jeudi 20 décembre 2018

Les fessées de Blanche (7)


Il y a sa mère. Installée dans le grand salon.
– Mais tu es en pleine forme, dis-moi ! Tout épanouie. Tout en beauté. Tu ne trouves pas, Charles ?
Son père trouve, lui aussi, oui.
– Fais-toi voir !
Elle lui prend la main, la contemple longuement, s’attarde sur le ventre.
– Est-ce que, par hasard, tu ne serais pas ?
Enceinte ? Elle espère bien que non. Il ne manquerait plus que ça.
– C’est ce qui pourrait t’arriver de mieux. Depuis le temps.
Elle leur échappe.
– Excusez-moi ! Quelques ordres à donner pour le repas.

Qui se prolonge interminablement.
Pierre pense que si le Titanic avait été construit par des ouvriers français jamais il n’aurait coulé.
– Les Anglais ne nous arrivent pas à la cheville. Dans quelque domaine que ce soit.
Et son père qu’il y aura la guerre.
– C’est inéluctable. Guillaume II la veut.
Elle frissonne. La guerre. Gontran. Qui a dû l’attendre. Que Sylvain a très certainement prévenu – du moins l’espère-t-elle – de l’arrivée intempestive de ses parents. La guerre ! Gontran ! Et si… N’y pas penser. Surtout n’y pas penser. Gontran ! Son Gontran !
Son père et son mari vantent à qui mieux mieux les qualités professionnelles de maître Baldourin.
– Un notaire hors pair.
– À qui on peut confier ses affaires les yeux fermés.
Sa mère fait la moue, plisse le front.
– Il n’empêche que sa femme…
Ils opinent du chef, font chorus.
– Se comporte d’une façon parfaitement indigne, je vous l’accorde…
– Une femme de son âge. De son rang. Aller se compromettre avec un gamin !
– Pour lequel elle a déjà dépensé, paraît-il, des cents et des mille.
– Au su et au vu de tout le monde.
– On se demande ce que ce pauvre Baldourin attend pour y mettre bon ordre.
– Il l’aime, que voulez-vous ! Il l’aime !
– Ce qui ne saurait tout justifier.
– Il y a effectivement des comportements qui ne sauraient être tolérés. Quelles que soient les circonstances.
Les yeux de sa mère lancent des éclairs.
– Ce qu’elle mériterait une femme comme elle… Ce qu’elle mériterait, c’est d’être fouettée d’importance en place publique. Voilà, ce qu’elle mériterait !

Elle se réveille en nage, haletante, le cœur battant.
Elle a rêvé. Un épouvantable cauchemar. Sa mère hurlait…
– Toi aussi ! Toi aussi ! Tu n’es qu’une catin !
Son visage était distordu par la haine.
– Le fouet, ma fille ! Le fouet ! Toute nue ! En place publique !
Gontran surgissait alors de nulle part, en uniforme de soldat.
– Je pars ! C’est la guerre…
Elle s’accrochait à lui.
– Je ne veux pas ! Je ne veux pas !
Sa mère lui tapait sur les doigts, la contraignait à le lâcher. À le laisser partir. Elle riait.
– Tu ne le reverras pas ! Tu ne le reverras jamais ! Il va mourir…
Mais il y avait Sylvain. Qui prenait sa défense. Qui la réconfortait.Qui la rassurait.
– Non, il ne mourra pas, non ! À une condition…
Il brandissait la cravache.
Elle s’agenouillait. Elle se dénudait les fesses. Elle les lui offrait.
– Sauve-le, Sylvain, sauve-le !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire