samedi 29 décembre 2018

Les fantasmes de Lucie (32)


Dessin de Georges Topfer



En essayant de ramasser un CD qui était tombé, je me suis emplafonnée toute seule, comme une grande, dans le mur des Arthaud. Le mur n’a pas trop de mal, ça va, merci, mais alors la voiture ! Il y en aura pour une sacrée note. Et c’est vraiment pas le moment.
J’ai foncé chez l’assureur qui, évidemment, n’a rien voulu entendre.
– Vous n’êtes pas tous risques.
– Comment ça, je suis pas tous risques !
– Non. Ne vous sont garantis que les dommages aux tiers.
– Avec ce que je paie ! Vous manquez pas d’air.
– Ce n’est pas moi qui fixe les tarifs.
– Vous pouvez tout de même faire un geste, non ?
– Il n’en est pas question.
J’ai discuté, argumenté, menacé d’aller m’assurer ailleurs. Il n’a rien voulu entendre.
Alors, j’ai changé de stratégie. Je me suis mise en mode charmeuse. Séductrice. Enjôleuse. Il allait bien finir par craquer. Surtout que je sais qu’ils peuvent s’ils veulent. Qu’ils ont des caisses noires. Il s’est montré inflexible. J’ai passé la vitesse supérieure. J’ai sorti le grand jeu, celui auquel aucun homme, jusqu’ici, n’a jamais pu résister. En vain. Je suis repartie bredouille. Et vaincue. Quel connard ! Non, mais quel connard !

Oh, mais le soir, dansmon lit, ça se passe pas comme ça. Pas du tout. Il va voir ce qu’il va voir. On me résiste pas à moi. Jamais. Personne.
Et je retourne là-bas.
– Je vous ai déjà dit non. Inutile d’insister.
– Écoutez ! C’est de ma faute. Entièrement de ma faute. Je le reconnais bien volontiers. Et je suis tout-à-fait prête à accepter d’être punie pour ça.
Il me lance un regard interloqué.
– Punie ?
Ah, le poisson commence à mordre, on dirait.
– Mais, oui, punie. Et vous passez l’éponge.
Il fronce les sourcils.
– Comment ça ?
– Comme vous voudrez, mais enfin il n’y a pas trente-six mille façons de punir non plus.
Il hésite. Je le sens tenté. Très. Sa glotte tressaute. Alors j’en rajoute une couche.
– Ce ne sera vraiment pas une partie de plaisir pour moi, mais bon, j’assume.
C’est ce qui le décide.
– Ce sera à la canne.
S’il veut. Je m’en fous.
Il se lève. Il vient vers moi. Je l’arrête.
– Vous m’assurez que vous prendrez intégralement en charge les frais de réparation de mon véhicule ?
Il acquiesce.
– À une condition : que, de votre côté, vous acceptiez de vous soumettre à cette sanction intégralement nue.
– Marché conclu.
Et je me déshabille. Tranquillement. Sans, du moins en apparence, lui prêter la moindre attention. Lui, il suit chacun de mes gestes avec la plus extrême attention. Et il bande. Aucun doute là-dessus. Il bande comme un furieux. Je la tiens, ma revanche.
Je suis nue. Entièrement nue. Il me dévore des yeux, interminablement, avant de se décider enfin. Il m’avance une chaise, m’y fait placer un genou, poser les mains sur le dossier.
– Prête ?
Il n’attend pas la réponse. Ça siffle dans l’air. Ça s’abat. Ouche ! Le salaud ! Il y va pas de main morte.
Les coups se succèdent réguliers, méthodiques. Je crie. Je ne peux pas m’empêcher de crier. Ça l’excite. Il tape plus vite. Il tape plus fort.
– Ah, tu en voulais, ma belle ! Eh bien, tu vas en avoir !
J’en ai. Mon compte. Plus que mon compte.
Il s’interrompt brusquement. Son souffle dans mon cou. Sa voix à mon oreille.
– J’ai envie de toi.
Je me relève. Je le repousse.
– Ah, non ! Non. Ça, il n’en est pas question. Ça ne figure pas dans le contrat que nous avons passé.
Sa mine déconfite. Immensément déçue. Je jouis à la voir. Je jouis toute seule dans la touffeur de mes draps.

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