Quand
je suis rentré, ils étaient installés au salon avec Agathe. Tous
les deux.
‒ Je
te présente Emma. Et puis Jeremy.
Que
j’avais déjà eu le plaisir de croiser, oui.
Et
qui étaient ravis d’être tombés sur des voisins à l’esprit
aussi ouvert que nous.
‒ Parce
que c’est pas tout le monde, vous savez ! Les gens ont tout un
tas de préjugés là-dessus. Ils s’imaginent on sait pas trop
quoi. Alors qu’en fait, c’est très simple. Emma a un objectif en
vue. Qu’elle tient énormément à atteindre. Elle sait qu’elle
n’y parviendra pas sans mon aide. Que seule la crainte d’une
fessée, vigoureusement administrée le cas échéant, peut lui
permettre d’approcher.
Agathe
savait, oui. Emma lui avait dit pour le livre.
‒ Le
livre ? Quel livre ?
‒ Ben,
celui qu’elle écrit.
‒ Ah,
parce qu’elle écrit un livre ?
Il
y a eu un moment de flottement.
‒ Première
nouvelle.
Agathe
a essayé de se rattraper comme elle a pu.
‒ J’ai
peut-être mal compris. Sûrement, même.
‒ Non,
vous n’avez pas mal compris. Non. Emma est une menteuse. Qui serait
bien incapable d’écrire quelque livre que ce soit. Qui veut
toujours rectifier la réalité à son avantage. Qui s’invente des
cursus universitaires flamboyants. Qui fait de son mari le patron de
l’entreprise dont il est un simple employé. Qui prétend avec
conviction avoir eu une liaison, quand elle était jeune, avec telle
ou telle vedette de la chanson alors qu’elle n’en a jamais
soutiré rien d’autre qu’un autographe. J’en passe. Et des
meilleures. Emma ment. En permanence. À
propos de tout et de n’importe quoi. C’est devenu une habitude.
Un réflexe. Elle en est malheureuse. Très. Parce que, forcément,
ça lui retombe de temps à autre, d’une façon ou d’une autre,
sur le coin de la figure. Et c’est de ce gros défaut-là qu’on a
décidé tous les deux, d’un commun accord, de la débarrasser.
Dans son intérêt. Chaque fois que je la surprends en flagrant délit
de mensonge, elle a droit à une retentissante fessée. Il y a eu des
progrès. Mais on est encore loin du compte. La preuve !
Emma
a levé sur Agathe un regard contrit.
‒ Je
suis désolée.
Jeremy
a haussé les épaules.
‒ Ce
qui lui fait une belle jambe. Bon,
mais tu sais ce qui t’attend.
‒ Ici ?
Maintenant ?
Les
yeux d’Agathe se sont mis à briller.
‒ Ben
oui, ici. Et maintenant. Je ne crois pas que nos hôtes verront
quelque inconvénient à ce que cela ait lieu devant eux. Puisque
c’est à eux que tu as menti.
Agathe
a esquissé un bref signe de dénégation, presque
involontaire. Elle
n’y voyait pas d’inconvénient, non. Aucun. Moi non plus.
Emma
a voulu objecter quelque chose.
‒ Mais…
‒ Mais
quoi ?
‒ Non,
rien.
‒ Tu
vas avoir honte ? Ça va te vexer ? Eh bien, raison de
plus. Ça n’en sera que plus efficace.
‒ C’est
pas ça.
‒ C’est
quoi alors ?
‒ C’est
qu’hier soir…
‒ Tu
t’en es
déjà pris
une. Carabinée. Et
qu’une deuxième
par-dessus… Oui. Il ne s’agit pas de te détériorer non plus.
Alors on va surseoir. Jusqu’à jeudi soir. Si nos voisins sont
libres…
On
n’avait rien de prévu, non.
‒ Parfait.
Jeudi soir alors. Ça te donnera le temps de méditer. Et
d’appréhender.
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