Dessin
de Carman
– Si
je puis me permettre, j’aurais une requête à adresser à Madame…
– Je
vous écoute, Léonie.
– C’est
un peu difficile. Très, même. C’est au sujet de Bastien, mon
amoureux.
– Si
vous escomptez que nous le prenions à notre service…
– Oh,
non, Madame, non ! La place qu’il occupe chez monsieur le
baron Rheims lui convient tout à fait. Il n’envisage pas le moins
du monde d’en changer.
– Vous
m’intriguez. De quoi s’agit-il donc ?
– C’est
que… je lui ai menti. Je lui ai dit que Madame me… me corrigeait.
– En
voilà une idée !
– Qui
le rend très amoureux, si vous saviez !
– Ne
s’étonne-t-il donc point de ne jamais voir la moindre trace de
coups sur votre postérieur ?
– Il
en voit, Madame, il en voit. Parce que, pour l’amour de lui, je
m’en administre moi-même. En cachette.
– Et
en lui faisant croire qu’ils sont de mon fait. Ben, c’est du
joli !
– Je
suis désolée.
– Ah,
vous pouvez. Et donc, si je vous comprends bien, ce que vous attendez
maintenant de moi, c’est que je vous fouette réellement. Et que ce
soit devant lui…
– Voilà,
oui ! Si vous saviez comme il y tient, le pauvre. C’est sans
arrêt qu’il m’implore, qu’il me supplie.
– Eh
bien, soit !
– Oh,
merci, Madame, merci !
– Et
le plus tôt sera le mieux. Alors ce tantôt…
– Je
suis à la disposition de Madame.
* *
*
– Que
faites-vous donc là, Bastien, dissimulé derrière cette fenêtre ?
– Rien,
Madame, rien.
– À
qui voulez-vous faire croire ça ? Mais entrez donc, ne restez
pas sous la pluie, vous allez prendre froid. Entrez et dites-moi…
Vous venez souvent faire ainsi le guet dans mes plates-bandes ?
– Je
jure à Madame que…
– Ne
vous parjurez pas ! Avouez plutôt. Et ce, dans votre intérêt.
– Quelquefois.
Rarement.
– Vous
mentez. Vous êtes là tous les jours. Ou quasiment. En espérant me
voir enfin orner le postérieur de votre belle de traînées
rougeoyantes du plus bel effet. En vain. Parce que je ne l’ai,
jusqu’à présent, jamais corrigée. Elle vous a menti, Bastien.
Elle vous a menti de façon éhontée. Ce qui, vous en conviendrez,
ne saurait demeurer impuni.
– C’est
comme Madame voudra.
– Fort
bien. Alors, troussez-vous, Léonie ! Mieux que ça ! Plus
haut ! Et plus bas ! Découvrez-nous tout à fait votre
petit derrière. Et excusez-vous !
– Je
demande pardon à Madame…
– De
quoi donc ?
– D’avoir
laissé croire à Bastien que Madame me battait.
– Vous
devriez avoir honte.
– J’ai
honte. Oh, mais que Madame me fait mal !
– C’est
le but.
– Vraiment
très mal.
– Vous
devriez en être ravie. Votre ami est manifestement aux anges.
– Oh,
Madame ! Oh, Madame !
– Vous
savez que vous avez une très jolie voix ? Il serait criminel de
ne pas lui faire donner sa pleine mesure. Nous allons nous y
employer.
* *
*
– Bastien
était satisfait ?
– Très,
Madame, très.
– Et
vous aussi, à ce qu’il semble. Vous avez miaulé toute la nuit. Au
point d’empêcher toute la maison de dormir.
– Que
Madame me pardonne !
– Il
y a tout de même des limites à ne pas dépasser, Léonie.
– Je
suis désolée.
– Vous
pouvez. C’est la moindre des choses. Mais c’est loin d’être
suffisant. Et une petite correction, par dessus celle qui vous a été
administrée hier, me semble à l’évidence s’imposer. Non, vous
ne croyez pas ?
– J’en
passerai par où Madame voudra.
– Fort
bien. Eh bien, allez, alors, déculottez-vous !
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