Source de l’illustration :
Engin Akyurt sur Pixabay
Au
bureau, il était là entre nous, ce rêve. En permanence. Si je
croisais par hasard le
regard d’Ugo, il me
revenait aussitôt à
l’esprit que je l’avais fait. Et ce qui s’en était suivi. Et
je baissais les yeux. S’il m’adressait la parole, je devais
prendre sur moi pour ne pas laisser paraître que j’étais
troublée, que cette menace qu’il m’avait un jour lancée en
l’air, en plaisantant,
avait fait mouche et
m’avait complètement déstabilisée.
Est-ce
qu’il s’en rendait compte ? La plupart du temps, je me
disais que non. J’espérais que non. Mais, parfois, j’étais
convaincue du contraire.
Le
pire, c’était que je le refaisais, ce rêve. Endormie,
oui. Mais aussi, de plus en plus souvent, bien éveillée. Pas
forcément sous sa forme initiale. Il y avait des variantes. Des
aménagements. Mais je
finissais toujours par me retrouver en travers de ses genoux,
les fesses à l’air,
pour une vigoureuse claquée qui me laissait pantelante, dégoulinante
de mouille, avec l’irrépressible envie de me servir de mes doigts.
Et, une fois que tout
était retombé, coupable. Intensément coupable.
Et,
évidemment, ça a fini par se reproduire. Un beau matin, mon
ordinateur a une nouvelle fois planté. J’ai paniqué. Ah, non,
non, pas question de faire appel à lui. C’était totalement exclu.
Et je me suis efforcée de me débrouiller toute seule. J’ai
ramé. Plus d’un quart d’heure durant. Jusqu’à ce que, de son
poste de travail là-bas, il s’aperçoive de quelque chose, qu’il
s’approche, vienne se pencher par-dessus mon épaule.
‒ Un
problème ?
‒ Non,
non. Tout va bien.
‒ Menteuse !
Et
ses mains sont venues se substituer aux miennes.
‒ T’étais
prévenue. Cette fois, tu vas pas y couper. Une bonne fessée. Cul
nu.
En
chuchotements, à l’oreille.
Je
suis devenue écarlate. Mais
je n’ai pas protesté. Je n’ai rien dit.
Et
ça s’est installé entre nous. Ce n’était pas qu’il soit
spécialement insistant, non. C’était juste que,
de temps à autre, il
procédait à une
discrète piqûre de rappel.
‒ Tu
n’oublies pas ? On est en dette tous les deux.
Ou
bien.
‒ Ça
y est ? T’as choisi une date ?
Je
ne savais jamais quand ça allait survenir. Mais,
chaque fois, je me sentais fondre. Chaque
fois ça me mettait dans tous mes états. Et chaque fois j’attendais
impatiemment le soir pour être avec lui. Pour lui offrir
voluptueusement mon derrière à fesser.
C’était
comme une drogue. Je ne
vivais plus avec Benoît. Je ne vivais plus avec mon mari. Je vivais
avec Ugo. Avec la main d’Ugo qui s’abattait imperturbablement, en
imagination, sur mon fessier. Si
Benoît me voulait,
le soir, dans le lit, je
ne disais pas non. Au contraire. Je le laissais prendre son plaisir
en moi. Parce que je savais qu’aussitôt après il s’endormirait
profondément et que j’aurais les coudées franches pour aller
me pianoter tout mon
saoul avec mes images.
Pour y passer un temps
infini si le cœur m’en disait. Et il m’en disait souvent.
J’étais
en train de le perdre,
Benoît. Il était passé
très largement au second plan. Et
bientôt, si je n’y prenais garde, il n’aurait plus, à mes yeux,
la moindre importance. Il me fallait réagir. Au plus vite. Et
réagir, c’était mettre hors d’état de nuire ce fantasme qui
m’avaient envahie. Comment ?
Il n’y avait pas trente-six solutions. En le réalisant. Mais alors
juste une fois. Une seule.
Et
quand, le surlendemain, à la machine à café, Ugo s’est penché à
mon oreille.
‒ Alors ?
Quand ?
‒ C’est
quand tu veux.
Il
n’a pas eu l’air le moins du monde surpris.
‒ Demain ?
‒ Demain.
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