Océane me mitraillait de questions.
– Et
Bérengère ? Comment elle a réagi, Bérengère ? Ah,
oui ? Elle avait mal pour moi, quoi, en somme ! Et Émilie ?
Oui, oh, elle en pensait pas moins. Elle sait très bien ne rien
laisser transpraître de ce qu’elle ressent quand elle veut,
Émilie. Et vous, Lucile ? Et vous ? Comment vous l’avez
vécu, tout ça ?
– Ça
fait dix mille fois que tu me le demandes.
– C’est
pour savoir… Parce que j’ai eu honte, oui, bien sûr que j’ai
eu honte, mais pas tant que ça, finalement. Je m’attendais à
pire. À bien pire. Et j’ai peur, du coup.
– Peur ?
Et de quoi donc ?
– Je
suis plus sûre du tout que ça va m’empêcher de replonger. Et là,
si je recommence, il y a toutes les chances que, cette fois,
Valentin, il baisse les bras. Qu’il considère que je suis
définitivement irrécupérable. Je l’entends d’ici : « Si
même devant tes copines, ça a pas réussi à te vacciner, il y a
plus rien à faire. C’est pas la peine d’insister. » Et il
va me larguer.
– Si
t’en es si sûre que ça…
– À
quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
– Eh
ben alors ! Fais ce qu’il faut pour que ça n’arrive pas.
– Oui,
mais je me connais. Je vais tenir le coup un mois. Deux. Peut-être
trois. Et puis ce sera plus fort que moi. Il y aura une tentation. À
laquelle je finirai par céder, la peur au ventre. En me disant
qu’avec un peu de chance il se rendra compte de rien. Et, à
supposer que tout se soit bien passé, je recommencerai. De plus en
plus souvent. En prenant de moins en moins de précautions. Jusqu’au
jour où, forcément… Et là !
Elle
a voulu qu’on passe voir Émilie.
– Elle
est toujours de bon conseil, Émilie. Et c’est son jour de congé
au bar. Elle doit être chez elle, à bosser ses cours.
Effectivement,
elle y était. En plein travail sur son ordi.
– Et
j’ai pas intérêt à m’écarter. Parce que, ce soir, il va tout
passer au crible. Et il a l’œil. Alors, si je glande, pas besoin
de vous faire un dessin…
Cela
étant, elle pouvait quand même nous consacrer une petite
demi-heure.
– C’est
pas un bourreau non plus. Il sait faire la part des choses.
Et
Océane a vidé son sac.
– Mouais…
Si tu pars déjà du principe que tu tiendras pas le coup, tu le
tiendras pas, c’est obligé, ça ! Maintenant, d’un autre
côté, si tu le tiens pas, c’est pas la catastrophe non plus. Il y
a toujours des issues de secours.
– Je
vois vraiment pas lesquelles.
– Joue
franc jeu ! Anticipe ! Dis-lui qu’elle t’a profondément
mortifiée cette fessée que t’as reçue devant nous, d’autant
plus mortifiée qu’elle était largement méritée. Alors sûrement
qu’après une leçon pareille, elle allait t’être complètement
passée l’envie de boire, mais que si, d’aventure, on savait
jamais, elle te reprenait, alors là… Alors là… « Tu me
jures que tu laisseras pas passer, hein, Valentin ? Que tu feras
ce qu’il faut pour m’empêcher, que tu mettras la barre plus
haut. »
– La
barre plus haut ? C’est-à-dire ?
– Une
correction non plus devant nous, cette fois, mais devant nos trois
fesseurs réunis pour l’occasion.
– Hou
là là !
– L’avantage
pour toi, s’il accepte, c’est que tu retardes les échéances,
c’est que tu introduis une nouvelle étape avant une éventuelle
rupture.
– Il
voudra peut-être pas.
– Si !
À condition que tu la joues fine et que t’arrives à le persuader
qu’en réalité l’idée vient de lui…
– Oui,
mais recevoir une fessée comme ça devant trois types !
– Ça
vaut quand même mieux que d’être larguée, non ?
– Ah,
ça, oui !
– Et
tant mieux si cette perspective t’effraie. Elle sera dissuasive.
C’est bien le but recherché au final, non ?
– Si !
– Eh
ben alors !
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