tenterait pas ?… Sachant que c’est pas une proposition en l’air… Qu’il est hors de question de te faire quitter ta place pour ne rien t’offrir de consistant en échange… Tu réfléchis ?… Tu réfléchis et tu me tiens au courant ?

mercredi 29 avril 2009

Interlude

Bonjour à tous,



Comme vous avez pu le constater « La classe des filles » c’est fini…



Merci à ceux qui auront eu le courage de me suivre jusqu’au bout… J’espère que vous avez eu autant de plaisir à lire cette histoire que j’en ai eu, moi, à l’imaginer…



Et maintenant ?…



A force de vivre au quotidien avec mes personnages je me suis attaché à certains d’entre eux et les abandonner comme ça, du jour au lendemain, sans autre forme de procès, c’est pour moi maintenant tout à fait inconcevable…

Pas d’autre solution donc que de les entraîner dans de nouvelles aventures…

Elles débuteront demain…



Amicalement à tous…



Francois-Fabien

lundi 27 avril 2009

La classe des filles ( 29ème et dernier jour )

Sur le terre-plein en bas c’était des embrassades à n’en plus finir. Des larmes. Des serments…

- On s’écrira, hein !?… On se téléphonera… On se perd pas de vue…

Noëlle, elle, était assise à l’écart, ses sacs entre les jambes, sur la dernière des marches qui mènent à la cour de récréation…

- Qu’est-ce tu fais là toute seule ?

Elle a haussé les épaules. Elle avait pleuré…

- Tu seras chez toi le 12 ?

- Le 12 qui vient, là ?… Oui… Oui… Pourquoi ?

- Je peux passer te voir alors ?

Elle s’est jetée dans mes bras…

- Merci… Oh, merci… Tu viendras, c’est sûr ?

- Si je te le dis…

- Je pars… Je file… Je supporte pas les adieux… Je vais encore pleurer… A bientôt… A bientôt… Je t’aime…

Elle ne s’est pas retournée…




- Bon… Dites, les filles, s’il y en a pour le train de 10h.18, il serait temps qu’elles y aillent… Parce que sinon…

Il y avait Trianne, Jezabel… Et puis nous deux, Cynthia et moi…

On a jeté nos bagages dans les filets. On s’est installées…

- Bon, ben voilà !…

- C’est le plus dur, là, maintenant…

- Oui, ça te met un de ces bourdons…

- Va falloir reprendre la routine…

- Tais-toi !… Tais-toi !… Rien que d’y penser…

- Et le pire c’est qu’on peut même pas se remonter le moral en se disant qu’on remet ça l’année prochaine…

- J’arrive pas à y croire que ça aura plus jamais lieu…

- Faudrait trouver autre chose… Ailleurs… Ca doit bien exister…

- Sûrement !… Mais ce sera jamais vraiment la même chose…

- Sans compter le risque de tomber sur une galère…




Après Angoulême on s’est retrouvées toutes les deux toutes seules, Cynthia et moi…

- Tu sais que j’ai son adresse ?

- A qui ça ?

- A la mère Mac Miche…

- Qu’est-ce que tu vas en faire ?!

- Devine…

- Tu vas quand même pas aller la voir ?

- Je vais me gêner…

- Ca va t’avancer à quoi ?

- A ce qu’elle aura pas le dernier mot… A ce qu’elle aura jamais le dernier mot avec moi…

- Ca peut vous mener loin…

- Et alors ?

- T’es folle !… T’es complètement folle…

- Pas plus que toi avec ta pétasse blonde… Parce que maintenant pour t’en débarrasser de celle-là je te la souhaite bonne… Déjà que t’arrives pas à échapper à ta mère…

- Oui, ben alors ça, c’est comme si c’était fait… Je prends un appart à moi… Que ça lui plaise ou non… C’est décidé… Je reviendrai pas là-dessus…

- Quand ?…

- Tout de suite, là… Dès demain je m’en occupe…

- On en reparlera…




Je ne suis pas rentrée tout de suite. Je me suis inventé deux ou trois courses indispensables. J’ai voulu voir où en étaient les travaux de la piscine couverte. J’ai un peu flâné sous les arcades et puis… il a bien fallu…




Elle m’attendait sur le pas de la porte…

- Alors ?… Alors ?… Ces vacances ?… Raconte !…

- Bien… Oui, bien…

- Ah, tu vois, je te l’avais dit !… J’en étais sûre… Quand on est jeune il faut sortir, s’amuser… Parce que la compagnie d’une vieille femme comme moi – forcément – ce n’est pas tous les jours bien drôle… Si, si !… Ne dis pas le contraire… Même si je fais tous mes efforts pour être aussi peu encombrante que possible… Bon, mais alors raconte !…

- Oh, il y a pas grand chose à raconter, tu sais !… Un stage-découverte, c’est un stage-découverte… On partait le matin de bonne heure… Le plus souvent à pied… Ou à vélo… Plus rarement en car… On passait la matinée à visiter des églises, des châteaux, des moulins… A midi on rentrait déjeuner au manoir ou bien on pique-niquait sur place… Et l’après-midi à nouveau des visites…

- Vous étiez nombreux ?… Vous étiez combien ?

- Une trentaine… A peu près…

- Mais vous faisiez pas que ça quand même !?…

- Oh non !… Non !… On allait à la plage… On se baignait…

- Et le soir ?

- Il y avait la veillée… On discutait…

- Et parmi tous ces garçons t’en as pas trouvé un qui…

- Oh, écoute, maman, je te l’ai déjà dit dix mille fois… Ca, pour moi, c’est vraiment pas la priorité des priorités…

- Et tu as bien raison… Parce que les deux seules fois où tu as voulu t’essayer à la vie de couple… Une catastrophe… Une véritable catastrophe… Bon, mais on va manger… Que tu puisses aller te coucher… Tu dois être vannée après un voyage pareil…

jeudi 23 avril 2009

La classe des filles ( 28ème jour )

Nous, les filles, debout à droite de l’estrade. Et les garçons debout à gauche. En face, sur les chaises, des gens endimanchés qu’on ne connaissait pas. Qu’on n’avait jamais vus. Qui nous examinaient avec curiosité…

- C’est quoi tous ces pantins ?

Qui nous montraient du doigt. Qui commentaient à qui mieux mieux. Qui rigolaient...

- On doit vraiment avoir des billes de clowns…

- Chuuuuut !…

Le directeur arrivait, suivi de monsieur Ménisson et des deux surveillants de dortoir… Les applaudissements ont crépité…

- Merci, merci…

Il a sorti un papier de sa poche…

- Mesdames, Messieurs, Chers amis… C’est un honneur pour moi de vous accueillir ici aujourd’hui… Laissez-moi d’abord vous remercier d’avoir pris sur votre temps – si précieux – pour venir assister à cette cérémonie des prix qui nous tient tant à cœur… Votre présence ici est en effet la plus belle des récompenses pour nos pensionnaires qui ont fourni, tout au long de ce stage, des efforts méritoires n’ayant pas – il faut bien le dire – toujours été couronnés de succès malgré la patiente sollicitude de nos professeurs et la mise en œuvre obstinée des méthodes qui ont fait notre réputation… C’est pourquoi, comme les autres années – vous en avez maintenant l’habitude – ce n’est pas en fonction des résultats obtenus dans les différentes disciplines que nous avons établi notre palmarès, mais compte tenu du courage et de la docilité dont ont fait preuve nos élèves quand il s’est agi de recevoir les punitions qu’ils avaient méritées…

Il a regardé alternativement vers nous et vers les garçons. Encore nous. Encore les garçons. Encore nous…

- Honneur à ces demoiselles…

Il a marqué un long temps d’arrêt, s’est éclairci la gorge…

- A l’unanimité le prix d’Excellence a été attribué à… Raphaëlle…

- C’est toi !… Eh bien vas-y !…

- Allez !… Qu’est-ce t’attends ?… Faut que tu y ailles…

On m’a poussée. Je me suis laissé dériver jusqu’au directeur qui, tout sourire, m’a fait claquer deux bises sous les applaudissements nourris du public…

- Toutes mes félicitations !…

Monsieur Ménisson s’est avancé et m’a présenté quelque chose sur un joli petit coussin rouge…

- Ton prix…

C’était un martinet…

- Eh bien prends-le !

J’ai failli le faire tomber, l’ai rattrapé au vol…

- Tu sauras en faire bon usage, je n’en doute pas… Ou plutôt le confier à quelqu’un qui saura en faire très bon usage… Pour ton plus grand profit…

Dans le public on a réclamé…

- Qu’est-ce que c’est ?

- On voit pas !…

- Qu’elle le montre !…

Je l’ai brandi. Il y en a qui se sont avancés, pour mieux voir, tout au bord de l’estrade. On a encore énergiquement applaudi. Le directeur m’a fait signe de regagner ma place, a patiemment attendu que le calme soit revenu…

- Bien… Bien… Aux garçons maintenant…

Il a déplié un autre papier…

- A la majorité absolue le prix d’Excellence a été attribué à… Basile…

Qui s’est avancé à son tour…

- Quel salaud !…

Deux ou trois filles se sont retournées sur moi…

- Non, mais comment il cachait bien son jeu ce salaud !




Au dortoir, le martinet est passé de main en main…

- Ils se sont pas fichus de toi… Ca doit coûter une fortune un truc pareil… Tout sculpté et serti de pierres précieuses comme ça…

- C’est pas des vraies, tu parles !

- Quand même !… C’est de l’ébène le manche… Ou un truc comme ça…

- Et là, c’est de l’ivoire vous croyez ?

- Moi, c’est les lanières surtout qui m’impressionnent… Vous avez vu les lanières ?… Quand on te cingle avec ça tu dois le sentir passer…

Il n’arrêtait pas d’arriver des filles de tous les côtés. De tous les autres box…

- Tu vas t’en servir ?

Pernelle le leur a arraché des mains…

- Evidemment qu’elle va s’en servir… Et pas plus tard que tout de suite…

Elle m’a fait agenouiller au bord de mon lit…

- Relève ta robe !… Baisse ta culotte !… Là… Et maintenant explique-nous !… Explique-nous comment tu t’es débrouillée pour l’avoir le prix…

- Hein ?!… Mais c’est pas vrai !… J’ai pas…

- Ben voyons !… Non, mais à qui tu veux faire croire ça ?… Allez, dis-nous !… Dépêche-toi !…

- Je savais même pas que…

Elle a cinglé. A toute volée. Trois fois…

- Alors ?… Lequel tu t’es mis dans la poche ?… Le directeur ?… Ménisson ?… Tixier ?

- Mais personne !…

Une dizaine de coups. Rapprochés. Bien appuyés. J’ai gémi…

- Lequel ?

Encore d’autres. Plus rapides. Plus forts…

- Monsieur Ménisson…

- Ah, tu vois que tu peux te montrer raisonnable quand tu veux… Ménisson !… Je l’aurais parié… Tu lui as sorti le grand jeu, hein ?… Elle vous l’a volé, les filles, ce prix… Et en beauté !… Alors si il y en a qui veulent, vous gênez pas…

Elle m’a pesé de toutes ses forces sur la nuque, écrasé la figure dans les couvertures. Il y en a qui ont voulu. Je n’ai pas vu qui. Je n’ai pas su qui…




Elle m’a fait relever. A enfoui le martinet dans son sac…

- Confisqué… Il n’est pas à toi… Mais rassure-toi !… Tu auras l’occasion d’en tâter encore…

lundi 20 avril 2009

La classe des filles ( 27ème jour )

Les tables avaient été repoussées contre les murs. Recouvertes d’un monceau de boissons, de gâteaux et de friandises diverses. Deux baffles avaient été diposés sur l’estrade, de chaque côté du bureau…

- C’est quoi ce chantier ?

- Entrez, Mesdemoiselles, entrez !…

Quand la prof d’Anglais a vu que Noëlle était nue son visage s’est illuminé…

- Tu es une bonne petite… Bien obéissante… Tu es une très bonne petite… Eh bien faites comme elle, vous autres !… Restez pas plantées là comme des bûches… Retirez-moi tout ça !… Vous n’imaginez tout de même pas que je vais vous laisser rentrer chez vous sans même savoir comment vous êtes faites là-dessous ?!… Toutes !… Toutes !… Allez !… Et on se dépêche…

C’est Roxane qui a commencé à l’autre bout là-bas… Et puis Jezabel… Et puis Trianne… D’autres… D’autres encore…

Elle, elle sautait d’un groupe à l’autre…

- Allez, allez !… Vous aussi !… Qu’est-ce que vous attendez ?… Ne sois pas ridicule, toi !… Allez, comme tout le monde !… Très bien !… Tu vois que c’est pas si difficile !… Et tu es mignonne comme tout en plus !… Et vous là-bas… Bon ça y est ?… Vous y êtes ?… Toutes ?…

Son regard a couru sur nous, s’y est troublé, longuement alangui. Elle s’est enfin tournée, comme à regret, vers le bureau…

- On fait la fête maintenant… C’est le dernier jour… Une fête à tout casser… Et tout le monde s’amuse… Tout le monde…

Et elle a lancé la musique. A pleine puissance. A rythme endiablé. Elle a fait signe…

- Allez !… Allez !…

Une fille a commencé à danser. Une autre. Une autre encore.

- Allez !… Allez !…

De plus en plus. Toutes…

- Allez !… Allez !… Que ça saute !…

Pour sauter ça sautait.. Ca sautait et tressautait. A pleines poitrines. Les petites. Les grosses. Les dodues. Les décharnées. De plus en plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus haut. Fascinée, elle ne nous quittait pas des yeux. Elle ne les quittait pas des yeux…

Ca s’est brusquement arrêté. Ca a repris. Un slow. Noëlle m’a regardée venir vers elle. On s’est enlacées. Elle a laissé tomber sa tête dans mon cou…




Monsieur Fournier nous a envoyés, Basile et moi, porter des chaises jusqu’au grand terrain plat qui prolonge, à l’ouest, la cour de récréation…

- Il en faudra bien une bonne centaine… Oh oui… Largement…

- Des chaises ?… Pour quoi faire des chaises ?

- Ben pour demain, tiens, cette question…

Et il nous a plantés là…

Là-bas des types – parmi lesquels Eric et Félicien – étaient en train de monter une estrade…

- Qu’est-ce que vous faites ?… C’est quoi ce truc ?…

- Le podium pour la distribution des prix demain…

- Il y a une distribution des prix ?

- Evidemment qu’il y a une distribution des prix… T’as déjà vu une école sans distribution des prix, toi ?

- A qui ils les donnent ?… Comment ?… On n’a jamais eu de notes…

- Il y a pas besoin de notes…

Leurs chefs de box les ont rappelés à l’ordre…

- Vous êtes là pour bosser… Pas pour discuter… Et vous deux, vous faites ce que vous avez à faire et puis vous circulez…




- On y va ?… On va danser ?

Je me suis levée pour les suivre…

Pernelle a exigé…

- Non, toi, tu restes là…

Elle m’a regardée me rasseoir, m’a soufflé sa fumée à la figure…

- Ca t’a pas suffi ce matin en Anglais ?… Tu t’es pas assez donnée en spectacle comme ça ?… J’en avais honte pour toi… Mais tout se paie un jour… Tout… Tôt ou tard… Pour ça aussi tu paieras… Parce qu’on est appelées à se revoir toutes les deux… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Pas ici… Puisque – c’est maintenant officiel – les bâtiments sont vendus… Mais ailleurs… Quelqu’un finira bien, un jour ou l’autre, par organiser quelque chose d’analogue quelque part… Moi peut-être… Qui sait ?… Mais de toute façon tu me retomberas entre les griffes… Quand je voudrai… Quand je le jugerai bon… Et tu sais pourquoi ?… Parce que tu es dans l’incapacité totale de me refuser quoi que ce soit… Tu as besoin de ça… De quelqu’un qui te dirige… Qui te prenne en mains… Qui décide de tout ce qui te concerne à ta place… C’est dans ta nature… Enraciné au plus profond de toi… C’est pas vrai peut-être ?…

Je n’ai pas répondu. J’ai fixé quelque chose très loin au-dessus d’elle…

- Et quand bien même tu voudrais le nier ça te transpire de partout… Tu cherches d’ailleurs encore de temps à autre à le nier… Avec l’énergie du désespoir… En pure perte… On ne va pas contre soi-même… Tu ferais beaucoup mieux d’en prendre une fois pour toutes ton parti et d’admettre que tu ne pourras t’épanouir que sous la coupe de quelqu’un qui aura accepté de te prendre totalement en charge… Il y a des personnalités faites pour diriger et d’autres pour être dirigées… C’est comme ça et ça n’a absolument rien de déshonorant… Bien au contraire…

Elle m’a pris le menton dans la main par-dessus la table…

- Regarde-moi !…

Obligée à rester dans ses yeux…

- Accepte-toi !… Accepte enfin d’être toi-même et tu seras pleinement heureuse…

Elle m’a lâchée…

- Tu seras à moi… C’est pas encore tout à fait mûr… Tu seras à moi… Je ne te lâcherai pas…

jeudi 16 avril 2009

La classe des filles ( 26ème jour )

- C’est le dernier cours aujourd’hui…

- On vous aura l’année prochaine, M’sieur ?

- Vous verrez bien…

- On aura le droit de vous écrire en attendant ?

- Et si on a besoin de cours particuliers, vous en donnez ?

- Oh oui, parce que moi, j’en ai vachement besoin…

- Moi aussi… Bien plus qu’elle… Et puis d’abord on dit pas « vachement »… Hein, M’sieur, qu’on dit pas vachement ?

- Vous allez commencer par vous taire… Et par vous asseoir correctement… Tu comprends le Français, Emilie ?… Bien… Alors quelles sont celles d’entre vous qui estiment que des cours d’appoint leur sont nécessaires ?

Des mains se sont spontanément levées. D’autres – dont la mienne – ont hésité. Ont fini par s’y résoudre. Il a compté…

- Treize… Vous êtes treize à faire preuve d’une lucidité qui vous honore… Quant aux trois autres… Etes-vous si imbues de vous-mêmes que vous soyez dans l’incapacité d’admettre l’état pitoyable de vos connaissances ?… Hein ?… Eh bien répondez !… Ca va, Aglaé, tu es contente de toi ?… Tu estimes sans doute que tu as une maîtrise suffisante de la langue pour pouvoir te dispenser de la travailler ?…

- Mais non, mais…

- Mais non, mais quoi ?… S’il y en a une ici qui aurait dû se précipiter pour lever la main c’est bien toi… Au cours de ma déjà longue carrière je n’ai encore jamais eu d’élève qui soit capable d’aligner autant de fautes que toi au centimètre carré … Et toi, Emma ?… Je défie n’importe qui de comprendre quoi que ce soit au charabia qui semble te servir de langue maternelle… Quant à toi, Cynthia, je préfère m’abstenir de tout commentaire… La virulence de mes propos traduirait avec beaucoup trop d’exactitude le fond de ma pensée… Alors c’est vous, vous trois – et vous seules – qui bénéficierez de cours de soutien… Vous viendrez me voir toutes les trois, à la fin de l’heure, pour que nous puissions prendre les dispositions nécessaires…

Cynthia m’a poussée du coude…

- T’as vu ça ?… Bien joué, hein ?… Mais je commence à savoir comment il faut le prendre, lui…




Avec Adeline et Mina aussi, aux cuisines, c’était le dernier jour…

- Vous aviez promis, M’sieur Fournier, pour Basile…

Penché sur les fourneaux, il faisait celui qui n’entendait pas. Adeline a haussé les épaules…

- On n’a pas besoin de lui… Moi aussi, je sais la donner aux mecs la fessée maintenant si je veux…

- T’es pas cap…

- Alors ça, c’est ce qu’on va voir… Depuis le temps qu’il m’agace ce Basile avec ses regards par en-dessous…

Elle s’est approchée de lui…

- Alors comme ça on te plaît que t’arrêtes pas de nous mater le cul en douce ?…

- Hein ?… Mais non, mais…

- Et menteur avec ça !… Tu crois qu’on te voit pas faire ?… Depuis le début… Depuis le tout premier jour tu penses qu’à ça… T’es un vicieux… Et de la pire espèce… De ceux qui assument pas… Les sournois… Les « qui veulent pas avoir l’air »… Regarde-moi quand je te parle…

Il a brièvement levé les yeux sur elle, les a aussitôt baissés…

- Regarde-moi, j’ai dit !… Là… Reconnais que t’en as mérité une… Et une bonne !… Eh bien ?… Tu réponds ?

C’est Fournier qui a répondu…

Vous allez lui ficher la paix à ce pauvre garçon, oui ?… Venez, Basile, venez… Vous allez m’aider à remettre le réfectoire en ordre…

- Quel salaud !… T’as vu comment il m’a cassé mon coup ?… C’était mûr, là… Ca allait le faire… Oh, mais j’ai pas dit mon dernier mot… Il finira par se la ramasser… Un jour ou l’autre il se la ramassera…

- Je vois pas comment maintenant… On le reverra pas Basile… Ou alors l’année prochaine… S’il revient…

- Il a vraiment un problème avec ça Fournier… Vu comment il s’est précipité pour me l’arracher des mains… C’est à lui qu’il faudrait en coller une, tiens !

- Oui, ben ça faut pas rêver… Ca arrivera jamais…

- Qui sait ?… Qui sait ?… C’est tellement bizarre la vie des fois…




Noëlle s’est jetée à l’eau…

- Tu comptes faire quoi ?… Pour nous – pour nous deux – tu comptes faire quoi ?

- Comment ça « Je compte faire quoi ? »

- J’en peux plus d’attendre, Raphaëlle… De me demander sans arrêt… C’est trop cruel…

- De te demander quoi ?

- Ben, tes intentions… Si tu veux qu’on se revoie toutes les deux quand on sera parties d’ici…

- Tu as ta vie… J’ai la mienne… On va pas tout bousculer, tout mettre sens dessus dessous pour s’apercevoir trois mois après, si ça tombe, qu’on s’est complètement plantées… Et qu’on n’est pas faites – mais alors là pas du tout – pour vivre ensemble…

- Non, non, mais je veux pas ça… J’ai pas demandé ça…

- Mais tu y as pensé…

- Oui, j’y ai pensé, oui… Mais juste comme ça… On fera ce que t’as envie, toi… Seulement ce que t’as envie, toi… Tout ce que t’as envie, toi… Même qu’on se voie que de temps en temps pour que tu me mettes la fessée ou que tu me la fasses donner par quelqu’un que tu voudras ça me va… Ca me va très bien… Et t’auras même pas besoin de faire tous les kilomètres entre nous… Je viendrai… Je viendrai, moi… Suffira que tu m’appelles… Que tu me dises…

- Oh, mais je pourrai bien venir aussi… Chacun son tour…

Son visage s’est illuminé…

- Mais alors ça veut dire que tu veux bien qu’on continue à se voir…

- Ben bien sûr !…

Elle s’est jetée dans mes bras. Elle s’y est blottie…

lundi 13 avril 2009

La classe des filles ( 25ème jour )

Leurs baisers étaient doux. Leurs caresses délicieusement savantes. Je m’offrais à eux. Eux trois. Là-bas, à l’infirmerie. J’étais tout désir, toute volupté, toute attente, tout abandon. Une fille a crié. Je me suis réveillée en sursaut. En sursaut et en nage. J’ai soupiré. J’étais dans mon lit. J’avais rêvé…




Tout autour on s’est tourné. Retourné. On s’est paisiblement rendormi. Et si ?… Ah non, non !… Tu vas pas faire une chose pareille !… Non… Faut être raisonnable… Et puis si tu te fais prendre… Pourquoi voudrais-tu te faire prendre ?… Il n’y a aucun espèce de raison… Et quand bien même !… Et alors ?… La belle affaire… Oui, mais non… Non… Faut quand même reconnaître : t’es incroyable, ma pauvre fille !… T’es toute seule… T’as personne dans ta vie… T’as l’occasion de t’offrir du bon temps avec trois types absolument charmants qui te prennent pas la tête et faut que t’ailles t’inventer des tas de prétextes pour pas le faire… Mais quand est-ce que tu te débarrasseras enfin de cette éducation à la con ?… Mais vas-y !… Vas-y !… Réfléchis pas !… Fonce !… Allez, fonce !



J’ai foncé… Jusqu’en haut de la cage d’escalier. A côté, dans sa chambre, Tixier ronflait. Je me suis arrêtée. J’ai posé un pied sur la première marche… Je l’ai retiré… Bon, alors tu te décides, oui ?… Une bonne fois pour toutes ?… Oui… Oui… Mais d’abord un petit tour à la salle de bains. Au pied du lavabo une pièce brillait. C’était un signe… Pile, j’y descends… Face, je vais me recoucher… Je l’ai lancée… Face… Non… J’ai haussé les épaules… Le genre de superstition débile… Non, mais tu vois à quoi t’en es réduite ?… Bon, allez, assez tergiversé… J’y vais…



Le premier lit juste à côté de la porte c’était celui de Martial. Je m’en suis approchée à tâtons. Je me suis penchée sur lui. Il respirait paisiblement. Profondément. Plus près. Encore plus près. Il a surgi brusquement du sommeil…

- Qu’est-ce que c’est ?… Qui c’est ?

- C’est moi, Raphaëlle…

- Ah, c’est toi ?!… Qu’est-ce qui se passe ?

- Rien… Rien, je…

- Tu… Oui… Viens !… Monte !…

Il m’a blottie contre lui…

- Chut !… Dis rien… Fais pas de bruit… Les réveille pas… J’ai envie que ce soit juste toi et moi… Que nous deux… Tu veux bien ?

Il n’a pas attendu la réponse. Son désir s’est pressé contre moi. A impatienté le mien…

- J’ai envie… J’ai envie de toi… J’ai envie… Tellement…

Il m’a pénétrée, conquérant, impérieux, s’est élancé comme un furieux à la conquête d’un plaisir qu’il a presque aussitôt obtenu…

- Pardon… Désolé… Pardon…

- Ca fait rien… C’est pas grave…

Il est resté en moi, un bras passé sous ma nuque…

- C’est ta faute aussi… On n’a pas idée de donner autant envie…

- J’ai pourtant rien de spécialement canon…

- C’est pas ça qui compte… C’est pas ça qu’est important… C’est que tu as quelque chose… Quelque chose qui n’est qu’à toi… Et qui remue… Tellement…

Son baiser dans mon cou s’est prolongé longtemps. Son désir est revenu. Il m’a habitée. Il m’a enveloppée, toute tendresse. Il m’a éperdue…

- Oui, petite femelle, oui !… Prends ton bonheur !… Prends-le !

Ca a surgi de très loin. Ca m’a emportée. Ca m’a ramenée…




Un autre souffle sur ma nuque. D’autres mains sur mes seins. Sur mes fesses. D’autres lèvres en errements doux... Eux deux… Eux trois…

La lumière a brusquement surgi, aveuglante.

Tixier… Tixier avec l’infirmière…

- Toi, ma petite, tu as gagné le gros lot… En attendant vous nous la mettez à l’isolement, Madame Mercier ?

Elle a silencieusement acquiescé, m’a entraînée jusqu’à une minuscule petite pièce. Indiqué le lit d’un grand coup de menton…

- Le mieux que tu aies à faire maintenant, c’est de te coucher… Et de dormir… Parce que demain la journée sera rude…

Elle a claqué la porte. La clef a tourné dans la serrure. Elle s’est éloignée…




C’est Monsieur Ménisson qui est venu me délivrer… Qui a soupiré…

- Encore toi !… Décidément t’en loupes pas une !… Mais cette fois c’est le bouquet… Bon, mais on va aller régler ça… Suis-moi !

A travers les couloirs. Sans se retourner…

- M’sieur Ménisson…

Il n’a pas répondu. Il a accéléré le pas…

- M’sieur Ménisson…

Plus fort…

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Faudrait que je passe au dortoir…

- Pour quoi faire ?

- Ben, pour m’habiller… Je…

- T’es à poil, oui… Et alors ?… Pour ce qui t’attend c’est la tenue la plus appropriée…

Il s’est arrêté devant la porte du réfectoire…

- Bouge pas de là… Je reviens…

A l’intérieur il a parlé. Longtemps. Mais impossible d’entendre ce qu’il disait. Même en collant l’oreille contre la porte…

- Entre !

Dans un silence absolu. Tous les regards braqués sur moi.

- Avance !

Sans rien voir. Sans regarder personne. Jusqu’à une chaise qui avait été placée en plein milieu du réfectoire, à égale distance de la table des garçons et de celle des filles…

- Approchez, vous autres !…

Tous les trois…

- Qui commence ?

Lionel s’est avancé…

- Moi !…

Il s’est assis sur la chaise. Monsieur Ménisson m’a poussée vers lui, fait basculer en travers de ses genoux. C’est tombé…

jeudi 9 avril 2009

La classe des filles ( 24ème jour )

- Avouez, Mademoiselle !…

La Mac Miche tapotait le bout de sa chaussure avec celui d’une longue règle plate toute neuve…

- Avouez que vous espériez bien, après ce qui s’est passé mardi dernier, que j’aurais oublié que vous êtes en dette avec moi…

Cynthia s’est aussitôt rebiffée…

- J’avoue rien du tout…

- Mais j’ai une excellente mémoire… Surtout quand il s’agit de ramener à la raison des petites péronnelles effrontées… Venez ici !

Elle a obtempéré d’un pas décidé, s’est immobilisée au pied du bureau…

- Bien… Vous savez ce qui vous reste à faire…

Elle l’a fait. Avec détermination. Tout. Tous ses vêtements. Jetés n’importe comment, en vrac, sur le bureau. Et elle a attendu…

- Décidément, toi, ma petite, je n’aime pas du tout, mais alors là pas du tout, tes manières… Tourne-toi !… Et accroche-toi bien, des deux mains, au bureau… Tu vas en avoir besoin… Accroche-toi et compte !… Surtout n’oublie pas de compter…

Et elle a tapé. En prenant, chaque fois, de très loin son élan. Elle a tapé et Cynthia a compté…

- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…

Mac Miche s’est arrêtée. Elle a arpenté la classe de long en large. De la fenêtre à la porte et de la porte à la fenêtre…

- Très bien… Très bien… Ah, c’est comme ça !… C’est comme ça… Oh, mais elle va voir !… Si elle compte avoir le dernier mot avec moi !… Si elle se figure que je vais laisser une petite mijorée dans son genre faire la loi pendant mes cours… Sûrement pas !… Alors là sûrement pas ! Rira bien qui rira le dernier…

Elle s’est arrêtée…

- Bon… Tu sais ce qu’on avait dit, toi !?… T’étais prévenue… Alors on recommence… A zéro… Et cette fois tâche de ne pas te tromper… Parce que ça pourrait aller mal, très très mal, pour ton matricule…

Et c’est reparti… Cynthia ne pleurait pas, ne gémissait pas, ne se plaignait pas, ne criait pas. Elle comptait…

- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…

Un cri de rage et la Mac Miche a jeté la règle, de toutes ses forces, à travers la classe. Jezabel a dû se coucher précipitamment sur son pupitre pour l’éviter…

- Fous le camp !… Fous-moi le camp !… Dehors !… Dégage !

Elle l’a poussée vers la porte…

- Je veux plus te voir… Remets jamais les pieds ici… C’est qui sa chef de box ?

Pernelle a levé la main…

- C’est moi…

- Emmène-moi ça chez le directeur !…

Elle a voulu lui récupérer ses affaires, sur le bureau, au passage…

- Non… Laisse-les là… C’est sans rien qu’elle va se présenter chez le directeur… Que ça lui serve de leçon…

Elle a claqué la porte sur elles…

- Et qu’elle se pointe la prochaine fois pour voir !…

Jezabel a tranquillement constaté…

- Il y a pas de risques, M’dame… C’est votre dernier cours aujourd’hui…

- Oui, ben heureusement !… J’en ai soupé de vous toutes… Vous pouvez être sûres d’une chose, c’est que je vous regretterai pas…

- Nous non plus, M’dame !

- Vous n’êtes qu’une bande de petites écervelées incultes…

- Merci, M’dame…

Elle a haussé furieusement les épaules, elle a pris son sac et elle est sortie…




- Alors ?… Il t’a dit quoi le directeur ?

- Oh, rien… Rien… Pas grand chose…

- Il t’en a mis une autre ?

- Non… Il m’a fait la morale… Le couplet habituel… Qu’on est là pour apprendre… Pour préparer notre avenir… Qu’on regrettera plus tard de pas avoir travaillé quand c’était le moment… Qu’on a des professeurs d’une qualité exceptionnelle… Etc, etc… J’écoutais pas… Il a fait durer tant qu’il a pu… Histoire de se rincer l’œil vu que j’étais à poil devant lui de l’autre côté du bureau… En tout cas, au bout du compte une chose est sûre : c’est elle qu’a calé… C’est pas moi…




- Tiens, tu m’aides ?

On a attrapé la grande bassine chacune d’un côté, Adeline et moi... On l’a vidée dans l’évier…

- Hou !… C’est lourd que le diable ces machins-là…

Elle s’est assise sur le rebord de la table de la cuisine…

- Je l’ai revu Félicien… Hier… Vite fait…

- Ah oui ?!… Et alors ?

- Tu le connais bien, toi ?

- Sans plus… J’ai discuté deux trois fois avec lui… Pourquoi ?

- Je sais pas… Il m’a dit des trucs…

- Quels trucs ?

- Pour ici l’année prochaine… Qu’il y en aurait plus des stages-fessée… Que c’était fini… Que ça allait être vendu les bâtiments et complètement transformé… T’as entendu parler de quelque chose ?

- Non… Rien… Mais c’est possible après tout…

- Il avait des airs de conspirateur… Comme s’il en savait beaucoup plus que ce qu’il voulait bien dire… Mais ce qu’il y a surtout c’est qu’il avait l’air d’insinuer que ça allait changer plein de choses pour moi si je voulais… Je vois vraiment pas ce que ça pourrait changer… C’est juste un truc d’appoint l’été pour moi ici… Le reste du temps j’ai mon boulot… Je sais pas ce qu’il a dans la tête, mais j’ai intérêt à me méfier, je crois…

- Peut-être, mais pas forcément… Parce que, pour autant que je puisse en juger, il est quand même pas mal plombé… Il a énormément apprécié – il me l’a dit – la fessée que tu lui as donnée samedi… Alors qu’il ait commencé à bâtir des châteaux en Espagne c’est plus que vraisemblable… Toute la question est de savoir s’ils restent dans le domaine du possible ou s’ils sont purement chimériques… Une chose me paraît évidente en tout cas, c’est qu’il est prêt à consentir bien des sacrifices pour continuer à recevoir des fessées de ta main…

- S’il y a que ça pour lui faire plaisir !… Je peux pas dire que, de mon côté, je trouve ça vraiment désagréable… Bien au contraire…

- C’est justement ça qui le met dans tous ses états…

lundi 6 avril 2009

La classe des filles ( 23ème jour )

On était à peine installées qu’un vent de fronde s’est mis à souffler ouvertement sur le cours de Français…

- C’est le dernier lundi, M’sieur !… Et vous savez combien il y en a des filles à qui vous l’avez donnée ?

- Trois ou quatre, il me semble…

- Deux !… Seulement deux… Noëlle et Jezabel… Parce que Laetitia ça compte pas… C’est monsieur Tixier qui lui a fait…

- Oui… Et alors ?

- Et alors on est seize… Ca veut dire qu’il y en a quatorze qui y ont jamais eu droit…

- Il y a d’autres cours que les miens…

- Oui, mais il y a des tas de filles c’est de vous qu’elles voulaient la recevoir…

- Et puis le prof de Maths de toute façon il s’intéresse qu’aux garçons…

- Et celle d’Anglais elle a ses têtes… Et quand on dit ses têtes…

- Non… Ce qu’il y a c’est qu’on va pas tarder à repartir et qu’il y en a plein elles en auront même pas eu une…

- Il reste encore pas loin d’une semaine… Et en une semaine…

- En une semaine tout le monde y passera pas… C’est impossible…

- Mais enfin c’est incroyable, ça !… Où avez-vous lu, où que ce soit, dans le règlement, qu’on garantissait, au cours du séjour, au moins une fessée à chacune des pensionnaires ?

- C’est quand même pour ça qu’on est venues…

- Eh bien il faut croire qu’au fond de vous-mêmes vous n’en aviez pas suffisamment envie… Qu’il subsistait en vous des réticences dont vous n’aviez pas forcément conscience… Quand on désire vraiment quelque chose on fait en sorte de l’obtenir… Il n’était quand même pas sorcier de vous conduire de façon telle que vous auriez été inéluctablement fessées… Pendant mon cours ou ailleurs… Certaines d’entre vous y sont parvenues sans la moindre difficulté… Alors je conseille vivement aux autres de s’interroger sur leur propre comportement plutôt que de se chercher des boucs émissaires à droite et à gauche… Bien… Mais je conçois malgré tout parfaitement que vous ayez pu ressentir comme profondément injuste le traitement de faveur dont ont bénéficié vos deux camarades… Nous allons donc nous efforcer de rééquilibrer au mieux les plateaux de la balance… Noëlle !… Jezabel !… Au tableau !…

Elles ont obéi sans un mot…

- Vous avez parfaitement conscience, j’imagine, d’être toutes les deux des privilégiées… Sans que cet état de fait puisse, aux dires de vos camarades, recevoir le moindre commencement de début de justification… Il est donc, vous en conviendrez, tout à fait légitime que vous soyez sanctionnées pour avoir obtenu indûment des avantages auxquels vous n’étiez pas en droit de prétendre… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?…

- Si !…

- Très bien… Alors vous allez gentiment me baisser ces petites culottes et vous mettre dans la position appropriée pour recevoir la punition méritée…




Mina a écarquillé les yeux…

- Une fessée ?… Toi, Adeline ?… A un type ?… A qui ça ?…

- Felicien… Tu sais bien !… Le vieux qui les espionnait là-haut dans les douches…

Elle a donné un petit coup de menton dans ma direction…

- C’est elle qui me l’a fait connaître… En boîte…

- Et pourquoi tu lui en as mis une ? Qu’est-ce qu’il t’avait fait ?

- A moi rien… J’avais envie, c’est tout…

- Et alors ?… Eh bien raconte, quoi !

- Il y a pas grand chose à raconter… Une fessée, c’est une fessée…

- Raconte quand même !…

- Ben je lui ai fait la leçon… A cause de l’histoire des douches justement… Longtemps… Il était trop drôle… Il osait pas me regarder en face… Tu aurais dit un petit garçon pris en faute… Quand j’ai trouvé qu’il était juste à point je l’ai emmené, parce qu’elle habite tout près, chez Clotilde… Qui est tombée des nues… « D’où tu me sors ça ? »… Qui s’est assise à côté de moi sur le canapé… Qui m’a regardée lui ouvrir sa ceinture, en prenant tout mon temps, lui déboutonner le pantalon, le lui faire dégringoler sur les chevilles… le slip aussi… Je l’ai fait basculer sur mes genoux… C’était encore tout rouge de la fois d’avant quand elles, elles lui ont fait en classe… Je lui en ai remis une couche… Et je peux te dire que j’y suis allée de bon coeur…

- Il faisait quoi ?

- Qu’est-ce que tu voulais qu’il fasse ?… Il gigotait et il glapissait comme quelqu’un qui se prend une fessée…

- Et Clotilde ?

- Elle était au spectacle Clotilde… Et je peux te dire qu’elle appréciait… Elle était encore plus rouge que lui à la fin… De figure je veux dire…

- Et toi ?…

- Oh, moi…

- Tu recommenceras ?

- Un peu que je recommencerai…

- Avec celui-là ?

- Avec celui-là ou avec d’autres… Parce que jusque là je savais pas, mais comment tu jubiles de leur rabattre leur caquet !… Ils veulent toujours avoir le dessus avec nous… Etre les plus forts… les plus ceci… les plus cela… Faut toujours qu’ils cherchent à nous rabaisser… Ca, ils savent faire… Normal qu’il y en ait qui paient… Ca rétablit l’équilibre… Dans une certaine mesure…




- Ca y est !… Tu sais pas quoi ?… Eh bien ça y est !…

- Qu’est-ce qui y est ?

- Eric… On a eu une longue conversation tous les deux… Et il va m’héberger… Pour un temps il a dit… « - Le temps que tu te trouves un appart… Et du boulot… » Mais enfin ça !… Une fois que je serai dans la place il est pas près de me déloger… Parce que je vois pas pourquoi j’irais débourser sept ou huit cents euros par mois pour le plaisir de me dire que je suis chez moi et que je dois rien à personne… Si je sais m’y prendre – et je saurai m’y prendre – je serai plus chez moi chez lui que lui… Quant à devoir quelque chose à quelqu’un c’est pas demain la veille… Et franchement faudrait être complètement idiote pour aller se crever au taf alors qu’il est kiné et qu’il gagne des cents et des mille qu’il a même pas le temps de dépenser… Faut bien que quelqu’un s’en occupe à sa place… Ah, je peux te dire que ça va être la belle vie… Et que je vais m’éclater…

- T’as pas peur qu’un jour ou l’autre ça finisse tous les deux et que tu te retrouves le bec dans l’eau ?

- Oh pour ça, non !… J’en fais ce que je veux… Et j’en ferai de plus en plus ce que je veux… C’est d’un fonctionnement hyper simple un mec finalement… Et celui-là encore plus que les autres… Quand t’as compris ça t’as tout compris… Et t’en fais ce que tu veux… Oui… T’as raison… Un jour ça finira peut-être… Sûrement même… Mais ce sera parce que moi je l’aurai décidé… Parce que j’en aurai fait le tour… Qu’il pourra plus rien m’apporter… Ou que j’aurai trouvé mieux ailleurs…

- Dans ces conditions…

jeudi 2 avril 2009

La classe des filles ( 22ème jour )

Ils étaient encore couchés…

- Salut !

- Tiens, une revenante !…

- Je m’arrête pas… Je passe juste, en vitesse, pour vous faire une commission de la part de Noémie… Elle m’a demandé de vous dire qu’elle pourra plus venir ici la nuit…

- Ca fait rien… C’est pas grave… Du moment qu’on t’a, toi, à la place, on perdra pas au change…

- Oui, non, mais moi… Non… Bon… Faut que j’y aille… De toute façon faut que j’y aille là…

- On est dimanche… T’as bien le temps de boire un café avec nous quand même !…

- Vous vous faites du café ?!

- Ben oui, tu vois, on s’organise à la longue…

- Et elle dit rien l’infirmière ?…

- Oh, l’infirmière !… On en fait ce qu’on veut de l’infirmière… Sinon il y a belle lurette qu’on serait plus ici… Vingt fois elle a voulu nous chasser et vingt fois on est restés… Elle en a pris son parti… Tu veux combien de sucres ?

- Pas de sucre, non, merci…

- Bon, ben assieds-toi !… Reste pas plantée là… Assieds-toi et raconte-nous… Pourquoi t’es venue ?…

- Hein ?… Mais je vous ai dit… C’est Noémie qui m’a demandé de…

- Non… La vraie raison…

- Mais c’est ça… Il y en a pas d’autre…

- Tu sais quoi ?… Eh bien on parlait justement de toi hier soir tous les trois avant de s’endormir… Et on se disait que le meilleur souvenir qu’on allait garder d’ici c’est la nuit qu’on a passée ensemble tous les quatre l’autre fois…

- Et même que parmi tous les souvenirs qu’on peut avoir celui-là va forcément occuper une place toute particulière… A part de tout… Toujours…

- Vous êtes gentils…

- Et que si tu voulais…

Je me suis levée. J’ai posé un doigt sur mes lèvres…

- Chut…

Je me suis enfuie…




En bas Noémie m’a hélée, rattrapée…

- Ben alors… T’étais passée où ?… Ca fait une heure que je te cherche…

- Fallait que je passe à l’infirmerie…

- Ah oui… Ils doivent se demander ce que je suis devenue ceux-là là-haut… Il faudrait que je… Oh, et puis je m’en fous… Je leur dois rien… Ils pensent bien ce qu’ils veulent… En tout cas bravo, hein, pour Eric !… Je sais pas comment tu t’es débrouillée, mais il a tout gobé… Non… Parce que ça m’aurait vraiment fait chier que tout tombe à l’eau à cause de ces trois idiots là-haut… Juste au moment où ça prenait tournure en plus… Où le poisson était ferré et où il y avait plus qu’à le ramener sur la berge…

- Qu’est-ce tu vas faire maintenant par rapport à eux ?…

- Eux ?!… Mais rien… Absolument rien… Je vais laisser tomber… C’est pourtant pas l’envie qui m’en manque… Surtout qu’ils savent y faire… Et qu’un plan avec trois mecs tu prends vraiment ton pied… Mais bon faut savoir ce qu’on veut aussi dans la vie… J’ai joué avec le feu… C’est passé une fois… Ca passerait sûrement pas deux… Surtout maintenant qu’Eric a la puce à l’oreille… Mais c’est pas grave… Je me rattraperai après quand je l’aurai complètement dans la poche… Non… Ce qui me préoccupe surtout, là, maintenant, c’est Eric… Et de savoir si j’ai intérêt à frapper un grand coup ou si, au contraire, je dois plutôt continuer à resserrer patiemment les mailles du filet… Parce qu’il y a des moments où je me dis que c’est vraiment mûr, que j’ai plus qu’à le cueillir et d’autres où j’ai peur de tout gâcher en voulant trop précipiter… J’ai deux solutions en fait… Tu m’écoutes ?

- Mais oui, je t’écoute, oui… Je fais que ça…

- J’ai deux solutions… Ou bien je lui sors la grande scène du trois dans le registre « J’ai plus de boulot… Bientôt plus d’appart… Qu’est-ce que je vais devenir ? » en espérant qu’il va tilter et me proposer de venir m’installer chez lui… Ou bien je la lui joue lointaine et indifférente – celle qu’en a strictement rien à foutre – et je le laisse venir… Dans les deux cas de toute façon il y a des risques… Va bien falloir que je prenne une décision pourtant… Et rapidement…




- Ca devient une tradition notre banc du dimanche après-midi…

- On est comme les petits vieux… On a nos habitudes…

Eric et Noémie ont disparu à l’angle de l’allée centrale…

- Et pourtant j’aurais plutôt intérêt à prendre la fuite dès que je t’aperçois… Chaque fois je veux te rendre service et chaque fois ça me retombe sur le coin de la figure…

- Oui… Tu t’en es pris une sévère hier soir il paraît…

- C’est le moins qu’on puisse dire…

- Désolé…

- Pas tant que moi…

- On est là pour ça, non ?

- Dans certaines limites quand même… Je ramasse quasiment tous les jours, moi, en ce moment… J’ai le cul dans un état !

- Ca te déplaît tant que ça ?

- Je ne répondrai qu’en présence de mon avocat…

- Si ça peut te consoler moi aussi j’en ai pris une bonne cette nuit…

- Ah oui ?… De qui ?

- Et elle demande de qui…

- Adeline ?

- Evidemment Adeline… Et je peux te dire qu’elle a pas fait semblant… Jamais on m’en avait flanqué une comme ça… Jamais… Personne… Et puis elle, elle y a vraiment pris du plaisir… Sans aucun doute possible… Et alors ça pour moi…

- Vous allez vous revoir ?

- Je sais pas… Je lui ai demandé… Elle a répondu qu’elle avait pas encore décidé… Que je verrais bien… Et que de toute façon j’avais pas à lui poser de questions…

- Ouais… Ouais… Alors tu attends quoi de moi au juste ?… Que j’essaie de percer ses intentions à jour ou que je m’efforce de la convaincre de te revoir ?

- Ni l’un ni l’autre… J’ai déjà suffisamment abusé de ta gentillesse comme ça… Non… J’ai son adresse… Je sais où elle va travailler la semaine prochaine quand tout sera fini ici… Ce serait bien le diable que je n’arrive pas à obtenir qu’elle m’en colle d’autres… Surtout en faisant tout pour ça… Et je sais me montrer patient quand il le faut…

- Tu vas rester un peu dans le coin du coup alors ?

- Et peut-être définitivement si mes projets aboutissent…

- Quels projets ?

- Ah ça, j’en parle pas… Tant que ça n’aura pas vraiment abouti j’en parle pas…