Pierre
lit. Son journal. En mangeant. Pousse, de temps à autre, une
exclamation. Commente à mi-voix…
– Et
ils comptent nous faire croire ça !
Il
ne la voit pas. Elle n’existe pas.
Elle
n’existe pas et c’est une envie soudaine en elle, violente, de
lancer un grand coup de pied dans la fourmilière, de lui jeter à la
figure qu’elle a un amant. Un amant, oui ! T’es cocu. Hein,
qu’est-ce que tu dis de ça ? Il lèverait les yeux sur elle.
Il soupirerait. Peiné ? Malheureux ? Furieux ?
Jaloux ? Même pas, non. Ennuyé. Seulement ennuyé. De voir
dérangée sa petite routine. De devoir prendre en considération,
d’une façon ou d’une autre, un problème qu’il n’avait pas
prévu.
Il
replie son journal. Il se lève, va jusqu’à la fenêtre, écarte
le rideau.
– Décidément,
la nuit tombe de plus en plus tôt.
Il
s’étire. Bâille.
– Je
monte me coucher, chère amie. Je vous souhaite le bonsoir.
Les
marques sont toujours là. Marques qui se sont estompées. Dont les
couleurs se sont altérées. Toujours du rouge, mais aussi par
endroits, par petites touches, du grenat, du noir, du jaune, du
bleuté.
Elle
appuie. Elle enfonce ses doigts. La douleur n’est plus la même.
Moins vive. Moins intense. Mais plus sourde. Plus ancrée.
Elle
sourit. Il a aimé, Gontran, que ses fesses soient zébrées.
Tellement. Avec quelle ardeur il les a caressées, redessinées,
pétries. ! Avec quelle passion il l’a prise ! Il l’a
comblée. Il l’a rendue folle. Elle l’aime.
Sa
chemise retombe.
Elles
s’effaceront, les marques. Non. Ah, non, non ! Elles ne
partiront pas. Elle ne veut pas. Il y en aura d’autres. Beaucoup
d’autres. Avant même que celles-ci aient disparu. Des marques
incrustées dans sa peau plus profondément encore. Des marques qui
le raviront. Qui lui donneront éperdument envie d’elle. Le fouet
la cuira, la brûlera, la mordra, lui fera infiniment mal. Oui, elle
sait. Tant pis. Ou tant mieux. Elle veut souffrir pour lui. Pour que
son désir s’affole. Pour qu’elle s’en enivre. Et elle est
prête à en payer le prix. Dès demain. Demain Sylvain la punira.
Elle
se laisse doucement descendre à proximité du sommeil. Ses doigts
font rouler les boursouflures sur ses fesses. Elle sourit. Elle est
heureuse. Elle pense à lui. Elle est dans la grange avec lui. Elle
est dans ses yeux.
Et
elle s’endort tout contre lui.
Il
est dans ses rêves. Des rêves doux et brûlants dont elle se refuse
à sortir. Dans lesquels elle se pelotonne voluptueusement.
Et
puis il y a quelqu’un dans son rêve. Quelqu’un qu’elle ne
connaît pas. Qui brandit une cravache. Qui veut la fouetter. Elle
s’affole. S’enfuir… Courir… Mais ses jambes refusent de lui
obéir. On la saisit par un bras. Se débattre… Crier… Hurler…
Elle n’y parvient pas.
– Faudrait
savoir ce que vous voulez !
C’est
alors qu’elle le reconnaît. Sylvain ! Elle pousse un immense
soupir de soulagement. C’est Sylvain.
– Êtes-vous
décidée à quitter ce jeune homme ?
Le
quitter ? Ah, mais non ! Non ! Jamais de la vie. Il
n’en est pas question.
– Alors
Mademoiselle va être punie.
Elle
ne proteste pas. Elle ne se dérobe pas. Elle s’agenouille, tend sa
croupe vers lui. Elle s’abandonne.
Un
premier coup tombe. Sèchement appliqué. Elle sursaute. Elle ferme
les yeux. C’est pour lui. C’est pour Gontran. Elle est heureuse.
Les
coups se succèdent. À toute volée. De plus en plus rapprochés.
Elle
gémit. De plus en plus fort. Elle ondule.
Il
s’arrête. Il est furieux.
– Ah
mais non, non ! C’est une punition. Une punition !
Elle
se réveille. En sursaut. C’est trempé entre ses cuisses.
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