samedi 30 mars 2019

Les fantasmes de Lucie (45)



Hier soir, Cordelia a absolument tenu à ce que je l’accompagne à un cours de gym dont elle ne cesse, depuis des semaines, de me vanter les mérites.
– Il est super au top le type qui s’en occupe.
Oui, bon, peut-être, mais moi, la gym…
– Et puis il y a pas que ça… Il y a aussi qu’après, quand t’as bien transpiré, une bonne douche, ça fait du bien. Et la douche, là-bas, elle est collective.
Avec son petit sourire espiègle.
– Alors tu peux jeter un œil sur les autres nanas, si tu veux.
Elle a enfoncé le clou.
– Non, et puis en plus, quand on est pas trop mal foutue, comme c’est notre cas, c’est pas désagréable de se laisser traîner les regards dessus.
Et j’y suis allée avec elle.

– Alors ? T’as vu ? Comment t’as trouvé ? T’as eu ton petit succès en attendant… Ben oui, forcément ! Une nouvelle. Fallait qu’elles se rendent compte. Et aux premières loges Louisa, évidemment ! Toujours la première sous la douche, Louisa, et toujours la dernière à en sortir. Tout le monde sait pourquoi. Ah, pour te reluquer, elle t’a reluquée, ça, on peut pas dire. Sous toutes les coutures. Tu t’es pas rendu compte ?
– Je me suis demandé à un moment, si !
– En tout cas, je peux te dire qu’elle t’a appréciée. Et tu peux être tranquille que tout-à-l’heure, quand elle sera dans son lit, tu vas y attraper quelque chose de rare.
– Si ça peut lui faire plaisir…
– Ça lui fera… Aucun doute là-dessus. Une autre qui t’a épluchée tant et plus, c’est Séverine. Mais pas pour les mêmes raisons. Séverine, elle, c’est la faille qu’elle cherche. Elle te fait une revue de détail pour la trouver. Et elle trouve toujours. Que t’as les seins trop ceci ou les fesses trop cela.
– Si ça peut la rassurer…
– Quant aux autres… Oh, mais tu verras par toi-même… T’apprendras à les connaître. Si tu reviens.
Tu reviendras ?
– Je reviendrai, oui.

Je reviens même tout de suite. Une fois dans mon lit. Je retourne là-bas. Elles vont sous la douche. Toutes. Pas moi. Elles sont sous la douche. Elles bavardent. Et me surveillent, du coin de l’œil, discrètement. Viendra ? Viendra pas ? Je traînasse, je farfouille dans mon sac. Je gagne du temps. Je simule des pudeurs que je n’éprouve pas. Il y a des chuchotements. Des rires à mi-voix.
Je finis par enlever le haut, les yeux baissés, comme malgré moi. Le bas, c’est seulement une fois sous la douche que je le retire. Il se fait brusquement silence. J’ai les fesses cramoisies d’une fessée toute neuve.
Je les abandonne à leur contemplation. Pour leur plus grand plaisir. Et le mien.

jeudi 28 mars 2019

Les fessées de Blanche (21)


Flamboyant n’est pas vraiment remis. Il a l’œil vitreux. Le poil terne.
– Vous ne trouvez pas, Sylvain ?
– Absolument pas, non ! Madame se fait des idées. Il se porte comme un charme.
Elle n’insiste pas. Elle monte en selle.
Il tranche.
– L’exercice lui fera, au contraire, le plus grand bien.

Et ils chevauchent. Sylvain égrène imperturbablement ses prétendus exploits guerriers. Elle ne l’écoute pas. Elle fixe le chemin. La cime des arbres. Un vol d’étourneaux.
Est-ce que c’est cela, sa vie ? Est-ce que ce sera toujours cela ? 
D’éternelles matinées cheminées sans but aux côtés de Sylvain. Au milieu de paysages qu’elle connaît par cœur. Sur des chemins mille et mille fois parcourus et reparcourus. Jusqu’à l’écœurement.
Des après-midis interminablement consumées à des riens. À des travaux d’aiguille qui l’ennuient à mourir. À d’insipides conversations avec des femmes de façade, de soi-disant amies, qui jouent à se faire croire qu’elles sont ce qu’elles ne sont pas. Et qu’elles ne seront jamais. À de rituelles sorties auxquelles elle ne prend pas le moindre plaisir.
Des soirées étirées, devant la cheminée, en compagnie de Pierre, qui, plongé dans son journal, ne lui adresse pas la parole ou qui, s’il le fait, se lance dans de grandes considérations politiques dont elle se soucie comme d’une guigne.
À l’entrée du sous-bois, une brusque envie de pleurer s’empare d’elle. Il vaudrait mieux mourir. Elle est déjà morte.
– Rentrons, Sylvain, J’ai un peu froid.
– Comme Madame voudra…
– Et puis il ne faut pas trop fatiguer Flamboyant.
Et ils font demi-tour.

Elle aperçoit son attelage de loin. Son cœur fait un bond dans sa poitrine. Le vétérinaire. Il est là. Elle se retient d’éperonner Flamboyant.
Il est là, devant l’écurie. Il sourit. Il lui tend la main, l’aide à descendre de cheval.
– Je suis passé le voir… Comment va-t-il ?
Sylvain s’éclipse discrètement.
– Oh, bien ! Bien ! Beaucoup mieux, on dirait.
Il lui flatte l’encolure, le palpe ici et là, lui examine la mâchoire.
– Oui. Ce ne sera bientôt plus qu’un très mauvais souvenir.
Il plante ses yeux dans les siens.
– Et pour moi un très bon.
Elle se trouble. Elle rougit. Elle cherche, autour d’elle, un hypothétique secours.
– J’aurai eu le bonheur de vous avoir rencontrée. Et admirée.
Il prend ses mains dans les siennes. Les deux. Il les porte à ses lèvres.
– Tu me rends fou !
Il les baise éperdument.
– Cessez !
Elle veut les lui retirer. Les lui arracher.
– Cessez ! Je vous en prie.
Mais elle les lui laisse. Elle les lui abandonne.
Il se fait pressant. Impérieux.
– J’ai envie de toi. Tellement !
Il l’attire contre lui. Il cherche ses lèvres.
Elle se dérobe.
– Pas ici ! Pas ici ! On pourrait nous voir. On pourrait nous surprendre.
– Où alors ?
– Viens !
Dans la grange.

lundi 25 mars 2019

Amélie


Carl Larrson, 1906. Model writing postcards.

Je sais, ma cousine, je sais. On s’était juré, au sortir du couvent, de s’écrire toutes les semaines. Sans faute. Et voilà près de deux mois que je manque honteusement à ma parole. À ma décharge, il faut dire que je suis emportée, ces derniers temps, dans un véritable tourbillon. Je t’explique… J’ai fait la connaissance d’un peintre. À une exposition. Il a littéralement fondu sur moi. J’étais le modèle de ses rêves. Il voulait faire mon portrait. Il y tenait absolument.

Je ne suis quand même pas née de la dernière pluie. Donc, j’ai commencé par me renseigner. Il était vraiment peintre. Et peintre d’un certain renom. Mais peintre de nu. Ah ! J’ai poussé plus avant mes investigations. Toutes celles qui avaient posé pour lui – toutes celles, en tout cas, que j’ai pu contacter – étaient unanimes : il était extrêmement correct, très professionnel. Aucune n’avait jamais eu quelque geste ou propos déplacé que ce soit à lui reprocher. Du coup, tu penses bien que j’ai fini par me laisser tenter. Qui ne l’aurait été à ma place ? Un artiste de talent me trouvait belle. Il souhaitait m’immortaliser, dans toute ma splendeur, à un âge où je rayonne de tous mes feux. J’aurais été complètement stupide de faire la fine bouche, non ?

Et donc, un beau matin, je me suis retrouvée chez lui dans le plus simple appareil. Tu te doutes que devoir me déshabiller d’emblée, intégralement, devant un parfait inconnu, n’a pas été pour moi chose facile. L’éducation que nous avons reçue au couvent, toi et moi, ne me prédisposait pas vraiment à me sentir à l’aise dans ce genre de situation. Je ne suis pas un modèle professionnel, moi !
Mais il considère tout cela avec un tel naturel que, très vite, je n’ai plus éprouvé la moindre gêne. On a enchaîné journée de travail sur journée de travail et, un mois plus tard, j’ai enfin été autorisée à contempler son œuvre. « Notre » œuvre, dans un sens. Une pure merveille, ce premier tableau ! Premier ? Oui, parce qu’il en est si satisfait qu’il a voulu aussitôt en entreprendre un second. Et c’est ainsi que, tandis que je t’écris, nue, à la petite table devant la fenêtre, il s’active à ses pinceaux. Et voilà la lettre que je suis en train de t’écrire fixée pour l’immortalité. Il n’a d’ailleurs pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. C’est dans toutes sortes d’occupations de la vie quotidienne, à ce qu’il dit, qu’il veut me « saisir ».

Il a même un autre projet me concernant dont il s’est ouvert un soir qu’il était particulièrement en verve. Tu sais ce qu’il envisage ? Je te le donne en mille. De me peindre le derrière tout rouge. Parfaitement, oui. Tu as bien lu. Cramoisi d’une bonne fessée. Sur le coup, je n’ai rien répondu. J’étais trop estomaqué. Et il n’a pas insisté. Mais tu imagines dans quel état d’esprit je pouvais être… C’était tout un tumulte à l’intérieur. Une fessée ! Tu sais ce que j’en pense ! On en a suffisamment parlé, toutes les deux, quand on ne dormait pas, là-bas, au couvent. Tu sais comment j’aspire, de toutes mes forces, à en recevoir une… Alors, c’est quand il veut. Tant qu’il veut.

Seulement, il n’en souffle plus mot, hélas ! Est-ce qu’il a mal interprété mon silence ? Est-ce qu’il l’a pris pour un refus ? Est-ce qu’il redoute de m’avoir scandalisée ? Ou bien est-ce, tout simplement, que c’est une idée qu’il a jetée en l’air, comme ça, sans avoir vraiment l’intention de lui donner suite ? Je ne peux tout de même pas lui poser la question. Je n’ai pas d’autre solution que d’attendre et de saisir la balle au bond s’il vient à en reparler. Ce que j’espère de tout mon cœur.

Voilà. Je te tiens au courant dès qu’il y a du nouveau. S’il y en a.
En attendant, parle-moi de toi, de ce que tu fais, de la vie à Beaubreuil. J’adore te lire.
Et… Ah, oui, j’allais oublier ! Pas un mot de tout cela ni à tes parents ni aux miens. J’ai une absolue confiance en toi.

Je t’embrasse.
AMÉLIE

(à suivre)

samedi 23 mars 2019

Les fantasmes de Lucie (44)


Peinture de Jules Lefebvre (1853)

Au Moyen-Âge, Lady Godiva, l’épouse de Léofric de Mercie, était scandalisée par la multitude des taxes qui pesaient sur la population du comté de Coventry. À plusieurs reprises, elle s’en était plainte à son mari qui, de guerre lasse, avait accepté de les supprimer si, en contrepartie, elle se résolvait à traverser la ville à cheval, vêtue en tout et pour tout de ses seuls cheveux blonds qu’elle avait fort beaux. Elle l’avait prise au mot et il avait tenu parole.
Légende ou réalité ? Une chose est sûre, en tout cas : les annales de la ville révèlent qu’à partir de 1057 l’impôt n’a plus été levé.

Moi, cette histoire me fascine. Je m’imagine bien, chevauchant nue, dans la fraîcheur du petit matin, par les rues désertées de la ville. Les habitants, par égard pour la dame qui prenait ainsi leur défense, s’étaient en effet, paraît-il, tous claquemurés chez eux.
Oui, enfin ça, j’y crois qu’à moitié. Qu’ils n’aient pas mis le nez dehors, puisque telle était la décision qui avait été prise d’un commun accord, soit ! À la rigueur. Mais je suis bien tranquille qu’ils étaient tous à l’affût derrière leurs volets. Les hommes comme les femmes. Même si leurs motivations étaient différentes.

De toute façon, quand je parcours leurs rues à cheval, je ne leur laisse pas le choix. Ils sont là. À telle fenêtre, il y a ce beau jeune homme, qui, chaque fois que je le croise, me jette des regards enflammés que je feins d’ignorer. À telle autre, il y a ce vieillard lubrique dont je réveille les dernières ardeurs. À telle autre encore, ce sont un mari et sa femme qui vont, aussitôt après mon passage, se jeter sur leur lit pour une cavalcade échevelée.
Partout, dans chaque maison, on m’épie. On se repaît de moi. On me désire. On m’admire.
Et je reviens. Je recommence. Sans jamais me lasser.

C’est aussi, quelquefois, aujourd’hui. Je demande une entrevue au maire. Je me scandalise du montant, toujours plus élevé, des taxes foncières. Il me laisse parler. Il sourit. Il n’arrête pas de sourire. Sans rien dire. Il m’agace. Ce qu’il peut m’agacer !
– Avez-vous entendu parler de Lady Godiva ?
Je sursaute.
– Oui, évidemment, mais…
– Eh bien, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Il se lève. L’entretien est terminé.

Non, mais il s’imagine quoi ? Que je vais me dégonfler ? Alors là, il me connaît mal. Vraiment très très mal.
Un cheval ? J’en trouverai un, de cheval. C’est pas un problème. Et j’établis mon itinéraire. Que je vais déposer en mairie, entre les mains de la secrétaire éberluée. Non, mais !

Arrive le grand jour. J’enfourche ma monture et j’entreprends mon périple. Lentement. Le plus lentement possible. Personne dans les rues. Des consignes ont été données. Mais on est aux fenêtres. Je sais qu’on est aux fenêtres. Avenue du général Leclerc quelqu’un, resté dans l’ombre, applaudit. Un autre, un peu plus loin, invisible lui aussi, lance un coup de sifflet strident dans ma direction. Juste après le Crédit Agricole, Pierre Legrand a le nez collé à la baie vitrée de sa salle de séjour. Sa femme vient brusquement le tirer en arrière. Ici et là, on savoure ma nudité. On s’en délecte. Il y a ceux que je débusque en train de m’observer, à l’affût, les yeux brillants de convoitise. Les Benoît Grandin… Les Kevin Rubanier… Les Julien Guizzi… Je pose sur eux un rapide regard apparemment indifférent. Je me détourne aussitôt. Et puis il y a les autres, tous les autres, plus discrets, plus effacés, mais tout aussi intensément rivés à moi. Et je… Mais qu’est-ce que je peux mouiller sur ce putain de cheval !
J’en serre les flancs. De toutes mes forces. Je ferme les yeux. Je m’accroche à la bride.

jeudi 21 mars 2019

Les fessées de Blanche (20)


Flamboyant est couché dans son box, prostré.
Elle s’effraie.
– Qu’est-ce qui est arrivé, Sylvain ? Qu’est-ce qu’il a ?
– Je n’en ai pas la moindre idée. Il est dans cet état depuis ce matin. Le vétérinaire devrait arriver d’un instant à l’autre.
Elle marche de long en large. Elle lui caresse l’encolure. Elle lui prodigue des encouragements.
– Ça va aller… Ça va aller…
Elle va. Elle vient.Sur le pas de la porte de l’écurie, elle scrute le chemin tout au bout, là-bas.
– Mais qu’est-ce qu’il fabrique ?

C’est un nouveau. Il est jeune. Il a les yeux verts. Il l’y enferme quelques instants. Et puis il va droit à Flamboyant.
Il retire sa veste. Il ausculte. Il palpe. Il hoche la tête.
– C’est grave ?
– Sans doute pas.
– Mais ce peut l’être ?
Il hausse les épaules. Il sourit.
– Je ne crois pas.
Il dresse une liste de remèdes.
– Vous allez les chercher, Sylvain ?
– Mais certainement, Madame…
Il prend la feuille. Il s’éloigne.
Le jeune vétérinaire range posément, méthodiquement, son matériel dans sa trousse. Lève les yeux sur elle.
– Ne vous inquiétez pas trop…
Elle soupire.
– Ce n’est pas chose aisée.
– Je repasserai dans l’après-midi voir si son état s’est amélioré.
– Oh, oui, oui ! S’il vous plaît… Je serai plus tranquille.
Elle le raccompagne jusqu’à son attelage. Elle lui tend la main.
Il la serre. Il la garde dans la sienne. Un peu plus qu’il ne faudrait.

Il est là, penché sur Flamboyant. Il a tenu parole.
– Il va mieux. Beaucoup mieux. Demain il n’y paraîtra plus du tout.
Elle lui sourit.
– Vous êtes un magicien.
– Oui, oh…
Elle l’assaille de questions. Pour le retenir. Pour qu’il ne parte pas. Pas tout de suite.
Est-ce qu’il faut qu’elle lui change son régime alimentaire ? Qu’elle le nourrisse moins ? Plus ? Et pour l’activité physique ? Qu’est-ce qu’il lui conseille tant qu’il n’est pas complètement remis ? Une heure ? Deux heures ?
Il prend tout son temps pour lui répondre. Il entre dans les détails, multiplie les précisions, se perd en de longues digressions.
Quand il se résout enfin à partir, il lui retient la main un peu plus longtemps encore. Elle ne cherche pas à la retirer.

– Mademoiselle trouve ce vétérinaire très à son goût.
– Mais pas du tout, enfin, Sylvain ! Qu’est-ce que vous allez chercher ?
Il relève la tête. Il sourit.
– Je connais Mademoiselle. Et je sens que je vais devoir, sans tarder, la rappeler à l’ordre.
Elle ne répond pas. Elle rougit. Elle se détourne.

lundi 18 mars 2019

La servante trompée (2)


– Si Madame savait…
– Quoi donc, Jeanne ?
– Comment Guillaume s’est montré passionné et empressé avec moi hier soir. Il faut dire aussi que je lui avais au préalable narré par le menu la façon dont j’en avais usé avec le postérieur de Madame. Ce qui l’a positivement enchanté et mis, à mon égard, dans les meilleures dispositions du monde. Oh, mais que Madame se rassure ! Elle n’est pas laissée pour compte pour autant. Bien au contraire. Il a hâte de voir, de ses propres yeux, ce qu’il en est. Et si Madame est libre cet après-midi…
– Mais, Jeanne…
– Si c’est par rapport à moi que Madame éprouve quelque hésitation, je puis la rassurer. Je ne suis pas exclusive et du moment que Guillaume me satisfait, il a tout loisir par ailleurs…
– Je sais bien, Jeanne, je sais bien. Seulement…
– Seulement Madame a des principes. Et une image d’elle-même à préserver. Aussi lui est-il difficile d’admettre qu’elle est prête à courir au mâle, toutes affaires cessantes, dès que l’occasion lui en est offerte.
– Je vous assure, Jeanne…
– Madame se pâme dans les bras de Guillaume. Ce dont on ne saurait lui faire reproche. C’est un amant hors pair et les performances de Monsieur dans ce domaine laissent certainement beaucoup à désirer. Alors que Madame fasse donc taire ses scrupules et qu’elle suive ses inclinations.
– Cet après-midi, dis-tu ?
– Là où Madame sait…
– J’y serai…
– Madame ne le regrettera pas. Elle sera comblée. Il ne nous reste plus dès lors qu’à la préparer. Et à raviver quelque peu les couleurs qui empanachent si joliment son fessier.
– Est-ce bien nécessaire ?
– C’est indispensable. Guillaume n’en sera que mieux disposé à l’égard de Madame si elle lui donne à contempler de superbes zébrures toutes neuves venues s’inscrire par-dessus les précédentes.
– C’est douloureux.
– Sans doute. Mais Madame en retirera dans ses bras un bénéfice incomparable. Il lui offrira un bonheur comme jamais. Et puis, par ailleurs, Madame n’est-elle pas quelque peu redevable à mon égard ? Je la laisse disposer de mon amant à son gré. J’entre dans ses intérêts. Je lui garde le secret. Cela mérite bien, me semble-t-il, quelques petites compensations. Et je dois bien reconnaître que j’éprouve à fustiger Madame…
– Trêve de discours, Jeanne ! Finissons-en ! Faites ! Faites !
– Alors que Madame veuille bien se dénuder la croupe…
– Vous ne cinglerez pas trop fort, Jeanne ?
– Et me la présenter.
– Pas trop fort. Vous me promettez ?
– Nous verrons. Prête ?
– Je suis prête, oui.

samedi 16 mars 2019

Les fantasmes de Lucie (43)


Dessin de Luc Lafnet

– Ce petit baron de Villemomble semble vous trouver très à son goût, ma chère…
– Me le reprocheriez-vous ?
– Certes non.
– Il se dit que c’est un excellent amant.
– Ce que vous êtes fort tentée d’aller vérifier par vous-même.
– On ne peut rien vous cacher.
– Eh bien faites, chère amie, faites !
– Vous viendrez nous surprendre ?
– Si tel est votre désir.
– Assurément !
– Dans ces conditions…

J’ai la chance inouïe d’avoir un mari compréhensif. Très compréhensif. Un mari dont je n’ai pas à redouter qu’il vienne se mettre en travers de mes penchants les plus secrets. Bien au contraire. Il s’en fait le complice et les sert chaque fois qu’il le peut. Avec délectation.

Je laisse donc, le soir même, pendant le bal, le marquis de Villemomble s’avancer à découvert. Je me montre froide, lointaine, indifférente. Sans vraiment le décourager tout-à-fait non plus.
Il insiste. Il cherche à briller de tous ses feux. Il fait la roue. Je garde mes distances. Il se fait pressant. De plus en plus pressant. Je me laisse un peu fléchir. Un peu plus.
Il s’engouffre dans la brèche. Il me chuchote son désir à l’oreille. Je feins de résister encore, mais je faiblis. Il s’enhardit. Il me désire. Il me veut. Comme jamais encore il n’a voulu personne, prétend-il.
Je m’abandonne. Je vais être à lui.

On gagne séparément, discrètement, un petit salon isolé, à l’étage. Il m’y presse contre lui, il prend mes lèvres. Son désir est tendu, vibrant, contre mon ventre. Il fait glisser ma robe. Il m’en dépouille. Je suis nue. Je passe un bras autour de son cou. Ses doigts se font conquérants. Pénétrants. Et puis sa queue. Qui m’emplit toute. Qui va et vient en moi. Qui s’y active. Qui s’y déverse. Qui me fait gémir, agrippée à lui.
– Vous ne nierez plus, cette fois, Madame !
Mon mari. Qui feint d’être furieux. Qui se jette sur moi.
Éberlué, tétanisé, le baron reste coi. Mon mari le repousse. Et l’ignore.
– Cocu ! Vous me faites cocu, Madame ! Vous me l’allez payer. Et sur le champ !
Il m’empoigne. Il me fait basculer sur son genou tendu. Et il me fesse. Vigoureusement. À toute volée. Les coups pleuvent. Crépitent. Sous les yeux ébahis de mon amant d’un soir. Je hurle. Je me débats. Je supplie. Il n’en tient pas le moindre compte.

Il me lâche enfin. Se tourne vers le baron.
– Sortez, Monsieur ! Sortez ! Hors de ma vue !
Il détale sans demander son reste.
Je me jette dans ses bras.
– Merci, mon ami, c’était parfait. Absolument parfait.
– Vous m’en voyez ravi.
– Et merci également d’avoir eu l’obligeance d’attendre, pour intervenir, que mon plaisir ait surgi.
– Vous allez me dédommager, je l’espère, de cette délicate attention.
– Sur-le-champ. Ici même. En vous donnant votre plaisir. Et en repartant, en votre compagnie, à la conquête du mien.

jeudi 14 mars 2019

Les fessées de Blanche (19)


Quand elle arrive, le matin, Flamboyant est prêt. Il ne lui reste plus qu’à se mettre en selle.
Et tout est exactement comme avant. Avant Gontran. Les chemins qu’ils empruntent, ils les ont parcourus des dizaines de fois. Des centaines de fois. Ce sont les mêmes prés, les mêmes carrefours, les mêmes sous-bois. Et Sylvain a les mêmes mots. Lui assène les mêmes récits. La guerre. Sedan. La Commune de Paris. Les morts. Les blessés. Les coups de feu.
Et c’est comme s’il n’y avait jamais rien eu. Comme si Gontran n’avait jamais existé. Ni… le reste.

Cela a pourtant eu lieu. Cela lui revient. Cela lui remonte. Par bouffées. Elle jette alors à Sylvain de discrets regards de côté. Il l’a fouettée. Il l’a vue nue. Il l’a vue jouir dans les bras de Gontran. Il l’a même fait jouir. À grands coups de cravache. Est-ce qu’il y pense de temps à autre ? Évidemment qu’il y pense. Comment pourrait-il en être autrement ? Et la honte l’anéantit.

L’après-midi, elle n’a plus la moindre raison de retourner là-bas. Elle n’y retourne pas.
Elle vaque, indifférente, à des occupations du quotidien. Elle brode. Elle coud. Elle s’ennuie. Comme elle s’ennuie !
Et cela la prend d’un coup. Elle fait atteler. Elle sort. Pour voir du monde. Pour s’étourdir.
Elle fait quelques emplettes. Parfois une rencontre. Elle prend le thé. Avec Anne Saintonge. Ou Émilie Desrouhais. Qui lui parlent, elles aussi, de la guerre. Qui va avoir lieu. Qui ne peut pas ne pas avoir lieu. Elles craignent. Pour leurs fils. Pour leurs maris. Pour leurs frères.
Et Pierre ? En cas de mobilisation générale, lui aussi il partira. Bien sûr qu’il partira. Elle n’y pense pas. Elle n’y veut pas penser. Le pire n’est jamais sûr. Et tout cela lui paraît si lointain, si irréel.

Elle rentre. Elle rentre et elle erre comme une âme en peine. Elle s’apitoie sur son sort. C’est quoi, son existence ? Des jours qui se succèdent les uns aux autres sans que jamais rien n’y survienne. De surprenant. D’exaltant. De vivant. Sa vie est morte. Et elle avec. Il lui prend des envies de pleurer.

Elle se réfugie dans sa chambre. Elle ne veut pas qu’on l’y dérange. Sous aucun prétexte.
Elle s’allonge sur son lit. Elle ferme les yeux. Quelqu’un s’approche. C’est Gontran. Pas Gontran, non. Elle ne veut pas. Elle ne veut plus. Il insiste. Elle le repousse. Il s’éloigne.
Un autre surgit. Qu’elle ne connaît pas. Il est jeune. Il est beau. Il lui sourit. Elle lui tend les bras. Elle lui tend les lèvres. Elle se réfugie contre lui. Elle s’y blottit. Ses baisers sont doux. Ses baisers sont passionnés. Il glisse une main dans son corsage. Elle la lui emprisonne.
– Il ne faut pas. Non. Il ne faut pas.
– Mais pourquoi ?
– Parce que…
Mais il a envie. Tellement ! Elle s’abandonne. Sa main est sur son sein. Elle le parcourt. Elle le redessine. Elle en fait dresser la pointe. C’est si bon ! C’est si doux ! C’est si ardent !
Elle va aussi en bas, sa main. Sous sa robe. Sous son jupon. Elle s’aventure. Elle découvre. Elle fouille.
Il y a son désir contre sa cuisse. Elle est dure. Gorgée de sève. Elle s’approche. Elle est tout près. Elle la fait attendre. Elle ne peut pas. Elle ne peut plus. Elle s’en empare. Elle l’enfouit en elle. Elle l’y enfonce. Oh, que c’est bon !
– Mademoiselle est incorrigible.
C’est Sylvain. La voix de Sylvain.
– Mais non !
– Mais si ! La queue ! Pour Madame plus rien d’autre ne compte désormais que la queue.
– Je ne vous permets pas.
Mais il n’écoute pas. Il n’écoute rien. Il brandit la cravache.
Elle se retourne. Elle lui offre ses fesses. Elle lui offre son cul.
– Tapez, Sylvain ! Tapez ! Ne me ménagez pas !
Il ne la ménage pas. Il cingle. Il fouette. À tour de bras.
Et elle jouit. Et elle mord furieusement l’oreiller pour étouffer ses cris.

lundi 11 mars 2019

La servante trompée


Dessin de Helga Bode

– Madame est satisfaite ?
– Satisfaite ? Et de quoi donc devrais-je être satisfaite, Jeanne ?
– Des services de Guillaume. Qui est un excellent amant. Non ? Madame ne trouve pas ?
– Qu’est-ce que vous racontez ? Vous perdez la tête, Jeanne.
– Faut dire que monté comme il est !
– Sortez ! Sortez immédiatement !
– Ah, ça, quand il pilonne, lui, on met pas trois jours à venir. Madame en sait quelque chose, à ce qu’il m’a dit. Même qu’elle criait comme une perdue. Qu’elle lui a griffé le dos. Et qu’elle l’a supplié de le lui renfiler, son truc. Trois fois.
– Écoutez, Jeanne…
– Madame compte aller y remettre le nez, j’imagine ? Oh, mais qu’elle se rassure ! Je suis partageuse. Et puis Guillaume trouve l’idée de se taper sa maîtresse extrêmement savoureuse. C’est un plaisir dont, vous en serez bien d’accord avec moi, il serait cruel d’envisager de le priver. Monsieur, lui, par contre, prendrait certainement fort mal d’apprendre que son épouse…
– Il ne la saura pas. Jurez-le moi, Jeanne ! Jurez-moi qu’il ne le saura pas.
– Cela ne dépend que de Madame…
– Que voulez-vous dire ?
– Que toute faute mérite châtiment. Et que celle que Madame a commise – et s’apprête à commettre à nouveau – est l’une des plus graves qui se puisse rencontrer. Alors un châtiment…
– Un châtiment !
– Un châtiment, oui. Et le plus approprié serait assurément une bonne correction administrée à Madame, à la badine, sur ses fesses dénudées.
– Vous n’y pensez pas !
– J’y pense d’autant plus qu’il me faut bien avouer que j’y prendrais incontestablement, pour ma part, j’en suis convaincue, un incomparable plaisir.
– C’est hors de question.
– Si je puis me permettre, il est dans l’intérêt de Madame de se montrer raisonnable.
– Pas à n’importe quel prix.
– Que Madame réfléchisse ! Je l’engage à réfléchir.

* *
*

– Vous êtes où, Jeanne ? Ah, vous êtes là ! Écoutez ! Est-ce qu’il ne serait pas possible de…
– Il n’est pas possible, non. Ou Madame se résout à accepter d’être punie ou tout-à-l’heure, dès le retour de Monsieur…
– C’est ignoble !
– Que Madame se décide ! Et rapidement.
– Je n’ai pas le choix.
– Vous ne l’avez guère, en effet !
– Que voulez-vous que je fasse ?
– Que vous vous installiez là, face au miroir. Vous y serez aux premières loges pour vous regarder grimacer sous les coups. Comme ça, oui. Vous êtes bien installée ? Alors on va vous mettre les fesses à l’air. Allons ! Allons ! Laissez-vous faire ! C’est juste un mauvais moment à passer. Et un très bon pour moi. Là ! Vous êtes prête ? Alors feu ! À volonté.
– C’est horrible, Jeanne ! Horrible !
– Madame n’a encore rien vu. Ce sont juste quelques premiers préliminaires.
– Pas si fort, Jeanne ! Pas si fort, je vous en supplie…
– Le cul de Madame commence déjà à s’orner de magnifiques rougeurs. Mais oui ! Piaulez, Madame, piaulez ! J’adore… Et remuez-le bien, votre popotin. Le spectacle que vous m’offrez là est absolument exquis et – dois-je vous l’avouer ? – me met singulièrement en appétit. Mais c’est quelque chose dont Guillaume, que je vais m’empresser d’aller retrouver dès que j’en aurai terminé avec vous, saura tirer le meilleur des partis. Pour son plaisir et pour le mien.
– Par pitié, Jeanne !
– Que Madame prenne patience ! On va tirer un joli petit bouquet final et c’en sera fini. Pour cette fois…

samedi 9 mars 2019

Les fantasmes de Lucie (42)


Dessin de Georges Topfer.

Quand elle faisait ses études, au couvent…
– Ben oui, qu’est-ce tu veux ! Personne n’est parfait…
Cordelia avait pour voisine, au dortoir, une Virginie Pontieux de La Harpe.
– Et alors là, je peux te dire… Aristo jusqu’au bout des ongles. Qu’elle en était puante.
– Et pourquoi tu me parles d’elle ?
– Parce qu’elle a des nostalgies, qu’elle m’a contactée, qu’elle voudrait évoquer le bon vieux temps avec moi et que j’ai pas envie d’y aller toute seule.
– C’est gentil de penser à moi pour les corvées…
– À mon avis, on va plutôt bien rigoler.

Et nous voilà parties.
C’était un château. Un petit château, mais un château quand même. Le genre qui fait tout pour avoir l’air, mais qui y arrive pas. Quant à la Virginie Pontieux de machin-chose, elle croyait manifestement de bon ton de se comporter comme elle s’imaginait que le faisaient les grandes dames du XVIIIème siècle.
Mais la cerise sur le gâteau, c’était quand même sa fille Clarisse, une gamine de vingt ans qui prenait tout le monde de haut et affichait un souverain mépris pour tout ce qui n’était pas sa petite personne. Le genre d’egocentrée insupportable à l’égard duquel j’avoue éprouver néanmoins une certaine fascination. Pour des raisons que je connais trop bien.

Ce fut quand, en servant le thé, Mélanie, la domestique, en fit tomber quelques gouttes sur sa robe que cette Clarisse se mit à briller de tous ses feux.
– Vous ne pouvez pas faire attention, espèce de buse !
– Je suis désolée, Mademoiselle.
Et tandis que la pauvre femme, mortifiée, continuait vaille que vaille son service, elle y est allée, en sa présence, de son petit commentaire.
– On ne peut plus, malheureusement, punir aujourd’hui ses serviteurs comme ils le méritent. Une bonne fouettée lui aurait remis les idées en place. Parce qu’elle en prend vraiment très à son aise depuis quelque temps. Vous ne trouvez pas, mère ?
La mère trouvait. Si ! Oui. Mais hésitait à la remplacer.
– En prendre une autre ? On serait face aux mêmes problèmes. À la même incompétence. Et sans doute en pire.


Le soir, au retour, dans mon lit, c’est moi la servante. Qui renverse du thé sur la robe de la péronnelle.
Elle se lève d’un bond, furieuse.
– Vous ne pouvez pas faire attention, non ?
Je baisse la tête, coupable.
– Je vous prie de bien vouloir m’excuser, Mademoiselle !
– Des excuses ! C’est facile, des excuses. J’en ai assez, figurez-vous ! Plus qu’assez. Vous faites tout en dépit du bon sens.
Sa mère approuve.
– Clarisse a raison. Vous n’êtes pas, ces derniers temps, à ce que vous faites.
– J’en demande pardon à Madame.
J’hésite, mais je m’y résous malgré tout.
– Et à Mademoiselle.
Elle ricane.
– Parce que vous comptez vous en sortir comme ça ?
– Je…
– Sûrement pas, non. Venez !
J’obéis. Je la suis.
– Vous l’avez amplement mérité. Vous allez être punie. Agenouillez-vous là !
Sur une chaise, devant la porte du cellier.
– Mademoiselle…
– Et on se dépêche. On perd pas de temps. J’ai pas que ça à faire. Allez ! Allez !
Je m’exécute de mauvaise grâce.
– Déculottez-vous !
– Hein ? Mais…
– Vous m’agacez ! Vous arrêtez de discuter et vous vous déculottez.
J’obéis, la mort dans l’âme.
– Là ! Parfait ! Et maintenant une bonne petite correction, largement méritée, pour faire circuler le sang.
Elle fait claquer le fouet en l’air. Deux fois. Trois fois. Je me crispe, dans l’attente du premier coup.
Elle rit.
– Oh, et puis non. Non. Pas tout de suite. Tout à l’heure… Ce soir… Vous allez rester comme ça, en attendant, les fesses à l’air. Vous êtes très bien comme ça.
– Mais…
– Mais quoi ? Il va passer du monde ? Bien sûr qu’il va passer du monde ! La cuisinière. Le chauffeur. Le jardinier. D’autres encore. Et alors ? C’est un spectacle qu’ils apprécieront, j’en suis sûre, à sa juste valeur et qui leur donnera très certainement l’envie d’assister à la magistrale fouettée qui ponctuera cette journée. Pour leur plus grand plaisir. Et pour le mien…

jeudi 7 mars 2019

Les fessées de Blanche (18)


Le beau temps aidant, on se presse en foule autour des bacs.
L’abbé Maurel se démène comme un beau diable.
Il se frotte les mains. Il les joint.
– C’est un succès ! Un véritable succès. Qui va nous permettre de porter secours à nos déshérités.

Elle, elle sourit. Elle emballe. Elle tend. Elle sourit encore. Elle encaisse.
Ses fesses lui font mal. Une douleur sourde. Pénétrante. Continue. Mais qui, tout compte fait, n’est pas vraiment désagréable. Qui s’avère même, par moments, – allons, ne te voile pas une fois de plus la face – particulièrement agréable.

Il y a des femmes. Qui vont. Qui viennent. Beaucoup de femmes. Surtout des femmes. Qu’elle connaît, pour la plupart. Qui la saluent. Avec lesquelles elle échange quelques mots. Des femmes qui ignorent que son cocher la fouette, qu’elle en porte les marques, profondément ancrées, et qu’elle jouit éperdument sous ses coups. Des femmes qui sont à cent mille lieues de se douter. Et elle en éprouve une intense jubilation.

– Je suis moulue, mon ami. Ce bruit… Cette chaleur… Dînez sans moi !
Et elle regagne sa chambre.
Elle se dévêt, se jette, au passage, un regard dans la glace. Les marques sont toujours là. En longues traînées parallèles. Violacées. Boursouflées.
Elle soupire. Elle sourit. Elle les parcourt, du bout du doigt.

Et puis, elle s’étend. Elle glisse ses mains sous ses fesses, s’endort.
Et les femmes sont à nouveau là. Avec elle. Devant elle. Sous le soleil. Anne Saintonge. Claire Delalande. Émilie Deshouraies. D’autres encore. Beaucoup d’autres.
– C’est un scandale !
Elle a surgi d’un coup. Alice Maurepas, la mère de Gontran.
– Un scandale, oui ! Cette traînée a couché avec mon fils.
Le silence. Tous les regards convergent vers elle. Réprobateurs. Haineux. Le silence s’éternise. Un silence qu’elles finissent par rompre. Toutes en même temps.
– Avec un gamin. Vous n’avez pas honte ?
– Oh, mais avec elle, on peut s’attendre à tout.
– Dévergondée !
– Catin !
Une gifle part. Une autre.
Elle s’efforce, tant bien que mal, de se protéger le visage de son bras replié.
Anne Saintonge suggère.
– On devrait la fouetter.
Les autres font chorus.
– Oh, oui ! Oui. Que ça lui en fasse passer l’envie. Une bonne fois pour toutes.
Et il y a leurs mains sur elle. Des dizaines de mains. Qui la dépouillent de ses vêtements. Qui les lui arrachent.
Elle est nue. Entièrement nue. Sous les yeux des hommes. Qui ne bougent pas. Qui ne la défendent pas. Qui regardent.
Quelqu’un constate.
– Il y a son cocher, là-bas.
On l’appelle. On la fait mettre à genoux. On la maintient solidement. On pèse, de chaque côté, sur ses épaules.
Et Sylvain cingle.

Le cri qu’elle pousse la réveille en sursaut. Elle est en nage.
Et c’est trempé entre ses cuisses.

lundi 4 mars 2019

Entre voisines.


Dessin de Louis Malteste.

Louise a bien fait un peu semblant d’hésiter. Pour la forme.
– On peut pas faire une chose pareille, enfin, Lionel !
Mais elle a tout de même fini par se laisser fléchir.
– Bon, mais alors tu ne sors pas de ta cachette, hein, tu me promets ! Tu me jures qu’elles se rendront pas compte que t’es là…
– Mais oui !
– Sûr ?
– Mais oui, j’te dis !

Et elle est allée les appeler, dans la cage d’escalier.
– Marthe ! Alice !
Elles ont presque aussitôt surgi et sont allées, d’emblée, s’accouder à la fenêtre.
– Un logement qui donne sur la rue ! Quelle chance tu as ! Tu peux te distraire au moins…
– Oui, parce que nous, derrière, c’est vue sur la cour. Et, au-delà, sur des terrains vagues. C’est d’un ennui !
Elles se sont absorbées dans leur contemplation.
Et moi dans la mienne. Avec ravissement. Parce que la mode des jupes-culottes… Surtout quand elles sont en tissu léger, qu’elles épousent les formes au plus près et que celles qui les portent n’ont pas pris la peine – ou le temps – de revêtir quelque chose dessous… Une aubaine… Un véritable régal…

– Pas mal, celui-là !
– Où donc ?
– À droite, là-bas !
– Ah, oui, oui !
– Et le petit jeune, là !
– Je suis sûre qu’il est monté comme un taureau…
– Marthe !
– Ben, quoi !
– Faudrait pouvoir aller vérifier.
– Ne rêvons pas !
– Ben si, justement, rêvons !
– En tout cas, moi, si un jour je devais tromper Albert…
– Tromper Albert ! Mais tu n’y penses pas, Marthe, enfin !
– Non. Enfin, si ! Quelquefois. Ça vous arrive jamais à vous ?
– Jamais ! Et toi, Louise ?
– Moi non plus.
– Tu sais que c’est très vilain d’avoir des pensées comme ça ?
– Elle a raison. Tu mériterais…
– Quoi ?
– Une bonne fessée.
– Qu’on va te donner.
Et elles se sont mises à lui lancer, comme par jeu, de petites claques sur les fesses.
Elle a tenté de leur échapper en riant. Elles l’ont rattrapée. Alice l’a maintenue. Et Louise a continué à taper. De bon cœur. Avec conviction. De plus en plus de conviction. De grandes claques sonores qui tombaient de haut, qui tombaient dru. De plus en plus rapprochées.
Marthe ne disait rien, ne protestait pas. Elle n’a pas crié. Pas une seule fois. Même pas gémi.

* *
*

Louise les a raccompagnées sur le pas de la porte.
– À bientôt !
Je suis sorti de ma cachette.
– Eh ben dis donc ! C’était prémédité ?
– Pas du tout, non.
– Elle aime être corrigée ?
– Je sais pas. J’ai pas réussi à savoir. Peut-être que oui. Et puis peut-être que non. Qu’elle estimait qu’elle méritait d’être punie. Parce qu’elle rêve très fort de tromper son mari justement. Ou parce qu’elle l’a vraiment fait.
– Toi, en tout cas, tu as apprécié de la fesser. Comment ils brillent tes yeux !
J’ai glissé une main dans sa jupe-culotte.
– Et t’es trempée.
Elle a jeté ses bras autour de mon cou, pressé ses seins contre moi, chuchoté…
– La prochaine fois, je la déculotterai.
Et elle s’est abandonnée.

samedi 2 mars 2019

Les fantasmes de Lucie (41)


Dessin de Léon Roze

On n’a pas pu y échapper. Une réunion avec tous les dirigeants des succursales du groupe. Il y avait de tout. Des Estoniens. Des Finlandais. Des Russes. Des Espagnols. Des Allemands. Des Japonais. Vraiment de tout. Et on s’est tapé des heures et des heures de discours insipides sans le moindre intérêt. Après quoi repas interminable et bal. On a bien essayé de se défiler, Cordelia et moi, mais il n’y a pas eu moyen. Et j’en ai été quitte pour danser, de longs quarts d’heure durant, avec un Allemand d’une soixantaine d’années qui avait jeté son dévolu sur moi. Beaucoup plus pour parler d’ailleurs que pour quoi que ce soit d’autre. Et pour parler… de son arrière grand-père. Qui était cuirassier dans l’armée prussienne. J’ai donc eu droit à dix mille récits de batailles, de charges de cavalerie, de glorieux exploits dont il se vantait comme s’il s’était agi des siens. Je l’écoutais d’une oreille, je le gratifiais, de temps à autre, d’un oui de politesse quand j’ai brusquement réalisé qu’il était question de cravache s’abattant sur un postérieur contraint d’en subir docilement la morsure.
Eh, mais c’est que ça devenait intéressant !
– C’était une punition courante, dans l’armée prussienne, à l’époque. Et je peux vous dire qu’elle s’avérait efficace. Elle était si sévèrement appliquée qu’on marchait droit pour ne pas s’y trouver exposé. Mon aïeul a eu, lui aussi, à subir les cinglées de la cravache. Une fois. Une seule fois. Il n’a jamais voulu dire pourquoi. Ce qu’il admettait, par contre, c’est que c’était amplement mérité.
Ce que racontait également son aïeul, c’est qu’une espionne, prise sur le fait, avait, elle aussi, été fouettée devant tout le régiment. Je me suis efforcée, sans trop insister, d’obtenir des détails qu’il ne m’a malheureusement pas fournis. Soit qu’il n’en ait pas eu connaissance ou soit, plus vraisemblablement, qu’il ait estimé qu’il n’était pas convenable de les évoquer devant une « dame ».

Mais moi, une fois rentrée, une fois couchée, je ne me fais pas faute de les évoquer ces détails. Ah, non, alors !
C’est moi l’espionne. Et c’est au secrétariat du régiment que je travaille. Je reçois de nombreuses dépêches de « là-haut ». À moi de juger de leur importance. Et d’en réaliser, le cas échéant, une copie aussi rapide et discrète que possible. Que je vais dissimuler, dans une cache secrète, à l’orée de la forêt, où d’autres agents viennent la récupérer.

Ça a lieu un soir, pendant le bal que donne le commandant dans la grande salle des fêtes.
Un officier s’approche de moi, s’incline. Persuadée qu’il vient m’inviter à danser, je me lève, tout sourire.
– Veuillez me suivre. Sans faire d’histoires.
– Mais qu’est-ce que… ?
Il ne répond pas.
Au-dehors quatre soldats s’emparent de moi sans ménagement. Me lient les poignets.
– Mais enfin qu’est-ce qu’on me veut ? Qu’est-ce qu’on me reproche ?
Le gradé consent enfin à m’adresser la parole.
– Haute trahison. Ton compte est bon, ma petite.
On me ramène à la caserne manu militari. On me jette au fin fond d’une cellule sombre et humide.
Avec une gamelle d’eau et un quignon de pain.

Le lendemain, dès le lever du jour, on vient m’y quérir. J’ai toujours ma robe de bal. On me mène aux écuries. Les huées d’une cinquantaine de cuirassiers m’y accueillent.
– Traîtresse !
– Vendue !
– Conseil de guerre ! Conseil de guerre !
Le commandant les fait taire.
– Cela viendra, mais en attendant, une bonne fouettée s’impose.
On approuve bruyamment.
– Oui ! Oui ! Et qu’on ne la ménage pas !
Je ne cherche pas à fuir. Je ne proteste pas. Je sais que c’est parfaitement inutile.
On me lie les poignets à un poteau. On relève ma robe. Ma culotte me tombe sur les chevilles. Mon jupon reste le dernier rempart à ma pudeur. Je supplie qu’on me le laisse. Mais non. Non. On le relève aussi. J’ai les fesses nues. Exposées à la vue de tous.
On rit.
Quelques-uns applaudissent.
J’ai honte. J’ai tellement honte.
Et c’est alors que mon plaisir surgit. Une première fois.
Le commandant hurle.
– Trente coups !
On n’ira pas jusqu’au bout.
Une vague de jouissance me submerge bien avant et m’abandonne, épuisée, au creux de mes draps trempés.