Elle
n’ira pas. Elle n’ira plus. Elle ne chevauchera plus à ses
côtés. Comment reparaître devant lui maintenant ? Elle s’est
comportée comme la dernière des dernières. Elle s’est avilie.
Comme jamais elle n’aurait cru pouvoir le faire.
Tu
as joui sous ses coups. Non, mais tu te rends compte ? Tu as
joui sous ses coups. Et de quelle manière !
Ce
n’est pas la première fois.
Certes,
mais les autres fois, tu avais l’excuse de Gontran. Hier soir, tu
n’en avais aucune. Alors il serait peut-être temps que tu te
regardes enfin en face. Telle que tu es.
Ce
qui veut dire ?
Que
le fouet te met en transes.
N’importe
quoi ! Vraiment n’importe quoi !
Tu
es sûre ?
Peut-être
que j’aime un peu ça quand même, oui.
Beaucoup,
tu veux dire ! Beaucoup plus que quoi que ce soit d’autre.
Tu
m’agaces !
Et
même, sois honnête avec toi-même, ce qui te met dans tous tes
états, c’est que ce soit Sylvain. Parce que c’est ton cocher.
Ton serviteur. Ce qui t’humilie. Et c’est précisément parce que
ça t’humilie profondément que…
Ça
suffit ! Cette fois ça suffit.
Elle
se lève. Ne plus penser. Elle va jusqu’à la fenêtre. Elle écarte
le rideau. Il fait beau dehors. Il fait si beau…
Il
l’aide à enfourcher Flamboyant. Il la laisse prendre un peu
d’avance et puis il la rejoint. Ils chevauchent de front. Il y
pense. Il y pense forcément. Elle aussi. Tout l’y ramène. Chaque
trépidation de la selle lui est une véritable torture.
– Mademoiselle…
– Oui,
Sylvain…
– S’agissant
de ce jeune homme…
– Gontran ?
– Gontran,
oui. Il se dit qu’il aurait préparé son départ de longue date.
Dans le plus grand secret.
Ce
qui signifie que, pendant tout ce temps qu’il a été avec elle, il
ne l’a jamais été vraiment. Déjà ailleurs.
Il
s’est joué d’elle. Et il y a quelque chose qui se brise.
Doucement. Lentement. Sans faire vraiment mal. Presque un
soulagement. Il est lâche. C’est un lâche. Il n’a aucun
courage. Ni celui de se battre ni celui de dire la vérité.
– Il
serait, paraît-il, en Asie.
Elle
hausse les épaules.
– Grand
bien lui fasse !
Il
peut bien être où il veut. Elle s’en moque. Elle ne le rejoindra
pas. Il n’existe pas. Il n’existe plus.
Ils
chevauchent. Des filaments de brume s’étendent à l’horizon. Des
étourneaux s’enfuient à leur approche. Il lui jette, de temps à
autre, un regard de côté. Sans un mot.
– J’ai
un peu froid.
Ils
font demi-tour.
Elle
descend de cheval. Elle lui tend les rênes.
– Merci,
Sylvain.
Pierre
lit devant la cheminée. Il lève la tête. Lui sourit.
– L’abbé
Maurel est passé. Il était pressé. Il ne vous a pas attendue.
– Que
voulait-il ?
– Vous
rappeler que c’est demain que se tient sa vente de charité.
– Je
n’ai pas oublié. J’y serai.
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