Dessin de Lewis Bald
– Sa
Majesté arrive !
– Sa
Majesté approche !
– Sa
Majesté est là.
Elles
s’égaillent toutes. Volée de moineaux. Elles quittent
précipitamment les champs. Elles quittent les lavoirs. Elles
quittent les rues. Elles se réfugient où elles peuvent. Le plus
vite possible. Chez elles. Dans des granges de hasard. Dans des
fourrés qui se trouvent opportunément là. Elles se cachent,
terrifiées.
C’est
qu’avec l’âge Sa Majesté éprouve désormais le besoin de
raviver ses ardeurs. Et que, pour ce faire, quand il se rencontre sur
sa route quelque jouvencelle esseulée, il la prend en chasse. Il la
capture. Il l’emporte avec lui. Et il la fait fouetter. Pour son
plus grand plaisir. Et celui de la reine, son épouse, à laquelle il
se trouve alors en état de rendre des hommages ardents et réitérés
tout au long de la nuit.
Elles
sont trois, imprudentes ou malchanceuses, à y avoir jusqu’à
présent eu droit. Manon qui a pleuré pendant trois jours, Jeanne
qui n’a pas voulu en parler à qui que ce soit et Guillemette qui
nous a discrètement montré ce qu’il en était, le lendemain,
derrière une meule de foin.
Personne
ne le sait, mais, parfois, je m’imagine à leur place. Je me lance,
en secret, sur les fesses, de grands coups de badine. C’est
étrange. Ça fait mal et pas mal en même temps. Je recommence.
Souvent. Mais en vrai ? Ça fait quoi en vrai ? Quand c’est
quelqu’un d’autre qui tape ? Et surtout, quand ça a lieu
devant lui ?
– Sa
Majesté arrive !
On a
crié, là-bas, au loin.
– Le
roi ! Le roi !
J’ai
envie. Et pas envie en même temps. Mais plus envie que pas envie.
J’ai
très bien pu ne pas entendre. Je poursuis ma route. Ça poudroie à
l’horizon. Ce n’est que quand je peux apercevoir distinctement
les chevaux que je me mets à courir. À perdre haleine. Sans me
retourner. On va me rejoindre. On va forcément me rejoindre. Ça se
rapproche. Ça se rapproche de plus en plus. J’oblique dans un pré.
On est derrière moi. Tout près. On se saisit de moi. À la volée.
Je me débats. En vain. On me hisse sur un cheval. Celui du roi. Je
suis contre lui. Le roi… Qui me soulève le menton du bout de
l’index. Qui m’oblige à le regarder.
– Jolie
petite frimousse…
On
repart au galop…
C’est
une grande salle. Il y a une estrade et un trône sur lequel Sa
Majesté monte aussitôt s’installer.
– Faites
votre office !
Ils
le font. Trois gardes. Je me débats. Pour la forme. On me lie les
chevilles ensemble. On les fixe à un anneau encastré à même le
sol. Mon ventre repose sur une fourche-chevalet à laquelle on
m’arrime avec une ceinture. Je repose sur les bras. Mes poignets
sont, eux aussi, enchaînés à deux anneaux fichés dans le
carrelage.
Le
grand sénéchal s’approche en faisant claquer son fouet.
– Tu
sais que tu es absolument charmante ainsi, ma mignonne, le croupion
en l’air ?
Sa
Majesté ne me quitte pas des yeux.
Le
fouet se lève. Il va s’abattre.
– Non !
Attendez !
C’est
la reine.
– Je
vais me charger moi-même de punir cette péronnelle.
– Vous,
ma mie ? Vous m’en voyez ravi. Faites ! Faites donc !
Elle
fait. Elle y met tout son cœur. Je crie. Elle s’interrompt. Le
temps que quelqu’un me relève ma robe. Et ça tombe sur ma peau
nue. Brûlant. Cuisant. Mordant.
Pour
le plus grand ravissement de Sa Majesté.
– J’adore
le claquement du fouet en action.
Et
celui de la reine.
– Comme
elle chante bien, vous ne trouvez pas ?
Il
trouve aussi, oui.
Il
se lève, il s’approche, il la prend par la taille. Elle laisse
tomber le fouet. Ils s’éloignent, enlacés. Disparaissent derrière
un rideau.
Il
la prend. Ils jouissent. Pleinement. Moi, aussi.
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