Dessin
de Georges Topfer.
Quand
elle faisait ses études, au couvent…
– Ben
oui, qu’est-ce tu veux ! Personne n’est parfait…
Cordelia
avait pour voisine, au dortoir, une Virginie Pontieux de La Harpe.
– Et
alors là, je peux te dire… Aristo jusqu’au bout des ongles.
Qu’elle en était puante.
– Et
pourquoi tu me parles d’elle ?
– Parce
qu’elle a des nostalgies, qu’elle m’a contactée, qu’elle
voudrait évoquer le bon vieux temps avec moi et que j’ai pas envie
d’y aller toute seule.
– C’est
gentil de penser à moi pour les corvées…
– À
mon avis, on va plutôt bien rigoler.
Et
nous voilà parties.
C’était
un château. Un petit château, mais un château quand même. Le
genre qui fait tout pour avoir l’air, mais qui y arrive pas. Quant
à la Virginie Pontieux de machin-chose, elle croyait manifestement
de bon ton de se comporter comme elle s’imaginait que le faisaient
les grandes dames du XVIIIème siècle.
Mais
la cerise sur le gâteau, c’était quand même sa fille Clarisse,
une gamine de vingt ans qui prenait tout le monde de haut et
affichait un souverain mépris pour tout ce qui n’était pas sa
petite personne. Le genre d’egocentrée insupportable à l’égard
duquel j’avoue éprouver néanmoins une certaine fascination. Pour
des raisons que je connais trop bien.
Ce
fut quand, en servant le thé, Mélanie, la domestique, en fit tomber
quelques gouttes sur sa robe que cette Clarisse se mit à briller de
tous ses feux.
– Vous
ne pouvez pas faire attention, espèce de buse !
– Je
suis désolée, Mademoiselle.
Et
tandis que la pauvre femme, mortifiée, continuait vaille que vaille
son service, elle y est allée, en sa présence, de son petit
commentaire.
– On
ne peut plus, malheureusement, punir aujourd’hui ses serviteurs
comme ils le méritent. Une bonne fouettée lui aurait remis les
idées en place. Parce qu’elle en prend vraiment très à son aise
depuis quelque temps. Vous ne trouvez pas, mère ?
La
mère trouvait. Si ! Oui. Mais hésitait à la remplacer.
– En
prendre une autre ? On serait face aux mêmes problèmes. À la
même incompétence. Et sans doute en pire.
Le
soir, au retour, dans mon lit, c’est moi la servante. Qui renverse
du thé sur la robe de la péronnelle.
Elle
se lève d’un bond, furieuse.
– Vous
ne pouvez pas faire attention, non ?
Je
baisse la tête, coupable.
– Je
vous prie de bien vouloir m’excuser, Mademoiselle !
– Des
excuses ! C’est facile, des excuses. J’en ai assez,
figurez-vous ! Plus qu’assez. Vous faites tout en dépit du
bon sens.
Sa
mère approuve.
– Clarisse
a raison. Vous n’êtes pas, ces derniers temps, à ce que vous
faites.
– J’en
demande pardon à Madame.
J’hésite,
mais je m’y résous malgré tout.
– Et
à Mademoiselle.
Elle
ricane.
– Parce
que vous comptez vous en sortir comme ça ?
– Je…
– Sûrement
pas, non. Venez !
J’obéis.
Je la suis.
– Vous
l’avez amplement mérité. Vous allez être punie. Agenouillez-vous
là !
Sur
une chaise, devant la porte du cellier.
– Mademoiselle…
– Et
on se dépêche. On perd pas de temps. J’ai pas que ça à faire.
Allez ! Allez !
Je
m’exécute de mauvaise grâce.
– Déculottez-vous !
– Hein ?
Mais…
– Vous
m’agacez ! Vous arrêtez de discuter et vous vous déculottez.
J’obéis,
la mort dans l’âme.
– Là !
Parfait ! Et maintenant une bonne petite correction, largement
méritée, pour faire circuler le sang.
Elle
fait claquer le fouet en l’air. Deux fois. Trois fois. Je me
crispe, dans l’attente du premier coup.
Elle
rit.
– Oh,
et puis non. Non. Pas tout de suite. Tout à l’heure… Ce soir…
Vous allez rester comme ça, en attendant, les fesses à l’air.
Vous êtes très bien comme ça.
– Mais…
– Mais
quoi ? Il va passer du monde ? Bien sûr qu’il va passer
du monde ! La cuisinière. Le chauffeur. Le jardinier. D’autres
encore. Et alors ? C’est un spectacle qu’ils apprécieront,
j’en suis sûre, à sa juste valeur et qui leur donnera très
certainement l’envie d’assister à la magistrale fouettée qui
ponctuera cette journée. Pour leur plus grand plaisir. Et pour le
mien…
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