samedi 9 février 2019

Les fantasmes de Lucie (38)


Dessin d’Otto Schoff

J’ai passé la soirée chez Cordelia. On a déliré comme deux petites folles toutes les deux. Un peu sur tout. Mais tout particulièrement sur les mecs du boulot. Dont Baptiste, évidemment.
– On peut faire une croix dessus. L’une comme l’autre.
Oui, c’était bien aussi mon avis.
– Il est pas réceptif. Pas du tout.
Mais ce qui l’agaçait surtout Cordelia, c’était de pas arriver à comprendre pourquoi.
– Parce qu’il a pas l’air d’avoir de nana finalement…
– Peut-être qu’il s’intéresse qu’aux mecs.
– Ou que ça le branche pas du tout, le sexe.
– Un mec que le sexe branche pas, j’en ai encore jamais vu.
– Faut un début à tout.
Elle a soupiré, levé les yeux au ciel.
– On aura toujours la ressource de se goder en pensant à lui.
Et, du coup, on s’est mises à évoquer notre saga du joujou qu’elle m’avait offert.
– Il en aura vu des choses, celui-là, mine de rien. Et quand je dis des choses…
– Sans compter que c’est peut-être pas fini.
Dans la foulée, elle a voulu que je lui lise les dernières pages de mon journal à fantasmes.
Et elle s’est caressée en m’écoutant.
– J’aime trop ça, la façon dont tu racontes… Et puis alors cette histoire de la Cour de Catherine II ! Comment j’aurais aimé vivre ça, moi ! C’est trop… C’est vraiment trop… Faut vraiment que tu la continues.
Ses doigts se sont emballés. J’ai eu envie aussi.
Tant et si bien que, quand on s’est enfin couchées, il était quatre heures du matin.

– Lucie ! Oh, Lucie ! Réveille-toi ! On va être en retard.
– Quelle heure il est ?
– Huit heures et demi.
– Oh, putain !
Et j’ai navigué, au radar, jusqu’à sa salle de bains, les seins à l’air, vêtue, en tout et pour tout, d’une minuscule petite culotte rose.
J’y suis entrée en trombe et me suis trouvée nez à nez avec un type en bleu de travail.
Je l’ai fixé, stupéfaite.
– Oh, pardon !
Et je me suis rapatriée, aussi vite que possible, dans la chambre de Cordelia.
– Il y a un bonhomme !
– Un bonhomme ?
L’ar faussement innocent, sourcils froncés.
– Ah, oui ! Oui. C’est le plombier. Il a la clef. Je l’avais complètement oublié, celui-là !
– Tu parles que tu l’avais oublié ! Fiche-toi bien de moi. En plus !
– Si ! Si ! Je t’assure…
En riant sous cape. Et en constatant.
– En douce qu’il a bien dû se rincer l’œil, n’empêche…
– Ah, oui ? Eh bien maintenant, c’est les oreilles qu’il va se rincer.
– Qu’est-ce tu fais ?
– Comme tu vois, j’ouvre la porte. Pour qu’il entende mieux.
– Qu’il entende mieux quoi ?
– La fessée que je vais te flanquer.
– Tu peux pas faire ça !
– Je vais me gêner…
– Tu sais bien que les fessées, moi, je braille tant et plus. Et que si ça dure…
– Tu jouis. Raison de plus… Allez, en position.

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