Dessin
de Fredillo
Cordelia
a poussé un profond soupir.
– Il
me gonfle ce dossier, mais alors là, tu peux pas savoir ce qu’il
me gonfle. On se fait un petit break ?
– Toi,
je te vois venir… Tu veux savoir où les pérégrinations de notre
gode l’ont mené. C’est ça, hein ?
– Pas
vraiment, non ! Mais puisque tu le proposes si gentiment…
Allez, vas-y ! Je t’écoute.
– Donc…
Donc on l’avait laissé chez la femme d’un capitaine au long
cours, notre petit gode adoré.
– Et
même… entre ses cuisses.
– Où
sa belle-mère a fini par aller le débusquer.
– Oh,
cette volée qu’elle lui a flanquée, n’empêche…
– Avant
de le lui subtiliser.
– Quelle
garce ! Et elle en a fait quoi ?
– On
sait pas. On en a longtemps perdu la trace. Avant de finalement le
retrouver chez la petite protégée d’un homme immensément riche.
Une certaine Olga.
– Une
actrice, j’parie.
– Oui,
oh, une prétentieuse qui s’imaginait, à tort, bourrée de talent.
Qui, les rares fois où elle est montée sur scène, s’est attiré
moqueries et huées. Elle en a tenu pour seul et unique responsable
son protecteur de baron. Auquel elle a reproché de ne pas faire
jouer à fond ses relations. De ne lui obtenir que de petits rôles.
Qui ne lui permettaient pas de donner sa pleine mesure. Et elle est,
peu à peu, devenue vindicative, exigeante, ergoteuse. Bref,
invivable.
– Je
vois ça d’ici.
– Du
coup, lui, il s’est lassé. Il est venu moins souvent. Presque
plus. Plus du tout. Et il lui a coupé les vivres. Elle s’est
claquemurée chez elle, désespérée, en la seule et unique
compagnie de ses joujoux dont elle s’est mise à faire un usage
immodéré. Elle passait ses journées à se donner du plaisir.
– Ça
me plairait bien, à moi, ça, comme mode de vie…
Sauf
qu’il fallait bien manger. Et qu’elle a vendu, petit à petit, la
mort dans l’âme, ses bijoux, ses bibelots, ses meubles, et jusqu’à
la plupart de ses vêtements. Tant et si bien que, quand, un beau
matin, les huissiers se sont présentés à sa porte, il ne lui
restait plus que son lit, un bidet pour faire sa toilette, deux
paires de chaussures et sa collection d’indéfectibles compagnons.
– Comme
ça, au moins, l’inventaire a été vite fait.
– Le
lit, ils étaient tenus de le lui laisser. Le bidet, ils se sont bien
fait tirer un peu l’oreille, mais bon, ils ont finalement consenti
à ne pas le saisir, mais pour les godes, par contre, ils ont estimé
qu’il ne s’agissait pas de produits de première nécessité,
qu’elle pouvait parfaitement s’en passer.
– Hein ?
Mais c’est dégueulasse ! Comment tu veux vivre sans ça ?
– C’est
bien ce qu’elle leur a dit. Mais elle a eu beau argumenter,
supplier, tempêter, ils se sont montrés intraitables. Et ils les
ont emportés. À son grand désespoir.
– Je
comprends ça !
– Elle
venait à peine de se jeter en larmes sur son lit quand ils sont
revenus.
– Les
salauds ! Ah, ils aiment ça, se repaître du malheur des gens !
– Oui.
Non. Mais là, ils avaient une proposition à lui faire. Ils
voulaient bien les lui restituer, mais à la condition qu’elle les
utilise devant eux…
– Tous ?
– Quand
même pas, non ! Il y en avait six.
– Six !
Eh ben, dis donc ! Et elle l’a fait ?
– Tu
penses bien que oui ! Elle était prête à tout pour les
récupérer.
– Et
c’est le nôtre qu’elle a utilisé, j’parie !
– Bingo !
– Pendant
que les trois vieux cochons, ils se paluchaient à qui mieux mieux.
– Forcément,
ça !
– Tu
l’as sur toi ?
– Non.
– Et
zut ! Toujours tu devrais l’avoir. Au cas où…
– T’as
tes doigts.
– Oui,
mais bon ! Elle a joui ? Ben oui, forcément qu’elle a
joui… Moi, j’aurais trois mecs en train de me regarder faire en
se branlant, même que ce soit des vieux, je peux te dire qu’il
m’en fumerait, le clito…
Sa
main a disparu sous le bureau.
– Et
eux ?
– Eux
aussi ils ont joui, tu penses bien ! Un mec, quand il s’empoigne
la queue, il la lâche pas avant de l’avoir amenée là où il
voulait. Même que c’est tous les trois ensemble qu’ils ont
dégorgé quand elle s’est mise à piauler et à racler par terre
avec les pieds.
– Oh,
la vache ! Oh, la vache !
– Comme
toi, là, en ce moment.
– J’en
peux plus…
Ça
a fait trois belles gerbes blanches qui se sont élancées toutes en
chœur dans sa direction. Qui ont fini leur course à ses pieds.
Son
bras s’est frénétiquement agité.
– Et
après, Lucie ? Et après ?
– Après,
ils lui ont flanqué une fessée magistrale pour la punir d’avoir
tenté de suborner des fonctionnaires dans l’exercice de leurs
fonctions.
– J’en
étais sûre…
– Et
je peux te dire qu’ils ont pas fait semblant. Il a dû lui cuire un
moment son joufflu.
– Et
les godes ?
– Ils
sont partis avec.
– Ça
vient, Lucie, ça vient. Je vais jouir. Oh, que c’est bon !
Que c’est bon !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire