jeudi 14 mars 2019

Les fessées de Blanche (19)


Quand elle arrive, le matin, Flamboyant est prêt. Il ne lui reste plus qu’à se mettre en selle.
Et tout est exactement comme avant. Avant Gontran. Les chemins qu’ils empruntent, ils les ont parcourus des dizaines de fois. Des centaines de fois. Ce sont les mêmes prés, les mêmes carrefours, les mêmes sous-bois. Et Sylvain a les mêmes mots. Lui assène les mêmes récits. La guerre. Sedan. La Commune de Paris. Les morts. Les blessés. Les coups de feu.
Et c’est comme s’il n’y avait jamais rien eu. Comme si Gontran n’avait jamais existé. Ni… le reste.

Cela a pourtant eu lieu. Cela lui revient. Cela lui remonte. Par bouffées. Elle jette alors à Sylvain de discrets regards de côté. Il l’a fouettée. Il l’a vue nue. Il l’a vue jouir dans les bras de Gontran. Il l’a même fait jouir. À grands coups de cravache. Est-ce qu’il y pense de temps à autre ? Évidemment qu’il y pense. Comment pourrait-il en être autrement ? Et la honte l’anéantit.

L’après-midi, elle n’a plus la moindre raison de retourner là-bas. Elle n’y retourne pas.
Elle vaque, indifférente, à des occupations du quotidien. Elle brode. Elle coud. Elle s’ennuie. Comme elle s’ennuie !
Et cela la prend d’un coup. Elle fait atteler. Elle sort. Pour voir du monde. Pour s’étourdir.
Elle fait quelques emplettes. Parfois une rencontre. Elle prend le thé. Avec Anne Saintonge. Ou Émilie Desrouhais. Qui lui parlent, elles aussi, de la guerre. Qui va avoir lieu. Qui ne peut pas ne pas avoir lieu. Elles craignent. Pour leurs fils. Pour leurs maris. Pour leurs frères.
Et Pierre ? En cas de mobilisation générale, lui aussi il partira. Bien sûr qu’il partira. Elle n’y pense pas. Elle n’y veut pas penser. Le pire n’est jamais sûr. Et tout cela lui paraît si lointain, si irréel.

Elle rentre. Elle rentre et elle erre comme une âme en peine. Elle s’apitoie sur son sort. C’est quoi, son existence ? Des jours qui se succèdent les uns aux autres sans que jamais rien n’y survienne. De surprenant. D’exaltant. De vivant. Sa vie est morte. Et elle avec. Il lui prend des envies de pleurer.

Elle se réfugie dans sa chambre. Elle ne veut pas qu’on l’y dérange. Sous aucun prétexte.
Elle s’allonge sur son lit. Elle ferme les yeux. Quelqu’un s’approche. C’est Gontran. Pas Gontran, non. Elle ne veut pas. Elle ne veut plus. Il insiste. Elle le repousse. Il s’éloigne.
Un autre surgit. Qu’elle ne connaît pas. Il est jeune. Il est beau. Il lui sourit. Elle lui tend les bras. Elle lui tend les lèvres. Elle se réfugie contre lui. Elle s’y blottit. Ses baisers sont doux. Ses baisers sont passionnés. Il glisse une main dans son corsage. Elle la lui emprisonne.
– Il ne faut pas. Non. Il ne faut pas.
– Mais pourquoi ?
– Parce que…
Mais il a envie. Tellement ! Elle s’abandonne. Sa main est sur son sein. Elle le parcourt. Elle le redessine. Elle en fait dresser la pointe. C’est si bon ! C’est si doux ! C’est si ardent !
Elle va aussi en bas, sa main. Sous sa robe. Sous son jupon. Elle s’aventure. Elle découvre. Elle fouille.
Il y a son désir contre sa cuisse. Elle est dure. Gorgée de sève. Elle s’approche. Elle est tout près. Elle la fait attendre. Elle ne peut pas. Elle ne peut plus. Elle s’en empare. Elle l’enfouit en elle. Elle l’y enfonce. Oh, que c’est bon !
– Mademoiselle est incorrigible.
C’est Sylvain. La voix de Sylvain.
– Mais non !
– Mais si ! La queue ! Pour Madame plus rien d’autre ne compte désormais que la queue.
– Je ne vous permets pas.
Mais il n’écoute pas. Il n’écoute rien. Il brandit la cravache.
Elle se retourne. Elle lui offre ses fesses. Elle lui offre son cul.
– Tapez, Sylvain ! Tapez ! Ne me ménagez pas !
Il ne la ménage pas. Il cingle. Il fouette. À tour de bras.
Et elle jouit. Et elle mord furieusement l’oreiller pour étouffer ses cris.

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