Quand
elle arrive, le matin, Flamboyant est prêt. Il ne lui reste plus
qu’à se mettre en selle.
Et
tout est exactement comme avant. Avant Gontran. Les chemins qu’ils
empruntent, ils les ont parcourus des dizaines de fois. Des centaines
de fois. Ce sont les mêmes prés, les mêmes carrefours, les mêmes
sous-bois. Et Sylvain a les mêmes mots. Lui assène les mêmes
récits. La guerre. Sedan. La Commune de Paris. Les morts. Les
blessés. Les coups de feu.
Et
c’est comme s’il n’y avait jamais rien eu. Comme si Gontran
n’avait jamais existé. Ni… le reste.
Cela
a pourtant eu lieu. Cela lui revient. Cela lui remonte. Par bouffées.
Elle jette alors à Sylvain de discrets regards de côté. Il l’a
fouettée. Il l’a vue nue. Il l’a vue jouir dans les bras de
Gontran. Il l’a même fait jouir. À grands coups de cravache.
Est-ce qu’il y pense de temps à autre ? Évidemment qu’il y
pense. Comment pourrait-il en être autrement ? Et la honte
l’anéantit.
L’après-midi,
elle n’a plus la moindre raison de retourner là-bas. Elle n’y
retourne pas.
Elle
vaque, indifférente, à des occupations du quotidien. Elle brode.
Elle coud. Elle s’ennuie. Comme elle s’ennuie !
Et
cela la prend d’un coup. Elle fait atteler. Elle sort. Pour voir du
monde. Pour s’étourdir.
Elle
fait quelques emplettes. Parfois une rencontre. Elle prend le thé.
Avec Anne Saintonge. Ou Émilie Desrouhais. Qui lui parlent, elles
aussi, de la guerre. Qui va avoir lieu. Qui ne peut pas ne pas avoir
lieu. Elles craignent. Pour leurs fils. Pour leurs maris. Pour leurs
frères.
Et
Pierre ? En cas de mobilisation générale, lui aussi il
partira. Bien sûr qu’il partira. Elle n’y pense pas. Elle n’y
veut pas penser. Le pire n’est jamais sûr. Et tout cela lui paraît
si lointain, si irréel.
Elle
rentre. Elle rentre et elle erre comme une âme en peine. Elle
s’apitoie sur son sort. C’est quoi, son existence ? Des
jours qui se succèdent les uns aux autres sans que jamais rien n’y
survienne. De surprenant. D’exaltant. De vivant. Sa vie est morte.
Et elle avec. Il lui prend des envies de pleurer.
Elle
se réfugie dans sa chambre. Elle ne veut pas qu’on l’y dérange.
Sous aucun prétexte.
Elle
s’allonge sur son lit. Elle ferme les yeux. Quelqu’un s’approche.
C’est Gontran. Pas Gontran, non. Elle ne veut pas. Elle ne veut
plus. Il insiste. Elle le repousse. Il s’éloigne.
Un
autre surgit. Qu’elle ne connaît pas. Il est jeune. Il est beau.
Il lui sourit. Elle lui tend les bras. Elle lui tend les lèvres.
Elle se réfugie contre lui. Elle s’y blottit. Ses baisers sont
doux. Ses baisers sont passionnés. Il glisse une main dans son
corsage. Elle la lui emprisonne.
– Il
ne faut pas. Non. Il ne faut pas.
– Mais
pourquoi ?
– Parce
que…
Mais
il a envie. Tellement ! Elle s’abandonne. Sa main est sur son
sein. Elle le parcourt. Elle le redessine. Elle en fait dresser la
pointe. C’est si bon ! C’est si doux ! C’est si
ardent !
Elle
va aussi en bas, sa main. Sous sa robe. Sous son jupon. Elle
s’aventure. Elle découvre. Elle fouille.
Il y
a son désir contre sa cuisse. Elle est dure. Gorgée de sève. Elle
s’approche. Elle est tout près. Elle la fait attendre. Elle ne
peut pas. Elle ne peut plus. Elle s’en empare. Elle l’enfouit en
elle. Elle l’y enfonce. Oh, que c’est bon !
– Mademoiselle
est incorrigible.
C’est
Sylvain. La voix de Sylvain.
– Mais
non !
– Mais
si ! La queue ! Pour Madame plus rien d’autre ne compte
désormais que la queue.
– Je
ne vous permets pas.
Mais
il n’écoute pas. Il n’écoute rien. Il brandit la cravache.
Elle
se retourne. Elle lui offre ses fesses. Elle lui offre son cul.
– Tapez,
Sylvain ! Tapez ! Ne me ménagez pas !
Il
ne la ménage pas. Il cingle. Il fouette. À tour de bras.
Et
elle jouit. Et elle mord furieusement l’oreiller pour étouffer ses
cris.
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