jeudi 9 avril 2009

La classe des filles ( 24ème jour )

- Avouez, Mademoiselle !…

La Mac Miche tapotait le bout de sa chaussure avec celui d’une longue règle plate toute neuve…

- Avouez que vous espériez bien, après ce qui s’est passé mardi dernier, que j’aurais oublié que vous êtes en dette avec moi…

Cynthia s’est aussitôt rebiffée…

- J’avoue rien du tout…

- Mais j’ai une excellente mémoire… Surtout quand il s’agit de ramener à la raison des petites péronnelles effrontées… Venez ici !

Elle a obtempéré d’un pas décidé, s’est immobilisée au pied du bureau…

- Bien… Vous savez ce qui vous reste à faire…

Elle l’a fait. Avec détermination. Tout. Tous ses vêtements. Jetés n’importe comment, en vrac, sur le bureau. Et elle a attendu…

- Décidément, toi, ma petite, je n’aime pas du tout, mais alors là pas du tout, tes manières… Tourne-toi !… Et accroche-toi bien, des deux mains, au bureau… Tu vas en avoir besoin… Accroche-toi et compte !… Surtout n’oublie pas de compter…

Et elle a tapé. En prenant, chaque fois, de très loin son élan. Elle a tapé et Cynthia a compté…

- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…

Mac Miche s’est arrêtée. Elle a arpenté la classe de long en large. De la fenêtre à la porte et de la porte à la fenêtre…

- Très bien… Très bien… Ah, c’est comme ça !… C’est comme ça… Oh, mais elle va voir !… Si elle compte avoir le dernier mot avec moi !… Si elle se figure que je vais laisser une petite mijorée dans son genre faire la loi pendant mes cours… Sûrement pas !… Alors là sûrement pas ! Rira bien qui rira le dernier…

Elle s’est arrêtée…

- Bon… Tu sais ce qu’on avait dit, toi !?… T’étais prévenue… Alors on recommence… A zéro… Et cette fois tâche de ne pas te tromper… Parce que ça pourrait aller mal, très très mal, pour ton matricule…

Et c’est reparti… Cynthia ne pleurait pas, ne gémissait pas, ne se plaignait pas, ne criait pas. Elle comptait…

- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…

Un cri de rage et la Mac Miche a jeté la règle, de toutes ses forces, à travers la classe. Jezabel a dû se coucher précipitamment sur son pupitre pour l’éviter…

- Fous le camp !… Fous-moi le camp !… Dehors !… Dégage !

Elle l’a poussée vers la porte…

- Je veux plus te voir… Remets jamais les pieds ici… C’est qui sa chef de box ?

Pernelle a levé la main…

- C’est moi…

- Emmène-moi ça chez le directeur !…

Elle a voulu lui récupérer ses affaires, sur le bureau, au passage…

- Non… Laisse-les là… C’est sans rien qu’elle va se présenter chez le directeur… Que ça lui serve de leçon…

Elle a claqué la porte sur elles…

- Et qu’elle se pointe la prochaine fois pour voir !…

Jezabel a tranquillement constaté…

- Il y a pas de risques, M’dame… C’est votre dernier cours aujourd’hui…

- Oui, ben heureusement !… J’en ai soupé de vous toutes… Vous pouvez être sûres d’une chose, c’est que je vous regretterai pas…

- Nous non plus, M’dame !

- Vous n’êtes qu’une bande de petites écervelées incultes…

- Merci, M’dame…

Elle a haussé furieusement les épaules, elle a pris son sac et elle est sortie…




- Alors ?… Il t’a dit quoi le directeur ?

- Oh, rien… Rien… Pas grand chose…

- Il t’en a mis une autre ?

- Non… Il m’a fait la morale… Le couplet habituel… Qu’on est là pour apprendre… Pour préparer notre avenir… Qu’on regrettera plus tard de pas avoir travaillé quand c’était le moment… Qu’on a des professeurs d’une qualité exceptionnelle… Etc, etc… J’écoutais pas… Il a fait durer tant qu’il a pu… Histoire de se rincer l’œil vu que j’étais à poil devant lui de l’autre côté du bureau… En tout cas, au bout du compte une chose est sûre : c’est elle qu’a calé… C’est pas moi…




- Tiens, tu m’aides ?

On a attrapé la grande bassine chacune d’un côté, Adeline et moi... On l’a vidée dans l’évier…

- Hou !… C’est lourd que le diable ces machins-là…

Elle s’est assise sur le rebord de la table de la cuisine…

- Je l’ai revu Félicien… Hier… Vite fait…

- Ah oui ?!… Et alors ?

- Tu le connais bien, toi ?

- Sans plus… J’ai discuté deux trois fois avec lui… Pourquoi ?

- Je sais pas… Il m’a dit des trucs…

- Quels trucs ?

- Pour ici l’année prochaine… Qu’il y en aurait plus des stages-fessée… Que c’était fini… Que ça allait être vendu les bâtiments et complètement transformé… T’as entendu parler de quelque chose ?

- Non… Rien… Mais c’est possible après tout…

- Il avait des airs de conspirateur… Comme s’il en savait beaucoup plus que ce qu’il voulait bien dire… Mais ce qu’il y a surtout c’est qu’il avait l’air d’insinuer que ça allait changer plein de choses pour moi si je voulais… Je vois vraiment pas ce que ça pourrait changer… C’est juste un truc d’appoint l’été pour moi ici… Le reste du temps j’ai mon boulot… Je sais pas ce qu’il a dans la tête, mais j’ai intérêt à me méfier, je crois…

- Peut-être, mais pas forcément… Parce que, pour autant que je puisse en juger, il est quand même pas mal plombé… Il a énormément apprécié – il me l’a dit – la fessée que tu lui as donnée samedi… Alors qu’il ait commencé à bâtir des châteaux en Espagne c’est plus que vraisemblable… Toute la question est de savoir s’ils restent dans le domaine du possible ou s’ils sont purement chimériques… Une chose me paraît évidente en tout cas, c’est qu’il est prêt à consentir bien des sacrifices pour continuer à recevoir des fessées de ta main…

- S’il y a que ça pour lui faire plaisir !… Je peux pas dire que, de mon côté, je trouve ça vraiment désagréable… Bien au contraire…

- C’est justement ça qui le met dans tous ses états…

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