samedi 15 décembre 2018

Les fantasmes de Lucie (30)

Franz Von Stuck


Je me suis décidée d’un coup. En montant sur la balance. En en redescendant plutôt. Il fallait que je fasse quelque chose. Il fallait vraiment que je fasse quelque chose. J’ai fouiné un peu sur Internet. Et j’ai arrêté mon choix sur le Pilates. Je savais pas ce que c’était, mais ça avait pas l’air mal. comme truc. Il y en avait un pas très loin de chez moi. En plus. Ça coûtait rien d’aller y faire un tour. Et ça n’engageait à rien.
J’ai foncé. Parce que je me connais. Si je ne prends pas aussitôt le taureau par les cornes, je diffère, je m’invente des prétextes et, au final, c’est un coup d’épée dans l’eau. Donc, toutes affaires cessantes, je me suis précipitée là-bas. Où je suis tombée sur deux types, deux forces de la nature. LE mâle, tel qu’on le rêve toutes. Puissant, sûr de lui, de sa force, de son pouvoir de séduction. Qui te donne envie de te réfugier contre lui et de t’abandonner. Bref…
Il y en a eu un des deux…
– Moi, c’est Ludo…
Qui m’a tout de suite prise en mains pour m’expliquer la philosophie de la méthode. Il m’a parlé d’équilibre postural, de core, d’équilibre des forces. Je n’y comprenais rien. Ou, plutôt, je n’écoutais rien. J’étais fascinée par ses yeux, d’un bleu improbable, par ses muscles qui saillaient sous son tee-shirt, par sa voix, grave et veloutée.
L’autre, derrière, s’impatientait. Il a profité de ce que le portable de son collègue a sonné, de ce qu’il s’est éloigné pour prendre l’appel.
– Et moi, c’est Stephen…
Lequel Stephen m’a emmené dans une grande salle sur le côté, jonchée d’une multitude de tapis et s’est lancé dans de grands discours sur les « reformers », les « barils » et les « tables trapèzes ». Je regardais ses lèvres, si sensuelles, ses mains, ses bras que je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer se refermer sur moi et j’avais des frissons qui me couraient tout au long de l’échine.

Ludo, est revenu. Et lui a sèchement coupé la parole.
– J’avais pas fini de lui expliquer…
– Moi non plus j’ai pas fini…
Et il a continué.
Mais l’autre ne s’est pas avoué vaincu pour autant.
– Tu permets ?
Il m’a prise par le coude et a voulu me ramener dans la première salle.
Stephen l’en a empêché. En me retenant par l’autre coude.
Ils se sont mesurés du regard. Et j’ai vraiment cru qu’ils allaient se battre. Pour moi.
L’arrivée d’un troisième larron, vraisemblablement leur chef, a aussitôt mis fin à l’affrontement. Ils m’ont lâché.
Il m’a souri.
– Intéressée par le Pilates, Mademoiselle ? Ils vous ont un peu expliqué ? Oui ? Je ne voudrais pas avoir l’air de vous forcer la main, mais c’est une méthode d’une grande efficacité, vous savez. Aussi bien pour le corps que pour l’esprit.
– Je suis tentée, j’avoue !
– Réfléchissez ! Prenez tout votre temps ! Et puis revenez quand vous serez décidée.
Un dernier petit coup d’œil sur Ludo et Stephen qui, tout au fond là-bas, se tournaient ostensiblement le dos.
Je reviendrai. C’est sûr, je reviendrai.

Je ferme les yeux et je les retrouve. Ludo. Stephen. Leurs regards sur moi. Avides. Boursouflés de désir. Stephen. Ludo. Ils me veulent. L’un comme l’autre. Ils sont prêts à tout pour ça. Je suis la femelle dans laquelle ils éprouvent l’impérieux besoin de déverser leur semence. Ils se toisent. Ils se provoquent. Ils vont se jeter l’un sur l’autre. Ils sont nus. Moi aussi. Qu’ils me voient. Qu’ils me désirent au point de risquer leur vie pour moi. Que plus rien d’autre ne compte, pour eux, que cet irrépressible besoin d’être en moi.
Ils se ruent l’un sur l’autre avec des hurlements de bêtes fauves. Ils s’empoignent. Leurs yeux, qu’ils lèvent de temps à autre vers moi, jettent des éclairs. Le combat va être sans merci. Ils roulent à terre, l’un sur l’autre, soulevant un nuage de poussière. C’est Stephen qui a le dessus. Il maintient solidement son adversaire au sol. Agenouillé sur lui, il le bourre de coups. Mais, dans un grand sursaut de rage, Ludo parvient à échapper à son étreinte, prend à son tour le dessus. C’est un combat sans merci. Et longtemps indécis. Ludo. Stephen. Stephen. Ludo. Le vainqueur sera à moi.

Stephen reste à terre. Il ne se relève pas. Il essaie pourtant. Il ne peut pas. Il n’en a plus la force. Ludo l’abandonne à son sort. Il vient vers moi. Sa queue est dressée, palpitante. Je lui ouvre les bras. Je le veux, mon vainqueur. Je lui ouvre les cuisses. Il me pénètre, dans un grand râle de triomphe. Et va chercher sa récompense. Son plaisir. Le mien me laisse épuisée au creux de mes oreillers.

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