Les tables avaient été repoussées contre les murs. Recouvertes d’un monceau de boissons, de gâteaux et de friandises diverses. Deux baffles avaient été diposés sur l’estrade, de chaque côté du bureau…
- C’est quoi ce chantier ?
- Entrez, Mesdemoiselles, entrez !…
Quand la prof d’Anglais a vu que Noëlle était nue son visage s’est illuminé…
- Tu es une bonne petite… Bien obéissante… Tu es une très bonne petite… Eh bien faites comme elle, vous autres !… Restez pas plantées là comme des bûches… Retirez-moi tout ça !… Vous n’imaginez tout de même pas que je vais vous laisser rentrer chez vous sans même savoir comment vous êtes faites là-dessous ?!… Toutes !… Toutes !… Allez !… Et on se dépêche…
C’est Roxane qui a commencé à l’autre bout là-bas… Et puis Jezabel… Et puis Trianne… D’autres… D’autres encore…
Elle, elle sautait d’un groupe à l’autre…
- Allez, allez !… Vous aussi !… Qu’est-ce que vous attendez ?… Ne sois pas ridicule, toi !… Allez, comme tout le monde !… Très bien !… Tu vois que c’est pas si difficile !… Et tu es mignonne comme tout en plus !… Et vous là-bas… Bon ça y est ?… Vous y êtes ?… Toutes ?…
Son regard a couru sur nous, s’y est troublé, longuement alangui. Elle s’est enfin tournée, comme à regret, vers le bureau…
- On fait la fête maintenant… C’est le dernier jour… Une fête à tout casser… Et tout le monde s’amuse… Tout le monde…
Et elle a lancé la musique. A pleine puissance. A rythme endiablé. Elle a fait signe…
- Allez !… Allez !…
Une fille a commencé à danser. Une autre. Une autre encore.
- Allez !… Allez !…
De plus en plus. Toutes…
- Allez !… Allez !… Que ça saute !…
Pour sauter ça sautait.. Ca sautait et tressautait. A pleines poitrines. Les petites. Les grosses. Les dodues. Les décharnées. De plus en plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus haut. Fascinée, elle ne nous quittait pas des yeux. Elle ne les quittait pas des yeux…
Ca s’est brusquement arrêté. Ca a repris. Un slow. Noëlle m’a regardée venir vers elle. On s’est enlacées. Elle a laissé tomber sa tête dans mon cou…
Monsieur Fournier nous a envoyés, Basile et moi, porter des chaises jusqu’au grand terrain plat qui prolonge, à l’ouest, la cour de récréation…
- Il en faudra bien une bonne centaine… Oh oui… Largement…
- Des chaises ?… Pour quoi faire des chaises ?
- Ben pour demain, tiens, cette question…
Et il nous a plantés là…
Là-bas des types – parmi lesquels Eric et Félicien – étaient en train de monter une estrade…
- Qu’est-ce que vous faites ?… C’est quoi ce truc ?…
- Le podium pour la distribution des prix demain…
- Il y a une distribution des prix ?
- Evidemment qu’il y a une distribution des prix… T’as déjà vu une école sans distribution des prix, toi ?
- A qui ils les donnent ?… Comment ?… On n’a jamais eu de notes…
- Il y a pas besoin de notes…
Leurs chefs de box les ont rappelés à l’ordre…
- Vous êtes là pour bosser… Pas pour discuter… Et vous deux, vous faites ce que vous avez à faire et puis vous circulez…
- On y va ?… On va danser ?
Je me suis levée pour les suivre…
Pernelle a exigé…
- Non, toi, tu restes là…
Elle m’a regardée me rasseoir, m’a soufflé sa fumée à la figure…
- Ca t’a pas suffi ce matin en Anglais ?… Tu t’es pas assez donnée en spectacle comme ça ?… J’en avais honte pour toi… Mais tout se paie un jour… Tout… Tôt ou tard… Pour ça aussi tu paieras… Parce qu’on est appelées à se revoir toutes les deux… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Pas ici… Puisque – c’est maintenant officiel – les bâtiments sont vendus… Mais ailleurs… Quelqu’un finira bien, un jour ou l’autre, par organiser quelque chose d’analogue quelque part… Moi peut-être… Qui sait ?… Mais de toute façon tu me retomberas entre les griffes… Quand je voudrai… Quand je le jugerai bon… Et tu sais pourquoi ?… Parce que tu es dans l’incapacité totale de me refuser quoi que ce soit… Tu as besoin de ça… De quelqu’un qui te dirige… Qui te prenne en mains… Qui décide de tout ce qui te concerne à ta place… C’est dans ta nature… Enraciné au plus profond de toi… C’est pas vrai peut-être ?…
Je n’ai pas répondu. J’ai fixé quelque chose très loin au-dessus d’elle…
- Et quand bien même tu voudrais le nier ça te transpire de partout… Tu cherches d’ailleurs encore de temps à autre à le nier… Avec l’énergie du désespoir… En pure perte… On ne va pas contre soi-même… Tu ferais beaucoup mieux d’en prendre une fois pour toutes ton parti et d’admettre que tu ne pourras t’épanouir que sous la coupe de quelqu’un qui aura accepté de te prendre totalement en charge… Il y a des personnalités faites pour diriger et d’autres pour être dirigées… C’est comme ça et ça n’a absolument rien de déshonorant… Bien au contraire…
Elle m’a pris le menton dans la main par-dessus la table…
- Regarde-moi !…
Obligée à rester dans ses yeux…
- Accepte-toi !… Accepte enfin d’être toi-même et tu seras pleinement heureuse…
Elle m’a lâchée…
- Tu seras à moi… C’est pas encore tout à fait mûr… Tu seras à moi… Je ne te lâcherai pas…
Aie ! Aie ! Aie !
RépondreSupprimerComme vous dites...
RépondreSupprimerMais ça pose des jalons pour l'avenir... Je commence à soupçonner que je vais entraîner tous ces personnages dans des aventures beaucoup plus longues que prévu...
Amicalement à vous...