Il
ne vient plus. Jamais. Quatre jours qu’il n’est pas venu. Qu’elle
est sans nouvelles. Quatre jours que l’angoisse la ronge. La
dévore. Qu’il lui faut néanmoins faire bonne figure devant
Pierre. Lui donner le change.
Elle
passe ses nuits à pleurer. Et à se demander. Ce qu’il fait. Ce
qu’il pense. Et pourquoi il ne vient plus ? Pourquoi ?
Mais elle le sait pourquoi. Inutile de se bercer d’illusions. C’est
une autre. C’est l’autre. Il ne viendra plus. Plus jamais.
Le
seul avec lequel elle puisse parler un peu de lui, c’est Sylvain.
– Croyez-vous
qu’il ait pu lui arriver quelque chose ?
Il
fronce les sourcils, réprobateur, mais se fait malgré tout
rassurant.
– S’il
lui était survenu quelque accident ou s’il était tombé
sérieusement malade, nous l’aurions su. D’une façon ou d’une
autre, nous l’aurions forcément su.
Elle
insiste.
– Mais
alors, Sylvain ? Mais alors ?
Il
hausse les épaules.
– Il
reviendra, vous verrez. Il finira par revenir. Parce qu’il y a très
certainement une explication toute simple qui, pour le moment, ne
vient pas à l’esprit de Mademoiselle.
– Et
si ?
– Si,
Mademoiselle ?
– S’il
en avait rencontré une autre ?
Il
ne répond pas. Pas tout de suite. Il chevauche silencieusement à
ses côtés. Il regarde droit devant lui. Longtemps. Et puis…
– Vous
lui avez dit ? Que c’était moi qui vous fouettais ? Vous
lui avez dit ?
Elle
rougit. Elle se trouble.
– Oh,
non ! Non.
– Que
c’était monsieur Pierre alors ?
– Non
plus, non.
– Qui
alors ?
– Mais
personne.
– Alors
je crois que Madame fait fausse route. Qu’elle prend les choses à
l’envers.
– Que
voulez-vous dire ?
– Il
n’a personne, mais il a le soupçon, par contre, que Madame, elle,
a quelqu’un d’autre. Qui la fouette.
Mais
bien sûr ! Comment n’y-a-t-elle pas pensé ? Mais bien
sûr ! Quelle sotte elle fait ! Deux fois il lui a posé la
question. Deux fois il lui a demandé. Elle n’a pas répondu. Elle
a éludé. Alors il s’est imaginé…
– Je
vais lui écrire, Sylvain. Je vais lui expliquer. Vous porterez la
lettre.
Il
s’incline.
– Si
je puis me permettre… Madame ne va pourtant pas lui avouer que je
la châtie parce qu’elle ne parvient pas à le quitter ?
Non.
Évidemment, non.
– Quel
motif, dès lors, invoquera-t-elle donc ?
Mais
que…
Elle
ne sait pas. Elle verra. Elle improvisera. Elle lui expliquera que
c’est pour lui. Par amour pour lui. Il comprendra.
Ils
font demi-tour. Ils chevauchent en silence.
Elle
est déjà dans sa lettre. Dont elle cherche les mots. Dont elle
polit amoureusement les phrases. Qu’elle a hâte d’aller jeter
sur le papier.
Elle
tend les rênes à Sylvain. Les retient un moment.
– Et
s’il ne me croit pas ?
– Alors
il faudra lui en administrer la preuve. De toute façon Madame
mérite. Amplement. Plus que jamais. Parce que ce n’est plus
seulement qu’elle ne parvient pas à le quitter, c’est que,
maintenant, elle lui court après.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire