– Comment
vous m’avez saboté ce dossier, Lucie ! Vous mériteriez que
je vous flanque une bonne fessée, tiens ! Cul nu. Et devant
tout le monde.
Elle
l’a dit. Elle l’a VRAIMENT dit. Séverine. Ma chef. On était
toutes les deux, toutes seules, à la machine à café. Et elle l’a
dit. Avec un semi-sourire, mais elle l’a dit. Sur le ton de la
plaisanterie, bien sûr, mais plaisante-t-on jamais complètement au
hasard ?
J’y
pense. J’y repense. J’arrête pas d’y repenser. Son ton. Et
puis cet éclair métallique, dans ses yeux, quand elle l’a dit. Je
suis sûre. Je suis sûre que, le soir, dans le secret de sa chambre
à coucher, elle me convoque dans son bureau. Elle arbore cet air
sévère qui te fait baisser les yeux et te sentir coupable.
Irrémédiablement et immensément coupable.
– Fermez
la porte !
J’obéis.
Elle
me laisse un long moment debout, à danser d’un pied sur l’autre.
Elle consulte son ordinateur. Elle m’ignore superbement. Et puis
elle semble, d’un coup, découvrir ma présence.
– Ah,
oui, Lucie !
Elle
plisse les lèvres, lève les yeux au ciel.
– Lucie…
Ah, vous n’êtes pas vraiment un cadeau, vous, hein !
Soupire.
– Si
seulement vous consentiez à faire preuve d’un minimum de bonne
volonté.
Je
ne réponds pas. Je baisse les yeux.
– Mais
non ! Apparemment, c’est beaucoup trop vous demander. Et j’en
ai assez, figurez-vous, de devoir être sans arrêt derrière vous. À
rectifier vos erreurs. À essayer d’obtenir que vous preniez enfin
votre travail à cœur. Alors, puisque vous ne voulez pas comprendre,
puisque vous nous y obligez, eh bien on va utiliser les grands
moyens. Venez ! Elle me soulève ma robe, me la fait remonter le
long du dos. Elle me descend ma culotte qui me tombe sur les
chevilles. Et elle tape. Elle cingle. Méthodiquement.
Consciencieusement. À grands coups réguliers.
Derrière,
il y a des présences. Des voix. Celles des filles. De mes collègues.
D’autres encore, qui me sont inconnues. Il y a aussi un homme.
Peut-être deux. Des rires. Et des commentaires. Des commentaires à
foison.
– Elle
prend cher.
– Moi,
je la plains pas. Ça lui rabaisse un peu son caquet.
– Faut
dire qu’à force de la ramener, comme elle fait.
– Ce
qu’il y a de sûr, c’est qu’elle va pas pouvoir s’asseoir
d’un moment.
– En
tout cas, qu’est-ce que ça lui met rouge !
Leurs
voix s’estompent. Leurs rires se voilent. Tout ne me parvient plus
que de très loin. Les coups se ouatent. La douleur se fait délices.
Je me tends vers elle. Je lui offre voluptueusement mes fesses. Je
perds pied.
Elle
me rejoint à la machine à café, me pose amicalement la main sur le
bras.
– Ça
va ce matin ?
– Oh,
oui, vous aussi ?
– Très
bien, merci.
On
se sourit. Décidément, je suis sûre. Certaine. Et je me lance…
– Hier
soir…
– Oui ?
– Non.
Rien.
Mais
on s’est comprises. Je sais qu’on s’est comprises et qu’un
jour sûrement… Pour de bon.
La prochaine fois elle y a droit.
RépondreSupprimerOui, mais quand? Tant et tant de fantasmes assaillent Lucie…
RépondreSupprimer