Il y
a sa mère. Installée dans le grand salon.
– Mais
tu es en pleine forme, dis-moi ! Tout épanouie. Tout en beauté.
Tu ne trouves pas, Charles ?
Son
père trouve, lui aussi, oui.
– Fais-toi
voir !
Elle
lui prend la main, la contemple longuement, s’attarde sur le
ventre.
– Est-ce
que, par hasard, tu ne serais pas ?
Enceinte ?
Elle espère bien que non. Il ne manquerait plus que ça.
– C’est
ce qui pourrait t’arriver de mieux. Depuis le temps.
Elle
leur échappe.
– Excusez-moi !
Quelques ordres à donner pour le repas.
Qui
se prolonge interminablement.
Pierre
pense que si le Titanic avait été construit par des ouvriers
français jamais il n’aurait coulé.
– Les
Anglais ne nous arrivent pas à la cheville. Dans quelque domaine que
ce soit.
Et
son père qu’il y aura la guerre.
– C’est
inéluctable. Guillaume II la veut.
Elle
frissonne. La guerre. Gontran. Qui a dû l’attendre. Que Sylvain a
très certainement prévenu – du moins l’espère-t-elle –
de l’arrivée intempestive de ses parents. La guerre !
Gontran ! Et si… N’y pas penser. Surtout n’y pas penser.
Gontran ! Son Gontran !
Son
père et son mari vantent à qui mieux mieux les qualités
professionnelles de maître Baldourin.
– Un
notaire hors pair.
– À
qui on peut confier ses affaires les yeux fermés.
Sa
mère fait la moue, plisse le front.
– Il
n’empêche que sa femme…
Ils
opinent du chef, font chorus.
– Se
comporte d’une façon parfaitement indigne, je vous l’accorde…
– Une
femme de son âge. De son rang. Aller se compromettre avec un gamin !
– Pour
lequel elle a déjà dépensé, paraît-il, des cents et des mille.
– Au
su et au vu de tout le monde.
– On
se demande ce que ce pauvre Baldourin attend pour y mettre bon ordre.
– Il
l’aime, que voulez-vous ! Il l’aime !
– Ce
qui ne saurait tout justifier.
– Il
y a effectivement des comportements qui ne sauraient être tolérés.
Quelles que soient les circonstances.
Les
yeux de sa mère lancent des éclairs.
– Ce
qu’elle mériterait une femme comme elle… Ce qu’elle
mériterait, c’est d’être fouettée d’importance en place
publique. Voilà, ce qu’elle mériterait !
Elle
se réveille en nage, haletante, le cœur battant.
Elle
a rêvé. Un épouvantable cauchemar. Sa mère hurlait…
– Toi
aussi ! Toi aussi ! Tu n’es qu’une catin !
Son
visage était distordu par la haine.
– Le
fouet, ma fille ! Le fouet ! Toute nue ! En place
publique !
Gontran
surgissait alors de nulle part, en uniforme de soldat.
– Je
pars ! C’est la guerre…
Elle
s’accrochait à lui.
– Je
ne veux pas ! Je ne veux pas !
Sa
mère lui tapait sur les doigts, la contraignait à le lâcher. À le
laisser partir. Elle riait.
– Tu
ne le reverras pas ! Tu ne le reverras jamais ! Il va
mourir…
Mais
il y avait Sylvain. Qui prenait sa défense. Qui la réconfortait.Qui
la rassurait.
– Non,
il ne mourra pas, non ! À une condition…
Il
brandissait la cravache.
Elle
s’agenouillait. Elle se dénudait les fesses. Elle les lui offrait.
– Sauve-le,
Sylvain, sauve-le !
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