lundi 17 février 2020

Les fessées d'Aurélie (2)



Source de l’illustration : Engin Akyurt sur Pixabay

Au bureau, il était là entre nous, ce rêve. En permanence. Si je croisais par hasard le regard d’Ugo, il me revenait aussitôt à l’esprit que je l’avais fait. Et ce qui s’en était suivi. Et je baissais les yeux. S’il m’adressait la parole, je devais prendre sur moi pour ne pas laisser paraître que j’étais troublée, que cette menace qu’il m’avait un jour lancée en l’air, en plaisantant, avait fait mouche et m’avait complètement déstabilisée.
Est-ce qu’il s’en rendait compte ? La plupart du temps, je me disais que non. J’espérais que non. Mais, parfois, j’étais convaincue du contraire.

Le pire, c’était que je le refaisais, ce rêve. Endormie, oui. Mais aussi, de plus en plus souvent, bien éveillée. Pas forcément sous sa forme initiale. Il y avait des variantes. Des aménagements. Mais je finissais toujours par me retrouver en travers de ses genoux, les fesses à l’air, pour une vigoureuse claquée qui me laissait pantelante, dégoulinante de mouille, avec l’irrépressible envie de me servir de mes doigts. Et, une fois que tout était retombé, coupable. Intensément coupable.

Et, évidemment, ça a fini par se reproduire. Un beau matin, mon ordinateur a une nouvelle fois planté. J’ai paniqué. Ah, non, non, pas question de faire appel à lui. C’était totalement exclu. Et je me suis efforcée de me débrouiller toute seule. J’ai ramé. Plus d’un quart d’heure durant. Jusqu’à ce que, de son poste de travail là-bas, il s’aperçoive de quelque chose, qu’il s’approche, vienne se pencher par-dessus mon épaule.
‒ Un problème ?
‒ Non, non. Tout va bien.
‒ Menteuse !
Et ses mains sont venues se substituer aux miennes.
‒ T’étais prévenue. Cette fois, tu vas pas y couper. Une bonne fessée. Cul nu.
En chuchotements, à l’oreille.
Je suis devenue écarlate. Mais je n’ai pas protesté. Je n’ai rien dit.

Et ça s’est installé entre nous. Ce n’était pas qu’il soit spécialement insistant, non. C’était juste que, de temps à autre, il procédait à une discrète piqûre de rappel.
‒ Tu n’oublies pas ? On est en dette tous les deux.
Ou bien.
‒ Ça y est ? T’as choisi une date ?
Je ne savais jamais quand ça allait survenir. Mais, chaque fois, je me sentais fondre. Chaque fois ça me mettait dans tous mes états. Et chaque fois j’attendais impatiemment le soir pour être avec lui. Pour lui offrir voluptueusement mon derrière à fesser.

C’était comme une drogue. Je ne vivais plus avec Benoît. Je ne vivais plus avec mon mari. Je vivais avec Ugo. Avec la main d’Ugo qui s’abattait imperturbablement, en imagination, sur mon fessier. Si Benoît me voulait, le soir, dans le lit, je ne disais pas non. Au contraire. Je le laissais prendre son plaisir en moi. Parce que je savais qu’aussitôt après il s’endormirait profondément et que j’aurais les coudées franches pour aller me pianoter tout mon saoul avec mes images. Pour y passer un temps infini si le cœur m’en disait. Et il m’en disait souvent.
J’étais en train de le perdre, Benoît. Il était passé très largement au second plan. Et bientôt, si je n’y prenais garde, il n’aurait plus, à mes yeux, la moindre importance. Il me fallait réagir. Au plus vite. Et réagir, c’était mettre hors d’état de nuire ce fantasme qui m’avaient envahie. Comment ? Il n’y avait pas trente-six solutions. En le réalisant. Mais alors juste une fois. Une seule.

Et quand, le surlendemain, à la machine à café, Ugo s’est penché à mon oreille.
‒ Alors ? Quand ?
‒ C’est quand tu veux.
Il n’a pas eu l’air le moins du monde surpris.
‒ Demain ?
‒ Demain.

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