J’y jetais un coup d’œil, mais alors juste un coup d’œil,
comme ça, vite fait, sur Internet. Un truc qu’un type avait mis au
point pour gagner au Keno. À coup sûr. Sur le long terme, à ce
qu’il disait, on rentrait largement dans ses frais. Et même, dans
l’immense majorité des cas, on dégageait un coquet petit
bénéfice. Pourquoi pas ? À voir. Je pouvais toujours tester.
À blanc, bien sûr. Sans engager le moindre centime. Pour me faire
une idée.
Une
main s’est posée sur mon épaule. Celle de Julien. Que je n’avais
pas entendu arriver.
– Tu
fais quoi, là ?
J’ai
précipitamment rabattu le capot de mon ordinateur.
– Rien.
– T’as
la conscience tranquille, on dirait.
– Mais
non, Julien. Non, je t’assure. Je regardais juste. Comme ça.
Simple curiosité.
– Toi,
tu finirais par y repiquer…
– Sûrement
pas. Alors là, il n’en est pas question.
– Mouais…
– Si,
c’est vrai, hein ! Il faut que tu me croies, Julien. Tu me
crois ?
– Il
a quel âge, le Valentin d’Océane ?
– Au
juste, je sais pas. Dans les vingt-cinq. Par là. Pourquoi ?
– Et
le Clément de Bérengère ?
– Je
l’ai jamais vu. Mais à peu près pareil. Sûrement. Mais pourquoi
tu me demandes tout ça ?
– Parce
que je te connais et que je sais que la perspective d’être, à ton
âge, fessée devant deux gamins n’a rien, pour toi, de
particulièrement séduisant, c’est le moins qu’on puisse dire,
et qu’il me paraît souhaitable de procéder, par précaution, à
une petite piqûre de rappel.
– Je
t’assure, Julien, que…
– Dans
ton cas, et je préfère être très clair dès à présent
là-dessus, si tu devais rechuter, il n’y aurait pas de passage par
la case « Fessée devant les copines. » On irait
directement à la case « Fessée devant les messieurs des
copines. » Alors à bon entendeur…
– Tu
n’as pas le moindre souci à te faire.
– J’espère.
Parce que reconnais que j’ai été patient. Et de bonne
composition. Beaucoup plus que de raison. Par ta faute, on est
condamnés à vivre au ralenti. Sans pouvoir s’offrir quelque
plaisir que ce soit. On ne part jamais en vacances. On ne peut pas.
J’ai vendu ma moto. On roule dans une voiture qui affiche plus de
deux cent mille kilomètres au compteur. Et on n’a pas les moyens
de s’en payer une autre.
– Je
sais tout ça, Julien, je sais tout ça. Je m’en veux assez.
– Alors
si tu devais en rajouter une couche…
– Je
ne le ferai pas. Il est hors de question que je le fasse.
– En
es-tu si sûre ?
– Absolument !
– Tu
es tout de même tentée. Tout-à-l’heure, à l’ordi…
– C’était
juste… Je t’ai dit… N’importe comment, tu as visé en plein
dans le mille, tu sais. Parce que, franchement, une fessée devant
Valentin et les deux autres, là, comment ce serait humiliant. Je
n’ai pas du tout la moindre intention de m’exposer à ça.
D’ailleurs…
– D’ailleurs ?
– Tu
veux être sûr, absolument certain, que je ne recéderai pas à la
tentation ?
– Et
comment !
– Eh
bien, si jamais je le fais, si jamais je recommence, t’en parleras
à Cynthia et Kevin.
– Cynthia
et Kevin ? Nos amis ?
– Évidemment,
eux. Qui tu veux d’autre ? Tu leur diras que tu es obligé de
me fesser et tu leur diras pourquoi. Et alors là, je peux te dire
que c’est, pour moi, une perspective totalement dissuasive. Tu le
feras ?
– Je
le ferai.
– Et,
du coup, tu n’auras pas à le faire. Qu’ils sachent, eux, mais
j’en mourrais de honte !
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