lundi 11 juin 2018

Au puits

Guillaume Seignac. By the Well

– Ah, vous êtes là ! Vous auriez vu ça, mes commères ! Non, mais vous auriez vu ça !
– Et quoi donc, mon bon Célestin ? Que tu m’en as l’air tout retourné.
– Non. Oui. C’est-à-dire que j’étais au lavoir…
– Et qu’est-ce tu pouvais bien fabriquer au lavoir ?
– Quand on a vu arriver tranquillement la Goton avec son panier de linge.
– Elle a osé ! C’est pas vrai qu’elle a osé !
– Eh, si ! Comme si de rien n’était. Elle s’est installée, agenouillée, et elle s’est mise derechef à battre furieusement ses frusques. Alors la Guillemette : « Vous voyez à quoi ça ressemble une femme de cocu ? » Et elle : C’est pas à toi que ça risque d’arriver. Ou bien alors faudrait t’enfouir la tête sous une botte de paille. » « Oui, mais moi, au moins, tout le pays me passe pas dessus. » Et les autres de renchérir. « Il peut pas y avoir un homme à l’horizon sans qu’elle se jette à sa tête. » « Et quand on dit la tête… » « Ah, ça, pour avoir le feu au cul, elle a le feu au cul ! » « On pourrait peut-être le lui refroidir ? » Et Guillemette l’a poussée dans le bac, d’une grande bourrade dans le dos. Elle s’y est étalée de tout son long. Et tout le monde a éclaté de rire à la voir suffoquer, cracher et essayer d’escalader le rebord pour en sortir. Sauf qu’avec ses vêtements trempés, elle y arrivait pas. Quatre fois, cinq fois elle est retombée dedans. Et à chaque fois, autour, ça rigolait. De plus en plus fort. Même que personne l’aide, elle a quand même réussi à force et, à peine dehors, toute dégoulinante, elle s’est mise à hurler qu’elle se vengerait, que leurs maris, elle les aurait. Tous. Les uns après les autres. Même ceux de celles qu’en avait pas encore. Et Guillemette : « Ah, ouais, tu crois ça ? » Les autres aussi : « Ben, essaie pour voir ! » « Je vais pas essayer, non, je vais réussir. » « On lui en fait passer l’envie ? » Et elles sont tombées à quatre ou cinq dessus comme des furies. « Une bonne fessée, ça va te remettre les idées en place, tu vas voir » Elles l’ont troussée. Elle, elle s’est mise à hurler comme cochon qu’on égorge. « Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi enfin ! » Elles n’en avaient pas du tout l’intention. Au contraire. Elles l’ont complètement dépiautée. Toute nue. Comme au premier jour.
– Et toi, bien sûr, tu t’es copieusement rincé l’œil.
– Moi ? Oh, non, non. Je regardais un loriot qui chantait en haut d’un chêne.
– Tu nous en diras tant !
– N’empêche que des fesses comme ça ! Toutes blanches. Bien en chair. Elles peuvent que te donner envie. Surtout que son petit réduit d’amour…
– Oui, bon, ben ça va !
– Il bâillait tout grand, vu comment elle s’agitait tant et plus dans tous les sens. Tous les replis rosés on lui voyait, bien comme il faut, parce qu’elle en a pas beaucoup du poil et qu’il est tout fin.
– Oui, bon, ben ça va, on te dit !
– Pour finir, elle a eu beau gigoter tout ce qu’elle savait, elles ont quand même réussi à la tourner sur le ventre. Il y en a deux qui lui ont tenu les jambes, deux qui lui ont tenu les bras – qu’elle puisse plus bouger – et deux qui se sont mis à lui tambouriner le joufflu, une fesse chacune. « Et là, maintenant, tu vas encore courir après les hommes qui sont pas à toi ? » Elle a dit que oui. Que personne l’empêcherait. « Ah, tu le prends comme ça ! » Et elles ont attrapé deux battoirs à linge. Elles les lui ont abattus de toutes leurs forces sur le cul. Et alors là comment elle a braillé. Mais, par contre, après, elle a plus eu envie du tout de tourner autour des maris des autres. Elle a promis. Elle a juré. Tout ce qu’elles ont voulu. Alors elles l’ont laissée ! Et elle est partie. À toute allure. Sans se rhabiller. En serrant ses frusques trempées contre sa poitrine. Ce qui laissait voir ses fesses du coup. Elle les avait rouges, mais rouges !
– Tu parles qu’elle devait les avoir rouges !
– En tout cas, moi, je la plains pas. Elle l’a pas volée, cette fessée.
– Peut-être que ça lui servira de leçon !
– Oui, oh, alors là ! Elle, ça la tient ! Dans trois jours elle y aura remis le nez.
– Au risque de s’en reprendre une autre.
– Oh, oui ! Oh, oui !
– Bon, Célestin, faudrait pas que t’ailles t’occuper de tes bêtes, là ?

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