lundi 24 juin 2019

Au lit



Tableau de Jacques Wely

Dans mon demi-sommeil, je l’entends. Je l’entends de l’autre côté de la cloison. Notre voisin. Le petit étudiant. Beau comme un cœur. Et rougissant comme une adolescente. Je l’entends. Il s’est douché. La cafetière a crachoté. Le micro-ondes a vrombi. Maintenant il est sagement assis à son bureau. Il a mis la musique en sourdine. Pour ne pas me réveiller. Il ne faut surtout pas qu’il me réveille. Il ne faut surtout pas que je me lève. Parce que si, à dix heures tapantes, quand Christophe va rentrer, je ne suis pas levée, je vais me prendre une fessée. Il le sait. Carabinée. Une fessée dont il va pouvoir suivre tout à loisir les péripéties, le cœur battant, l’oreille collée à la paroi.

Plus que dix minutes. Il doit prier tous les saints du paradis. Pourvu qu’elle ne se lève pas. Pourvu… Pourvu… Je le fais quelquefois. Je m’extirpe des couvertures. Au dernier moment. En riant sous cape. Comme il doit être déçu !
Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui j’ai décidé d’être gentille. Bonne fille. Je vais attendre, bien calée dans mes oreillers, le retour de Christophe. Et ma fessée. Je tousse. Je me retourne dans mon lit. Qu’il entende le sommier grincer. Qu’il se rassure : Non. Non. Elle n’est pas levée.

La porte. Et Christophe.
Un petit coup d’œil dans la direction de la cloison.
Il a compris. Et il explose.
– Non, mais c’est pas vrai ! C’est pas vrai que t’es encore au pieu !
– Je me lève, Christophe. Je me lève.
– Il est bien temps ! Tu devais pas aller chercher du travail ?
– Si ! Mais j’y vais ! J’y vais !
– J’espère bien, mais d’abord…
– Non ! Non ! Pas la fessée ! Ah, non, hein !
– Ah, si ! Et comment ! Parce que j’en ai assez, figure-toi ! Assez de faire les postes, de me crever la nuit au boulot alors que toi, tu te prélasses toute la sainte journée au lit.
Et il m’empoigne. Me force à me tourner sur le ventre.
J’entre pleinement dans mon rôle. Je me débats. Je vocifère. Je proteste. Je supplie. Je menace.
Lui aussi, il est dans le sien. Il relève ma chemise de nuit.
– Non, Christophe, non !
Il me découvre les fesses. Et il tape. Ça tombe dru. Bien claquant. Bien sonore. Sûr que l’autre à côté il doit entendre.. Et se régaler. Il a beau avoir une belle petite gueule d’ange à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession, pas besoin de t’en faire qu’il est quand même comme les autres. Qu’elle doit être dressée toute droite sa queue. Qu’il doit s’acharner dessus comme un perdu. Et qu’il va jouir. Pour moi. Grâce à moi.
Je piaule de plus belle. Je m’époumone tant que je peux.
– Ça fait mal ! Oh, que ça fait mal !
Et tellement de bien. C’est tout trempé entre mes cuisses.

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