Flamboyant n’est pas vraiment remis. Il a l’œil vitreux. Le poil
terne.
– Vous
ne trouvez pas, Sylvain ?
– Absolument
pas, non ! Madame se fait des idées. Il se porte comme un
charme.
Elle
n’insiste pas. Elle monte en selle.
Il
tranche.
– L’exercice
lui fera, au contraire, le plus grand bien.
Et
ils chevauchent. Sylvain égrène imperturbablement ses prétendus
exploits guerriers. Elle ne l’écoute pas. Elle fixe le chemin. La
cime des arbres. Un vol d’étourneaux.
Est-ce
que c’est cela, sa vie ? Est-ce que ce sera toujours cela ?
D’éternelles
matinées cheminées sans but aux côtés de Sylvain. Au milieu de
paysages qu’elle connaît par cœur. Sur des chemins mille et mille
fois parcourus et reparcourus. Jusqu’à l’écœurement.
Des
après-midis interminablement consumées à des riens. À des travaux
d’aiguille qui l’ennuient à mourir. À d’insipides
conversations avec des femmes de façade, de soi-disant amies, qui
jouent à se faire croire qu’elles sont ce qu’elles ne sont pas.
Et qu’elles ne seront jamais. À de rituelles sorties auxquelles
elle ne prend pas le moindre plaisir.
Des
soirées étirées, devant la cheminée, en compagnie de Pierre, qui,
plongé dans son journal, ne lui adresse pas la parole ou qui, s’il
le fait, se lance dans de grandes considérations politiques dont
elle se soucie comme d’une guigne.
À
l’entrée du sous-bois, une brusque envie de pleurer s’empare
d’elle. Il vaudrait mieux mourir. Elle est déjà morte.
– Rentrons,
Sylvain, J’ai un peu froid.
– Comme
Madame voudra…
– Et
puis il ne faut pas trop fatiguer Flamboyant.
Et
ils font demi-tour.
Elle
aperçoit son attelage de loin. Son cœur fait un bond dans sa
poitrine. Le vétérinaire. Il est là. Elle se retient d’éperonner
Flamboyant.
Il
est là, devant l’écurie. Il sourit. Il lui tend la main, l’aide
à descendre de cheval.
– Je
suis passé le voir… Comment va-t-il ?
Sylvain
s’éclipse discrètement.
– Oh,
bien ! Bien ! Beaucoup mieux, on dirait.
Il
lui flatte l’encolure, le palpe ici et là, lui examine la
mâchoire.
– Oui.
Ce ne sera bientôt plus qu’un très mauvais souvenir.
Il
plante ses yeux dans les siens.
– Et
pour moi un très bon.
Elle
se trouble. Elle rougit. Elle cherche, autour d’elle, un
hypothétique secours.
– J’aurai
eu le bonheur de vous avoir rencontrée. Et admirée.
Il
prend ses mains dans les siennes. Les deux. Il les porte à ses
lèvres.
– Tu
me rends fou !
Il
les baise éperdument.
– Cessez !
Elle
veut les lui retirer. Les lui arracher.
– Cessez !
Je vous en prie.
Mais
elle les lui laisse. Elle les lui abandonne.
Il
se fait pressant. Impérieux.
– J’ai
envie de toi. Tellement !
Il
l’attire contre lui. Il cherche ses lèvres.
Elle
se dérobe.
– Pas
ici ! Pas ici ! On pourrait nous voir. On pourrait nous
surprendre.
– Où
alors ?
– Viens !
Dans
la grange.
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