Dessin de Georges Topfer
En
essayant de ramasser un CD qui était tombé, je me suis emplafonnée
toute seule, comme une grande, dans le mur des Arthaud. Le mur n’a
pas trop de mal, ça va, merci, mais alors la voiture ! Il y en
aura pour une sacrée note. Et c’est vraiment pas le moment.
J’ai
foncé chez l’assureur qui, évidemment, n’a rien voulu entendre.
– Vous
n’êtes pas tous risques.
– Comment
ça, je suis pas tous risques !
– Non.
Ne vous sont garantis que les dommages aux tiers.
– Avec
ce que je paie ! Vous manquez pas d’air.
– Ce
n’est pas moi qui fixe les tarifs.
– Vous
pouvez tout de même faire un geste, non ?
– Il
n’en est pas question.
J’ai
discuté, argumenté, menacé d’aller m’assurer ailleurs. Il n’a
rien voulu entendre.
Alors,
j’ai changé de stratégie. Je me suis mise en mode charmeuse.
Séductrice. Enjôleuse. Il allait bien finir par craquer. Surtout
que je sais qu’ils peuvent s’ils veulent. Qu’ils ont des
caisses noires. Il s’est montré inflexible. J’ai passé la
vitesse supérieure. J’ai sorti le grand jeu, celui auquel aucun
homme, jusqu’ici, n’a jamais pu résister. En vain. Je suis
repartie bredouille. Et vaincue. Quel connard ! Non, mais quel
connard !
Oh,
mais le soir, dansmon lit, ça se passe pas comme ça. Pas du tout.
Il va voir ce qu’il va voir. On me résiste pas à moi. Jamais.
Personne.
Et
je retourne là-bas.
– Je
vous ai déjà dit non. Inutile d’insister.
– Écoutez !
C’est de ma faute. Entièrement de ma faute. Je le reconnais bien
volontiers. Et je suis tout-à-fait prête à accepter d’être
punie pour ça.
Il
me lance un regard interloqué.
– Punie ?
Ah,
le poisson commence à mordre, on dirait.
– Mais,
oui, punie. Et vous passez l’éponge.
Il
fronce les sourcils.
– Comment
ça ?
– Comme
vous voudrez, mais enfin il n’y a pas trente-six mille façons de
punir non plus.
Il
hésite. Je le sens tenté. Très. Sa glotte tressaute. Alors j’en
rajoute une couche.
– Ce
ne sera vraiment pas une partie de plaisir pour moi, mais bon,
j’assume.
C’est
ce qui le décide.
– Ce
sera à la canne.
S’il
veut. Je m’en fous.
Il
se lève. Il vient vers moi. Je l’arrête.
– Vous
m’assurez que vous prendrez intégralement en charge les frais de
réparation de mon véhicule ?
Il
acquiesce.
– À
une condition : que, de votre côté, vous acceptiez de vous
soumettre à cette sanction intégralement nue.
– Marché
conclu.
Et
je me déshabille. Tranquillement. Sans, du moins en apparence, lui
prêter la moindre attention. Lui, il suit chacun de mes gestes avec
la plus extrême attention. Et il bande. Aucun doute là-dessus. Il
bande comme un furieux. Je la tiens, ma revanche.
Je
suis nue. Entièrement nue. Il me dévore des yeux, interminablement,
avant de se décider enfin. Il m’avance une chaise, m’y fait
placer un genou, poser les mains sur le dossier.
– Prête ?
Il
n’attend pas la réponse. Ça siffle dans l’air. Ça s’abat.
Ouche ! Le salaud ! Il y va pas de main morte.
Les
coups se succèdent réguliers, méthodiques. Je crie. Je ne peux pas
m’empêcher de crier. Ça l’excite. Il tape plus vite. Il tape
plus fort.
– Ah,
tu en voulais, ma belle ! Eh bien, tu vas en avoir !
J’en
ai. Mon compte. Plus que mon compte.
Il
s’interrompt brusquement. Son souffle dans mon cou. Sa voix à mon
oreille.
– J’ai
envie de toi.
Je
me relève. Je le repousse.
– Ah,
non ! Non. Ça, il n’en est pas question. Ça ne figure pas
dans le contrat que nous avons passé.
Sa
mine déconfite. Immensément déçue. Je jouis à la voir. Je jouis
toute seule dans la touffeur de mes draps.
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