jeudi 28 février 2019

Les fessées de Blanche (17)


Elle n’ira pas. Elle n’ira plus. Elle ne chevauchera plus à ses côtés. Comment reparaître devant lui maintenant ? Elle s’est comportée comme la dernière des dernières. Elle s’est avilie. Comme jamais elle n’aurait cru pouvoir le faire.
Tu as joui sous ses coups. Non, mais tu te rends compte ? Tu as joui sous ses coups. Et de quelle manière !
Ce n’est pas la première fois.
Certes, mais les autres fois, tu avais l’excuse de Gontran. Hier soir, tu n’en avais aucune. Alors il serait peut-être temps que tu te regardes enfin en face. Telle que tu es.
Ce qui veut dire ?
Que le fouet te met en transes.
N’importe quoi ! Vraiment n’importe quoi !
Tu es sûre ?
Peut-être que j’aime un peu ça quand même, oui.
Beaucoup, tu veux dire ! Beaucoup plus que quoi que ce soit d’autre.
Tu m’agaces !
Et même, sois honnête avec toi-même, ce qui te met dans tous tes états, c’est que ce soit Sylvain. Parce que c’est ton cocher. Ton serviteur. Ce qui t’humilie. Et c’est précisément parce que ça t’humilie profondément que…
Ça suffit ! Cette fois ça suffit.
Elle se lève. Ne plus penser. Elle va jusqu’à la fenêtre. Elle écarte le rideau. Il fait beau dehors. Il fait si beau…

Il l’aide à enfourcher Flamboyant. Il la laisse prendre un peu d’avance et puis il la rejoint. Ils chevauchent de front. Il y pense. Il y pense forcément. Elle aussi. Tout l’y ramène. Chaque trépidation de la selle lui est une véritable torture.
– Mademoiselle…
– Oui, Sylvain…
– S’agissant de ce jeune homme…
– Gontran ?
– Gontran, oui. Il se dit qu’il aurait préparé son départ de longue date. Dans le plus grand secret.
Ce qui signifie que, pendant tout ce temps qu’il a été avec elle, il ne l’a jamais été vraiment. Déjà ailleurs.
Il s’est joué d’elle. Et il y a quelque chose qui se brise. Doucement. Lentement. Sans faire vraiment mal. Presque un soulagement. Il est lâche. C’est un lâche. Il n’a aucun courage. Ni celui de se battre ni celui de dire la vérité.
– Il serait, paraît-il, en Asie.
Elle hausse les épaules.
– Grand bien lui fasse !
Il peut bien être où il veut. Elle s’en moque. Elle ne le rejoindra pas. Il n’existe pas. Il n’existe plus.
Ils chevauchent. Des filaments de brume s’étendent à l’horizon. Des étourneaux s’enfuient à leur approche. Il lui jette, de temps à autre, un regard de côté. Sans un mot.
– J’ai un peu froid.
Ils font demi-tour.
Elle descend de cheval. Elle lui tend les rênes.
– Merci, Sylvain.

Pierre lit devant la cheminée. Il lève la tête. Lui sourit.
– L’abbé Maurel est passé. Il était pressé. Il ne vous a pas attendue.
– Que voulait-il ?
– Vous rappeler que c’est demain que se tient sa vente de charité.
– Je n’ai pas oublié. J’y serai.

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