jeudi 20 juin 2019

Fessées punitives (8)


Océane me mitraillait de questions.
– Et Bérengère ? Comment elle a réagi, Bérengère ? Ah, oui ? Elle avait mal pour moi, quoi, en somme ! Et Émilie ? Oui, oh, elle en pensait pas moins. Elle sait très bien ne rien laisser transpraître de ce qu’elle ressent quand elle veut, Émilie. Et vous, Lucile ? Et vous ? Comment vous l’avez vécu, tout ça ?
– Ça fait dix mille fois que tu me le demandes.
– C’est pour savoir… Parce que j’ai eu honte, oui, bien sûr que j’ai eu honte, mais pas tant que ça, finalement. Je m’attendais à pire. À bien pire. Et j’ai peur, du coup.
– Peur ? Et de quoi donc ?
– Je suis plus sûre du tout que ça va m’empêcher de replonger. Et là, si je recommence, il y a toutes les chances que, cette fois, Valentin, il baisse les bras. Qu’il considère que je suis définitivement irrécupérable. Je l’entends d’ici : « Si même devant tes copines, ça a pas réussi à te vacciner, il y a plus rien à faire. C’est pas la peine d’insister. » Et il va me larguer.
– Si t’en es si sûre que ça…
– À quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
– Eh ben alors ! Fais ce qu’il faut pour que ça n’arrive pas.
– Oui, mais je me connais. Je vais tenir le coup un mois. Deux. Peut-être trois. Et puis ce sera plus fort que moi. Il y aura une tentation. À laquelle je finirai par céder, la peur au ventre. En me disant qu’avec un peu de chance il se rendra compte de rien. Et, à supposer que tout se soit bien passé, je recommencerai. De plus en plus souvent. En prenant de moins en moins de précautions. Jusqu’au jour où, forcément… Et là !

Elle a voulu qu’on passe voir Émilie.
– Elle est toujours de bon conseil, Émilie. Et c’est son jour de congé au bar. Elle doit être chez elle, à bosser ses cours.
Effectivement, elle y était. En plein travail sur son ordi.
– Et j’ai pas intérêt à m’écarter. Parce que, ce soir, il va tout passer au crible. Et il a l’œil. Alors, si je glande, pas besoin de vous faire un dessin…
Cela étant, elle pouvait quand même nous consacrer une petite demi-heure.
– C’est pas un bourreau non plus. Il sait faire la part des choses.
Et Océane a vidé son sac.
– Mouais… Si tu pars déjà du principe que tu tiendras pas le coup, tu le tiendras pas, c’est obligé, ça ! Maintenant, d’un autre côté, si tu le tiens pas, c’est pas la catastrophe non plus. Il y a toujours des issues de secours.
– Je vois vraiment pas lesquelles.
– Joue franc jeu ! Anticipe ! Dis-lui qu’elle t’a profondément mortifiée cette fessée que t’as reçue devant nous, d’autant plus mortifiée qu’elle était largement méritée. Alors sûrement qu’après une leçon pareille, elle allait t’être complètement passée l’envie de boire, mais que si, d’aventure, on savait jamais, elle te reprenait, alors là… Alors là… « Tu me jures que tu laisseras pas passer, hein, Valentin ? Que tu feras ce qu’il faut pour m’empêcher, que tu mettras la barre plus haut. »
– La barre plus haut ? C’est-à-dire ?
– Une correction non plus devant nous, cette fois, mais devant nos trois fesseurs réunis pour l’occasion.
– Hou là là !
– L’avantage pour toi, s’il accepte, c’est que tu retardes les échéances, c’est que tu introduis une nouvelle étape avant une éventuelle rupture.
– Il voudra peut-être pas.
– Si ! À condition que tu la joues fine et que t’arrives à le persuader qu’en réalité l’idée vient de lui…
– Oui, mais recevoir une fessée comme ça devant trois types !
– Ça vaut quand même mieux que d’être larguée, non ?
– Ah, ça, oui !
– Et tant mieux si cette perspective t’effraie. Elle sera dissuasive. C’est bien le but recherché au final, non ?
– Si !
– Eh ben alors !

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