Je
me suis décidée d’un coup. En montant sur la balance. En en
redescendant plutôt. Il fallait que je fasse quelque chose. Il
fallait vraiment que je fasse quelque chose. J’ai fouiné un peu
sur Internet. Et j’ai arrêté mon choix sur le Pilates. Je savais
pas ce que c’était, mais ça avait pas l’air mal. comme truc. Il
y en avait un pas très loin de chez moi. En plus. Ça coûtait rien
d’aller y faire un tour. Et ça n’engageait à rien.
J’ai
foncé. Parce que je me connais. Si je ne prends pas aussitôt le
taureau par les cornes, je diffère, je m’invente des prétextes
et, au final, c’est un coup d’épée dans l’eau. Donc, toutes
affaires cessantes, je me suis précipitée là-bas. Où je suis
tombée sur deux types, deux forces de la nature. LE mâle, tel qu’on
le rêve toutes. Puissant, sûr de lui, de sa force, de son pouvoir
de séduction. Qui te donne envie de te réfugier contre lui et de
t’abandonner. Bref…
Il y
en a eu un des deux…
– Moi,
c’est Ludo…
Qui
m’a tout de suite prise en mains pour m’expliquer la philosophie
de la méthode. Il m’a parlé d’équilibre postural, de core,
d’équilibre des forces. Je n’y comprenais rien. Ou, plutôt, je
n’écoutais rien. J’étais fascinée par ses yeux, d’un bleu
improbable, par ses muscles qui saillaient sous son tee-shirt, par sa
voix, grave et veloutée.
L’autre,
derrière, s’impatientait. Il a profité de ce que le portable de
son collègue a sonné, de ce qu’il s’est éloigné pour prendre
l’appel.
– Et
moi, c’est Stephen…
Lequel
Stephen m’a emmené dans une grande salle sur le côté, jonchée
d’une multitude de tapis et s’est lancé dans de grands discours
sur les « reformers », les « barils » et les
« tables trapèzes ». Je regardais ses lèvres, si
sensuelles, ses mains, ses bras que je ne pouvais pas m’empêcher
d’imaginer se refermer sur moi et j’avais des frissons qui me
couraient tout au long de l’échine.
Ludo,
est revenu. Et lui a sèchement coupé la parole.
– J’avais
pas fini de lui expliquer…
– Moi
non plus j’ai pas fini…
Et
il a continué.
Mais
l’autre ne s’est pas avoué vaincu pour autant.
– Tu
permets ?
Il
m’a prise par le coude et a voulu me ramener dans la première
salle.
Stephen
l’en a empêché. En me retenant par l’autre coude.
Ils
se sont mesurés du regard. Et j’ai vraiment cru qu’ils allaient
se battre. Pour moi.
L’arrivée
d’un troisième larron, vraisemblablement leur chef, a aussitôt
mis fin à l’affrontement. Ils m’ont lâché.
Il
m’a souri.
– Intéressée
par le Pilates, Mademoiselle ? Ils vous ont un peu expliqué ?
Oui ? Je ne voudrais pas avoir l’air de vous forcer la main,
mais c’est une méthode d’une grande efficacité, vous savez.
Aussi bien pour le corps que pour l’esprit.
– Je
suis tentée, j’avoue !
– Réfléchissez !
Prenez tout votre temps ! Et puis revenez quand vous serez
décidée.
Un
dernier petit coup d’œil sur Ludo et Stephen qui, tout au fond
là-bas, se tournaient ostensiblement le dos.
Je
reviendrai. C’est sûr, je reviendrai.
Je
ferme les yeux et je les retrouve. Ludo. Stephen. Leurs regards sur
moi. Avides. Boursouflés de désir. Stephen. Ludo. Ils me veulent.
L’un comme l’autre. Ils sont prêts à tout pour ça. Je suis la
femelle dans laquelle ils éprouvent l’impérieux besoin de
déverser leur semence. Ils se toisent. Ils se provoquent. Ils vont
se jeter l’un sur l’autre. Ils sont nus. Moi aussi. Qu’ils me
voient. Qu’ils me désirent au point de risquer leur vie pour moi.
Que plus rien d’autre ne compte, pour eux, que cet irrépressible
besoin d’être en moi.
Ils
se ruent l’un sur l’autre avec des hurlements de bêtes fauves.
Ils s’empoignent. Leurs yeux, qu’ils lèvent de temps à autre
vers moi, jettent des éclairs. Le combat va être sans merci. Ils
roulent à terre, l’un sur l’autre, soulevant un nuage de
poussière. C’est Stephen qui a le dessus. Il maintient solidement
son adversaire au sol. Agenouillé sur lui, il le bourre de coups.
Mais, dans un grand sursaut de rage, Ludo parvient à échapper à
son étreinte, prend à son tour le dessus. C’est un combat sans
merci. Et longtemps indécis. Ludo. Stephen. Stephen. Ludo. Le
vainqueur sera à moi.
Stephen
reste à terre. Il ne se relève pas. Il essaie pourtant. Il ne peut
pas. Il n’en a plus la force. Ludo l’abandonne à son sort. Il
vient vers moi. Sa queue est dressée, palpitante. Je lui ouvre les
bras. Je le veux, mon vainqueur. Je lui ouvre les cuisses. Il me
pénètre, dans un grand râle de triomphe. Et va chercher sa
récompense. Son plaisir. Le mien me laisse épuisée au creux de mes
oreillers.
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