jeudi 10 janvier 2019

Les fessées de Blanche (10)


Pierre lit. Son journal. En mangeant. Pousse, de temps à autre, une exclamation. Commente à mi-voix…
– Et ils comptent nous faire croire ça !
Il ne la voit pas. Elle n’existe pas.
Elle n’existe pas et c’est une envie soudaine en elle, violente, de lancer un grand coup de pied dans la fourmilière, de lui jeter à la figure qu’elle a un amant. Un amant, oui ! T’es cocu. Hein, qu’est-ce que tu dis de ça ? Il lèverait les yeux sur elle. Il soupirerait. Peiné ? Malheureux ? Furieux ? Jaloux ? Même pas, non. Ennuyé. Seulement ennuyé. De voir dérangée sa petite routine. De devoir prendre en considération, d’une façon ou d’une autre, un problème qu’il n’avait pas prévu.
Il replie son journal. Il se lève, va jusqu’à la fenêtre, écarte le rideau.
– Décidément, la nuit tombe de plus en plus tôt.
Il s’étire. Bâille.
– Je monte me coucher, chère amie. Je vous souhaite le bonsoir.

Les marques sont toujours là. Marques qui se sont estompées. Dont les couleurs se sont altérées. Toujours du rouge, mais aussi par endroits, par petites touches, du grenat, du noir, du jaune, du bleuté.
Elle appuie. Elle enfonce ses doigts. La douleur n’est plus la même. Moins vive. Moins intense. Mais plus sourde. Plus ancrée.
Elle sourit. Il a aimé, Gontran, que ses fesses soient zébrées. Tellement. Avec quelle ardeur il les a caressées, redessinées, pétries. ! Avec quelle passion il l’a prise  ! Il l’a comblée. Il l’a rendue folle. Elle l’aime.
Sa chemise retombe.
Elles s’effaceront, les marques. Non. Ah, non, non ! Elles ne partiront pas. Elle ne veut pas. Il y en aura d’autres. Beaucoup d’autres. Avant même que celles-ci aient disparu. Des marques incrustées dans sa peau plus profondément encore. Des marques qui le raviront. Qui lui donneront éperdument envie d’elle. Le fouet la cuira, la brûlera, la mordra, lui fera infiniment mal. Oui, elle sait. Tant pis. Ou tant mieux. Elle veut souffrir pour lui. Pour que son désir s’affole. Pour qu’elle s’en enivre. Et elle est prête à en payer le prix. Dès demain. Demain Sylvain la punira.

Elle se laisse doucement descendre à proximité du sommeil. Ses doigts font rouler les boursouflures sur ses fesses. Elle sourit. Elle est heureuse. Elle pense à lui. Elle est dans la grange avec lui. Elle est dans ses yeux.
Et elle s’endort tout contre lui.
Il est dans ses rêves. Des rêves doux et brûlants dont elle se refuse à sortir. Dans lesquels elle se pelotonne voluptueusement.
Et puis il y a quelqu’un dans son rêve. Quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Qui brandit une cravache. Qui veut la fouetter. Elle s’affole. S’enfuir… Courir… Mais ses jambes refusent de lui obéir. On la saisit par un bras. Se débattre… Crier… Hurler… Elle n’y parvient pas.
– Faudrait savoir ce que vous voulez !
C’est alors qu’elle le reconnaît. Sylvain ! Elle pousse un immense soupir de soulagement. C’est Sylvain.
– Êtes-vous décidée à quitter ce jeune homme ?
Le quitter ? Ah, mais non ! Non ! Jamais de la vie. Il n’en est pas question.
– Alors Mademoiselle va être punie.
Elle ne proteste pas. Elle ne se dérobe pas. Elle s’agenouille, tend sa croupe vers lui. Elle s’abandonne.
Un premier coup tombe. Sèchement appliqué. Elle sursaute. Elle ferme les yeux. C’est pour lui. C’est pour Gontran. Elle est heureuse.
Les coups se succèdent. À toute volée. De plus en plus rapprochés.
Elle gémit. De plus en plus fort. Elle ondule.
Il s’arrête. Il est furieux.
– Ah mais non, non ! C’est une punition. Une punition !
Elle se réveille. En sursaut. C’est trempé entre ses cuisses.

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